Archive dans septembre 2020

Les kits télétravail arrivent en entreprise et à domicile

« D’une centaine d’euros à plus de 1 000 euros, on en trouve dans toutes les gammes de prix, et adaptés à tous les espaces, parfois personnalisés. »

Océane, employée dans l’e-commerce, passée au télétravail intégral depuis le confinement, a opté cet été pour un ensemble chaise ergonomique et bureau d’occasion de la start-up Bluedigo, pour 216 euros : « J’étais sur une chaise de cuisine avec une mauvaise table, alors j’ai choisi d’investir dans un pack. » Car, reconnaît-elle « Je n’avais pas du tout d’équipement adapté ».

A l’image d’Océane, les télétravailleurs sont nombreux à vouloir s’équiper en mobilier de bureau, et cette demande n’est pas passée inaperçue auprès des vendeurs : des offres de « packs télétravail », regroupant un bureau, un siège et parfois quelques accessoires (tapis de souris, repose-pieds, lampe…) fleurissent sur la Toile.

D’une centaine d’euros à plus de 1 000 euros, on en trouve dans toutes les gammes de prix, et adaptés à tous les espaces, parfois personnalisés. Pour les petits appartements urbains, il existe même un pack Slim, avec bureau mural. « C’est une idée lancée pendant le confinement. Nous avons simplement appliqué ce que nous avons vécu chez nous, c’est-à-dire le déplacement de nos bureaux à la maison », explique la directrice générale de la société d’aménagement Ouest-Bureau, Marie-Eve Hamon.

« On avait déjà quelques packs dans notre offre Web, mais avec le confinement on l’a renforcée, se souvient Nicolas Rabadeux, chef de groupe produits du secteur mobilier du groupe Bruneau. On a opté pour une dizaine de packs concis, car plus l’on ajoute d’éléments, plus il y a un risque que le client ne s’y retrouve pas. C’est compliqué de tomber juste pour assortir et le bureau et le siège. »

Télétravail : faut-il un équipement standard ou sur mesure ?

« La start-up Bluedigo récupère du mobilier quasi neuf dans les entreprises qui déménagent, et les revend à faible coût. »

Les « packs télétravail » proposés par les enseignes ont le vent en poupe : comme le transfert du travail à la maison est dans l’air du temps pour cause de Covid-19, les ventes explosent. Sur le site CDiscount, les stocks de « packs bureau droit et chaise de bureau » sont déjà épuisés. Même constat chez Bruneau : « Il y a des ruptures de stock sur plusieurs ensembles ! Des gens se sont rués sur les produits », s’étonne encore Nicolas Rabadeux, chef de groupe produit du secteur mobilier du groupe Bruneau.

La directrice générale d’Ouest Bureau a, de son côté, constaté une poussée des ventes cet été : « Nous avons eu très peu de contacts clients pendant le confinement, mais un flux de demandes est arrivé à partir de juin, avec 40 % des commandes totales de notre site qui concernent la mise en place du télétravail ! »

Certains vendeurs ne manquent pas d’ingéniosité pour se démarquer. La start-up Bluedigo récupère du mobilier quasi neuf dans les entreprises qui déménagent, et les revend à faible coût, sous forme de pack écologique et économique. C’est la solution choisie par la salariée Océane, qui s’est équipée cet été : « J’ai repéré d’abord les produits que je cherchais et j’ai comparé sur Internet. Je voulais acheter d’occasion, même avec la livraison ce n’était pas cher ! ».

Une cinquantaine de modèles de bureaux et chaises

Les plus grandes enseignes – Ouest Bureau ou Bruneau – proposent des ensembles « à la carte », car le pack standardisé ne convient pas à tout le monde. « Nous ne voulons pas rentrer dans une standardisation des postes, on préfère répondre aux besoins ciblés de chaque collaborateur », explique Jean-Christophe Vinel, directeur RSE (responsabilité sociale des entreprises) de l’entreprise de services du numérique Tipco, qui préfère laisser le salarié faire son choix et lui donner une enveloppe. Vous avez besoin d’un fauteuil ? L’entreprise vous le rembourse sur note de frais et le fait livrer par l’enseigne partenaire.

Idem chez le cabinet de conseil en informatique Cellenza, qui dote chaque collaborateur d’une somme à dépenser sur un catalogue prédéfini avec Bruneau, pour créer son pack à partir d’une cinquantaine de modèles de bureaux et de chaises. « Le catalogue va du vrai bureau massif au bureau un peu plus design style nordique qui se pose plus facilement dans un salon, du fauteuil ergonomique un peu imposant au petit fauteuil design qui peut aisément se fondre dans la décoration. »

La méthode fonctionne, selon Emilie Ehrhardt, responsable de l’environnement de travail : « On envoie à tous nos salariés un bon de commande, chacun choisit ce qu’il veut et Bruneau vous livre votre pack à domicile en fonction de vos disponibilités. » Standardisés ou personnalisés, ces ensembles de mobilier représentent un nouveau marché.

Tandis que le télétravail s’installe durablement, l’idée est d’éviter les risques pour la santé des salariés, dont l’employeur est tenu responsable. Selon une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 50 % des 8 600 répondants ont déclaré être plus fatigués pendant le confinement qu’à l’ordinaire. Emilie Ehrhardt, responsable de l’environnement de travail du cabinet de conseil en informatique Cellenza, s’est occupée de l’approvisionnement de ses collègues en mobilier, et a elle-même profité d’un pack télétravail : « J’ai été équipée pour travailler de manière plus cohérente : il y a un moment où la chaise du salon et le bureau improvisé c’est sympa, mais ça fait quand même mal au dos ! »

« Loin d’être des gadgets »

Eviter les douleurs passe par une bonne installation et l’utilisation de matériel ergonomique : « Il est nécessaire que le matériel mis à disposition puisse être réglable et adaptable aux salariés et aux tâches spécifiques qu’ils effectuent. Plus un fauteuil est modulable, plus il s’adaptera à la morphologie et aux besoins de chacun. Il existe aussi des plans de travail à hauteur variable, ce qui permet d’alterner les postures, » explique Laurent Kerangueven, ergonome à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

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Télétravail : faut-il un équipement standard ou sur mesure ?

« La start-up Bluedigo récupère du mobilier quasi neuf dans les entreprises qui déménagent, et les revend à faible coût. »

Les « packs télétravail » proposés par les enseignes ont le vent en poupe : comme le transfert du travail à la maison est dans l’air du temps pour cause de Covid-19, les ventes explosent. Sur le site CDiscount, les stocks de « packs bureau droit et chaise de bureau » sont déjà épuisés. Même constat chez Bruneau : « Il y a des ruptures de stock sur plusieurs ensembles ! Des gens se sont rués sur les produits », s’étonne encore Nicolas Rabadeux, chef de groupe produit du secteur mobilier du groupe Bruneau.

La directrice générale d’Ouest Bureau a, de son côté, constaté une poussée des ventes cet été : « Nous avons eu très peu de contacts clients pendant le confinement, mais un flux de demandes est arrivé à partir de juin, avec 40 % des commandes totales de notre site qui concernent la mise en place du télétravail ! »

Certains vendeurs ne manquent pas d’ingéniosité pour se démarquer. La start-up Bluedigo récupère du mobilier quasi neuf dans les entreprises qui déménagent, et les revend à faible coût, sous forme de pack écologique et économique. C’est la solution choisie par la salariée Océane, qui s’est équipée cet été : « J’ai repéré d’abord les produits que je cherchais et j’ai comparé sur Internet. Je voulais acheter d’occasion, même avec la livraison ce n’était pas cher ! ».

Une cinquantaine de modèles de bureaux et chaises

Les plus grandes enseignes – Ouest Bureau ou Bruneau – proposent des ensembles « à la carte », car le pack standardisé ne convient pas à tout le monde. « Nous ne voulons pas rentrer dans une standardisation des postes, on préfère répondre aux besoins ciblés de chaque collaborateur », explique Jean-Christophe Vinel, directeur RSE (responsabilité sociale des entreprises) de l’entreprise de services du numérique Tipco, qui préfère laisser le salarié faire son choix et lui donner une enveloppe. Vous avez besoin d’un fauteuil ? L’entreprise vous le rembourse sur note de frais et le fait livrer par l’enseigne partenaire.

Idem chez le cabinet de conseil en informatique Cellenza, qui dote chaque collaborateur d’une somme à dépenser sur un catalogue prédéfini avec Bruneau, pour créer son pack à partir d’une cinquantaine de modèles de bureaux et de chaises. « Le catalogue va du vrai bureau massif au bureau un peu plus design style nordique qui se pose plus facilement dans un salon, du fauteuil ergonomique un peu imposant au petit fauteuil design qui peut aisément se fondre dans la décoration. »

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Quatre constats pour mieux négocier le télétravail

Droit social. Le contre-exemple des « télétravaux forcés » et confinés au domicile du printemps 2020, conséquence de la pandémie de Covid-19 permet d’établir quatre constats pour mieux négocier le télétravail élargi (salariés concernés plus durée) de demain.

Premier constat. L’extrême hétérogénéité des situations de chaque télétravailleur. L’organisation au sein de chaque entreprise est déjà très variable. Et sans parler des premiers de corvée souvent exclus de tout travail à distance, chaque salarié a un entourage, un domicile et des temps de transport spécifiques. Caricature : les parents se partageant un ordinateur avec un Wi-Fi problématique, à côté d’enfants en bas âge.

Conséquence. Le télétravail ne peut être conçu comme un discret temps partiel afin de s’occuper de sa famille. Les accords doivent éviter que le télétravailleur ne soit soumis à d’épuisantes injonctions contradictoires (atteindre ses objectifs-s’occuper des enfants), source de graves risques psychosociaux. Vu le très fort pourcentage de salariés aidants femmes (70 % pour des parents très âgés), le développement du télétravail au domicile pourrait aussi provoquer un recul de vingt ans en matière d’égalité.

Deuxième constat. Télétravailler n’est pas simplement emporter un ordinateur à la maison, mais installer physiquement et psychologiquement un peu de l’entreprise au domicile. Sur une longue période, une trop grande porosité entre vie privée et vie professionnelle est désastreuse pour tout le monde : quand on rentre « chez soi » et qu’on a l’impression de « revenir au bureau »… D’où la préparation d’une résolution sur l’indispensable droit de déconnexion au Parlement européen, mais aussi des accords d’entreprise voulant « prévenir l’hyperconnection et préserver la santé des salariés », comme chez Total.

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Conséquence. Le choix individuel du télétravail percutant le collectif, passer à trois ou quatre jours par semaine exigera une réorganisation profonde de toute l’entreprise, et des équipes. Mais également, s’il intervient au domicile, de chaque petit écosystème familial. Avec souvent, au-delà de trois jours par semaine loin de l’entreprise, un réexamen de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, voire de la centralité du travail salarié structurant nos vies et nos villes.

La question du statut

Troisième constat. Nombre d’entreprises vont chercher à réduire fortement leurs coûts : à commencer par l’immobilier, mais également la masse salariale. Or, la délocalisation d’un travail effectué à distance par des peu qualifiés est aisée. Aujourd’hui déjà, des centres d’appels sont implantés à Casablanca, et l’informatique est traitée en Inde.

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Disney supprime 28 000 emplois aux Etats-Unis à cause de la pandémie de Covid-19

Les portes du parc Disneyland sont fermées, au début de la pandémie, à Anaheim, en Californie, le 14 mars.

Les salariés de Disney mis au chômage technique depuis le mois d’avril espéraient un coup de téléphone pour être rappelés au travail. Vingt-huit mille d’entre eux vont être licenciés définitivement en raison de l’absence de calendrier pour la réouverture du parc californien de Disneyland.

L’annonce est liée au conflit entre le géant du divertissement et l’Etat de Californie sur la question de la réouverture partielle du parc d’attractions. Elle intervient quelques heures après que les autorités locales ont annoncé que le comté d’Orange, siège du parc, n’avait pas fait assez de progrès dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 pour envisager une réouverture. Les parcs à thème se sont plaints qu’aucune feuille de route spécifique les concernant n’avait été édictée. Quatre-vingt mille emplois seraient directement dépendants du parc dans la région d’Anaheim, où le chômage s’est envolé.

« Nous sommes prêts à ouvrir et espérons avoir prochainement des directives de l’Etat » de Californie, a déclaré sur une vidéo le vice-président de Disneyland, Patrick Finnegan. Le groupe a rouvert partiellement ses activités de restauration et d’hôtellerie. Les deux tiers des personnels licenciés étaient salariés à temps partiel. L’entreprise employait, à la fin de l’année 2019, plus de 220 000 personnes.

Rien n’est plus comme avant

En Floride, les autorités de l’Etat, républicaines, sont beaucoup plus allantes sur la réouverture de l’économie, et le parc Disneyworld, situé à Orlando (Floride), a rouvert ses portes partiellement depuis le mois de juillet. Mais une visite dans un des parcs d’attractions de la région (le Musée de l’espace de cap Canaveral) était édifiante : parkings déserts, restaurants fermés, rien n’est plus comme avant dans le monde du tourisme américain tandis que les salariés de Disney se ruaient, début septembre, à la banque alimentaire organisée chaque samedi à Orlando par le syndicat du groupe.

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Disney a perdu 4,72 milliards de dollars (4,09 milliards d’euros) au deuxième trimestre 2020, sa première perte depuis plus de dix ans. L’activité parc d’attractions a accusé un déficit de 2 milliards de dollars, avec une chute des recettes de 85 %.

L’action du groupe avait rebondi lorsqu’il est apparu que, comme son concurrent Netflix, Disney enregistrait d’excellents résultats mondiaux avec l’ouverture de son service de diffusions de films à la demande, Disney+. Celui-ci avait séduit plus de 60 millions de téléspectateurs en neuf mois de lancement. Devant la persistance de la pandémie, Disney a lancé son film Mulan en vidéo à la demande en septembre, au prix de 30 dollars, au grand dam des réseaux de salles de cinéma qui auraient dû le diffuser à partir du 21 août.

L’affaire confirme que faute de vaccin fiable et généralisé, une reprise normale de l’économie du loisir et du tourisme est inenvisageable.

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Les perspectives des jeunes diplômés bouleversées par la crise

Pour Madeleine (le prénom a été modifié), 24 ans, l’année 2020 s’annonçait pleine de promesses. Master de marketing en poche, elle venait de décrocher un CDI dans un cabinet de conseil francilien. « J’étais épanouie, mes collègues étaient sympas, je sentais que je montais en compétences », se souvient-elle avec une pointe de nostalgie. Mais mi-avril, en plein confinement, son employeur a mis fin à sa période d’essai. « Il m’a dit qu’il était très content de mon travail, mais que, vu la situation, il ne pouvait pas me garder. » Le choc passé, vaillamment, Madeleine s’est remise à chercher du travail. L’entreprise où elle avait réalisé son alternance lui a proposé de reprendre son ancien poste de chef de produit… mais en tant qu’intérimaire. Fini le confort du CDI. « Ce n’est pas toujours facile de rester motivée. J’ai l’impression d’avoir fait un bond d’un an en arrière. Autour de moi, en ce moment, tout le monde a revu ses ambitions à la baisse… »

Sur le site de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), les offres d’emploi à destination des diplômés débutants (moins d’un an d’expérience) ont dégringolé de 42 % entre janvier et août 2020 par rapport à 2019 (contre − 34 % pour l’ensemble des cadres). Cette chute concerne aussi bien les start-up que les grandes entreprises, observe la plate-forme d’offres d’emploi Welcome to the Jungle, spécialiste des jeunes diplômés. Résultat : le nombre de titulaires de diplômes « bac + 3 et plus » inscrits à Pôle emploi a bondi de 68 % entre février et juillet 2020.

Renoncements déstabilisants

Stages avortés, ruptures de périodes d’essai, CDD non renouvelés, promesses d’embauches décalées, retours précipités de l’étranger… De nombreux jeunes diplômés ont vu leurs projets d’avenir mis à rude épreuve par la crise sanitaire. Des renoncements déstabilisants à cette période charnière où ils sont censés prendre leur envol. « Pour des jeunes qui se projetaient dans le démarrage rapide de leur vie active, la crise génère une inquiétude légitime, et une forme de frustration », analyse Dominique Monchablon, psychiatre, chef de service de la Fondation santé des étudiants de France et à l’école de commerce ESCP.

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« Les jeunes diplômés ont beau être mieux armés que ceux qui sont sans qualifications, ce serait une erreur de penser qu’ils sont épargnés par les difficultés actuelles. Le gel des embauches ou le ralentissement des recrutements opérés par beaucoup d’entreprises les frappent directement », insiste le directeur général de l’APEC, Gilles Gateau.

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Les discussions reprennent sur la réforme de l’assurance-chômage

La réforme de l’assurance-chômage va-t-elle être vidée de sa substance ou retouchée à la marge ? C’est l’un des principaux enjeux de la rencontre organisée, mercredi 30 septembre, entre le ministère du travail et les partenaires sociaux. Les protagonistes doivent, en effet, se pencher sur les aménagements susceptibles d’être apportés à un dispositif très controversé, partiellement mis en vigueur à partir de la fin 2019 avant d’être suspendu – presque intégralement –, du fait de la crise.

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Le gouvernement assure cependant qu’il n’est nullement question d’y renoncer, tout en se disant prêt à amender les textes. Les syndicats, de leur côté, réclament un abandon de ces mesures, les jugeant punitives pour les demandeurs d’emploi.

Indemnité plus faible

La réunion de mercredi donne le coup d’envoi à un cycle d’échanges entre l’exécutif, les organisations de salariés et les mouvements d’employeurs. Une quinzaine de thèmes doivent faire l’objet de concertations durant l’automne. Dans les sujets abordés, il y a donc l’assurance-chômage, dont les règles avaient été modifiées par deux décrets pris en juillet 2019. Prévues au départ pour s’appliquer en plusieurs étapes – de novembre 2019 à mars 2021 –, les nouvelles dispositions sont dénoncées par les syndicats.

Premier grief : il est lié au durcissement des conditions requises pour bénéficier du régime, puisque les personnes doivent avoir travaillé plus longtemps pour pouvoir toucher une allocation. Les organisations de salariés sont également contre les changements introduits dans le calcul de la prestation, car ils vont pénaliser les chômeurs ayant enchaîné des contrats courts (l’indemnisation versée risquant d’être plus faible, à cause du « salaire de référence » qui est déterminé différemment).

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La réforme indispose aussi le patronat, mais avec une intensité moindre. Les mouvements d’employeurs s’opposent, en effet, à l’instauration d’un bonus-malus : destiné à combattre la précarité sur le marché du travail, ce mécanisme augmente les cotisations des entreprises qui se séparent fréquemment de leurs collaborateurs et diminue celles des sociétés dont les effectifs sont stables. Seuls sept secteurs sont concernés, parmi lesquels l’hôtellerie-restauration.

« Annulation » de la réforme

Tous ces points durs vont être passés en revue mercredi. Du côté des syndicats, les discours restent inchangés. La CFDT ne veut pas de ces textes qui ont « pour effet de réduire les droits des demandeurs d’emploi », confie Marylise Léon, la numéro deux de la centrale cédétiste. Pour elle, la vocation de l’assurance-chômage est de « garantir aux personnes ayant perdu leur activité une allocation, essentielle notamment pour les plus précaires ». La concertation qui débute mercredi présente toutefois, selon elle, le mérite d’ouvrir une « réflexion » sur le rôle du système d’indemnisation en temps de crise.

Michel Beaugas (FO) affirme, pour sa part, que « la protection accordée aux chômeurs ne doit pas être amoindrie, a fortiori durant une période où le nombre de personnes privées de travail flambe » : « Il faut revenir aux règles qui prévalaient avant les décrets de 2019. » La CGT, par la voix de Denis Gravouil, est partisane, elle aussi, d’une « annulation » de la réforme. Elle compte mettre à profit les discussions à venir pour défendre des propositions qui améliorent le sort réservé aux chômeurs.

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Les organisations patronales, elles, vont exprimer, à nouveau, leur hostilité au bonus-malus, avec d’autant plus de vigueur que celui-ci s’applique à des activités dont certaines ont été durement touchées par la récession. « Il faut essayer de trouver des solutions alternatives », estime Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, tout en reconnaissant que « ce n’est pas évident ».

Diversité dans les médias : des rédactions incapables de rompre avec l’entre-soi

Harry Roselmack, présentateur du JT de TF1, en 2006.

Enfant d’agriculteur, handicapé, issu de famille monoparentale ou d’origine étrangère, ils sont passés par l’association La Chance aux concours (devenue La Chance pour la diversité dans les médias) ou la Prépa égalité des chances de Lille, qui aident depuis la fin des années 2000 les étudiants boursiers à préparer et à passer les concours des écoles de journalisme.

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Diplômés d’écoles reconnues, ils donnent à leur tour de leur temps pour accompagner leurs successeurs éventuels jusqu’au sein de rédactions encore socialement très homogènes. « Quand je regardais la télé, petit, et que je compare avec la diversité sociale qu’on peut y voir aujourd’hui, je ne dis pas que c’est nickel, mais on revient de loin ! », se réjouit toutefois Madjid Khiat, journaliste à Franceinfo (la télé). Née en 2016, la chaîne d’info est effectivement dotée d’un cahier des charges « qui lui impose d’aller chercher d’autres visages », explique Marie-Anne Bernard, à France Télévisions.

« Faire office de quota »

Dans d’autres rédactions plus anciennement constituées, la diversité ethnoculturelle s’impose plus lentement, et paraît encore se résumer à quelques visages (Kareen Guiock, présentatrice du 12.45 sur M6 depuis neuf ans, Karine Baste-Régis, nouvelle joker d’Anne-Sophie Lapix sur France 2). « Je suis journaliste à Franceinfo parce que je bosse comme tout le monde, revendique M. Khiat. Ça me rendrait fou qu’on me résume à mes origines. » Une de ses consœurs, qui souhaite rester discrète, reconnaît avoir renoncé à un poste dans une autre chaîne après avoir compris que le recruteur était plus intéressé par sa couleur de peau que par son professionnalisme. « J’aurais eu l’impression de faire office de quota », condamne-t-elle. Le principe de la discrimination positive est perçu négativement.

« Ceux qui décrochent le plus du métier, ce sont ceux qui étaient les plus pauvres à l’origine » Zahra Boutlelis, reporter à « C à vous »

« L’arrivée d’Harry Roselmack à la présentation du 20 heures de TF1, en 2006, n’a rien changé sur le fond », pointe Faïza Zerouala, journaliste à Mediapart. A ses yeux, « il y a toujours un soupçon de moins bonnes compétences chez les journalistes “racisés” ou de milieux populaires ». Tous ceux que nous avons interrogés font effectivement part d’une « impression d’avoir dû en faire deux fois plus que les autres » pour parvenir à une relative stabilité professionnelle. « Mais est-ce que c’était le cas, ou est-ce que je me suis mis des boulets aux pieds toute seule ? », interroge Nastasia Haftman, correspondante de TF1 en Italie, consciente que la précarité qu’elle a connue dans sa jeunesse a durablement entamé sa confiance en elle.

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« Pour eux, c’est sûr, je suis un tire-au-flanc » : en finir avec l’incompréhension du handicap au travail

En dépit de la loi du 11 février 2005 qui pose le principe d’égalité des droits et des chances, un salarié en situation de handicap a, dans les faits, souvent plus de difficultés à bénéficier de formations ou à gravir les échelons.

L’annonce du confinement au printemps dernier, une calamité ? Pas pour tous. Le 16 mars, lorsqu’Emmanuel Macron a demandé aux Français de limiter, pendant au moins quinze jours, leurs déplacements au strict nécessaire, Sofia (pour conserver leur anonymat, certaines personnes n’ont donné que leur prénom, d’autres l’ont modifié), elle, s’est presque frotté les mains. Tout le monde allait enfin prendre conscience de ce qu’elle vivait au quotidien.

Atteinte d’une sclérose en plaques depuis l’âge de 28 ans, cette quinquagénaire sait ce qu’est d’« être empêchée » d’agir en fonction de ses envies. En semaine, dans son entreprise du CAC 40, elle est une cadre supérieure comme les autres. Ou presque. Sa maladie ne se voit pas. Mais lorsqu’une crise surgit et que ses muscles endoloris la clouent au lit plusieurs jours d’affilée, Sofia n’est alors plus que l’ombre d’elle-même. Mais ça, personne ne le sait.

Pour toujours faire bonne figure au bureau, la mère de famille économise ses forces le week-end. Et renonce aux activités avec les enfants, aux sorties en amoureux ou aux dîners entre amis. « Ma vie sociale est réduite à peau de chagrin », se désole-t-elle.

Et Sofia de poursuivre : « En obligeant les gens à rester chez eux, en les privant de leur liberté de mouvement, le confinement a brusquement mis les bien portants sur un pied d’égalité avec les malades. Je me suis dit qu’ils allaient peut-être mieux nous comprendre. »

« Ils pensent que je fais ma princesse »

Sofia n’est pas la seule à se savoir, presque secrètement, « empêchée » sur son lieu de travail. Huit personnes en situation de handicap sur dix souffrent, comme elle, d’un handicap dit « invisible » (maladie chronique, traumatisme crânien, déficience visuelle ou auditive…), selon Ladapt (association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées). La plupart estiment être mal jaugés dans leur entreprise.

Un sentiment qui risque de s’aggraver dans les mois à venir. Selon une enquête de l’Agefiph-IFOP publiée le 23 septembre, 77 % des personnes en situation de handicap disent ne pas se sentir bien – fatigue, stress, inquiétudes… – depuis qu’elles ont repris le travail après le confinement.

L’incompréhension commence par des « plaisanteries ». A 28 ans, Aurélie est atteinte de narcolepsie – un trouble qui génère des d’accès de sommeil incontrôlables. Par chance, sa maladie n’est pas associée à une cataplexie. Autrement dit, la jeune femme sent quand elle a besoin de dormir. Au bureau, la journaliste est bien intégrée dans son équipe et peut, à tout moment, aller s’allonger dans une petite salle aménagée à cet effet. Mais Aurélie ne s’y rend quasiment jamais, de crainte d’essuyer les boutades de ses confrères : « Trop de chance ! », « T’es fatiguée à ton âge ? », « Tu fais quoi de tes nuits ? »

Vient ensuite le déni de la maladie. Directrice de clientèle dans une agence lyonnaise, Martine doit composer au quotidien avec une insuffisance rénale. Une pathologie qui lui provoque de l’asthénie (une sensation de fatigue intense) et des nausées fréquentes. Ses proches collaborateurs connaissent ses problèmes, mais ils ont une fâcheuse tendance à les oublier. « Je dois constamment leur rappeler qu’une réunion de deux heures, c’est au-dessus de mes forces ou qu’il faudra penser à me commander un menu spécial pour le déjeuner de service, soupire la quadragénaire. Je suis persuadée qu’ils pensent que je fais ma princesse. »

Actes de malveillance

Même ressenti pour Luc, qui doit de surcroît gérer la jalousie de ses pairs. Souffrant de maux de dos chroniques depuis un accident de moto, survenu l’hiver dernier, ce magasinier se retrouve dans l’incapacité de décharger les palettes trop lourdes. A la demande de la médecine du travail, le jeune homme assure donc la mise en rayon des produits alimentaires et commence plus tard que le reste de l’équipe. Un « privilège » qui attise le courroux de certains. « Pour eux, c’est sûr, je suis un tire-au-flanc », se désole le trentenaire.

Si Luc doit composer avec quelques regards noirs, d’autres sont victimes de véritables actes de malveillance. Eric en a fait les frais, voici quelques années. Souffrant d’une artérite des membres inférieurs entraînant des douleurs aiguës lors des efforts, ce facteur a été l’un des premiers à bénéficier d’un vélo électrique. A deux reprises, il a retrouvé ses pneus crevés.

« L’absence de visibilité du handicap laisse souvent penser aux autres que la personne n’est pas vraiment malade, soutient Olfa Jouini, médecin du travail. De là à en plaisanter, à occulter le problème, voire à estimer qu’elle pourrait, avec un peu de bonne volonté, travailler comme tout un chacun, il n’y a évidemment qu’un pas ! »

Des affections taboues

Longtemps ignorés dans la sphère professionnelle, les troubles cognitifs (difficultés à mémoriser, à s’organiser, à s’adapter…) ou psychiques (hystérie, schizophrénie, dépression…) constituent le summum de l’incompréhension. « Ils sont systématiquement perçus comme des traits de caractère, confirme François Chauchot, psychiatre. Telle personne n’est pas autiste, elle a “un poil dans la main”, et telle autre ne souffre d’aucun désordre bipolaire, elle est soupe au lait. »

Ces affections sont tellement taboues que le salarié préfère parfois les taire. Marc est atteint de troubles obsessionnels compulsifs discrets qui le ralentissent dans son travail. Pendant des années, il a préféré subir les foudres de son chef de service, plutôt que de révéler sa maladie. Au désespoir de sa responsable des ressources humaines, Patricia, qui le poussait à faire reconnaître son handicap, afin d’entamer un dialogue constructif avec sa hiérarchie.

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« Il arrive aussi qu’une personne ne soit pas consciente de ses problèmes de comportement, avance Patricia. Une situation difficile à gérer. Je me souviens d’une employée stigmatisée par ses collègues qui croyait dur comme fer être victime d’un complot. »

Le quotidien serait-il plus simple pour les individus porteurs d’un handicap visible ? Pas si sûr. « Le point positif est que personne ne doute de l’invalidité d’un salarié déficient moteur ou aveugle, explique la docteure Olfa Jouini. Il bénéficie d’un meilleur accompagnement, mais il est en revanche sans cesse ramené à son statut de travailleur handicapé. »

« Je compte pour une demi-portion ! »

Atteint de la maladie des os de verre, une affection génétique rare se traduisant par une petite taille et une fragilité osseuse, Hab-Eddine Sebiane se déplace en fauteuil roulant. Ce chargé de logistique événementielle a appris à vivre avec sa différence et ne s’estime pas le moins du monde entravé dans ses fonctions. Mais il regrette les nombreux préjugés sur la question du handicap.

« On est systématiquement réduit à cette singularité. On est une personne handicapée, avant d’être un bon informaticien, soupire ce père de deux enfants, pourtant peu enclin à s’apitoyer sur son sort. Je suis de bonne humeur ? C’est parce que je vis bien mon handicap. Je ne le suis pas ? J’ai forcément un problème avec ça. » Et d’ajouter : « On se sent parfois presque redevable à l’entreprise de nous avoir embauchés. »

Visible ou invisible, le handicap génère des discriminations dans l’entreprise. En dépit de la loi du 11 février 2005, qui pose le principe d’égalité des droits et des chances, un salarié en situation de handicap a, dans les faits, souvent plus de difficultés à bénéficier de formations ou à gravir les échelons.

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Atteinte d’une myopathie (un dysfonctionnement musculaire), Laure, opératrice de saisie dans la grande distribution, en est un parfait exemple. Sa hiérarchie a beau se dire « très satisfaite » de son travail, elle ne lui a jamais accordé le poste de secrétaire convoité. Pis : « Je ne suis pas conviée à certaines réunions. Je compte pour une demi-portion ! », plaisante-t-elle.

Aussi de belles histoires

Si Laure prend les choses avec le sourire, il n’en va pas de même pour tous. Pour se fondre dans la masse, certains vont redoubler d’efforts, au point de mettre leur santé en danger ou développer de vraies détresses psychologiques. D’autres vont, au contraire, se décourager et se désinvestir.

Comment ne pas en arriver à de telles situations ? Il faut former les responsables des ressources humaines et les manageurs à ces questions, créer un climat de confiance dans l’entreprise pour que les personnes concernées, ou celles susceptibles de le devenir, puissent s’exprimer librement et bénéficier d’un encadrement adapté, mettre en place des référents pour faciliter leur intégration… Bref, il faut dialoguer. Les lignes bougent, certes, mais il reste encore du chemin à parcourir.

Car le handicap, ce sont aussi de belles histoires. Comme celle d’Augustin, qui présente une défaillance intellectuelle. A 23 ans, le jeune Stéphanois intègre une entreprise comme « homme à tout faire ». A l’époque, il est timide et bafouillant. Anticipant de potentielles difficultés d’adaptation, le docteur Olfa Jouini rencontre en amont ses futurs collègues afin de les préparer à côtoyer le nouvel arrivant. Dix ans plus tard, Augustin est la mascotte du service. Et il vient de quitter le domicile parental pour emménager avec sa petite amie.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées)

L’Agefiph organise l’Université du réseau des référents handicap 2020 du 6 au 9 octobre. Pour vous y inscrire, rendez-vous ici.

« Mon secteur d’activité est mort » : le difficile combat des personnes licenciées en pleine pandémie de Covid-19

Manifestation a l’appel de la CGT, de Solidaires et de la FSU, à Paris, le 17 septembre 2020.

Depuis six mois, Isabelle* vit en apnée. « Il ne faut pas qu’il se passe quelque chose », s’inquiète la mère de famille de deux enfants, licenciée en août après dix années chez Derichebourg Aeronautics Services, un sous-traitant d’Airbus. Comment rembourser l’emprunt de la maison, si la situation perdure ? Comment payer l’activité sportive des enfants ? Comment se projeter dans les mois qui viennent ? « Je me pose des questions sur tout », confie l’ancienne salariée. « Le fait d’être licenciée pendant cette crise économique rend la situation encore plus difficile », ajoute la trentenaire, qui vit désormais avec les 1 100 euros net par mois que lui verse Pôle emploi.

Le 12 juin, son entreprise a signé avec le syndicat majoritaire un accord de performance collective (APC), impliquant une baisse de salaire pour elle de 300 euros net par mois, soit un revenu à 1 200 euros. La trentenaire a rapidement fait le calcul : en soustrayant les frais d’essence pour se rendre au travail, « il valait mieux être au chômage ». Comme les 160 salariés ayant refusé l’APC — soit plus de 10 % des effectifs —, Isabelle a été licenciée pour « cause réelle et sérieuse ». Une procédure qui la prive, contrairement au licenciement économique, de mesures d’accompagnement renforcé pour retrouver un emploi.

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Avec la crise économique induite par l’épidémie de Covid-19, ces accords se multiplient. Ces derniers mois, une quinzaine d’entreprises ont voté des APC ou sont en phase de négociation pour le faire, selon les chiffres communiqués au Monde par le ministère du travail. Des accords qui s’ajoutent aux plans sociaux, eux aussi toujours plus nombreux. Au 13 septembre, 394 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) étaient ainsi recensés depuis mars, contre 249 sur la même période en 2019. Cela représente près de 57 000 emplois supprimés, soit trois fois plus que sur la même période en 2019, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Quand ce ne sont pas des plans de licenciement, les entreprises ont recours à d’autres dispositifs (rupture conventionnelle, fin de période d’essai, non-renouvellement de CDD, etc.) pour un résultat similaire.

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« Virée » en visioconférence

Textile, hôtellerie, tourisme, automobile, aéronautique… des pans entiers de l’économie française sont touchés et 715 000 emplois ont été détruits en France au premier semestre, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Au total, d’ici à la fin de l’année, le gouvernement table sur une destruction de 800 000 emplois et un taux de chômage qui pourrait atteindre 11,1 % en 2021.

« Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et nos entreprises, quoi qu’il en coûte », avait assuré Emmanuel Macron dans son allocution du 12 mars. Moins d’une heure après cette déclaration, Zoé* a reçu un appel de son manageur l’informant de sa volonté de mettre fin à son CDI, signé six mois plus tôt. « Il ne m’a pas laissé le choix », se souvient la serveuse de 22 ans, qui était en arrêt maladie depuis janvier à la suite d’une grave blessure. Avec le recul des mois écoulés, Zoé se dit qu’elle aurait dû protester. « C’était ma première embauche, je ne connaissais pas mes droits, je me suis laissé broyer par la machine », constate la jeune femme.

A l’unisson, les salariés licenciés décrivent une « annonce violente », à laquelle ils ne s’attendaient pas. A l’instar de 600 collègues, Sandrine, 48 ans, a été « virée » pendant une visioconférence, après vingt-huit ans d’ancienneté. Christophe, 41 ans, cadre dans l’industrie, a appris son licenciement par courrier recommandé. Après deux mois de chômage partiel, Sonia, 44 ans, responsable de la communication dans l’immobilier, a appris par téléphone que son poste était supprimé. Elle n’est jamais retournée au bureau, ses affaires lui ont été renvoyées par La Poste.

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Entre baisses de salaire et reconversions

Passé le choc de l’annonce, tous doivent se confronter à un marché de l’emploi sinistré. « Tout est à l’arrêt », « mon secteur d’activité est mort », « c’est la pire crise jamais connue », constatent ces anciens salariés, qui s’adonnent avec zèle à l’envoi de CV et de lettres de motivation. Jacques, agent de voyages, âgé de 57 ans, n’en est pas à sa première « crise professionnelle ». En trente-cinq ans de métier dans le secteur du tourisme, il a connu cinq licenciements : la guerre du Golfe de 1991, la crise des « subprimes » en 2008, l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010, les plans sociaux chez Thomas Cook en 2013 et la pandémie de Covid-19.

Avant cette crise sanitaire, le quinquagénaire assure avoir « toujours rebondi », sans connaître la moindre période de chômage. « Cette fois, c’est bien pire que tout ce que j’ai vu dans le passé, constate-t-il. C’est fini, je sais que je ne retrouverai pas de travail dans le tourisme. »

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Paul-Marie*, lui, travaillait dans un secteur prospère. Ce qui n’empêche pas ce manageur dans l’industrie médicale de faire le même constat : « Pour la première fois, j’envoie des CV et je n’ai pas de réponse. » Selon de nombreux cadres interrogés, les offres d’emploi concernent désormais des contrats de courte durée, avec des rémunérations revues à la baisse. « On m’a appelé pour une mission d’intérim de six mois à 15 euros brut de l’heure », déplore ainsi Christophe, qui gagnait plus de 3 000 euros net par mois avant son licenciement et perçoit désormais 1 900 euros d’allocation-chômage.

« C’est difficile de se disqualifier professionnellement », confie Paul-Marie, qui s’est vu proposer des baisses de salaire de 30 %. « Si j’accepte, je sais que je ne retrouverai pas mon salaire précédent avant plusieurs années », précise le père de famille, qui n’envisage pourtant pas de changer de métier. « J’aime mon travail, cela fait vingt ans que je le façonne », explique-t-il, résumant un avis partagé par de nombreux salariés expérimentés et diplômés. D’autant que « pour se reconvertir, il faut avoir du temps devant soi, estime Sonia, parisienne célibataire. Ce n’est pas accessible à tout le monde, surtout quand on est maman solo avec deux enfants à charge. » Pour financer sa formation de prothésiste dentaire, Isabelle, elle, a souscrit à un emprunt de 3 000 euros, ajoutant de la précarité à la précarité, et la privant de vacances en famille cet été.

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« Sans travail, je me sens amputé »

Si les répercussions financières sont plus ou moins pénalisantes selon les revenus de chacun, toutes les personnes interrogées ont dû revoir leur mode de vie. Christophe, qui fait tout pour que ses fils ne s’aperçoivent pas qu’il est au chômage, n’a plus les moyens de mettre chaque mois de l’argent de côté pour eux. Dans un an, Sonia ne touchera plus que 50 % de son salaire précédent et ne pourra plus payer son loyer parisien. Quant à Zoé, avec ses 850 euros d’allocation-chômage par mois, elle retrouvera ses habitudes de vie étudiante, « en mangeant des pâtes aux lardons ».

Quel regard portent les proches sur leur ami, frère, compagnon qui se retrouve soudainement au chômage ? Si la majorité des personnes interrogées évoquent la bienveillance de leurs proches, d’autres décrivent « une image sociale dégradée », qui s’ajoute à leur propre regard dépréciatif sur la situation. « Sans travail, je me sens amputé, je ne sais pas faire », confie Paul-Marie. « J’ai toujours voulu être un modèle d’indépendance pour mes deux filles, en ne travaillant plus, j’ai peur de l’image que je leur renvoie », s’inquiète Sonia. Pour ses filles, la mère de famille est déterminée à « sortir de ce tourbillon noir », désireuse de leur montrer que les périodes de turbulence peuvent aussi être « l’occasion de se réinventer ».

* Les prénoms ont été modifiés.

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