« Le vrai coup de stress », c’est Parcoursup, plus le bac

La session du bac 2019 lundi. Mais la vraie escale de défi, pour les élèves de terminale, est dorénavant le sort fait à leurs vœux pour la suite de leurs études.

Les ajustements de l’après-bac sont-ils en train de dissimuler le bac ? La question peut paraitre pénible, à deux jours de l’ouverture de la session 2019 de l’examen de fin de lycée. Elle s’inflige malgré cela, à entendre ceux qui sont pris entre ces deux étapes.

Mercedes, 19 ans, en terminale littéraire, en nomment. Le « vrai coup de stress », elle l’a éprouvé il y a tout juste un mois, à l’annonce des premiers résultats sur Parcoursup, la plate-forme d’accès dans l’enseignement supérieur. Son acceptation en droit, à l’université parisienne d’Assas, a « soulagé » la lycéenne de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). « Depuis, le bac n’est pas une obsession. »

Yann, lycéen marseillais, communique lui également avoir « moins d’intérêt pour le bac », mais pour une tout autre raison. Ce que le jeune homme en terminale technologique veut « à tout prix », c’est un DUT. Depuis le 15 mai, il s’est amélioré dans la liste d’attente de la 60e place à la 29e. Mais ces derniers jours, son emplacement stagne et son angoisse se concentre là-dessus. « Evidemment, je ne suis pas très motivé pour le bac », s’agace ce jeune homme de 17 ans. Pour libérer l’esprit des candidats, il a été déterminé de mettre à l’arrêt la machine Parcoursup durant une semaine, jusqu’à la fin des épreuves écrites.

Le jugement des formations

« Parcoursup, pour moi, c’est vraiment le plus important, déclare aussi Sandy, élève en Seine-Saint-Denis, qui a obtenu sa place en licence d’administration économique et sociale. Cela détermine ce que tu vas faire de ta vie. »

Chez Mercedes comme chez Yann ou Sandy, l’identique constat : le mois qui vient de circuler représente le moment d’évaluation le plus pénible de leur scolarité. Quatre semaines durant lesquelles ils se sont testés face au verdict des formations : « admis », « en liste d’attente », « refusé ».

« Suis-je assez autonome pour réussir à l’université ? Est-ce que je ne préférerais pas le cadre d’une prépa ? », se demande Mercedes, qui retient, en plus de la fac, ses vœux en attente en classes antérieurs. « Pourquoi, avec 13/20 de moyenne générale, n’ai-je pas obtenu la formation de mes rêves quand un camarade avec des moins bonnes notes l’a décrochée ? », se demande Yann.

« Pourquoi ne suis-je pris nulle part ? » : cette question retentit chez certains lycéens. Ils étaient, à la veille du bac, environ 15 % des 640 000 lycéens notés sur la plate-forme à n’avoir reçu aucune réponse adaptée. Soit près de 100 000 jeunes, refusés partout ou sur liste d’attente. Ce chiffre ne prend en compte que les élèves de terminale, pas les étudiants en réorientation ou les candidats en reprise d’études.

Cibles de leur réussite sur Parcoursup, les écoles d’infirmiers doivent administrer la forte demande d’adhésion.

Les établissements vivaient pour la première fois inclus dans la plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur. Plus de 100 000 postulants doivent se répartir 31 000 places.

C’est l’ébahissement de l’année, sur Parcoursup. Alors que nombreux établissements hospitaliers se déplorent, en ce moment, d’avoir des complications à embaucher des infirmiers, en raison des conditions de travail et des rétributions insuffisantes, les écoles qui forment ces professionnels sont prises d’assaut sur la plate-forme d’accès dans l’enseignement supérieur. Un enthousiasme qui contredit ceux qui s’inquiètent d’un désamour généralisé pour ce métier éprouvant.

Avec 1,5 million de vœux et de sous-vœux (soit 21,7 % du total), les institutions de formation en soins infirmiers (IFSI), pour la première fois conquis cette année au régime de Parcoursup, y font une entrée tonitruante. Ils constituent la filière la plus sollicitée, devant le droit et la première année commune des études de santé (Paces).

On compte ainsi plus de 100 000 postulants infirmiers parmi les quelque 900 000 candidats inscrits sur la plate-forme. Ils devront se distribuer, au terme du processus de sélection, 31 000 places réparties dans 326 instituts. Cet engouement n’est pas sans conséquence. Les listes d’attente sont longues, très longues. « Il y a eu beaucoup de panique et de stress », déclare Bilal Latrèche, le président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi).

Après un long délai, Lucille Dias a été définitivement admise dans les écoles de l’académie de Toulouse. Toutefois, elle n’y croyait pas. Le jour des résultats, le 15 mai, aucun de ses vœux n’avait été confirmé. Elle était partout sur liste d’attente. « J’étais effondrée. C’était une vraie claque », raconte la jeune femme de 19 ans, qui travaille depuis plusieurs mois en tant qu’aide-soignante.

Pétition

Sur les réseaux sociaux, plusieurs candidats aux IFSI se sont émus de ces listes d’attente à rallonge. En particulier ceux issus des prépas, pensant que ce serait un sésame suffisant. « Ma fille est sur liste d’attente partout, alors qu’elle a suivi une préparation à la formation d’infirmière », s’agace Céline Mattielli, détrompée. Près de 3 000 euros déboursés pour n’être finalement prise nulle part, la pilule ne passe pas.

Un groupe d’étudiants a même lancé une demande adressée au ministère de l’éducation nationale. Elle réunit plus de 11 000 signatures. Ces mécontents interpellent l’engagement pris par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, d’améliorer les prépas dans l’examen des dossiers. « Valorisées mais pas données prioritaires », retient Sylvie Thiais, conseillère pédagogique régionale de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. Le ministère garantit de son côté que les élèves en prépa ont reçu plusieurs réponses favorables que les autres candidats.

 

L’Etat libère 70 millions d’euros suite à la Grève des urgences

 

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, lors du lancement de la « mission nationale de refondation » des urgences, à Paris, le 14 juin. MARTIN BUREAU / AFP

Une grande partie de ce montant sera dédié à une générosité de risque répandue « à tous les professionnels des services d’urgence », hors médecins. Ces instruis ont laissé les personnels concernés mitigés.Après les mots d’indulgence, le carnet de chèques. Huit jours après avoir ouvert la « détresse » des soignants œuvrant dans les services d’accueil des urgences (SAU), Agnès Buzyn a éclairé, vendredi 14 juin, à l’occasion de la proclamation officiel de la « mission nationale de refondation » des urgences, qu’elle débloquait 70 millions d’euros pour financer des « premières mesures de soutien » en faveur de ces personnels.

Objectif pour la ministre de la santé, qui précisait des dispositions déjà ébauchées le 6 juin : stopper avant l’été – une période habituellement critique dans ces services – un mouvement de grève qui s’étend de jour en jour. Plus de cent sites sont désormais concernés.

Pour reconnaître « les efforts et les risques de chacun », Agnès Buzyn a déclaré que les 30 000 personnels paramédicaux des SAU profiteraient, dès juillet, d’une « prime forfaitaire de risque » réévaluée à 118 euros brut, soit 100 euros net par mois, une gratification déjà affectée en partie ou en totalité par certains agents. Elle a aussi précisé que les professionnels qui s’engageraient dans un protocole de coopération, en réalisant de nouvelles tâches, saisiraient une « prime de coopération » de 100 euros brut.

Autre engagement chiffrée : 15 millions d’euros de crédits exceptionnels vont être octroyés aux hôpitaux les plus en « tension », afin qu’ils renforcent leurs effectifs pendant l’été.

« On est loin du compte »

Ces instruis sont accueillies récemment par la Collective inter-urgence, la structure envoyé les personnels en grève et qui doit retenir en assemblée générale d’ici à mardi de la recherche ou non du mouvement. « Il est à parier d’ores et déjà qu’aucune des revendications soulevées ne trouve satisfaction dans la communication du gouvernement », a fait valoir le collectif dans un communiqué publié vendredi après-midi. Dans ce texte, les grévistes, qui demandent une augmentation de salaire de 300 euros net, regrettent surtout les nombreuses « incertitudes » liées à la prime de coopération, qui ne profitera pas aux aides-soignants.

Christophe Prudhomme, envoyé de la CGT et porte-parole de l’Association des spécialistes urgentistes, reconnaît « un premier effort » de la part de la ministre, mais assure qu’« on est loin du compte ». Selon lui, les 15 millions d’euros d’urgence ne montrent par exemple qu’un demi-agent additionnel par SAU. « Le gouvernement court après le mouvement, mais il arrive trop tard. La grève est enkystée, et la colère gagne les médecins », assure-t-il, appréciant par ailleurs qu’il « faudra qu’il lâche beaucoup plus s’il veut que le mouvement cesse ».

A l’Assistance-publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui symbolise 10 % de l’hôpital public en France et d’où le mouvement est parti en mars, la direction, qui avait déjà offert de généraliser le taux maximum de l’« indemnité pour travaux dangereux », soit une prime mensuelle de 65 euros net, a fait de nouvelles propositions en termes d’effectifs.

Embolie des services

Jeudi, durant un rassemblement au siège, il a été présenté d’attribuer 109 emplois supplémentaires aux dix-sept SAU adultes du groupe hospitalier. Si la question des huit services d’urgences pédiatriques ne sera fréquentée que le 21 juin, la direction assure déjà qu’au moins trente-cinq emplois additionnels seront proposés. Soit au total, dès la fin de la grève, 144 postes en plus dans les vingt-cinq SAU de l’AP-HP. « On va avoir une discussion service par service pour ajuster les choses », déclare-t-on au siège, où l’on rappelle l’engagement pour les années à venir d’accroître le nombre de personnels proportionnellement à l’activité.

« On salue l’effort, mais ça reste insuffisant », déclare Hugo Huon, infirmier aux urgences de Lariboisière et membre de la Collective inter-urgence, en opposant à ces propositions la requête des grévistes de 265 embauches pour les seuls services adultes.

Après que certains équipes paramédicales (Lariboisière et Saint-Antoine, à Paris ; hôpital Saint-André, à Bordeaux) ont en partie conquis des arrêts de travail de façon simultanée ces derniers jours, le collectif propose aussitôt de « comptabiliser quotidiennement le nombre de patients hospitalisés stagnant sur des brancards et les décès indus ». Une méthode extraordinaire utilisée en 2018 par le syndicat de médecins SAMU-Urgences de France pour médiatiser l’embolie des services.

Agnès Buzyn a déclaré qu’elle assemblerait, mardi 18 juin, au ministère, « l’ensemble des professionnels et acteurs concernés », pour se préparer aux fortes tensions que nécessiteraient expérimenté au cours de l’été – cette année encore – les services d’urgences en France.

Des changements industriels au tourment

Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
Le 3 juin à Belfort, dans l’usine General Electric, les salariés du groupe attendent le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. PATRICK HERTZOG / AFP

En dix ans, uniquement 6 % des fabriques clôturés ont été reprises. En cause, surtout, un manque de prévision.

Mille emplois en attendu à General Electric (GE), dont 850 à Belfort, plus de 700 effacés chez le papetier Arjowiggins, 20 % des 1 500 postes alertés chez Bosch à Rodez, qui produit des composants pour les moteurs diesel, près de 300 emplois en hésitant à l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve et 250 sur l’ex-site de Whirlpool, dorénavant nommé WN… La litanie des annonces de fermetures partielles ou totales de sites industriels se continue, souvent du fait d’une chute brutale de leurs marchés respectifs, concluant une perte de trésorerie. Et ce bien que le léger rebond de l’industrie française depuis 2017.

Avant de se dénouer à abandonner ou enfermer un site déficitaire, les grands groupes cherchent habituellement à le varier. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, ne rappelait-il pas le 3 juin en déplacement à Belfort à la réunion des personnels de GE : « Il y a des pistes de diversification prometteuses et porteuses, notamment dans l’aéronautique. » Des voies possibles, certainement, mais ce processus est embarrassé.

« Pour réussir une reconversion et pérenniser un site, il faut avant tout anticiper », déclare Géraud de Montille, chargé de la reviviscence et de la réindustrialisation au sein du cabinet Siaci Saint-Honoré. « A l’usine d’électronique Bosch de Mondeville, nous avons commencé à réfléchir dès 2009. Et il a fallu quatre à cinq ans pour établir un plan de transformation partagée par toutes les parties prenantes. Travailler avec les organisations syndicales le plus en amont possible est une nécessité », ajoute Estelle Schneider, déléguée CFDT de l’usine, dont l’activité est repartie.

Sans garantie de succès

Devant  la chute du marché du diesel, le site Bosch de Rodez s’explore un nouvel avenir depuis deux ans. « Nous voulons nous donner le temps d’établir un plan de diversification, déclare Heiko Carrie, le directeur général du groupe en France. Une équipe de trente à quarante personnes travaille sur le sujet. Sur les trois cents postes menacés, nous en avons déjà sauvegardé une petite partie en identifiant des charges de production à leur confier, et en changeant le site dans les services à l’industrie. Nous avons d’autres pistes en discussion, mais il est trop tôt pour les évoquer. Il faut laisser le temps au temps. »

Réorientations industrielles : le changement à marche forcée de l’usine Bosch à Mondeville,

                            Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron.

Heiko Carrie, directeur de Bosch France (à gauche) et Olivier Pasquesoone, directeur du site Bosch de Rodez, le 26 janvier 2018, à Onet-le-Château dans l’Aveyron. JOSE A. TORRES / AFP

Syndicats et direction œuvrent collectivement pour céder un avenir au site et aux 600 emplois. Un changement « éprouvante » pour les équipes.

« A l’entrée, tout a changé », déclare Heiko Carrie, le patron de Bosch en France, en exposant le nouveau showroom qui reçoit les visiteurs dans l’usine d’électronique du géant allemand à Mondeville, près de Caen. « Autrefois, ce n’était pas nécessaire, puisque l’usine travaillait principalement pour Bosch ou pour un ou deux fondateurs de véhicules, mais désormais nous élargissons notre clientèle et nous devons pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions », déclare Frédéric Boumaza, le directeur de ce site modèle du groupe allemand.

Modèle, car cette usine rejoint de loin. Créée dans les années 1960 pour créer des téléviseurs, elle a ultérieurement fabriqué des autoradios Blaupunkt, des lève-vitres électriques, des calculateurs électroniques pour les moteurs diesel… Mais avec la décentralisation de la production automobile vers l’Europe centrale, le site fait face à un écroulement de ses commandes. A tel point que dans les années 2000, il était pratiquement condamné à fermer, la maison mère cherchant à diminuer la voilure dans les « pays à coût de main-d’œuvre élevé » comme la France.

« Cela n’a jamais été dit, mais c’est ce qui transpirait », se rappelle un syndicaliste. « Il y a dix ans, nous étions face à un mur, celui de la fin des commandes automobiles, déclare Estelle Schneider, choisie CFDT du site. Avec l’ensemble des syndicats et la direction de l’époque, nous avons déclenché un groupe de réflexion pour trouver de nouveaux débouchés. C’était difficile, mais, après coup, ce fut une expérience très riche. Huit ans plus tard, nous sommes d’ailleurs toujours en intersyndicale ! »

Nouveaux marchés et réduction des coûts

Simultanément, ils ont travaillé sur les privilèges du site, découvert de nouveaux marchés et restreint les coûts. Plan de préretraite, réduction du nombre de RTT… le site n’emploie plus que 600 personnes, successeurs et apprentis compris. Deux fois moins qu’en 2006. En échange de ces mesures, la direction s’engage à prémunir l’emploi jusqu’en 2020.

Par ailleurs, avec l’aide financière de la zone automobile de Bosch, une réorganisation globale du site est lancée pour être plus flexible. De nombreux investissements admettent de faire basculer l’usine dans l’« industrie 4.0 » : logistique mécanisée, transport des pièces par véhicules autonomes, bras articulés, robots collaborateurs, imprimantes 3D pour produire des pièces spécifiques, maintenance prédictive, pénétration artificielle pour la gestion du contrôle qualité, exosquelettes pour les opérateurs qui doivent porter des produits lourds, etc.

Comment les libraires s’adaptent à la redondance des livres

Olivier Bonhomme

La profusion de l’offre complique la vie des libraires indépendants, qui sont contraints de faire des choix draconiens, voire militants. Et nuit même aux auteurs connus.

Donner le goût de la lecture, faire découvrir des merveilles en littérature, partager des coups de foudre pour des auteurs, voilà la part la plus séduisante du quotidien des libraires. Vendredi 14 juin, le 5e Pari des libraires sera organisé par l’association Paris Librairies qui, grâce à un site du même nom, lutte contre l’hégémonie d’Amazon en indiquant où trouver un ouvrage disponible dans les stocks de 145 librairies indépendantes de la capitale. L’idée est bien de faire circuler l’acheteur dans son quartier, pas le livre, tout en évitant de sous-payer un livreur. Cette année, le Pari des libraires incite tout un chacun à devenir « libraire d’un jour ». Se mettre dans la peau de ces commerçants si particuliers et si divers.

Une gageure, puisqu’ils sont confrontés à une série croissante de problèmes. Un marché en berne (– 1,9 % en 2017 et une diminution encore en vue en 2018) combiné à une inflation de titres. La production pléthorique enfle chaque année. Elle a atteint 106 799 titres en 2018, selon le Syndicat national de l’édition (SNE). Autant dire que chaque jour charrie son lot de 292 nouveautés ou de rééditions…

Comment les sélectionner ? Ne pas laisser passer une pépite ? Le casse-tête empire pour gérer cette offre gargantuesque. « J’arrive à garder la tête hors de l’eau parce que j’effectue un choix drastique dans les nouveautés », déclare Jean-Philippe Pérou, cofondateur de la librairie Le Silence de la mer à Vannes, en Bretagne. Tous les jours ou presque, il a rendez-vous avec un délégué de maison d’édition dont le rôle admet à placer le maximum d’ouvrages dans chaque librairie. « Il est fondamental de travailler avec des représentants qui comprennent l’identité des librairies et proposent uniquement ce qui peut nous intéresser », formule M. Pérou.

« Je suis un indépendant, avec des choix marqués »

« Je viens de terminer un rendez-vous avec un représentant », affirme sa consœur Karine Henry qui dirige à Paris Comme un roman. « Sur 30 titres proposés en littérature étrangère et française, je fais beaucoup d’impasses. J’opte fréquemment pour un seul exemplaire. Sauf pour un nouveau Philippe Toussaint par exemple, j’en prendrai 25 parce que je suis convaincue qu’il trouvera ses lecteurs », dit-elle.

  1. Pérou fait des choix assez propagandistes en installant à l’entrée de son magasin des ouvrages de poésie et du théâtre. Il garde à l’année une place bien en vue aux auteurs russes qu’il célèbre. « Je suis un indépendant, avec des choix marqués, se qualifie-t-il, ni ayatollah ni Carrefour. » Les best-sellers, il en propose, mais « surtout pas de grosses piles ». « La surproduction des livres nous oblige à travailler différemment », défend-t-il.

Les femmes désignées à la grève pour révoquer les différences

Manifestation à Lausanne (Suisse), un mois avant la grève du 14 juin.
Manifestation à Lausanne (Suisse), un mois avant la grève du 14 juin. FABRICE COFFRINI / AFP
En Suisse, la moitié du pays est nommée à faire grève, vendredi 14 juin. Sous le mot d’ordre « plus de temps, plus d’argent et du respect », plusieurs associations et des syndicats (UNIA, Union syndicale suisse…) sollicitent aux femmes de ne pas aller travailler ou de ne pas contribuer aux tâches ménagères.

Par cette appel, les organisateurs désirent mettre en lumière les différences salariales, mais aussi relever sur la reconnaissance du travail domestique, révoquer les violences contre les femmes, ou bien encore réclamer qu’elles soient mieux représentées dans les hautes sphères des entreprises ou de la politique.

Car la Suisse a mis du temps avant de s’assaillir aux écarts entre les hommes et les femmes, et le retard est encore important. Explications.

Un appel à la grève du travail, du foyer, de la consommation…

Ce projet de grève est né sous l’impulsion, particulièrement, des syndicats, après qu’ils ne sont pas parvenus à introduire le principe de sanctions lors de la révision de la loi sur l’égalité votée l’an passé. Ce texte, certainement choisi en décembre 2018, prévoit que les entreprises de plus de 100 employés contrôlent les salaires pour faire face contre les inégalités. Elle ne s’appliquera donc qu’à 0,9 % des sociétés et 46 % des salariés. Syndicats et associations féministes déplorent par ailleurs qu’elle n’impose aucune sanction en cas de non-respect de l’égalité salariale.

Des défilés sont prévus dans toute la Suisse vendredi et les femmes sont sollicitées à abandonner les tâches ménagères. De nombreuses animations sont prévues à Berne, Lausanne, Zurich, ou encore Genève : pique-niques géants, bals, attribution de badges, concerts…

Et, comme le mentionne le quotidien suisse Le Temps, quelques entreprises et collectivités locales ont déterminé de jouer le jeu en faisant « acte de volontarisme en payant un jour d’absence à leurs salariées – comme la ville de Genève ».

« Il ne s’agit pas uniquement d’une grève du travail rétribué, a expliqué au Parisien Anne Fritz, coordinatrice de la mobilisation à l’Union syndicale suisse, en invoquant un « ras-le-bol général » : « Il y aura aussi une grève du ménage, du prendre soin, de la consommation… » Et pour les femmes qui iront travailler, elles sont appelées à quitter leur poste à 15 h 23, soit l’heure à laquelle « elles cessent mathématiquement d’être acquittées par rapport à leurs collègues masculins », souligne Le Temps.

Le 14 juin, une date symbolique en Suisse

Si les groupes féministes et les syndicats ont choisi la date du 14 juin pour cette journée d’appel, ce n’est pas un hasard. Il y a vingt-huit ans, le 14 juin 1991, 500 000 femmes étaient descendues dans la rue en Suisse – dans un pays d’un peu moins de 7 millions d’habitants à l’époque –, pour solliciter, déjà, la fin des inégalités, en improvisant de grands pique-niques ou en suspendant leurs balais aux balcons.

Consultée par le quotidien La Tribune de Genève, la socialiste Ruth Dreifuss, première femme à avoir parvenu à la présidence de la Confédération helvétique en 1999, se souvient de ce 14 juin 1991, le jour, dit-elle, où les femmes ont inventé une « nouvelle forme d’expression » :

« Tout avait convergé vers un message unique : nous voulons sortir de l’ombre et voir notre travail enfin reconnu. »

Les rebelles, toutes vêtues en fuchsia, désiraient alors célébrer les dix ans de l’inscription dans la Constitution fédérale du principe d’égalité entre les hommes et les femmes intervenue le 14 juin 1981. La loi n’était cependant entrée en vigueur qu’en 1996.

Car la Suisse a mis du temps avant de résister contre les différences de genre. Comme le rappelle Le Temps, « les hommes ont dit oui au vote et à l’éligibilité des femmes en 1971 seulement (et encore, le non l’a emporté dans huit cantons) ». Soit cinquante-trois ans après l’Allemagne et le Royaume-Uni et vingt-sept ans après la France.

Lors d’une manifestation éclairant la grève des femmes, à Lausanne (Suisse), le 14 mai. FABRICE COFFRINI / AFP

Une parité réelle encore loin d’être acquise

Trente ans après que l’égalité entre les hommes et les femmes a été inscrit dans la Constitution, les femmes suisses touchent en moyenne environ 20 % de moins que les hommes (contre 15,2 % en France). Et à conditions égales, surtout formation et ancienneté, l’écart salarial est encore de près de 8 %, selon le gouvernement.

Dans leurs réclamations, les associations féministes qui nomment à débrayer vendredi sollicitent ainsi : « un salaire égal pour un travail égal » ; « du temps pour nous former, et des perspectives professionnelles » ou encore « une meilleure conciliation entre travail et vie privée ». Et si des avancées ont été obtenues – comme la dépénalisation de l’avortement en 2002 et un congé maternité payé de quatorze semaines en 2005 –, le congé paternité n’existe toujours pas, et le nombre réduit de places en crèche s’avère être un handicap majeur à la participation des femmes à la vie active.

Du côté de la politique, ce n’est pas forcément mieux. « La participation des femmes plafonne à 28,9 % en 2019 (elle était de 14,6 % en 1991). Dans le secteur économique, leur part parmi les dirigeants abouti à peine 36 % (29 % en 1996) », énonce Le Temps.

Plusieurs voix se sont d’ailleurs soulevées ces derniers jours pour attester contre l’appel à la grève déclenché par les associations et les syndicats. « Cette grève est a priori illicite », a révoqué à l’Agence France-Presse l’un des représentants de l’Union patronale, Marco Taddei, arguant que les revendications « ne visent pas uniquement les conditions de travail » et que la Constitution « stipule que le recours à la grève ne doit survenir qu’en dernier ressort ». « Ce qui est illicite, c’est la discrimination salariale, c’est le harcèlement sexuel au travail », répond de son côté Mme Fritz.

Myriam El Khomri va mener une responsabilité sur les métiers du grand âge

Myriam El Khomri à l’Assemblée nationale, le 5 avril 2016.
Myriam El Khomri à l’Assemblée nationale, le 5 avril 2016. AFP/Bertrand Guay
Cette tâche, reproduite par la ministre Agnès Buzyn, doit présenter « un plan » pour faire face à la déficience de candidats pour travailler auprès des personnes âgées.L’ancienne ministre du travail de François Hollande, devrait être appelée, selon nos informations, d’ici le 27 juin à la tête d’une tâche sur les métiers du grand âge par Agnès Buzyn.

La ministre des solidarités et de la santé avait éclairé la création de cette mission au lendemain de la publication du rapport sur la concertation « grand âge et autonomie », relevé par le président du haut conseil au financement de la protection sociale, Dominique Libault. « Je vais nommer auprès de moi, avait-elle déclaré, le 28 mars, une personne, entourée d’une équipe, chargée d’animer toutes les parties prenantes concernées. [Cette personne] devra me proposer un grand plan en faveur des métiers du grand âgées » dès 2019, avait-elle déclaré. Pour cette mission, le gouvernement avait postulé Nicole Notat. L’ancienne secrétaire générale de la CFDT avait décliné.

Face à la carence de candidats aux postes d’infirmières et d’aides-soignantes dans le secteur des personnes âgées, le gouvernement convoite revoir les formations et les filières d’accès à ces métiers.

Mme El Khomri, 41 ans, a porté en 2016 la « loi Travail » sous le gouvernement de Manuel Valls. Le projet de loi avait occasionné une opposition agressive de l’aile gauche du PS et des syndicats, qui avaient appelé à la grève. Pour traiter la bataille parlementaire, Mme El Khomri était en lien direct avec le ministre de l’économie, à l’époque Emmanuel Macron. Auparavant, dans le précédent gouvernement de Manuel Valls, elle avait été secrétaire d’Etat à la ville, entre août 2014 et septembre 2015.

« Myriam El Khomri coche toutes les cases »

« Macron compatible », Mme El Khomri est aussi une personnalité de gauche. Entrée au parti socialiste en 2002, elle s’est exposée en 2017 aux élections législatives sous l’étiquette PS dans le 18e arrondissement de Paris. La République en Marche n’avait néanmoins pas présenté de candidat face à elle dans la circonscription. Elle avait été battue par Pierre-Yves Bournazel, appuyé par Edouard Philippe.

Avant son immersion du feu ministériel, cette diplômée en droit a abondamment été un pilier de l’équipe de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Adjointe chargée de la petite enfance de 2008 à 2011, elle est ultérieurement devenue adjointe chargée de la prévention et de la sécurité jusqu’à son entrée « surprise » au gouvernement en août 2014. Elle a été co-porte-parole d’Anne Hidalgo avec Bruno Julliard pendant la campagne municipale de 2014. Constamment élue au conseil de Paris, très proche de Bertrand Delanoë, elle a rejoint en mars un grand cabinet privé de courtage en assurance.

Pour le socialiste Luc Broussy, spécialiste du vieillissement et président de la filière « silver économie » (l’économie liée aux personnes âgées), « Myriam El Khomri coche toutes les cases. Elle est spécialiste des relations sociales, Elle connaît exactement les partenaires sociaux. Sa notoriété participera à mettre au premier plan la question cruciale du grand âge ».

Le premier ministre divulgue ses convoies pour changer l’assurance-chômage

Lors du discours de politique générale d’Edouard Philippe, à l’Assemblée nationale, le 12 juin.

Lors du discours de politique générale d’Edouard Philippe, à l’Assemblée nationale, le 12 juin.Edouard Philippe a particulièrement attesté le principe du bonus-malus pour résister contre les contrats courts.

C’est aussitôt une certitude : l’amélioration de l’assurance-chômage créera du mécontentement chez les syndicats comme au sein du patronat. Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe n’a pas précis ce projet, mercredi 12 juin, puisqu’il doit en publier l’intégralité six jours après son intervention devant les députés. Mais le premier ministre a livré plusieurs indices sérieux sur ce dossier, que l’exécutif avait repris en main, fin février, après l’échec des négociations entre partenaires sociaux.

Premier instruction de taille : pour disputer la précarité sur le marché du travail, un bonus-malus va être établi afin de minimiser les cotisations des employeurs amoindrissant peu aux contrats courts et d’accroître celles des entreprises dont les effectifs tournent fréquemment. Il s’agit là d’un engagement de campagne d’Emmanuel Macron, dont la mise en place est donc certifiée. Mais avec un bémol de taille : le mécanisme ne s’appliquera que « dans les cinq à dix secteurs » où des contrats courts sont « essentiellement signés ». Lesquels ? Le premier ministre ne l’a pas précisé.

Les concernes potentielles sont malgré cela connues : l’hôtellerie-restauration, le médico-social, la catégorie dite des « autres activités spécialisées, scientifiques et techniques » dans laquelle existent, surtout, les instituts de sondage, etc. A ce stade, on ignore si le mécanisme sera enclenché dans les administrations publiques – très gourmandes en CDD de quelques jours ou de quelques semaines – et le monde de l’intérim.

Dans les secteurs dépêtrés de bonus-malus, le gouvernement compte procéder en évitant les embaucheurs de signer des CDD d’usage, une forme d’emploi ultraflexible qui s’est très amplement diffusée au prix d’entorses nombreuses à la réglementation. Pour stopper cette dérive, M. Philippe a démontré qu’une « mesure transversale » sera prise, mais sans en dire plus.

Ces accommodements sont montrés comme des « contreparties » aux textes optés depuis le début du quinquennat afin d’« assoupli[r] les règles applicables aux entreprises ». Ainsi, l’exécutif garantit œuvrer en faveur de la « justice sociale » après avoir répondu aux attentes des patrons – surtout par le biais des ordonnances de septembre 2017 qui ont réécrit le code du travail.

Nouveauté de taille

Autre message, qui a soutenu l’attention : l’allocation des chômeurs qui comprenaient une rétribution élevée lorsqu’ils étaient en activité sera tombante. Combien de temps après leur inscription à Pôle emploi ? A partir de quel niveau de rémunération ? L’allocation diminuera-t-elle à une ou à plusieurs reprises ? En vertu de quel taux ? Là encore, le plus grand flou prédomine. Mais c’est une innovation consistante, qui trottait dans la tête du chef du gouvernement depuis un bon moment, puisqu’il l’avait évoquée, à titre d’hypothèse, dès la fin août 2018.