Archive dans janvier 2023

Yves Rocher prévoit de supprimer 300 postes en Bretagne sur trois ans

Le groupe familial breton Rocher (anciennement Yves Rocher, cosmétiques), fragilisé par une baisse de ses ventes, prévoit de supprimer 300 postes sur trois ans, pour l’essentiel en Bretagne, a-t-on appris, mardi 31 janvier, auprès de la direction.

Ces suppressions de postes, sans licenciements secs, entrent dans le cadre d’un accord Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), signé le 16 janvier par les organisations syndicales majoritaires, a précisé la direction. Une réunion d’information des salariés sur la teneur de ce GEPP s’est tenue ce mardi, selon une source syndicale.

Ce GEPP « contient un ensemble de mesures étalées sur trois ans pour adapter l’organisation de nos sites industriels bretons et offrir des perspectives d’évolution professionnelle aux collaborateurs en adéquation avec les désirs qu’ils ont pu exprimer », avait fait savoir la direction à l’Agence France-Presse (AFP). Cette réunion est intervenue au lendemain d’un comité social et économique central exceptionnel lundi, selon la même source.

« Des éléments conjoncturels exogènes (le Covid, la situation géopolitique, l’inflation…) et endogènes (la chute de la vente par correspondance/VPC), notamment) ont fragilisé le groupe », expliquait la direction.

Rassemblement devant l’usine de Ploërmel

Une cinquantaine de salariés ont participé mardi à un rassemblement devant l’usine de Ploërmel, a-t-on appris de source syndicale, selon laquelle la fermeture du site, qui emploie 108 salariés en CDI, devrait intervenir « fin 2025/début 2026 ».

A Ploërmel, la majorité des salariés sont « des femmes, souvent de plus de 50 ans, avec une faible qualification. Toutes les conditions sont réunies pour en faire des chômeurs de longue durée », a déploré Pierrick Simon, secrétaire départemental Force ouvrière du Morbihan, sollicité par l’AFP.

Le syndicaliste a souligné que ces salariées seront particulièrement pénalisées par la dernière loi qui restreint la durée et le montant des indemnités de chômage ainsi que par celle que veut faire adopter le gouvernement sur le report de l’âge de la retraite à 64 ans. « Ce sont eux qui vont payer le prix fort », a-t-il dit.

Outre sa marque d’origine, Yves Rocher, le groupe Rocher, présent dans 114 pays, détient plusieurs marques, dont Arbonne, Petit Bateau et Dr Pierre Ricaud. En 2021, le groupe employait 16 300 salariés et les cosmétiques représentaient 78 % de son chiffre d’affaires.

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Le Monde avec AFP

Manifestation du 31 janvier contre la réforme des retraites en direct : « Aujourd’hui, la génération sacrifiée se fait entendre »

Les salariés du transport aérien prêts à durcir le mouvement

En début d’après-midi, Place d’Italie et Boulevard Vincent Auriol à Paris, les salariés du transport aérien, Groupe ADP, Air France, ou encore Airbus, ont fourni de gros bataillons de participants au défilé.

Adossée à la camionnette de la CGT de Groupe ADP, nimbée par les fumées des merguez, Sandrine a le sourire aux lèvres. « Nous sommes encore plus nombreux que la dernière fois, le 19 janvier », s’enthousiasme la salariée du service sécurité incendie d’Aéroport de Paris à Roissy. Elle se dit « prête à revenir manifester s’il le faut. Je suis très déterminée ». A 50 ans, « sans carrière longue », elle ne s’imagine « absolument pas travailler jusqu’à 64 ans avec la réforme ». A l’en croire, il ne lui sera pas possible de « travailler en horaire décalé, de nuit, à 64 ans ».

Sandrine, 50 ans, salariée du service sécurité incendie à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, le 31 janvier 2023 lors de la manifestation à Paris contre la réforme des retraires.

A quelques mètres, Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT chez ADP, a fait ses comptes : « Nous sommes venus à six bus d’ADP Orly et Roissy ». Le syndicaliste estime que « le chef de l’Etat joue avec le feu avec cette réforme des retraites ». Il se souvient que le soir de son élection « Emmanuel Macron avait déclaré que les gens n’avaient pas voté pour son programme mais pour faire barrage au Rassemblement National ». Âgé de 53 ans, il bat le pavé « pour défendre le principe du droit à la retraite ». Il est convaincu que la réforme ne passera pas, mais pour cela « il faut que l’on maintienne l’intersyndicale. C’est la clef du succès ! ».

Au milieu de l‘avenue des Gobelins, tout juste de retour d’Osaka (Japon), Christelle Auster, présidente du Syndicat national du personnel navigant (SNPNC) FO a préféré faire l’impasse sur un vol pour défiler dans Paris. Chez Air France, « nous ne sommes pas en grève mais nous avons choisi la mobilisation », explique l’hôtesse de l’air entre deux slogans hurlés sur un air de rock joué à la guitare électrique par un manifestant (un peu musicien.

Avec les pilotes, les personnels naviguant professionnels (PNC) « discutent avec le ministre des transports, Clément Baune, pour avoir la garantie du maintien de notre caisse de retraite », fait-elle savoir. Un drapeau à la main, la syndicaliste veut faire reconnaître « les spécificités du métier : décalages horaires, rayons ionisants, impact sur le rythme circadien ». Jusqu’à maintenant le ministre s’y refuse. Mais elle ne renonce pas. « S’il le faut, nous allons durcir le mouvement », annonce-t-elle. Dans un sourire, elle signale qu’une pétition lancée auprès de tous les PNC a déjà recueilli plus de « 5000 signatures en cinq jours ».

Christelle Auster, hôtesse de l’air chez Air France et présidente du Syndicat national du personnel navigant (SNPNC) FO, dans le cortège parisien, mardi 31 janvier 2023.

Guy Dutheil

Manifestations du 31 janvier, en direct : 36,5 % de grévistes à la SNCF, contre 46,3 % le 19 janvier, selon les syndicats

A Marseille, « un parcours plus large parce qu’on attend plus de monde »

A Marseille, après la très forte mobilisation du 19 janvier, les organisations syndicales ont décidé de modifier le point de rendez-vous de ce deuxième cortège. « Un parcours plus large parce qu’on attend plus de monde. La réussite du 19 a donné confiance à ceux qui hésitaient », analyse Serge Tavano, responsable FSU à la métropole d’Aix-Marseille-Provence présent depuis 9 heures sur le Vieux-Port, nouveau point de rendez-vous.

Dans la foule qui a commencé à défiler à 11 heures, les « nouveaux » manifestants – ceux qu’il n’étaient pas là le 19 janvier – ne sont pas difficiles à trouver. Sous les drapeaux CFE-CGC, plusieurs salariés de la société ADSN, spécialisée dans les services aux notaires, ont fait le déplacement. « Le 19, j’avais des réunions importantes et je ne voulais pas pénaliser mon entreprise, qui n’y est pour rien. Mais cette fois, j’ai posé un jour de congés pour être là », explique Thierry Verneau, 46 ans, chef de service, qui raconte n’avoir pas manifesté depuis ses années de lycée et la réforme Juppé, en 1995.

Son collègue Michaël Reuge, 54 ans, a lui aussi pris le bus du syndicat pour la première fois : « Cette réforme va à contresens de l’Histoire. Il y a de moins en moins de travail, des boulots qui ont de moins en moins de sens… On nous dit qu’il faut s’aligner avec les autres pays européens mais je ne suis pas d’accord avec cette analyse. On suit les mauvaises idées avec un temps de retard ».

A quelques pas, au milieu des salariés d’Eurocopter, plus gros employeur des Bouches-du-Rhône, Mustapha Beraza vient lui aussi défiler contre la réforme pour la première fois. « Le 19, j’étais de nuit, et cela m’aurait fait perdre deux journées de salaire. Aujourd’hui, je n’en perds qu’une », explique ce technicien qui travaille en atelier. « L’argent est plus que jamais le nerf de la guerre de la mobilisation », reconnaît François Roche, délégué CGT chez Eurocopter qui note également que certains salariés présents le 19 janvier ne sont pas là mardi. « Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre une deuxième journée de salaire. »

Gilles Rof (Marseille, correspondant)

Chez Orange, un coûteux dispositif « temps partiel senior »

Devant un magasin Orange, à Bordeaux, en février 2021.

Les dirigeants d’Orange pourraient presque avoir envie de descendre dans la rue pour protester contre la réforme des retraites. En promettant de reporter à 64 ans l’âge de départ à la retraite et d’allonger la durée de cotisation, le projet du gouvernement s’annonce coûteux pour l’opérateur télécoms.

En décembre 2021, lors de la reconduction pour une année de son dispositif de temps partiel senior (TPS) autorisant ses salariés les plus âgés à anticiper leur départ à la retraite, Orange avait accepté d’intégrer une clause de sauvegarde pour protéger les bénéficiaires d’une éventuelle réforme. Mal lui en a pris. L’opérateur a encore du mal à chiffrer précisément le surcoût, mais il pourrait tourner autour de six mois supplémentaires par salarié, si le projet actuel du gouvernement aboutit.

Réforme ou pas, le TPS coûtera plus cher que prévu à Orange. Voyant arriver le plan du gouvernement, de nombreux salariés du groupe encore hésitants se sont décidés dans les toutes dernières semaines de 2022 à prendre le dispositif avant la date butoir du 31 décembre. Résultat, selon le dernier décompte obtenu par Le Monde, 7 600 salariés d’Orange France, seule entité concernée, ont activé leur TPS.

« Dysfonctionnements et surcharge de travail »

Initialement, le groupe avait budgété dans ses comptes de 2021 que le dispositif lui coûterait 1,225 milliard d’euros. Vu le nombre de bénéficiaires supérieur aux hypothèses initiales, la facture s’annonce plus salée. Le chiffre exact devrait être donné le 16 février, lors de la présentation des résultats de 2022, date à laquelle Christel Heydemann, directrice générale d’Orange depuis avril 2022, doit également dévoiler son plan stratégique.

Dans les équipes d’Orange France, dont la directrice générale, Fabienne Dulac, passera la main à Jean-François Fallacher le 3 avril, on s’inquiète de voir partir autant de collègues en même temps, parfois très rapidement en fonction du solde de congés accumulés par certains. Les 7 600 TPS de 2022 représentent quasiment 10 % des effectifs totaux de l’entité française. La moitié des bénéficiaires viennent des fonctions centrales et de support.

« Certains services ont vu partir plus de 20 % de leurs collaborateurs ce qui crée des dysfonctionnements et une surcharge de travail pour ceux qui restent », s’inquiète un représentant du personnel, qui craint un recours accru à la sous-traitance. Des compétences techniques manquent aussi parfois. Ces 7 600 s’ajoutent aux 11 900 employés qui bénéficiaient, au 31 décembre 2021, de précédents accords TPS.

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Grève du 31 janvier, en direct : « Je descendrai dans la rue tant qu’il le faudra »

Ecoles, transports, raffineries… de nombreux secteurs perturbés ou bloqués

  • Transports

Dans les aéroports, c’est principalement la grève de contrôleurs aériens qui va entraîner des perturbations et des retards. Un vol sur cinq devrait être annulé à Orly. Mais à Roissy, il devrait y avoir suffisamment de personnel non gréviste pour assurer le programme prévu, selon la direction générale de l’aviation civile.

Dans le métro parisien, seules les lignes 1 et 14, qui sont automatiques, fonctionneront normalement. Les conducteurs des autres lignes assureront un métro sur deux ou un sur quatre. Certaines lignes comporteront des stations fermées et ne fonctionneront qu’aux heures de pointe. Les chauffeurs de bus et de tramways assureront 80 % du service.

La SNCF a annoncé un trafic « très fortement perturbé » avec deux TER sur dix en province, de 25 % à 50 % des TGV selon les axes, et un train sur trois à un train sur dix en Ile-de-France. Côté international, la circulation des Eurostar et Thalys fonctionnera quasi normalement, mais le trafic sera « fortement perturbé » entre la France et la Suisse (Lyria).

  • Fonction publique
  • Le préavis de grève concerne l’ensemble de la fonction publique, où la journée d’action du 19 janvier avait mobilisé 28 % de grévistes parmi les 2,5 millions d’agents de l’Etat, selon le gouvernement. Des mairies, comme celle de Paris ou Montreuil (Seine-Saint-Denis), ont annoncé qu’elles garderaient portes closes.

    Le 19 janvier, les programmes de télévisions et radios publiques avaient été largement perturbés à France Télévisions et Radio France.

    Les syndicats enseignants prévoient 50 % de grévistes parmi les professeurs, de la maternelle au lycée, mardi. Le 19 janvier, selon le ministère de l’éducation nationale, la mobilisation s’était traduite par un taux d’enseignants grévistes de 42,3 % en primaire, et 34,6 % en collèges et lycées.

    La grève devrait être très suivie dans les raffineries, après déjà deux journées d’arrêt de travail, les 19 et 26 janvier : les raffineries avaient fonctionné ces jours-là mais les expéditions de carburants avaient été bloquées 24 heures.

    Réforme des retraites : suivez la journée de mobilisation contre le projet de loi du gouvernement

    Les syndicats espèrent frapper encore plus fort que le 19 janvier

    Des centaines de milliers de Français devraient à nouveau manifester mardi contre la réforme des retraites. Les syndicats espèrent une mobilisation au moins équivalente à celle du 19 janvier pour faire plier le gouvernement.

    « Je pense qu’il y aura largement autant de monde, en tout cas je le souhaite », a déclaré lundi sur France 2 le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. « On espère faire encore plus fort le 31 », avait affirmé la semaine dernière son homologue de la CGT, Philippe Martinez.

    La journée du 19 janvier avait réuni selon les autorités 1,12 million de manifestants, et selon la CGT plus de deux millions. Cette fois-ci, 1,2 million de manifestants sont attendus, dont 100 000 à Paris, selon une source policière.

    En retrait sur ce dossier, le président de la République, Emmanuel Macron, qui joue en partie son quinquennat sur cette réforme, l’a jugée lundi « indispensable » lors d’une conférence de presse à La Haye (Pays-Bas).

    Lutter contre l’arrêt cardiaque : une formation obligatoire avant la retraite

    Droit social. La discussion sur la réforme des retraites porte à nouveau après 2003, 2010 et 2014 sur le maintien dans l’emploi des seniors et dans une recherche d’équilibre des régimes grâce au recul de l’âge minimal de départ à la retraite et à l’augmentation de la durée de cotisation des actifs.

    Cet allongement de la vie professionnelle interroge l’état de santé des seniors au travail, les conditions dans lesquelles ils doivent poursuivre leur activité, leurs motivations, et la perception qu’en ont les employeurs dans des contextes d’intensification du travail, de changements rapides des organisations et de compétition accrue entre les entreprises.

    Or l’employeur est responsable devant la loi de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés. En application des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, il doit prendre les mesures nécessaires. Il est tenu à une obligation de sécurité, même dans un contexte de vieillissement de l’effectif, qui conduit mécaniquement à l’augmentation des situations d’aptitude restreinte ou d’inaptitude, tout comme à la raréfaction des postes « doux » de reclassement qui en résulte tout aussi nécessairement.

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Risques en 2023 pour la santé mentale des salariés

    L’obligation de l’employeur dépasse l’entreprise et le cadre temporel de la carrière professionnelle. Il existe ainsi une visite médicale avant le départ à la retraite obligatoire pour les salariés exposés à certains risques professionnels ou agents cancérigènes durant leur carrière.

    Pendant l’horaire normal de travail

    Un autre dispositif figure non pas dans le livre IV « Santé et sécurité au travail » du code du travail, mais parmi les dispositions organisant la fin du contrat de travail pour cause de départ à la retraite, une obligation encore peu connue. On lit à l’article L. 1237-9-1 que « les salariés bénéficient d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite ». Le texte réglementaire de mise en œuvre prévoit que le temps consacré à cette sensibilisation est considéré comme temps de travail et se déroule pendant l’horaire normal de travail.

    Ce dispositif, qui a notamment un pendant à l’école pour les élèves, doit, selon la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, assurer « que nul ne quittera le monde de l’entreprise sans avoir suivi cette formation. Il ne s’agit naturellement pas de la dispenser dans les derniers jours de travail du salarié – il pourra l’effectuer bien plus tôt –, mais de toucher le public le plus large possible ».

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    L’emploi des seniors : angle mort de la réforme des retraites

    Partir à la retraite avant 64 ans « n’est plus négociable » : deux jours avant la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, Elisabeth Borne affirme qu’elle ne reviendra pas sur la mesure phare de son projet de loi. Pourtant, si 75,1 % des 55-59 ans travaillent, seuls 35,5 % des 60-64 ans ont toujours une activité professionnelle.

    Est-il judicieux de reporter l’âge légal de départ à la retraite alors que seul un tiers des Français approchant les 64 ans travaille encore ? Quelles sont les difficultés rencontrées par les plus de 45 ans pour s’insérer dans le marché de l’emploi ? Quelles mesures peuvent être prises pour mieux accompagner les seniors en recherche de travail ?

    Dans cet épisode de « L’Heure du Monde », Béatrice Madeline, journaliste au Monde, spécialiste des entreprises, fait le point sur l’emploi des seniors en France. Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS au Centre d’études européennes de Sciences Po et auteur de Réformer les retraites, évoque les mesures prises ailleurs en Europe, pour améliorer l’allongement des carrières.

    Un épisode de Claire Leys et Marion Bothorel. Réalisation et musiques : Amandine Robillard. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi. Dans cet épisode, reportage dans l’antenne lilloise de l’association Force Femmes, interviews de Bruno Palier, extraits d’un journal télévisé de France 24, et de Philippe Martinez, sur France 2, le 18 janvier.

    « L’Heure du Monde »

    « L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

    En savoir plus sur l’emploi des seniors

    Écouter aussi Tout comprendre à la réforme des retraites

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    A l’Inria, un climat délétère s’est installé à tous les niveaux

    Que se passe-t-il dans l’un des plus importants organismes de recherche français, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de celui de l’économie ? Côté face, tout va bien pour ses 4 500 scientifiques répartis sur neuf centres, rémunérés par l’organisme ou ses partenaires. Budget 2023 en hausse de 47 % par rapport à celui de 2018. Des recrutements de chercheurs doublés depuis deux ans. Des partenariats nombreux avec des entreprises françaises comme La Poste, Orange, Atos, Naval Group, Dassault Systèmes. Un rôle central dans divers plans de relance en santé numérique, information quantique, intelligence artificielle…

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés A l’Inria, le budget en hausse relève d’un pari

    Côté pile, le tableau est tout autre. Deux pétitions contre la direction, dont la dernière, lancée le 24 janvier, décrit un « institut malmené par sa direction et [qui] souffre de dysfonctionnements totalement inédits par leur ampleur et leur multiplicité ». Avec des en-têtes cinglants qui résument l’étendue d’un malaise persistant – « science maltraitée », « administration en souffrance », « instances malmenées », « organisation en déshérence » ou encore « institut en péril » –, elle a déjà été signée par plus de 430 personnes en interne, dont environ un quart des chercheurs employés directement par l’Inria.

    L’inspection du travail a été saisie pour diverses situations de risques psychosociaux, impliquant des personnels administratifs et, fait plus rare, de recherche. Le médecin du travail coordinateur a démissionné en juin 2022 et n’a toujours pas été remplacé. Un conflit ouvert perdure depuis plusieurs mois entre la direction et l’une des instances indépendantes et paritaires de l’organisme, la commission d’évaluation (CE).

    Témoignages anonymes

    Cette dichotomie se retrouve dans la vingtaine de témoignages recueillis par Le Monde, dans plus de la moitié des centres Inria. Les tenants des positions les plus opposées se rejettent ainsi de « nuire à l’image de l’organisme ». La plupart refusent de s’exprimer nommément pour ne pas envenimer la situation par de la personnalisation, ou par crainte de représailles internes. « On a la trouille », dit même un représentant du personnel, élu syndical, pourtant « protégé ».

    Un des initiateurs de la pétition, en région parisienne, juge « la défiance irréversible avec la direction ». « Quel que soit l’endroit où l’on regarde, rien ne va : politique scientifique, management, organisation, budget… », ajoute-t-il. Et, assez abattu, lâche : « On ne retrouve plus l’Inria qu’on a aimé. » Plusieurs témoins ont indiqué « être prêts à partir s’ils pouvaient ».

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    A l’Inria, le budget en hausse relève d’un pari

    Un ingénieur et un doctorant de l’équipe EDGE au centre Inria de l’université de Bordeaux, une unité de recherche commune avec le CNRS.

    Dans un contexte national où de nombreux laboratoires et chercheurs se plaignent du manque de moyens, la situation est tout autre à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Son budget 2023 a été voté en hausse de 46 % par rapport à celui de 2018, selon la communication de l’institut. Les effectifs sont également en augmentation. Sur le front des embauches, l’embellie se voit, avec « en moyenne 43 scientifiques [engagés] par an sur des postes permanents (titulaires de la fonction publique ou CDI) de 2018 à 2022. Une cinquantaine de postes est prévue pour 2023 », précise l’organisme, qui indique aussi que « l’Inria avait recruté en moyenne 17,5 scientifiques par an sur des postes permanents de 2014 à 2018 ».

    Cet effort soutenu se ressent dans les laboratoires. « Avant, on serrait les fesses avec les budgets, maintenant on sort du statu quo. La direction a réussi à convaincre que l’Inria pouvait être une ressource pour des entreprises ou des services de l’Etat… », estime un délégué scientifique de l’organisme. « Il faut saluer ce tour de force réussi sur les recrutements », ajoute Eric Fleury, directeur du centre Inria de Paris.

    Nouveaux guichets

    Mais quel est le secret de l’organisme pour sortir autant la tête de l’eau ? La réponse est curieuse. De l’aveu même de Bruno Sportisse, son président-directeur général, ce modèle « n’est pas tenable dans la durée », comme il l’a déclaré lors des Journées scientifiques Inria (JSI), le 25 novembre 2022. Explications.

    Les recettes d’un organisme public de recherche comme l’Inria proviennent de deux sources principales. D’une part, la subvention pour charges de service public (SCSP) qui, comme son nom l’indique, est apportée directement par l’Etat à son budget. Elle était pour l’institut, selon son rapport d’activité 2021, de 189,7 millions d’euros, soit 72 % du total de ses recettes. Le reste est appelé « ressources propres », qui proviennent d’origines très variées, à hauteur de 74,8 millions d’euros. On y trouve majoritairement des moyens provenant d’appels d’offres (Agence nationale de la recherche, fonds européens…), de prestations de services, de contrats de recherche avec des tiers privés ou publics…

    La première enveloppe, la SCSP, augmente au même rythme que celle des autres organismes et assez peu (moins de 10 % depuis 2015). La solution est donc à chercher dans la seconde, et dans les diverses crises qui, depuis 2008, se sont accompagnées de plans de relance tels les plans d’investissement d’avenir ou France 2030. L’Inria, comme les autres organismes, a vu s’ouvrir de nouveaux guichets pour ses équipes. Ainsi, l’organisme émarge au plan sur l’intelligence artificielle (12,7 millions d’euros prévus en 2022), au plan sur la cybersécurité (pour 5,2 millions d’euros), aux aides à l’emploi en recherche et développement décidées pendant la crise sanitaire (9,2 millions)… Au total, le budget initial 2022 prévoyait plus de 116 millions d’euros de recettes propres.

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