Une augmentation ou des jours de repos ?

Une augmentation ou des jours de repos ?

Jean-Emmanuel Ray

Professeur à l’école de droit de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Le code du travail, les accords collectifs et le contrat de travail conditionnent, dans les entreprises, l’échange de congé en élévation salariale pour les salariés.

« Les interdits relevant des règles d’ordre public édictées par le code du travail : le propre de l’ordre public de protection est que la personne protégée ne peut valablement y renoncer. »
« Les interdits relevant des règles d’ordre public édictées par le code du travail : le propre de l’ordre public de protection est que la personne protégée ne peut valablement y renoncer. » Philippe Turpin / Photononstop

Interrogation de droit social « Ne pas perdre sa vie à la gagner » : le slogan de 1968 éprouve un vif regain d’intérêt, pas seulement chez les jeunes : l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, mais aussi la soif de « marges de manœuvre » palpent aujourd’hui toutes les générations. Nombre d’entreprises ont admis que pour attirer et fidéliser les meilleurs collaborateurs, il convenait d’offrir une élasticité partagée. Mais tout n’est pas permis, loin de là. Le droit distingue trois niveaux : le code du travail, les conventions collectives et le contrat de travail.

D’abord, les interdits relevant des règles d’ordre public édictées par le code du travail : le propre de l’ordre public de protection est que la personne protégée ne peut valablement y renoncer. Du côté du salaire, le collaborateur ne peut en aucun cas renoncer, même contre des jours de repos, ni au minimum établi par le SMIC, ni aux minima conventionnels. Côté repos, le respect des durées légales minimum (11 heures consécutives de repos quotidien, 24 heures de repos hebdomadaire) s’applique impérativement : aucun salarié, y compris en forfait jours, ne peut y renoncer ni accepter un fractionnement, même contre une substantielle augmentation.

Les règles issues des traités collectifs peuvent, en revanche, évoluer à l’initiative des partenaires sociaux. Juridiquement, rien ne les empêche par exemple de transformer la majoration de salaire liée aux heures supplémentaires en repos compensateur ; ou de substituer des jours de repos à une élévation annuelle, voire de laisser chaque salarié choisir entre les deux : ce qui est électoralement plus prudent dans notre société d’individus. Même si les services des ressources humaines se réjouissent rarement de cette double complexité : administrative (sur les fiches de paye) et organisationnelle.

L’Allemagne comme exemple

En Allemagne, les collaborateurs sociaux, ayant compris que l’arbitrage entre le temps et l’argent avait changé, mais aussi que la modération salariale pouvait passer par d’autres voies, le font depuis plusieurs années. En 2016, IG Metall avait ainsi négocié d’importantes évolutions pour les 3,8 millions de salariés de la métallurgie : ce qui a valu à ce puissant syndicat un net regain d’adhésions, surtout chez les femmes et les jeunes. Autre exemple, la Deutsche Bahn a signé le 12 décembre 2016 un accord proposant aux 100 000 cheminots de choisir entre une augmentation de 2,6 %, passer de 39 heures à 38 heures, ou six jours de congés annuels ; au 1er janvier 2018, 58 % d’entre eux avaient choisi les congés additionnels, 40 % la hausse salariale et 2 % la réduction du temps de travail hebdomadaire.

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LJD

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