Archive dans octobre 2021

Au Royaume-Uni, la fin des aides liées au Covid-19 fait craindre une réduction du pouvoir d’achat

Dans un supermarché de Londres, le 20 septembre 2021.

Le Royaume-Uni est l’un des premiers pays à vraiment oser le faire : commencer à retirer les aides exceptionnelles mises en place pendant la pandémie. Le 1er octobre, le chômage partiel, créé dans l’urgence en mars 2020, a été entièrement supprimé. Mercredi 6 octobre, la principale allocation sociale du pays, le « crédit universel », a été remise à son niveau d’avant le Covid-19 : 5 millions de ménages vont toucher 20 livres sterling (23,50 euros) de moins par semaine, soit 1 000 livres par an. Le tout se produit alors que les prix de l’énergie s’envolent.

« Une contraction majeure des revenus, qui sera concentrée sur les foyers à faibles et moyens revenus, se prépare pour cet hiver », avertit la Resolution Foundation, un groupe de réflexion. Malgré le fort rebond économique depuis la suppression de toutes les restrictions sanitaires début juillet, le retrait des mesures de soutien est en effet loin d’être marginal. Au 31 juillet, dernières statistiques disponibles, il restait 1,6 million de salariés au chômage partiel. Certes, leur nombre baissait rapidement (– 340 000 rien qu’en juillet), mais il y en avait encore probablement fin septembre plusieurs centaines de milliers. Beaucoup devront désormais pointer au chômage. Certains secteurs qui ne se sont pas encore remis de la pandémie, comme l’aérien, par exemple, risquent d’être frappés de plein fouet.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Après le Brexit, le Royaume-Uni enterre l’âge d’or avec la Chine

Quant au crédit universel, il représente une aide essentielle pour de nombreux Britanniques. Avec 20 livres sterling en moins par semaine, les 5 millions de foyers concernés perdront, en moyenne, 5 % de leurs revenus, et 1 million en perdent même 10 %. Dans certains cas, certes rares, cela peut atteindre 25 %. Le Guardian cite l’exemple d’une mère célibataire qui s’occupe de ses deux enfants adultes gravement malades. Les trois membres du foyer touchent chacun le crédit universel, si bien que leurs revenus vont soudain baisser de 3 000 livres.

« Un automne mouvementé »

En ajoutant à cela l’envolée des prix de l’énergie, l’impact sur les foyers à faible revenu risque d’être violent. Le 1er octobre, le plafond de la facture énergétique, qui est réglementé, a augmenté de 12 %. « Le Royaume-Uni fait face à un automne mouvementé », prévient Dan Tomlinson, économiste à la Resolution Foundation.

Pour une fois, le choc pourrait être plus violent à Londres qu’ailleurs, ajoute l’Institute for Fiscal Studies, un groupe de réflexion. Le centre-ville de la capitale britannique n’a pas encore retrouvé son rythme d’avant la pandémie, avec de nombreux Britanniques qui travaillent encore chez eux, au moins partiellement. Les bars et restaurants de la City peinent à revenir à leur niveau d’activité d’autrefois. Les Londoniens comptaient pour 19 % des chômeurs partiels fin juillet, alors qu’ils ne représentent que 14 % des salariés du pays.

Il vous reste 49.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Administrateurs et mandataires judiciaires souffrent d’une chute de leur activité

A rebours de l’atmosphère de reprise qui semble gagner tous les secteurs économiques, c’est dans une ambiance morose que s’ouvrait, jeudi 7 octobre, à La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes), le congrès annuel des administrateurs et mandataires judiciaires. Ces experts de la prévention et du règlement des difficultés des entreprises estiment avoir payé la politique du « quoi qu’il en coûte », qui a permis d’éviter le « mur des faillites » tant redouté.

Ainsi, le nombre d’ouverture de procédures collectives est passé de 45 819 en 2019 à 28 171 en 2020, contre 50 000 en moyenne les années précédentes. S’ils se félicitent que les entreprises aient été soutenues, les professionnels de la sauvegarde ou de la liquidation ont vu plonger leur chiffre d’affaires de 12,6 % en 2020. En conséquence, 70 % des 450 cabinets que compte l’Hexagone ont été contraints de recourir à un prêt garanti par l’Etat, certains se sont placés en procédure de sauvegarde et « des confrères ont même raccroché la robe », précise Me Christophe Basse, président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ). De surcroît, précise-t-il, « le nombre de dossiers impécunieux est monté de 50 % à 88 % ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Vingt-quatre heures de la vie d’un administrateur judiciaire : « Les dirigeants ont peur. Ils se disent : « Ils vont vendre ma boîte » »

Malgré la fin du « quoi qu’il en coûte », les administrateurs et mandataires judiciaires ne s’attendent pas à voir le vent tourner de sitôt. « Il y aura encore moins de procédures collectives en 2021 qu’en 2020, pronostique Me Basse, car les créanciers publics accordent plus facilement qu’avant des moratoires sur les dettes, et n’assignent plus très souvent les entreprises devant les juridictions commerciales. » D’ordinaire, entre un cinquième et un quart des procédures collectives sont générées par une assignation d’un créancier public.

La profession pâtit de son développement

Comment s’extraire de ce trou d’air ? Pour les représentants de la profession, la solution passe par un élargissement du périmètre d’activité des cabinets, aujourd’hui strictement tenus aux activités de conseil, à l’exclusion de toute activité commerciale. « Notre vocation est d’aider les entreprises à traverser les crises », rappelle Me Frédéric Abitbol, vice-président du CNAJMJ. « Il y aura demain des financements publics mis à disposition auprès d’opérateurs privés pour accompagner la reprise. Ne pourrions-nous pas être des relais utiles ? » ajoute-t-il. D’autres pistes sont évoquées, comme la diversification vers la médiation ou la fiducie (création de structures de gestion d’actifs).

Il vous reste 31.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En France, le retour à un niveau de PIB d’avant-crise s’accompagne d’une nette baisse du chômage

Un ouvrier de l’usine 3D Tex, à Saint-Malo ( Ille-et-Vilaine), le 17 septembre 2021.

La crise ? Quelle crise ? A la fin de 2021, au niveau des compteurs macroéconomiques au moins, l’épisode du Covid-19 aura été pratiquement effacé pour l’économie française. A quelques nuances sectorielles près, l’activité est repartie. Les entreprises, dopées par les plans de soutien, créent massivement des emplois, avec pour effet de faire reculer le chômage et de soutenir le pouvoir d’achat.

L’Insee, dans sa note de conjoncture publiée mercredi 6 octobre, estime à 2,7 % la progression du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, après trois premiers mois étales et une hausse de 1,1 % sur la période d’avril à juin. Avec une prévision de hausse de 0,5 % au quatrième trimestre, le PIB devrait revenir à son niveau d’avant-crise à la fin de l’année. Sur l’ensemble de l’année, la croissance s’établirait à 6,25 %, après une récession de 8 % en 2020.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En France, la reprise tient ses promesses, la prévision de croissance revue à la hausse

Finalement, la reprise est « relativement rapide », car l’origine du choc n’était pas économique, mais sanitaire. Une fois celui-ci dissipé, la machine économique a pu se relancer. Ce redémarrage, selon l’Insee, devrait se traduire par plus de 500 000 créations nettes d’emplois en 2021, soit bien plus que les 300 000 perdus en 2020. Une conséquence inattendue et contre-intuitive de la crise, mais qui s’explique, selon Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’Insee, par les « conditions financières favorables » dont bénéficient les entreprises, dopées par les mesures de soutien.

Pouvoir d’achat en hausse

Grâce à leurs trésoreries bien dodues, elles recrutent à tour de bras, non sans mal, d’ailleurs, dans un certain nombre de secteurs confrontés aux pénuries de main-d’œuvre qualifiée. De sorte que, dès le deuxième trimestre, l’emploi salarié a dépassé son niveau d’avant-crise.

Ainsi, malgré le retour sur le marché du travail de personnes qui s’en étaient éloignées – par exemple, les parents qui auraient cessé leur activité professionnelle pour pallier la fermeture des écoles –, le taux de chômage devrait tomber à 7,6 % à la fin de l’année, contre 8 % en moyenne au deuxième trimestre. Il s’agit du taux le plus bas constaté depuis 2008, avant l’éclatement de la crise des subprimes aux Etats-Unis. Parallèlement, le recours au chômage partiel se raréfie et devrait même « quasiment disparaître » d’ici à la fin de l’année. L’activité partielle ne représentait plus que 0,8 % des heures travaillées au mois d’août, contre 4,7 % au deuxième trimestre.

Créations d’emplois, baisse du chômage, retour des heures supplémentaires : de quoi alimenter les fiches de paie et le pouvoir d’achat des ménages, qui s’annonce comme l’un des thèmes majeurs de la campagne pour l’élection présidentielle.

Il vous reste 54.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Harcèlement en entreprise : « Le droit du travail devrait être enseigné à l’école ! »

Entretien. Avocate en droit social et spécialiste du harcèlement (moral, sexuel) et des discriminations au travail de longue date, pourquoi avez-vous choisi de donner à votre ouvrage la forme d’une boîte à outils ?

Elise Fabing. Cela fait dix ans que je constate que les salariés méconnaissent cruellement leurs droits au travail. Je suis frappée par les personnes qui viennent me voir et n’ont aucune idée de comment se défendre face à une situation de harcèlement. Parfois, c’est trop tard, elles ont été licenciées et n’ont plus accès aux pièces qui justifient certains agissements. C’est un livre d’éducation populaire pour aider les salariés, afin qu’ils sachent comment se défendre, car l’accès à la justice est parfois compliqué.

Vous vous présentez comme une avocate pro-salariés, que cela veut-il dire ?

Je consacre mon exercice à la défense des salariés, je ne défends que des salariés, par conviction. C’est un engagement sociétal : je suis pour la défense de la partie « faible » du contrat de travail. Je considère que l’équilibre n’est pas bon, on a une justice sociale qui dysfonctionne. Les condamnations pour harcèlement au travail sont trop faibles, 7 100 euros en moyenne en 2019, et pas assez contraignantes ; en plus, les délais de prescription ont été raccourcis : on n’a maintenant qu’un an après la rupture de contrat pour saisir un conseil de prud’hommes.

« Manuel contre le harcèlement au travail », d’Elise Fabing, Hachette Pratique, 240 pages, 17,95 euros.

Ce manuel s’inscrit-il dans le prolongement de la libération de la parole sur les réseaux sociaux, permise par « Balance ta start-up » et d’autres ?

Je soutiens ce mouvement, même si je pense qu’il n’est pas parfait, car le respect de la présomption d’innocence peut poser question. Ça a été une libération pour les victimes, ça a permis de sensibiliser l’opinion publique et les entreprises. C’est un lanceur d’alerte, je sais que ça a pu faire bouger des choses en interne dans certaines entreprises, je pense à la start-up Iziwork. On vit dans une société de la performance, où être victime de harcèlement est encore très tabou. Mais 8 millions de personnes sont concernées par les violences au travail d’après la Dares !

Vous insistez sur le rôle de la preuve dans les cas de harcèlement, de quel type de preuve s’agit-il ?

La preuve c’est toujours le nerf de la guerre. Dans la plupart des dossiers de harcèlement, c’est ce qui manque. Le conseil numéro un que je donne, c’est de susciter l’écrit, ce qui est compliqué dans des situations où l’on a surtout des éléments vécus au bureau. Ce qu’il faut, c’est un commencement de preuve, pour montrer au juge qu’il y a un faisceau d’indices, et ensuite l’employeur devra prouver qu’il n’y en a pas eu. Depuis une jurisprudence de la Cour de cassation sortie en novembre 2020, je suggère d’enregistrer, en particulier dans les cas de harcèlement sexuel.

Il vous reste 59.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les femmes qui peuvent télétravailler, même lorsqu’elles ont des enfants, s’en sortent mieux économiquement »

Chronique. La pandémie de Covid-19 a fortement aggravé les inégalités économiques entre les femmes et les hommes. Dans la plupart des pays développés, les femmes ont vu le nombre d’emplois et d’heures de travail se réduire davantage que pour les hommes. Dans les pays en développement, c’est encore pire, du fait de la surreprésentation des femmes dans le secteur informel, sans aucun amortisseur social. Le télétravail lui-même a pu accroître ces inégalités. Mais il peut aussi, paradoxalement, limiter ces inégalités.

Deux principales raisons expliquent cette aggravation des inégalités femmes-hommes : les femmes étaient en première ligne des secteurs les plus affectés par la pandémie et les confinements (restauration, hôtellerie, culture) ; la fermeture des écoles et des crèches a forcé l’un des parents – généralement la mère – à réduire ses heures de travail marchand. Les économistes ont même forgé un néologisme, la « fémi-cession », pour désigner une récession affectant plus fortement l’emploi féminin plutôt que masculin (The shecession (she-recession) of 2020 : Causes and consequences, Titan Alon, Matthias Doepke, Jane Olmstead-Rumsey, Michèle Tertilt, VoxEU-CEPR, 22 septembre 2020).

Grandes oubliées des plans de relance

Cette « fémi-cession » touche surtout les femmes précaires, peu éduquées et dont le travail ne peut être effectué à distance, précisent les mêmes auteurs (« From Mancession to Shecession : Women’s Employment in Regular and Pandemic Recessions », 2021, National Bureau of Economic Research). Les femmes gagnent déjà en France 16,3 % de moins en moyenne que les hommes à temps de travail égal, d’après les dernières données de l’Observatoire des inégalités. Et elles sont les grandes oubliées de la plupart des plans de relance. Aux Etats-Unis, par exemple, le plan d’infrastructures de 1 000 milliards de dollars allouera 3 dollars pour un emploi masculin pour chaque dollar alloué à un emploi féminin…

En revanche, les femmes qui peuvent télétravailler, même lorsqu’elles ont des enfants, s’en sortent mieux économiquement.

Pour l’instant. Car si elles ont pu conserver leur emploi, leur productivité a été diminuée par la présence des enfants à la maison. D’après des données néerlandaises analysées par les auteurs, les femmes ont passé les trois quarts de leur temps de télétravail à s’occuper simultanément des enfants, soit 30 % de plus que leurs conjoints. Et les enfants les ont interrompues deux fois plus que les pères pendant le télétravail – il suffit d’être mère de famille pour le savoir… Par exemple, la part des autrices dans les articles publiés dans les revues de recherche économique est passée de 20 % à 12 % pendant la pandémie ! (« The Unequal Effects of Covid-19 on Economists’Research Productivity », Noriko Amano-Patiño, Elisa Faraglia, Chryssi Giannitsarou et Zeina Hasna, Document de travail n° 22, Cambridge-INET, 2020).

Il vous reste 35.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’édition 2021 du Prix du livre RH chasse les « nouveaux monstres » du monde du travail

« Créé en 2000 par Syntec Recrutement en partenariat avec Le Monde et Sciences Po, le Prix du livre RH est l’aboutissement d’un an de lectures croisées des étudiants en master de management à Sciences Po et de débats avec des DRH et des journalistes du Monde sur la production des maisons d’édition françaises en essais, manuels, enquêtes et autres témoignages sur le monde du travail. »

Que devient le travail au XXIe siècle ? Le contexte particulier de crise sanitaire a offert une opportunité unique de réflexion pour répondre à cette question. Le Prix du livre RH, qui célébre mercredi 6 octobre au Monde sa double édition 2020/2021, s’en est saisie.

Créé en 2000 par Syntec Recrutement en partenariat avec Le Monde et Sciences Po, le Prix du livre RH est l’aboutissement d’un an de lectures croisées des étudiants en master de management à Sciences Po et de débats avec des DRH et des journalistes du Monde sur la production des maisons d’édition françaises en essais, manuels, enquêtes et autres témoignages sur le monde du travail.

Les six nommés des éditions 2020 et 2021

Retrouvez les critiques des trois ouvrages finalistes du Prix du livre RH 2020 :

En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic (Seuil, 2019), d’Antonio A. Casilli.

Le Travail au XXIe siècle (Editions de l’Atelier, 2019), sous la direction d’Alain Supiot.

Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui (Gallimard, « NRF Essais », 2020), de Johann Chapoutot.

Retrouvez les critiques des trois ouvrages finalistes du Prix du livre RH 2021 :

Le monde du travail est devenu fou ! (Cherche Midi, 2020), de Marielle Dumortier.

Le Nouvel Esprit du salariat (PUF, 2020), de Sophie Bernard.

Les Dépossédés de l’open space. Une critique écologique du travail (PUF, 2020), de Fanny Lederlin.

Les nommés et le lauréat sont sélectionnés parmi une centaine d’ouvrages de l’année précédente sur six critères : l’actualité et la nouveauté du sujet, la qualité de l’argumentation, le fondement scientifique, la lisibilité, l’apport à la réflexion, bien sûr, et enfin la pertinence pour l’action, à laquelle les DRH sont particulièrement attentifs.

L’édition 2020 du prix du livre RH nous raconte les « nouveaux monstres » du monde du travail, produits par la révolution technologique.

Les nommés – Libres d’obéir, de Johann Chapoutot (Gallimard), Le Travail au XXIe siècle, sous la direction d’Alain Supiot (Editions de l’Atelier), et En Attendant les robots, d’Antonio A. Casilli (Seuil) – analysent la déshumanisation des relations interprofessionnelles autour et au sein de l’entreprise. Des transformations qui effraient : l’emploi « tâcheronnisé », désarticulé, atomisé, au service des robots ; des comportements qui éloignent les normes du travail de la civilisation, avec les présumées influences de la période nazie sur le management « flexible » ou « par objectif » ; et en réaction, l’urgente aspiration à la dignité dans le travail.

Des ravages dans la protection sociale

En Attendant les robots. Enquête sur le travail du clic décrit ainsi l’essor de l’intelligence artificielle comme celui d’une « technologie qui a une fonction d’assujettissement politique du travail », la standardisation et l’externalisation des tâches permettant à la fois de rendre une partie du travail invisible et de mieux le contrôler.

Les plates-formes numériques font office d’instrument de récolte des données personnelles et de « captation de la valeur produite par leurs utilisateurs ». L’ouvrage démontre que ce « nouveau monstre » qu’est l’intelligence artificielle ne peut pas se passer d’une composante humaine, mais le tableau dressé est sombre et anxiogène.

Il vous reste 52.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Tesla condamné à payer 137 millions de dollars à un ancien employé victime de racisme au sein de l’une de ses usines

L’usine Tesla de Fremont, en Californie, le 12 mai 2020.

C’est un jugement qui pourrait faire date. Un jury californien a condamné, lundi 4 octobre, l’entreprise automobile Tesla à payer à un ancien employé noir près de 137 millions de dollars (environ 118 millions d’euros) de dommages et intérêts, pour avoir fermé les yeux sur le racisme que subissait l’homme dans une usine du groupe.

Engagé via une agence de recrutement, Owen Diaz a travaillé comme opérateur de monte-charge entre juin 2015 et juillet 2016 dans l’usine du constructeur de véhicules électriques de Fremont, en Californie, où il a essuyé des insultes racistes et un environnement de travail hostile, selon des documents judiciaires.

Durant le procès, M. Diaz a expliqué que les Afro-Américains de l’usine, où son fils travaillait aussi, étaient régulièrement victimes de surnoms racistes et de dénigrement. Selon son témoignage, les employés avaient dessiné des croix gammées, ainsi que des graffitis et des dessins racistes autour de l’usine. M. Diaz a affirmé que, malgré des plaintes à la hiérarchie, Tesla n’a pas réagi pour mettre fin au racisme habituel.

« Une façade »

« L’image progressiste de Tesla était une façade cachant le traitement rétrograde et dévalorisant de ses employés afro-américains », selon la plainte.

Le jury du tribunal fédéral de San Francisco a octroyé à M. Diaz 6,9 millions de dollars de dommages et intérêts pour « détresse émotionnelle », et 130 millions de dollars à titre de punition, a déclaré son avocat, Larry Organ, au Washington Post. « Ils ont décidé d’un montant qui pourrait servir de sonnette d’alarme pour les firmes américaines », a-t-il déclaré, mardi, à l’Agence France-Presse. « Ne vous comportez pas de façon raciste et ne laissez pas le racisme perdurer », a ajouté l’avocat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « De plus en plus d’entreprises de high-tech prennent position sur le racisme qui empoisonne la société américaine depuis deux siècles »

« Je savais qu’Owen disait la vérité, je devais juste le prouver à huit personnes inconnues », a-t-il raconté, en référence au jury. « Les gens normaux voient clair à travers les conneries qu’affichent les boîtes américaines. »

Du côté de Tesla, la vice-présidente chargée des ressources humaines, Valerie Capers Workman, a reconnu une partie des faits dans un communiqué publié dans la foulée du verdict : « Même si nous croyons fermement que les faits ne justifient pas cette décision du jury de San Francisco, nous reconnaissons qu’en 2015 et 2016 nous n’étions pas parfaits. » Elle mentionne qu’à l’usine de Fremont, d’autres employés ont témoigné qu’ils avaient « entendu régulièrement des insultes racistes », dont le mot nigger (« nègre »). Selon elle, ces salariés ont dit que « la plupart du temps, ils pensaient que ce langage était utilisé de façon “amicale” et en général par des collègues afro-américains ». Elle a expliqué que Tesla avait réagi aux plaintes d’Owen Diaz en congédiant deux contractuels.

« Ils inventent des excuses »

« Notre ligne d’attaque était que Tesla n’assume pas ses responsabilités », a détaillé Larry Organ. « Ils font la même chose maintenant : ils inventent des excuses », a-t-il accusé.

Valerie Capers Workman a aussi souligné que Tesla avait fait des changements depuis la période où Owen Diaz travaillait dans l’usine, en constituant une équipe de ressources humaines qui enquête sur les plaintes des employés. « Nous ne sommes toujours pas parfaits, mais nous avons parcouru beaucoup de chemin en cinq ans », a-t-elle ajouté.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Elon Musk, Tesla et le visionnaire altruiste évincé

En mai, après un arbitrage, Tesla avait été obligé de débourser plus d’un million de dollars pour des allégations similaires d’un autre ancien ouvrier de l’usine de Fremont. Cet employé avait accusé ses collègues de lui avoir fait subir des insultes racistes, et ses superviseurs d’avoir ignoré ses plaintes.

Le Monde avec AFP et AP

A Paris, des milliers de manifestants pour mettre les questions sociales au cœur du débat de la présidentielle

Quelque 6 400 personnes, selon le ministère de l’intérieur – 25 000 selon la CGT –, ont manifesté, mardi 5 octobre, dans la capitale à l’appel des syndicats.

Ils sont venus par milliers, malgré la pluie, porter des revendications sociales et salariales dans les rues de Paris. Quelque 6 400 personnes, selon le ministère de l’intérieur – 25 000 selon la CGT –, ont manifesté, mardi 5 octobre, dans la capitale à l’appel des syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU, ainsi que des organisations de jeunesse FIDL, MNL, UNEF et UNL.

Environ 200 points de rassemblement étaient prévus sur l’ensemble du territoire, selon la CGT. Cette dernière avance le chiffre de plus de 160 000 manifestants à travers toute la France – 85 400 selon le ministère de l’intérieur.

Les mots d’ordre étaient divers pour cette première manifestation interprofessionnelle de la rentrée, comme en témoignait la banderole de tête du cortège parisien : « Retraites, salaires, services publics, assurance-chômage, non à la régression sociale, non au passe sanitaire comme outil de répression ».

Parmi les manifestants de la capitale, des jeunes alertant sur la précarité des étudiants, des personnes sans emploi dénonçant la réforme de l’assurance-chômage, des salariés inquiets de devoir partir à la retraite plus tard, des employés sur le point d’être licenciés, des fonctionnaires déplorant la « casse du service public », ou encore des travailleurs dont le salaire n’assure pas des fins de mois sereines. « Jeunes actifs, chômeurs et retraités, c’est tous ensemble qu’il faut lutter ! Jeunes actifs, chômeurs et retraités, c’est tous ensemble qu’on va gagner ! », ont clamé les manifestants, qui ont défilé dans le calme.

Conditions de travail dégradées

Frédérique, 50 ans, professeure en maternelle à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), est surtout venue pour dénoncer ses conditions de travail qui « se dégradent » et les salaires « gelés depuis dix ans » dans la fonction publique. « On entend souvent dire que les services publics ne fonctionnent pas, et on nous accuse nous, fonctionnaires, d’en être responsables, mais personne ne se dit que c’est à cause du manque de moyens », déplore l’enseignante, aux côtés de deux collègues.

« Dans ma classe de petite section, il y a 30 élèves, et plusieurs qui auraient besoin d’aides spécifiques que nous n’avons pas », ajoute Morgane, 44 ans, enseignante dans le Val-d’Oise. Avec respectivement dix-neuf et vingt et un ans d’ancienneté, elles gagnent environ 2 000 euros net par mois. « Et on perd du pouvoir d’achat depuis dix ans à cause du gel du point d’indice », ajoutent ces enseignantes. Les primes annoncées par Jean-Michel Blanquer l’an dernier ne les ont pas concernées. « Je n’ai jamais eu autant l’impression qu’on se moquait de moi en vantant une “revalorisation historique », s’énerve Morgane. Le ministère de l’éducation nationale dénombrait 4,06 % de grévistes en moyenne parmi les enseignants mardi midi.

Il vous reste 53.1% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.