Archive dans septembre 2020

Coronavirus : séisme économique dans les musées

Au Metropolitan Museum of Art de New York, le 29 août.

« Presque tous les musées du monde ont désormais rouvert après le confinement, mais tous sont confrontés à la difficulté de faire revenir le public », affirme Alberto Garlandini, président du conseil international des musées (ICOM), qui regroupe plus de 20 000 établissements dans 137 pays. « Avec la distanciation sociale et la réorganisation des parcours au sein des collections ou des expositions, les musées ne peuvent recevoir au mieux que la moitié de la jauge habituelle de visiteurs, mais, le plus souvent, ils n’en accueillent qu’un tiers », précise-t-il. Faute de public, le coût de réouverture des établissements n’est donc plus couvert par la fréquentation, ajoute-t-il.

Les réouvertures du Musée d’art moderne (MoMA) de New York, du Musée d’histoire naturelle de Londres, du Louvre à Paris, et de la Gallerie dell’Accademia de Venise ont cependant remonté le moral de leurs directeurs et de leurs conservateurs. Les premiers visiteurs masqués étaient, eux, trop heureux de pouvoir enfin déambuler tranquillement parmi les collections, sans être gênés par les hordes de touristes. Les plus âgés ont même eu l’impression de retourner avec bonheur cinquante ans en arrière, quand de rares esthètes fréquentaient les musées. Et quand ces institutions culturelles n’étaient pas encore devenues une case à cocher pour parfaire le programme obligé des touristes.

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Malgré ce timide retour du public, la pandémie de Covid-19 – qui a obligé les institutions à plusieurs mois de fermeture – a provoqué un véritable séisme économique dans les musées. Les dégâts, en termes d’emplois, devraient être considérables. « Même si tous les pays ne sont pas touchés de la même manière », souligne Alberto Garlandini. Selon une étude de l’ICOM, réalisée en mai auprès de 1 600 interlocuteurs, presque tous les musées du monde (82,6 %) s’attendaient à ralentir leurs activités après le confinement. Près d’un tiers (29,8 %) pensaient réduire leur personnel et 12,8 % redoutaient d’être contraints de mettre la clé sous la porte.

Crainte d’une diminution des fonds privés

« Les fermetures toucheront particulièrement les régions où les musées sont récents et peu nombreux, et où les structures sont encore fragiles : dans les pays africains, asiatiques et arabes », affirmait l’étude. Les auteurs assurent aussi qu’aux Etats-Unis, les réductions d’effectifs sont les plus engagées : les vagues de licenciements se succèdent et des centaines de salariés sont remerciées chaque semaine.

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Plan de relance : le premier ministre appelle les entreprises à s’engager « fortement pour l’emploi »

A la veille de la présentation d’un plan de relance de 100 milliards d’euros, le premier ministre, Jean Castex, demande, dans une interview au Figaro mercredi 2 septembre, à ce que « tout le monde joue le jeu », notamment les entreprises.

« Nous investissons fortement pour soutenir les entreprises, mais nous attendons d’elles qu’elles s’engagent fortement pour l’emploi, notamment des jeunes », déclare le premier ministre, interrogé par le quotidien sur les contreparties attendues à l’effort consenti par l’Etat. « Le plan ne produira son plein effet que si tout le monde joue le jeu », a insisté M. Castex.

Dans un entretien au Monde, lundi, Laurent Berger, le patron de la CFDT, avait appelé à instaurer une « conditionnalité » aux aides publiques en direction des entreprises, qui doit faire « bouger leur comportement ».

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Le chef du gouvernement présente officiellement jeudi le plan de relance de 100 milliards d’euros destiné à faire face aux conséquences de l’épidémie due au coronavirus, dont une récession de 11 % prévue cette année. Celui-ci comprend notamment 20 milliards de baisses d’impôts de production payés par les entreprises, soit 10 milliards en 2021 et 10 autres en 2022.

« Cette mesure est majeure notamment pour protéger notre industrie », rappelle M. Castex, qui y voit un moyen d’améliorer la compétitivité. « Ce plan ne se contente pas de panser les plaies de la crise. Il prépare l’avenir », affirme M. Castex au Figaro, estimant que l’enveloppe était « à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous traversons ».

Verdissement, compétitivité et souveraineté, cohésion

Le premier ministre a rappelé avoir retenu « trois priorités », dont « le verdissement de notre économie » qui bénéficiera de 30 milliards d’euros. « Cela s’appliquera à la rénovation thermique des bâtiments, aux investissements dans les infrastructures et dans la mobilité verte, au développement de technologies vertes, à la stratégie hydrogène », a-t-il fait valoir.

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Quelque 35 milliards d’euros seront aussi consacrés à « rendre la France plus compétitive et plus souveraine ». Outre les baisses d’impôts, « le plan contient des dispositions concernant le renforcement des fonds propres des entreprises, notamment les entreprises de taille intermédiaire, qui innovent et exportent ».

Enfin, 35 milliards d’euros seront consacrés « à la cohésion sociale et territoriale ». Cela comprend les quelque 6 milliards d’euros débloqués pour l’hôpital dans le cadre du Ségur de la santé, les 6,5 milliards d’euros du « plan jeunes », dévoilé en juillet et qui contient notamment des primes à l’embauche, ou encore la prolongation du dispositif d’activité partielle de longue durée qui « doit permettre au cours des prochains mois de former les salariés tout en préservant leur emploi ».

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Le premier ministre annonce également que le plan pauvreté serait dopé de « 200 millions d’euros supplémentaires en soutien des associations qui luttent contre l’exclusion ».

Jean Castex garantit qu’aucune hausse d’impôt n’était à l’ordre du jour. « C’est l’erreur qui a été commise lors de la dernière crise [en 2008] et nous ne la reproduirons pas », assure-t-il.

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Notre sélection d’articles sur le coronavirus

Le Monde avec AFP

Coronavirus : Valérie Pécresse demande aux salariés en Ile-de-France de revenir travailler

Valérie Pécresse en compagnie d’un employé chargé de désinfecter un bus, à Paris, le 2 septembre.

Le message peut paraître un peu décalé. En pleine reprise de l’épidémie de Covid-19, en particulier à Paris et dans sa banlieue, la présidente du conseil régional d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, appelle les habitants à revenir dans les bureaux et les ateliers, sans craindre de fréquenter les transports en commun. L’inverse, ou presque, du discours tenu au printemps, quand les pouvoirs publics pressaient tous ceux qui le pouvaient de travailler de chez eux afin de limiter les contacts et donc la propagation du virus.

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« Il faut que les salariés reviennent travailler », a affirmé Mme Pécresse, mercredi 2 septembre, en présentant la nouvelle version de sa « stratégie Covid-19 ». La présidente (ex-Les Républicains) de la région ne préconise pas un retour total des Franciliens sur leur lieu de travail, qui se traduirait de nouveau par des bus et des métros bondés, ainsi que des embouteillages. A ses yeux, un rééquilibrage est cependant nécessaire.

« Il faut revenir travailler »

« On ne peut pas bien travailler en n’étant jamais présent, en ne se rencontrant pas, plaide-t-elle. Ça s’est fait de façon contrainte et forcée durant le confinement, mais, dans la très large majorité des entreprises, il faut revenir travailler. Les réunions en distantiel, c’est moins créatif. »

Selon elle, cohabiter durablement avec le coronavirus nécessite d’« inventer une autre vie ». Un « nouvel équilibre » tenant compte de la sécurité sanitaire, « mais aussi de la nécessité de relancer l’activité ». Pas question de se cloîtrer chacun chez soi, ce qui entraînerait des faillites en série, notamment dans l’hôtellerie et la restauration, et un problème majeur de recettes pour les opérateurs de transports en commun.

Vis-à-vis de son propre personnel, la région a déjà modifié les règles : les agents peuvent continuer à télétravailler, mais pas plus d’un ou deux jours par semaine. Cet « équilibre », « je pense que ça peut être l’idéal pour la plupart des entreprises », du moins « tant que le virus ne circule pas de façon trop active », avance Valérie Pécresse.

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Toute la question est de savoir si le virus ne se diffuse pas déjà de façon trop vive. Le dernier point, publié le 27 août par l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF), le montre : en Ile-de-France, sa circulation augmente très fortement.

Fin juin, grâce au confinement, le nombre de personnes diagnostiquées positives au cours des sept jours écoulés était tombé à 6 pour 100 000 habitants. Depuis, la proportion n’a cessé de monter. Elle a atteint, mi-juillet, le « seuil de vigilance » fixé par le gouvernement à 10 cas pour 100 000 habitants, franchi le « seuil d’alerte » de 50 pour 100 000 à la mi-août, et poursuit désormais une « progression exponentielle ». Ce taux dépasse à présent 90 cas positifs pour 100 000 habitants en Ile-de-France, avec une incidence particulièrement forte à Paris (plus de 140 cas pour 100 000, en intégrant les aéroports). Une hausse liée, notamment, au comportement des jeunes : les 20-30 ans se singularisent « par un niveau de circulation du virus quatre fois plus élevé que dans les autres classes d’âge », note SpF.

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Télétravail : le patronat peu pressé de négocier un accord

Le télétravail, qui s’est développé de façon massive pendant le confinement, sera-t-il bientôt régi par de nouvelles dispositions applicables à tous les employeurs ? Les organisations de salariés le réclament mais le patronat, lui, traîne les pieds. C’est d’autant plus urgent pour les syndicats que la rentrée se place sous le signe d’une reprise de l’épidémie. Or, cette forme d’activité « participe à la démarche de prévention du risque d’infection au SARS-CoV-2 et permet de limiter l’affluence dans les transports en commun », comme le rappelle la dernière version du protocole sanitaire en entreprise, publiée lundi 31 août, par le ministère du travail.

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, « en appelle à la responsabilité du Medef ». Dans un entretien au Monde daté du 3 septembre, il demande « une vraie négociation (…) pour encadrer rapidement cette pratique ». Si le télétravail « se redéploie sans règles négociées, ça va être une catastrophe », prophétise-t-il.

Lire l’entretien avec Laurent Berger : « Les plus précaires ne doivent pas être les oubliés du plan de relance »

Au début du mois de juin, les partenaires sociaux ont lancé une concertation sur le sujet, à l’initiative du Medef. Ils devaient, de nouveau, se réunir, en visioconférence, mercredi après-midi, pour aborder cette thématique. Mais les rencontres n’ont pas vocation à déboucher sur un accord national interprofessionnel (ANI), avec une batterie de normes s’imposant aux entreprises.

Il s’agit plutôt de « conduire collectivement un travail de diagnostic », avec l’idée de parvenir, si possible, à « porter dans le débat public une position paritaire », précisait Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, dans une lettre adressée, le 14 mai, à ses homologues syndicaux et patronaux. Une approche qui n’a, semble-t-il, pas changé depuis. « Nous avons encore deux réunions, cette semaine et la semaine prochaine, indique M. Roux de Bézieux. Quand le diagnostic sera finalisé et surtout partagé, il sera temps de discuter pour voir s’il y a matière à accord. »

Vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Eric Chevée se montre encore plus tranché : pour lui, il n’y a nullement besoin d’édicter de nouvelles obligations. « Nous ne voyons pas en quoi l’arsenal réglementaire et législatif, aujourd’hui en vigueur, serait défaillant », affirme-t-il, en faisant remarquer que de très nombreux accords sur le télétravail ont été signés récemment, au sein de sociétés. Et les enquêtes d’opinion montrent, à ses yeux, qu’une écrasante majorité de salariés sont satisfaits. « Le dispositif actuel permet de fonctionner, y compris dans une période de crise », assure-t-il.

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Les nouvelles pratiques managériales nées du Covid-19

C’est une rentrée vraiment pas comme les autres. Les entreprises ont un souhait : accélérer le retour physique de leurs salariés dans les locaux mais, crise sanitaire oblige, avec des conditions particulières, dont le port obligatoire du masque dans les espaces clos et partagés à compter du 1er septembre. « Fin juillet, 85 % de nos salariés étaient en télétravail, explique Benjamin Revcolevschi, directeur général de Fujitsu France, entreprise de technologies de l’information et communication. En septembre, ils reviendront dans les bureaux, mais par roulement à hauteur de 50 % ».

A la rentrée, 40 % des effectifs de l’agence de publicité Dentsu auront regagné leurs bureaux, avec comme objectif à terme, et selon l’évolution des conditions sanitaires, le taux de 60 %. « Notre but est que l’ensemble des effectifs soit en mode mixte télétravail/présentiel, explique Thierry Jadot, PDG de Dentsu France, sinon le vrai danger est de créer de nouvelles fractures sociales entre ceux qui pourraient télétravailler à 100 % et les autres. » Car le télétravail va perdurer, c’est sûr, mais cette fois en mode hybride. « On a changé de logiciel. C’est la nouvelle normalité », reconnaît Benjamin Revcolevschi.

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En cette rentrée, le groupe PSA teste en grandeur nature la généralisation du télétravail, avec 70 % du temps de travail à distance et 30 % sur site. Quelque 18 000 salariés sont concernés en France « Il va falloir adopter de nouvelles façons de travailler, explique-t-on à la direction de la communication du constructeur automobile. Avec au programme : plus d’agilité, le développement d’une culture du feedback [retour d’information], l’animation de réunions plus créatives, la recherche d’efficience et l’accélération de la transformation digitale ».

« Un artiste de la relation humaine »

Des nouveaux modes de travail qui, selon une enquête menée en juin par le Boston Consulting Group (BCG) et l’Association nationale des DRH (ANDRH) sur l’organisation du travail dans la nouvelle réalité post-Covid, doivent évoluer vers plus d’autonomie du salarié pour 87 % des DRH interrogés, davantage de collaboration entre les équipes (59 %) et de transparence (59 %).

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Mais, ce changement, déjà engagé puis accéléré par la crise, n’est pas si simple à gérer avec une culture managériale française plutôt traditionnelle dans laquelle les responsables hiérarchiques sont habitués à avoir leurs équipes « sous la main ». Désormais « le rôle des manageurs s’est complexifié », explique Thierry Jadot. Les attentes à leur égard sont nombreuses, avec pour base de ce nouveau management le trio autonomie-confiance-responsabilité.

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Une rentrée masquée qui devra être zen

« Le risque de contamination augmente en fonction du débit d’air, de la densité de population et de la façon de parler. »

Carnet de bureau. « Les salariés sans masque ne rentreront plus dans l’entreprise. Ils doivent comprendre que même si la distanciation est respectée, il faut la barrière du masque », explique Audrey Richard, la présidente de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Pour réduire les risques de contamination du Covid-19, à la mi-août, le premier ministre Jean Castex envisageait de généraliser le port du masque sur le lieu de travail.

C’est chose faite depuis le 1er septembre. Dans les espaces de travail clos et partagés, il est désormais obligatoire de porter un masque « grand public » en tissu pour la population générale, et masque à usage médical pour « les personnes à risques de formes graves de Covid-19 », selon les recommandations du Haut conseil de la santé publique.

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« Tout est préférable au reconfinement », avait souligné le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux, à l’Université d’été du Medef, le 26 août. « Les DRH sont satisfaits qu’il y ait enfin des consignes. Les entreprises savent s’adapter rapidement, elles l’ont prouvé avec la généralisation du télétravail. Depuis une semaine déjà, on se préparait au port du masque obligatoire pour tous, en commandant les masques, en informant les managers sur les nouvelles pratiques dans les open spaces, en listant quels masques seraient distribués à qui et combien », témoigne Audrey Richard.

Un coût supplémentaire

Il ne leur manquait plus que les annonces gouvernementales sur les situations particulières restées en suspens jusqu’au 31 août. Des plateaux télé au garage du coin, en passant par les chantiers du BTP, les dérogations étaient très attendues.

Car nombre d’entrepreneurs voient l’obligation du port du masque comme une nouvelle contrainte et un coût supplémentaire dans un contexte économique difficile. « Pour mille salariés, c’est un budget de 20 000 euros jusque fin décembre », estime Audrey Richard. Il faut renouveler les stocks et assurer le nettoyage de ce qui est désormais considéré comme un équipement individuel à la charge de l’entreprise. « Pour régler le problème, certaines entreprises font le choix du 100 % de masques jetables, d’autres contractualisent avec des pressings, à chacun sa solution », explique la présidente de l’ANDRH.

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Mais « la seule chose qui compte », comme disait Boris Vian, c’est que le salarié soit protégé. Or une étude de chercheurs de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et du MIT (Massachusetts Institute of Technology, aux Etats-Unis), publiée la semaine dernière par la revue médicale BMJ (British Medical Journal), révèle que la seule prise en compte du masque est insuffisante.

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Pour une reprise en main des GAFA

« GAFA. Reprenons le pouvoir! », de Joëlle Toledano. Odile Jacob, 186 pages, 19,90 euros.

Livre. C’était il y a vingt ans. Google et Amazon étaient des start-up, Facebook n’existait pas, et Apple commençait sa seconde vie avec le retour de Steve Jobs. Deux décennies plus tard, les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) comptent parmi les entreprises les plus puissantes au monde, avec des valorisations boursières qui dépassent régulièrement les 1 000 milliards de dollars. Leur emprise sur l’économie augmente régulièrement, car ces entreprises bâties autour des technologies numériques fournissent, pour partie « gratuitement », des services de grande qualité devenus indispensables aux consommateurs et aux entreprises.

Au début, nous avons été éblouis face à la nouveauté et la qualité presque magique de l’offre. La fascination a été suivie par la sidération, puis par l’incompréhension et la crainte. Sans contre-pouvoirs efficaces, les GAFA « vassalisent les entreprises européennes (mais pas seulement), stérilisent l’innovation et la concurrence en créant un monde où données et algorithmes font la loi à leurs profits. Elles sont riches, puissantes, fascinantes, opaques et très influentes. Elles sont devenues dangereuses », tranche Joëlle Toledano dans GAFA. Reprenons le pouvoir ! (Odile Jacob).

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Comment les GAFA ont-elles réussi à se développer si vite ? Comment a-t‐on laissé se constituer de tels empires aux ambitions sans limite ? Dans son essai, la professeure émérite en sciences économiques associée à la chaire Gouvernance et régulation de l’université Paris-Dauphine montre que la régulation des géants du numérique est possible et nécessaire. Il faut s’en donner les moyens intellectuels et politiques. « Nos institutions et notre droit doivent impérativement être adaptés au XXIe siècle, faute de quoi ces nouveaux empires, les GAFA, deviendront les grands organisateurs de notre société. »

Lobbying très efficace

Le pouvoir de ces firmes ne doit pas être minimisé : économique bien sûr, mais aussi pouvoir d’influence et de séduction. Les GAFA ont non seulement des moyens immenses, mais aussi la conviction de leur efficacité et de leur supériorité.

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Esprits brillants, leurs dirigeants exercent un lobbying très efficace pour défendre l’absence de réglementation au nom de l’innovation, et mettent en avant deux atouts formidables pour se défendre : « Le statut de champion national d’une Amérique au leadership contesté, et la satisfaction des consommateurs, c’est-à-dire de presque nous tous. La gratuité de nombreux services sera très vraisemblablement utilisée pour ridiculiser et disqualifier toute régulation qui visera à les contrôler et permettre l’émergence de concurrents. »

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Doit-on dire « gestion » ou « politique de l’épidémie » ?

« La notion de politique désigne, pour les gouvernants et les citoyens, une aire autonome d’action, à la noblesse spécifique, indépendante des contingences et donc de cette intendance qui doit toujours suivre et qui est réservée à la modeste gestion ».(Le ministre de la santé Olivier Véran et le premier ministre Jean Castex, le 27 août, à Matignon).

Avis d’expert. Le choix des mots éclaire les conceptions de l’action. Face au Covid-19, pouvoirs publics et médias s’accordent pour appeler « gestion de l’épidémie » l’ensemble des mesures gouvernementales de lutte contre la maladie. Les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat ont aussi retenu cette expression.

Mais compte tenu de l’importance des décisions en cause, pour le pays et pour le citoyen, n’est-il pas plus approprié de parler de « politique de l’épidémie » ? A vrai dire, en redonnant à la notion de gestion son ampleur oubliée, le Covid-19 fait resurgir les ambiguïtés et les lacunes de la conception « politique » des actions de l’exécutif (Le Bon Gouvernement, de Pierre Rosanvallon, Seuil, 2016).

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Remarquons d’abord que « politique de santé » et « politique du médicament » sont d’usage courant. En outre, les actions de prévention ou de lutte contre une épidémie constituent pleinement une politique publique avec vote d’une loi d’urgence sanitaire et mise en place de comités au plus haut niveau de l’Etat.

Inversement, la « gestion » est, depuis longtemps, dénuée des valeurs symboliques supérieures associées à celle de « politique ». Dire d’un gouvernement qu’il se limite à la « gestion » est tout sauf flatteur ! Quant aux décisions de confinement ou de déconfinement des populations, ce n’est pas ce que l’on entend habituellement par l’« expédition des affaires courantes ».

Des choix éclairés

Alors comment expliquer l’adoption spontanée de « gestion de l’épidémie » ? Il faut revenir aux raisons de la séparation entre « gestion » et « politique ». Dans la conception moderne de l’Etat, puis dans l’imaginaire collectif, le terme de « choix politique » a progressivement désigné l’action du pouvoir ou du peuple dans sa forme la plus libre et la plus haute, celle qui fixe souverainement et arbitrairement le destin d’une société.

Or, une épidémie s’impose aux gouvernants. Et même si les moyens de la bataille contre la maladie font débat, leur « vision du monde », leur « hauteur de vue » ou leur capacité à « incarner la nation » semblent, à elles seules, d’un faible secours.

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A l’inverse, l’épidémie exige des choix éclairés par le savoir ; elle requiert expertise et anticipation, adaptabilité, efficacité et lisibilité de l’action, et surtout soutien prioritaire aux plus atteints. Toutes ces vertus connotent plus avec la notion de « gestion » et moins avec celle de « politique ».

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Les salaires des cadres du privé restent stables en 2019, 2020 sera impactée par la crise du Covid-19

Après deux années de hausse, le salaire des cadres du secteur privé est resté stable en 2019. Toutefois, la crise économique due à l’épidémie de Covid-19 « aura certainement un impact » sur leur salaire en 2020, a prévenu mercredi 2 septembre l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).

La rémunération brute annuelle médiane des cadres du privé (la moitié gagne plus, l’autre moitié gagne moins), incluant la part fixe et la part variable, s’est élevée à 50 000 euros l’an dernier, selon une étude réalisée en mars et basée sur les réponses de 16 000 cadres du privé, clients de l’Apec.

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« La crise économique a d’ores et déjà un impact visible sur l’emploi des cadres mais elle aura aussi certainement un impact sur leurs rémunérations », alerte le directeur général de l’Apec, Gilles Gateau, cité dans un communiqué.

« Dans ce contexte, les entreprises devront être vigilantes à ne pas ralentir le rythme encore trop lent de réduction des inégalités salariales entre femmes et hommes. C’est un vrai risque. »

Les inégalités salariales entre femmes et hommes ont persisté en 2019, même si le salaire médian des femmes a augmenté de 2,2 %, alors que celui des hommes restait stable. « À profil identique », rapporte l’Apec, les hommes ont gagné « 8 % de plus que les femmes ».

Les mobilités internes ou externes devraient être ralenties

L’Apec souligne que la crise « devrait avoir un impact sur les composantes variables » du revenu des cadres du privé, liées à leurs résultats ou aux performances de l’entreprise. La part variable de leur rémunération « devrait baisser », ce qui touchera « en particulier les cadres commerciaux et ceux des grandes entreprises ». L’intéressement et la participation « devraient être plus faibles », avec « des effets notables pour les cadres des grandes entreprises ».

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En outre, la crise devrait « ralentir » les hausses de salaires « individuelles ou collectives », ainsi que les mobilités internes ou externes qui permettent « fréquemment » d’obtenir une augmentation. Et en cas de chômage, le retour à l’emploi « s’accompagne parfois d’une baisse de la rémunération », relève l’Apec.

Autres craintes : une baisse de la rémunération fixe des cadres via la signature d’accords de performance collective (APC) dans les entreprises et une évolution salariale moins favorable pour les cadres « en début de carrière ».

L’an dernier, 62 % des cadres de moins de 30 ans ont vu leur rémunération augmenter, contre seulement 38 % des plus de 50 ans. Parmi ceux qui ont changé d’entreprise, 78 % des moins de 30 ans ont été augmentés, contre 54 % des plus de 50 ans.

Le Monde avec AFP

Le télétravail risque d’aggraver la sédentarité et ses effets

Dix mille pas et plus. Les comportements sédentaires sont de plus en plus prégnants dans la vie quotidienne. Près de la moitié des Français restent plus de sept heures assis par jour, en raison notamment de l’augmentation du temps passé devant les écrans. Sans surprise, le confinement imposé par l’épidémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Le télétravail, qui a par ailleurs des bienfaits, va se poursuivre pour des millions de salariés, ce qui risque de limiter l’activité physique et d’accroître la sédentarité.

Depuis quelques années, les recommandations visant à réduire la sédentarité viennent s’ajouter à celles de pratiquer une activité physique (bouger au moins trente minutes par jour). « Il faut bien distinguer le temps d’activité physique et le temps passé assis », insiste Julie Boiché, maître de conférences à la faculté des sciences du sport de l’université de Montpellier. Le temps passé assis ou allongé pendant la période d’éveil constitue un facteur de risque pour la santé. Et ce, indépendamment du niveau de pratique d’activité physique. Cet effet délétère étant d’autant plus fort que les durées sont importantes. L’enjeu est colossal : la sédentarité serait responsable de 10 % des décès en Europe, selon l’Organisation mondiale de la santé.

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« Moins on bouge, plus on mange. C’est le circuit classique de la leptine [l’hormone qui régule la satiété et le métabolisme] », résume le professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes. En effet, « lorsque nous sommes inactifs, nous avons tendance à manger plus que nécessaire et des aliments souvent ­riches en graisse et en sucre », souligne une note de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps).

Se lever toutes les demi-heures

« Il est donc préconisé de trouver des stratégies pour rester moins longtemps assis durant sa journée de travail et-ou si c’est compliqué, de créer des ruptures », explique Julie Boiché, qui reconnaît qu’il n’y a pas encore de consensus sur la durée.

Selon les travaux, il est suggéré de se lever toutes les demi-heures, jusqu’à toutes les deux heures. L’organisme de sécurité sanitaire Santé publique France (SpF), dans son enquête Coviprev sur ces questions pendant le confinement, recommandait de « se lever plusieurs fois par heure, la recommandation pendant le confinement étant de le faire au moins toutes les demi-heures ».

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Une étude conduite dans le cadre de la thèse de Gonzalo Marchant, enseignant et chercheur à l’UFR Staps de l’université Lyon-I, a porté sur 39 personnes de 29 à 59 ans (80 % de femmes), qui exercent toutes un travail tertiaire (administration publique, employés de banque). Après un séminaire collectif de sensibilisation aux risques liés à la sédentarité, elles ont été invitées à paramétrer de façon individualisée un logiciel d’alerte sur téléphone ou ordinateur les incitant à se lever régulièrement, avec fréquence et durée de leur temps de « pause ». Quatre semaines plus tard, le temps passé assis a diminué de trente-trois minutes par journée de travail en moyenne, principalement chez les personnes de 29 ans à 43 ans.

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