Lutte contre la précarité
C’est le mot à ne pas dire face aux délégués des employeurs : bonus-malus. Inscrite dans le plan de campagne d’Emmanuel Macron, cette mesure vise à réduire le recours abusif aux contrats courts en majorant les cotisations des sociétés où la main-d’œuvre tourne fréquemment et en diminuant celles payées par les entreprises dont les effectifs sont relativement stables. Une idée rivalisée par le patronat. Les syndicats, eux, y sont très favorables, au point d’en faire une de leurs revendications dans le cadre de la négociation Unédic qui a été engagée en novembre 2018 afin de redéfinir les règles de l’assurance-chômage.
Le 24 janvier, Macron a de nouveau exposé son souhait d’instaurer le bonus-malus, « parce que c’est vertueux ». Ses propos ont passablement irrité le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui ont, du même coup, suspendu leur participation aux discussions sur l’Unédic. La bouderie n’a duré que quelques jours, le premier ministre ayant, en substance, assuré que rien n’est arbitré et que le gouvernement est prêt à étudier les suggestions du patronat pour combattre la précarité. Celles-ci doivent d’ailleurs être détaillées, jeudi 14 février, à l’occasion d’une nouvelle séance de négociations sur l’assurance-chômage. D’après Alain Griset, le président de l’U2P, des offres pourraient être avancées particulièrement pour mieux réguler les CDD d’usage, un statut ultraflexible. Toute la question est de savoir si ces concessions permettront d’aboutir à un accord avec les syndicats, et de satisfaire l’exécutif.
Coût du travail
Le gouvernement va-t-il remettre en cause certains allégements de cotisations ? La question est revenue mi-janvier, avec la publication d’une note du Conseil d’analyse économique. Le think tank, rattaché à Matignon, préconise de concentrer les baisses de charges accordées aux employeurs sur le bas de l’échelle des salaires. Il déclare qu’au-delà de 1,6 smic, de tels coups de pouce n’ont « aucun impact sur la compétitivité » et très peu sur l’emploi.
Des fins qui ont fait sauter les industriels, car, dans leur société, une large partie des rémunérations est située au-dessus de ce seuil. Les « allégements sur les secteurs exposés » à la concurrence internationale doivent être soutenus, ont plaidé Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, et Louis Gallois, président du conseil de surveillance de PSA, dans une tribune publiée, mardi 12 février, dans Les Echos. « Nous regardons tous les débats et nous travaillons. On n’en est pas au moment des décisions », indique-t-on au cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie.
Fiscalité
Le poids des impôts reste un grief récurrent. « Le gouvernement a choisi de favoriser l’attractivité de la France à travers la baisse d’impôts sur les sociétés [qui doit descendre à 25 % d’ici à 2022]. C’est une bonne chose, mais il y avait plus urgent », estime-t-on chez France Industrie, l’organisation professionnelle du secteur. Un dossier reste en travers de la gorge des patrons : les impôts de production, ces saisies qui se mettent sur le chiffre d’affaires des entreprises, qu’elles engrangent ou non des bénéfices. Ouvert au printemps 2018 – dans l’optique d’alléger le fardeau –, le dossier semble avoir du plomb dans l’aile, aujourd’hui. « C’est toujours dans le spectre : si on dégage des marges budgétaires, on le fera », assure l’entourage de M. Le Maire. Le 28 janvier, le ministre de l’économie a, une autre fois, relevé que « la France garde un problème de compétitivité », mais il a préféré vanter la bascule du CICE en réduction durable de cotisations, la diminution de la fiscalité du capital et « les dispositions de [la loi] Pacte », qui sera tranchée au printemps et « permettr[a] de renforcer le financement de nos entreprises en fonds propres et non en dette ».
Olivier Dussopt devait divulguer son texte mercredi ; l’exécutif reste ferme sur le calendrier.
Le gouvernement devrait exposer aux partenaires sociaux, mercredi 13 février dans l’après-midi, le projet de loi de réforme de la fonction publique. Un lever de rideau et le début d’un bras de fer. Mardi, huit syndicats sur neuf ont avisé avoir sollicité au premier ministre « la suspension » de ce texte.
Alors que le grand débat est loin d’être fini, les organisations considèrent que le moment est notamment mal choisi pour lancer cette réforme. « Il y a une forme de contradiction à dire : “On lance un grand débat où l’on parlera de la réorganisation de l’Etat et des services publics” et à présenter un projet de loi sur la fonction publique avant le terme de ce débat », note Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT fonction publique, premier syndicat du secteur. Sur le fond, « à l’inverse des suppressions d’emplois et d’un recours accru au contrat tels qu’envisagés par le gouvernement », les représentants syndicaux défendent pour des créations d’emplois et « une revalorisation salariale ».
Ce n’est, en conséquence, pas la voie qu’a choisie le gouvernement. Le projet de loi qu’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, doit présenter mercredi reprend les quatre axes de réforme publié en février 2018 et qui ont fait l’objet de longs mois de discussion. « Les syndicats demandent un report de la réforme, constate-t-on dans l’entourage de M. Dussopt. Ils disent ne pas avoir été concertés alors qu’il y a eu 132 heures de concertation. Donc ce n’est pas un argument valable. Sinon, ils disent que la concertation est stérile. » Or, « sur l’amélioration des conditions des contractuels, la réforme reprend les revendications des syndicats ».
Ferme sur le calendrier
Les quatre chantiers contestés depuis un an sont une remise à plat des instances de dialogue social, le recours accru aux contractuels, des plans de départs volontaires et la rémunération au mérite. Sur ce dernier thème, cependant, le projet de loi pourrait être moins allant qu’annoncé. Le gouvernement semble avoir été sensible aux arguments des syndicats assurant que cette question ne devrait pas être approchée avant la réforme des retraites. Pour ce qui est des plans de départs volontaires, l’exécutif, tout en confirmant régulièrement son objectif de supprimer 120 000 postes sur le quinquennat, préfère mettre l’accent sur l’accompagnement des fonctionnaires souhaitant changer de poste, voire abandonner la fonction publique. Le texte prévoit d’autres mesures, comme la création d’un contrat de mission, la fin des régimes dérogatoires sur le temps de travail ou encore un renforcement du contrôle lorsqu’un fonctionnaire revient dans le secteur public après une expérience dans le privé.
Le « phygital »
« Savoir évoluer », « faire avec », « s’adapter »… Ces mots reviennent en boucle chez les jeunes diplômés qui font actuellement leurs premiers pas de commerciaux, une activité en pleine mutation. Où les ventes se nouent aussi bien derrière un écran qu’au cours d’un déjeuner au restaurant.
« Les ventes complexes, qui demandent une solution personnalisée, nécessitent des professionnels à haute valeur ajoutée », Jean Muller
« Aujourd’hui, jusqu’à 45 % des actes marchands se font en ligne, décrypte Nicolas Klein, docteur en sociologie du travail. Les entreprises doivent donc trouver un nouvel équilibre entre les espaces traditionnels [boutiques, plates-formes téléphoniques] et le nouvel espace numérique. » Cette transmutation porte un nom : le « phygital », contraction de « physique » et « digital ».
Ces métiers embauchent, mais donnent une image négative. Chaque année, 150 000 postes de commerciaux ne trouvent pas preneurs, et sont disponibles « en permanence », selon l’association des dirigeants commerciaux de France (DCF). Pour attirer les jeunes, les employeurs évoquent les transformations de la profession, « le rôle d’accompagnement et de service », souligne Nicolas Klein. « Les ventes simples n’ont plus besoin de commerciaux. En outre, les ventes complexes, qui demandent une solution personnalisée, sollicitent des professionnels à haute valeur ajoutée », expose Jean Muller, le président de l’association DCF.
Nouveaux métiers
En clair : ne dites plus « vendeur » mais « conseiller client » ou « expert », voire « coach ». « Dans les boutiques, cela ne remet pas en cause leur identité dans la mesure où le service fait partie du processus de vente. Les jeunes diplômés ont intégré cette posture. La relation avec le client est plus détendue qu’avant », enregistre le chercheur Nicolas Klein. De nouveaux métiers émergent aussi, comme celui de Web conseiller, « ce commercial qui intervient sur les forums et les réseaux sociaux, qui ne veut plus être considéré comme vendeur pour ne pas casser le processus de confiance avec le client ».
« C’est cet équilibre entre le physique et le digital qui est captivant, juge Emilie Haensler, 21 ans, commerciale dans une entreprise de vente d’équipements sportifs en ligne, Snowleader. Même si nous sommes toute la journée derrière un ordinateur, nous conseillons les clients par téléphone et les redirigeons au besoin vers nos magasins. Si nous n’avions pas de boutiques, je serais peut-être moins enthousiaste… » Et d’augmenter : « C’est aussi lié à l’entreprise dans laquelle je travaille. Je suis passionnée de sport depuis toujours, si je vendais des casseroles, je serais sûrement moins épanouie. »
Mais, derrière un écran ou face à un client, le cœur du métier est identique, selon Frédéric Neyrat, professeur en sociologie à l’université de Rouen. Pour lui, « le commercial doit toujours aller au-devant du client, que ce soit sur Internet ou en face-à-face. Le numérique transforme certains aspects en facilitant le travail de prospection, mais il n’a pas substantiellement modifié le sens de ce métier ».
Envie de changer d’air
Emmanuel Lairie, 24 ans, conseiller commercial chez Renault Trucks à Massy, en région parisienne, témoigne : « Je suis en poste dans une entreprise un peu vieille école. Je suis le plus jeune de l’équipe et les outils numériques me permettent de me démarquer. Je touche plus facilement de nouvelles cibles. Mais je ne vends pas de véhicules à distance et, devant le client, mes collègues plus âgés et moi tenons le même discours. Rien n’a changé. »
« Les besoins des entreprises évoluent tellement vite que nous sommes un peu en décalage », Frédéric Porez-Griseur
Rémi Bonnefont, 30 ans, est moins insouciant. Il y a deux ans, ce Limougeaud dynamique a claqué la porte du secteur bancaire. « Aujourd’hui, on éduque le client à se débrouiller seul avec des applications. Des souscriptions de prêts se font uniquement par Internet », a-t-il mentionné. De quoi lui donner envie de changer d’air : « Moi, j’ai besoin de voir mon interlocuteur pour saisir ses réactions, parler de tout et de rien pour mieux le cerner… » Désormais à son compte dans le domaine des fournitures industrielles, Rémi a renoué avec ce qui lui manquait : « Je suis sur la route, je fais même mes livraisons. Preuve qu’il est encore possible d’exercer ce métier en laissant une grande place à la relation humaine. »
Sur le marché de l’emploi, on sollicite toujours aux jeunes commerciaux « une aisance relationnelle, un savoir-être, une capacité de résilience, observe Frédéric Neyrat. Même s’ils doivent désormais maîtriser les nouvelles technologies ». Ce qui oblige les établissements d’enseignement à se remettre en question. « Les besoins des entreprises évoluent tellement vite que nous sommes encore un peu en décalage. Mais dans l’ensemble des BTS, on forme les élèves à ces changements », déclare Frédéric Porez-Griseur, chargé des formations professionnelles et technologiques au lycée Gaston-Berger de Lille.
Diplômes revus et corrigés
Dans les lycées, les diplômes font leur mue. A la rentrée 2018, le « D » de numérisation est venu se greffer à l’acronyme du BTS négociation et relation client (devenu NDRC). « Les élèves sont formés à la construction d’un site Internet, à la gestion de l’e-réputation, jusqu’au chat en direct », détaille Frédéric Porez-Griseur. Egalement revu et corrigé, le BTS management des unités commerciales sera rebaptisé « management commercial opérationnel » à partir de la rentrée de septembre 2019.
Dans les instituts universitaires de technologie (IUT), la dernière mise à jour des programmes est depuis 2013. Une nouvelle matière, l’e-marketing, a alors fait son apparition. « Depuis, les aspects de la digitalisation sont intégrés aux enseignements et ont une grande place parmi les études de cas », argumente Laurent Gadessaud, vice-président de l’Assemblée des directeurs d’IUT.
Même constat du côté des bachelors. « Le profil de nos intervenants a changé. On se doit d’avoir des cours sur l’économie du numérique, mais aussi sur les compétences techniques attendues », déclare Catherine Lignac, directrice des études du groupe SUD Management. « Les formations en font un argument marketing pour attirer de nouveaux étudiants. Cette génération, portable à la main, a un regard différent sur la relation client et attend que le digital soit bien présent. »
Plusieurs entreprises optent pour des nouvelles formes d’évaluation des salariés plus régulières et croisées.
La grande cérémonie annuelle a pris un coup dans l’aile. Chaque année, c’était le même rituel : salariés et managers se retrouvent face-à-face pour faire le bilan, discuter des perspectives de carrière dans l’entreprise – et négocier une éventuelle augmentation. Compassé, inutile, déconnecté de la réalité… Petites et grandes entreprises sont nombreuses à juger cette formule insuffisante pour évaluer effectivement l’évolution professionnelle des collaborateurs.
Avant incontournable, l’entretien annuel se voit désormais complété par de nouveaux processus de gestion des compétences. Feedback en continu, bilans professionnels entre collègues… Entraînées dans un mouvement lancé aux Etats-Unis en 2015 par deux géants du conseil, Deloitte et Accenture, les entreprises françaises optent de nouvelles formes d’évaluation de l’évolution professionnelle du collaborateur, plus régulières et croisées.
« La mise au point annuelle manque de concret, déclare Fabien Versange, PDG de SiteW, une start-up spécialisée dans les services Internet. On se retrouve à discuter d’évènements qui se sont déroulés il y a six mois, ce qui peut générer des incompréhensions. » Même son de cloche du côté de Brigitte Auffret, directrice générale déléguée de Manutan France : « L’entretien comporte trop d’enjeux à la fois, déplore-t-elle. Il faut parler à la fois de performance, de rétribution, de formation… »
Enquête de satisfaction
Ce constat a conduit Manutan à rétablir à plat le système d’évaluation de ses personnels. L’entreprise de fourniture industrielle (2 300 salariés au compteur) a mis en place, dès 2018, un processus de feedback continu au niveau de ses manageurs, appelé à se généraliser à l’ensemble des salariés du groupe.
Le collaborateur est non seulement évalué par son responsable, mais aussi par ses collègues : c’est une justification de l’évaluation dite à « 360° ». « Ce qui se passe entre deux personnes reste subjectif, fait valoir Brigitte Auffret. C’est mieux que d’autres puissent donner leur point de vue. »
Manutan a aussi mis en place une enquête de contentement des collaborateurs. Enfin, l’entreprise teste une application qui permet de donner et de recevoir des retours d’expérience en continu entre manageur et salarié : à la suite d’une réunion, par exemple, le premier peut directement évaluer le collaborateur pour sa prise de parole en public. « On évite ainsi le dialogue de sourd en se référant à des situations concrètes », mentionne Brigitte Auffret. Si l’entretien annuel, qui reste imposé par certaines traités collectives, demeure, il comporte moins d’enjeux avec à ce système.
Guy Le Boterf, professeur de management
Le changement de la formation professionnelle va dans le bon sens, estime le professeur de management Guy Le Boterf», mais elle oublie que la performance est d’abord le résultat de la coopération.
La France se met à l’heure des capacités : réforme de la formation professionnelle avec la création de l’agence France compétences comme nouvel agent de régularisation des formations et de changement des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en opérateurs de compétences, plan d’investissement dans les compétences (PIC) pour les publics peu qualifiés et éloignés de l’emploi, certification des aptitudes, observatoires des métiers et des compétences… On parle même de « révolution des compétences » !
On ne peut que s’en complimenter. Mais, à y regarder de près, l’arbre ne cache-t-il pas la forêt ? Car une grande absente fragilise ce beau discours : la compétence collective. Tous ces projets et réalisations ne sont fondés que sur des raisonnements en termes de capacités individuelles. N’est-ce pas là leurs limites, alors que les gains de performance des entreprises vont appartenir de plus en plus non pas de l’addition de compétences individuelles, mais d’un effet de système provenant de la qualité des interfaces entre les professionnels au sein de leurs unités de travail ?
Dans le domaine de la recherche, les neuroscientifiques ne peuvent cheminer dans leurs travaux consacrés à la maladie d’Alzheimer qu’en coopérant avec des mathématiciens
Pour faire face à la complexité grandissante des situations professionnelles, où il faut prendre en compte la variété de points de vue des acteurs et des critères (productivité, qualité, sécurité, développement durable, éthique…), les ressources en compétences d’un seul professionnel ne peuvent suffire. Dans un hôpital, la qualité d’un parcours de soins va dépendre non pas de la seule succession des compétences des médecins, infirmiers, aides-soignants, assistants sociaux…, mais de la qualité de leur coopération. Dans l’industrie automobile, les besoins de l’innovation conduisent à développer des politiques d’alliance avec d’autres constructeurs et fournisseurs. Les cotraitants sont sélectionnés sur leurs capacités à coopérer avec le constructeur dans le cadre d’une ingénierie légitimement appelée « concourante ». Dans le domaine de la recherche, les neuroscientifiques ne peuvent avancer dans leurs travaux consacrés à la maladie d’Alzheimer qu’en coopérant avec des mathématiciens, etc.
Comment un courtier de société d’assurances pourrait-il répondre de façon adéquate à un client sans le support d’une plate-forme de banques de données et d’experts ? Comment un agent du service social d’un conseil général pourrait-il exécuter ses activités de prévention sans faire appel aux savoir-faire des services juridiques et de la direction médico-sociale de la collectivité territoriale ? Bref, un professionnel peut de moins en moins être compétent tout seul, avec seulement ses propres ressources en connaissances ou savoir-faire.
Après avoir commencé le lecteur au concept d’engagement, Bernard Coulaty aborde les excès du l’indifférence et du surengagement et définit une typologie en huit profils – des moins engagés au plus surengagés.
Nouvelles dispositions RH, gourous du moment, entreprise libérée, aspirations des millenials… Les leaders d’organisation, les décideurs, les DRH, tous sont assaillis de publications et d’invitations à des conférences et autres séminaires les pressant d’assimiler les nouvelles tendances en politique dite des « ressources humaines » (RH). Si bon nombre de ces évolutions sont réelles, il est tout aussi important de rappeler que « le facteur-clé les rendant possibles reste l’intensité et la qualité des engagements individuels et collectifs dans l’entreprise », déclare Bernard Coulaty.
Alors que les nouvelles technologies secouent la vision que nous avons de nos organisations et de l’avenir au travail, que dans un monde hyperconnecté, l’engagement peut être un asservissement ou au contraire ouvrir des opportunités de développement humain, son ouvrage Engagement 4.0, pour une expérience durable au travail, avec et par les collaborateurs. Redéfinit les contours de l’engagement individuel et collectif.
Dans sa vie professionnelle, celui qui a exercé durant plus de vingt-cinq ans des fonctions de directeur des ressources humaines (DRH) pour des multinationales françaises a toujours recherché un bon équilibre entre sa pratique concrète en entreprise – délivrer des solutions RH pour le business – et la périphérie de celle-ci – écrire et publier, enseigner et former, animer des associations professionnelles RH… « Ces activités parfois incomprises sont mon oxygène et participent au renforcement de mon engagement au sein de l’entreprise »
L’engagement moteur de la performance
L’engagement, clame-t-il, est la priorité numéro un des ordonnateurs en France : lorsqu’on parle de risques psychosociaux, de qualité de vie au travail, d’expérience collaborateur voire d’entreprise libérée, « comment ne pas voir que le sujet central est le collaborateur qui va décider de s’engager ou de se désengager de son travail et de son rapport à l’entreprise ? Exposé à des environnements, niveaux hiérarchiques et groupes sociologiques variés, l’auteur est ému par « l’impact direct de l’engagement (ou du désengagement) sur la performance organisationnelle ».
Que ce soit dans une situation d’usine ou dans un siège social, le moteur de la performance est « l’engagement, cet effort supplémentaire que les collaborateurs sont désireux de délivrer pour aider l’organisation à atteindre ses buts et dans le meilleur des cas pour en retirer eux-mêmes des bénéfices de développement professionnel et même personnel ». Si la fonction RH doit changer pour se rapprocher des besoins du business et des aspirations de tous les collaborateurs, l’auteur n’est pas un fanatique des expériences collaborateur ou du concept de bonheur au travail – « le bonheur est par nature périssable et aléatoire ».
Marie Gouttard
Formatrice et consultante chez Form’Action Rhônes-Alpes
Formatrice, Marie Gouttard dénonce, les suites de la nouvelle loi, qui complique la tâche des petits organismes, pour le bénéfice des grosses entités.
Depuis le début de cette année, la formation professionnelle vit des confusions colossaux. La réforme est mise en place en toute discrétion, car peu de personnes la connaissent ou en sont informées, même les intéressés. Elle n’est pourtant pas une petite modification, mais un véritable raz-de-marée. Sans expertise en droit et connaissances juridiques développées, la lecture des décrets qui tombent les uns à la suite des autres est ardue. Pour autant, elle fait montrer une étatisation et une centralisation majeure des « opérateurs de compétence » aux dépens des organismes de formation de petite taille.
Si la volonté de professionnaliser de façon visée par l’outil de l’alternance semble une bonne idée, ce choix met en revanche sur le bord du chemin tous les prestataires de formation continue qui dispensent les contenus suivants : la réflexion personnelle, le développement cognitif, la compréhension et l’amélioration des relations interpersonnelles, la connaissance de soi, la créativité, l’optimisation de la cohésion d’équipe, et in fine, la prévention des risques psychosociaux.
Cette réforme semble approcher la formation professionnelle par le biais de la montée en compétences des salariés et demandeurs d’emploi sous le seul aspect du savoir-faire technique, voire des savoirs techniques, laissant la problématique récurrente et porteuse d’enjeux en entreprise, des « savoir être », plus pompeusement désignés comme « savoir-faire comportementaux ». Malgré cela, la maîtrise de la technicité n’est en rien utile si l’acteur ne maîtrise pas les codes du vivre-ensemble et de la communication interpersonnelle.
Quid des financements jusque-là partiellement pris en charge par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qui ont disparu le 31 décembre 2018, remplacés par des OPCO (opérateurs de compétences) au rôle mal défini ? Les TPE et PME, qui collaborent largement à la collecte de fonds pour la formation, vont devoir immerger dans une mutualisation financière sans retour, dans le cas où l’alternance est impossible à mettre en place – c’est le cas des PME du transport, pour ne citer qu’elles.
Injonctions brutales imposées sans pédagogie
Aujourd’hui, les « petits » organismes de formation vivent la même aventure que bien d’autres secteurs d’activité en France. Elles connaissent une chute vertigineuse d’activité liée non pas à un manque de compétences, puisque les clients répondent présents et sont fidèles, mais à l’avalanche d’injonctions brutales et imposées sans aucune pédagogie : injonctions administratives, environnementales, financières, logistiques, de rentabilité, de qualité, auxquelles seules les grosses entités déjà bien intégrées dans les sphères décideuses peuvent répondre, consolidant un monopole absolu sur la formation professionnelle et continue.
Jean-Emmanuel Ray
Professeur à l’école de droit de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Le code du travail, les accords collectifs et le contrat de travail conditionnent, dans les entreprises, l’échange de congé en élévation salariale pour les salariés.
Interrogation de droit social « Ne pas perdre sa vie à la gagner » : le slogan de 1968 éprouve un vif regain d’intérêt, pas seulement chez les jeunes : l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, mais aussi la soif de « marges de manœuvre » palpent aujourd’hui toutes les générations. Nombre d’entreprises ont admis que pour attirer et fidéliser les meilleurs collaborateurs, il convenait d’offrir une élasticité partagée. Mais tout n’est pas permis, loin de là. Le droit distingue trois niveaux : le code du travail, les conventions collectives et le contrat de travail.
D’abord, les interdits relevant des règles d’ordre public édictées par le code du travail : le propre de l’ordre public de protection est que la personne protégée ne peut valablement y renoncer. Du côté du salaire, le collaborateur ne peut en aucun cas renoncer, même contre des jours de repos, ni au minimum établi par le SMIC, ni aux minima conventionnels. Côté repos, le respect des durées légales minimum (11 heures consécutives de repos quotidien, 24 heures de repos hebdomadaire) s’applique impérativement : aucun salarié, y compris en forfait jours, ne peut y renoncer ni accepter un fractionnement, même contre une substantielle augmentation.
Les règles issues des traités collectifs peuvent, en revanche, évoluer à l’initiative des partenaires sociaux. Juridiquement, rien ne les empêche par exemple de transformer la majoration de salaire liée aux heures supplémentaires en repos compensateur ; ou de substituer des jours de repos à une élévation annuelle, voire de laisser chaque salarié choisir entre les deux : ce qui est électoralement plus prudent dans notre société d’individus. Même si les services des ressources humaines se réjouissent rarement de cette double complexité : administrative (sur les fiches de paye) et organisationnelle.
L’Allemagne comme exemple
En Allemagne, les collaborateurs sociaux, ayant compris que l’arbitrage entre le temps et l’argent avait changé, mais aussi que la modération salariale pouvait passer par d’autres voies, le font depuis plusieurs années. En 2016, IG Metall avait ainsi négocié d’importantes évolutions pour les 3,8 millions de salariés de la métallurgie : ce qui a valu à ce puissant syndicat un net regain d’adhésions, surtout chez les femmes et les jeunes. Autre exemple, la Deutsche Bahn a signé le 12 décembre 2016 un accord proposant aux 100 000 cheminots de choisir entre une augmentation de 2,6 %, passer de 39 heures à 38 heures, ou six jours de congés annuels ; au 1er janvier 2018, 58 % d’entre eux avaient choisi les congés additionnels, 40 % la hausse salariale et 2 % la réduction du temps de travail hebdomadaire.
Établie en 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, cette procédure de divorce à l’amiable entre employeurs et salariés suscite des critiques.
Chaque année, les records n’en finissent pas de tomber. En 2018, le nombre de ruptures conventionnelles individuelles a été un peu supérieur à 437 000, soit une hausse de 3,9 % en douze mois, selon les données diffusées, lundi 11 février, par la Dares, la direction des études du ministère du travail. Ce dispositif, qui donne la possibilité à un employeur et à un salarié en CDI de se séparer d’un commun accord, n’a jamais été autant utilisé depuis sa création, en 2008.
La nouvelle hausse relevée l’an passé, qui s’inscrit dans une tendance quasi ininterrompue, « n’est pas une surprise », déclare Jean-Paul Charlez, le président de l’Association nationale des DRH. A ses yeux, elle confirme que la procédure instaurée sous le quinquennat Sarkozy permet de mettre fin à la relation de travail dans un climat « apaisé ».
Autrefois, l’une des pratiques très en vogue consistait à conclure une transaction : pour rompre un CDI de façon négociée, les parties en présence s’entendaient sur des concessions réciproques (par exemple, l’octroi d’une indemnité par l’entreprise en contrepartie de l’engagement du salarié de ne pas saisir les prud’hommes). Mais de telles tentatives de conciliation dégénéraient régulièrement en contentieux.
La rupture conventionnelle, elle, est « sécurisée juridiquement », note Raphaël Dalmasso, maître de conférences en droit privé à l’université de Lorraine : homologation du compromis par l’administration, montant minimal pour le dédommagement… En outre, la personne qui s’en va est éligible à l’assurance-chômage. « C’est un système assez équilibré, qui convient bien aux deux parties. Elles ont intégré le fait qu’il n’y avait aucun risque », complète M. Dalmasso.
Un autre élément, de nature « conjoncturelle », a pesé : « L’amélioration de la situation du marché du travail », affirme Gilbert Cette, professeur d’économie associé à l’université d’Aix-Marseille. Les personnes sont d’autant plus enclines à quitter leur activité, par le biais d’une rupture conventionnelle, que les offres d’emploi s’avèrent aujourd’hui partiellement abondantes. « C’est une très bonne chose », poursuit-il, car cette forme de divorce par consentement mutuel facilite les changements de trajectoire professionnelle.
La méthode « répond à une nécessité », confie Michel Beaugas (FO). Avant, rappelle-t-il, bon nombre de travailleurs n’avaient bien souvent pas d’autres choix que de démissionner, voire d’abandonner leur poste et d’être licenciés pour faute, s’ils désiraient mettre un terme à leur CDI de manière anticipée. Les règles adoptées en 2008 ont donc le mérite d’accorder des droits aux salariés, observe Michel Beaugas.
Le chômage est en recul de 0,3 point à 8,8 % de la population active en France entière (hors Mayotte) au quatrième trimestre 2018, son plus bas niveau depuis 2009, selon des chiffres provisoires de l’Insee publiés jeudi 14 février.
En France métropolitaine, ce taux, mesuré par l’Institut national de la statistique selon les normes du Bureau international du travail (BIT), s’établit à 8,5 %, ce qui évoque 2,47 millions de chômeurs et 90 000 chômeurs de moins sur un trimestre.
Sur un an, le taux France entière (hors Mayotte) est en retrait de 0,2 % et 0,1 % en France métropolitaine. Ce repli avait été anticipé par l’Insee qui prévoyait un recul en fin d’année. 2018 s’est donc achevée dans une tonalité un peu similaire à 2017, lorsque ce taux était aussi repassé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre.
Le taux de chômage des jeunes passe sous les 20 %
Le taux d’inactivité des jeunes passe sous les 20 %, à 18,8 % en France métropolitaine, soit une diminution de 1,7 point par rapport au trimestre précédent. Le taux de chômage de longue durée s’établit à 3,4 % de la population active, comme au trimestre précédent. Il est en diminution de 0,3 point sur un an et représente environ 1 million de personnes qui déclarent chercher un emploi depuis plus d’un an. Le taux de chômage des 50 ans et plus est stable à 6,1 %.
Le « halo autour du chômage » est en légère hausse. Ces personnes qui désirent travailler mais qui ne sont pas comptabilisées parce qu’elles ne cherchent pas activement ou ne sont pas disponibles immédiatement étaient en augmentation de 32 000 personnes au quatrième trimestre, soit selon l’Insee, un niveau semblable à fin 2017. Ce halo concerne environ 1,5 million de personnes.
La part du sous-emploi, c’est-à-dire des personnes qui désirent travailler encore, comme des employés à temps partiel, est en légère hausse (+ 0,2 point sur le trimestre). Enfin, le taux d’emploi, c’est-à-dire la proportion des 15-64 ans qui travaillent, augmente légèrement (+ 0,2 point) pour s’établir à 66,1 %. Pour le taux d’emploi à temps complet, il s’agit du « plus haut niveau depuis 2003 » selon l’Insee. A noter que le chiffre du deuxième trimestre 2018 pour la France métropolitaine a été réparé par l’Insee de 8,8 % à 8,7 %.