Archive dans octobre 2019

L’OMC voit dans les services le « nouveau moteur de la mondialisation »

Selon le rapport annuel de l’institution, les pays développés sont les grands gagnants de l’essor de ce secteur, qui représente 20 % du commerce mondial, contre 9 % en 1970.

Par Publié aujourd’hui à 11h21

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L’avenir de la mondialisation passe par les services. « C’est le secteur le plus dynamique du commerce mondial sans que cela soit reconnu ou bien compris », affirme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans son rapport annuel publié mercredi 8 octobre. L’institution, basée à Genève, observe que la valeur des échanges dans ce secteur a augmenté plus rapidement que celle des biens, à un rythme annuel de 5,4 %, entre 2005 et 2017. Les services, qui ne pesaient que 9 % du commerce mondial en 1970, représentent désormais 20 % et ce niveau pourrait grimper à 33 % d’ici à 2040, selon les projections de l’OMC.

Ces derniers jouent un rôle croissant, mais discret, dans le développement du commerce mondial. « Les exportations de services font travailler un nombre incroyable de personnes dans le monde, et il reste encore un énorme potentiel inexploré », avance Roberto Azevêdo, le directeur général de l’OMC.

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Un potentiel inexploré car, contrairement au commerce de marchandises, il était jusque-là difficile à cerner et à mesurer. Certains services, telles les productions audiovisuelles, franchissent la frontière pour être consommés à l’étranger. Parfois c’est le consommateur qui se déplace à l’étranger, comme c’est le cas avec le tourisme. Le fournisseur peut aussi s’installer de manière temporaire ou permanente hors de son pays pour vendre ses services, comme le font les sociétés informatiques indiennes qui envoient leurs consultants chez des clients aux Etats-Unis.

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Les perdants sont les pays pauvres

L’affaire se complique si l’on prend en compte la part des services dans la valeur ajoutée des produits industriels, que ce soit lors de leur conception ou de leur transport. L’OMC a ainsi calculé que les échanges de services pourraient augmenter de 50 % d’ici les vingt prochaines années.

Les services se mondialisent dans le sillage des échanges de marchandises et grâce à la technologie. Ils peuvent désormais être exportés facilement en raison de la baisse du coût des télécommunications et de la numérisation de pans entiers de l’économie mondiale. Un processus à l’œuvre dans les secteurs de l’éducation et de la santé…

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A en juger par le volume des échanges, les gagnants sont majoritairement les pays développés, et quelques pays émergents qui les rattrapent. Les perdants sont les pays pauvres si l’on regarde leur contribution quasi nulle aux exportations et aux importations de services dans le monde. « L’importation de services liés aux infrastructures portuaires ou à la logistique peut toutefois aider leurs industries à être plus compétitives », nuance toutefois John Drummond, chef de la division des échanges de services à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Banque mondiale : « quand la mondialisation rétropédale »

L’institution s’inquiète de la dégradation des échanges commerciaux alors que toutes les régions du monde, même l’Europe, engagent un repli sur elles-mêmes, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h18, mis à jour à 11h21 Temps de Lecture 2 min.

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Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril.
Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril. Nguyen Huy Kham / REUTERS

Pertes et profits. A la Banque mondiale, on aime le vélo. C’est pratique pour se rendre au travail et c’est bon pour la planète. L’institution en a donc fait, cette année, la métaphore de tous les bienfaits que peut apporter la mondialisation. Le cadre et les roues sont produits en Chine et au Vietnam, le pédalier au Japon, la selle en Italie, les freins en Malaisie, tout cela dans une immense chaîne de valeur mondialisée. Celle-ci conduit à faire baisser les prix, à augmenter le marché potentiel et la productivité et, in fine, à créer de l’emploi et de la prospérité.

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Cette mondialisation de la fabrication d’un même bien a accompagné la croissance économique de la planète sur les vingt dernières années, contribuant à élever la condition de nombreux pays comme le Vietnam, le Mexique, le Bangladesh, l’Ethiopie ou le Kenya. Pour l’économiste en chef de la Banque mondiale, Pinelopi Koujianou Goldberg, une augmentation de 1 % de la participation d’un pays à cette chaîne de valeur se traduit par un gain de 1 % du revenu par habitant, deux fois plus que dans le commerce traditionnel.

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Aussi, l’institution s’inquiète de voir s’effriter une architecture si efficace. Si les guerres commerciales actuelles se poursuivent, et avec elles le déclin des échanges, près de 30 millions de personnes pourraient retomber sous le seuil de pauvreté, souligne la Banque mondiale.

L’économie ne suffit pas

Mais l’économie ne suffit pas à faire le bonheur des peuples, surtout quand la distribution de ses fruits est aussi inégalitaire. Dans les pays développés surtout, où le revenu médian a stagné durant les années 2000 (Europe), voire diminué (Etats-Unis), accompagnant un mouvement de désindustrialisation qui a paupérisé des territoires entiers. D’où le choix des électeurs américains pour la politique protectionniste de Donald Trump, ou celui des sujets britanniques pour le retrait de l’Union européenne. L’Amérique se replie sur sa zone, comme la Chine, grande gagnante de la mondialisation, est en train de le faire en se concentrant sur l’échelon asiatique. Même la vertueuse Europe, région la plus ouverte du monde, s’interroge. La très libérale commissaire au commerce, Cecilia Malmström, plaide désormais ouvertement pour une Europe plus ferme vis-à-vis de ses partenaires chinois ou américains.

Lire la tribune : Cecilia Malmström : « Les exportations de l’UE hors Europe représentent 36 millions d’emplois en Europe, dont près de 3 millions en France »

La mondialisation rétropédale et s’accompagne d’un retour au chacun pour soi et du ralentissement économique. Les cyclistes européens adeptes du local apprécieront, leurs homologues africains un peu moins et tout le monde paiera son vélo beaucoup plus cher.

Renault : le directeur général, Thierry Bolloré, menacé d’éviction

Alors que Nissan vient de nommer une nouvelle direction et s’apprête à faire un grand ménage chez ses cadres, le numéro deux du constructeur français se retrouve, lui, sur un siège éjectable.

Par Publié le 09 octobre 2019 à 10h57, mis à jour à 10h04

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Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort.
Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, le 12 septembre, à Francfort. TOBIAS SCHWARZ / AFP

Il y a trois cent vingt-trois jours, Carlos Ghosn, PDG de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, était arrêté au Japon pour malversations financières. Entre France et Japon, l’onde de choc de cet événement n’en finit pas de produire ses effets sur les entreprises que le patron déchu dirigeait. Mais, en ce mois d’octobre, l’histoire s’est comme accélérée, tant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) qu’à Yokohama, au sud de Tokyo, aux sièges des constructeurs Renault et Nissan.

Côté français, la pression est montée de plusieurs crans sur Thierry Bolloré, directeur général de Renault. Le Figaro avançait, dès mardi 8 octobre au soir, que « Jean-Dominique Senard [le président de Renault] devrait proposer prochainement au conseil d’administration du groupe de lancer la recherche d’un nouveau directeur général ».

Le groupe au losange n’a pas souhaité faire de commentaire sur des « rumeurs ». On affirme, dans l’entourage de M. Senard, « qu’aucun processus pour rechercher un nouveau numéro deux n’était officiellement lancé ». Ce qui n’empêche pas cette source d’ajouter que « la pression est montée crescendo pour que le président se sépare de son directeur général. Elle vient de l’interne où la personnalité du directeur général ne fait pas l’unanimité, mais aussi – et tout aussi fortement – de l’Etat actionnaire ».

Les reproches fusent

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Au ministère de l’économie, pas de commentaire non plus, où l’on renvoie la balle à la marque au losange. « C’est un sujet qui concerne le management de Renault », répond au Monde l’Agence des participations de l’Etat. Pour le moment, les administrateurs du groupe Renault n’ont reçu aucun signe officiel permettant d’envisager que le remplacement de Thierry Bolloré sera mis à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration, programmé, depuis longtemps, pour le 18 octobre.

« Je ne suis pas sûr que ce soit le moment opportun, dit l’un d’eux. Il y a un risque de déstabilisation de l’entreprise. Jeudi 10 octobre, Thierry Bolloré devait s’adresser en direct à l’ensemble des salariés, avec questions-réponses. Dans ce contexte, c’est un exercice intenable ! »

Il n’empêche, les reproches envers le directeur général fusent : un management parfois brutal, une fuite des talents (cinq cadres dirigeants ont quitté l’entreprise pour rejoindre le concurrent PSA depuis que M. Bolloré est devenu, en février 2018, numéro deux de Renault), nomination de dirigeants sans expérience de l’automobile, recours immodéré aux consultants du Boston Consulting Group.

Les PME incitées à développer l’épargne salariale

Bercy voudrait quasiment doubler le nombre de bénéficiaires dans les TPE et les PME d’ici à la fin 2020 en le portant à 3 millions, contre 1,4 million actuellement.

Par Publié aujourd’hui à 07h00

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« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. »
« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. » Salemi/Cartoonbase / Photononstop

Le gouvernement a pour ambition de doubler le nombre de salariés bénéficiaires d’un dispositif d’épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) d’ici à fin 2020, en le portant à 3 millions contre 1,4 million actuellement. L’objectif est réaliste, selon Christophe Eglizeau. Le directeur général de Natixis Interépargne, filiale de Natixis spécialisée dans l’épargne salariale, estime que « l’ordre de grandeur est bon », à en croire les résultats de sa propre société : « Nous avons enregistré une croissance de plus de 30 % de nos nouveaux contrats signés par des PME depuis janvier. »

Benjamin Sanson, consultant retraite et investissement au sein du cabinet conseil Mercer France, ne partage pas son avis, jugeant le chiffre très ambitieux. « Les PME n’ont pas le réflexe de l’épargne salariale. Elles préfèrent les systèmes de primes et de bonus », explique-t-il. « La performance collective y est moins valorisée que la performance individuelle », précise Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des PME (CPME).

Les avis sont partagés car les freins sont nombreux dans les petites entreprises : quand il ne s’agit pas de la faible disponibilité voire de l’inexistence des services de ressources humaines, les dispositifs d’épargne salariale sont perçus comme particulièrement complexes. Les chefs d’entreprise eux-mêmes estiment manquer d’informations. « Nous avons tout un travail de pédagogie à faire, reconnaît Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale sont inclus dans la politique de rémunération globale. Les PME sont, elles, sous-équipées. »

« Des mesures fortes »

Certaines incitations semblent toutefois porter leurs fruits. Ainsi pour Julien Niquet, cofondateur d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale, « l’objectif du gouvernement est très optimiste, mais accompagné de mesures fortes, dont le point majeur est la suppression du forfait social ». Cette contribution patronale de 20 % n’existe plus depuis le 1er janvier sur les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur celles versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur pour celles de moins de 50 salariés.

« Juste un clic », pour se former ?

Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF. Pas sûr qu’elle réussisse ce que des décennies de réformes n’ont pas pu mettre en oeuvre, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h45 Temps de Lecture 3 min.

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« Les salariés pourront s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. »
« Les salariés pourront s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. » Image Source / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». Comme un mantra, le « juste un clic » est censé incarner la simplification pour réformer la formation. Pour aider les actifs à prendre en main leur employabilité et leur parcours professionnel, le gouvernement s’apprête à lancer l’application CPF (compte personnel de formation) avant la fin de l’année. Le 21 novembre, la formation sera sur « une place de marché », selon les termes de la Caisse des dépôts qui finalise l’opération avec le ministère du travail, sous la forme d’un site Internet d’abord, avant le lancement de l’application mobile proprement dite, prévue « le 1er décembre au plus tard », indique le ministère.

Les 29 millions d’actifs concernés sont invités à croire au monde de la Petite Poucette de Michel Serres, dans lequel les nouvelles technologies libèrent les citoyens d’un simple clic. « C’est une révolution, notre machin », annonce le cabinet de Muriel Pénicaud.

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Les salariés pourraient ainsi s’acheter une formation sur leur téléphone aussi facilement qu’ils twittent. Ils vont donc enfin se former pour adapter leurs compétences à l’évolution des métiers : c’est en tout cas le pari de ce CPF rénové.

Un produit de consommation

« Juste un clic » pour s’acheter sa formation, comme s’il s’agissait d’un produit de consommation. « On attend avec impatience le 21 novembre. Le salarié prend le pouvoir. Il pourra acheter, consommer. Le marché va être régulé par la satisfaction des usagers qui nous noteront comme sur TripAdvisor », se réjouit Pierre Charvet DG de Studi, un organisme de formation en ligne.

Bien qu’il soit entré en vigueur en janvier 2015, presque cinq ans plus tard le CPF n’est toujours connu que d’un tiers (8,3 millions) des actifs

Du côté de l’intérim, on salue également la facilitation de « l’expérience utilisateur », dans l’espoir que les intérimaires puissent « cibler les compétences attendues sur le marché ». Actuellement, ce sont toujours les moins qualifiés qui se forment le moins.

Une simple application résoudrait ainsi ce que des années de réformes n’ont pas réussi à mettre en œuvre ? On peut en douter. Dans les entreprises, les DRH sont moins enthousiastes que les organismes de formation. Sur l’adéquation des demandes au marché du travail d’abord : qui va empêcher les salariés de choisir des formations déconnectées de leur parcours professionnel ? interpelle l’Association nationale des DRH (ANDRH).

La responsabilité des entreprises est difficile à contrôler

Dans une entreprise « responsable » comme Renault, les malversations dont est soupçonné l’ancien PDG Carlos Ghosn auraient-elles pu être empêchées, et par qui ? s’interroge le professeur Pierre-Yves Gomez dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h15 Temps de Lecture 2 min.

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« On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des commissaires aux comptes successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée » (Carlos Ghosn en 2013).
« On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des commissaires aux comptes successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée » (Carlos Ghosn en 2013). Babu Babu/Reuters

Chronique « Gouvernance ». Devenue une institution majeure de la société contemporaine, l’entreprise a vu s’élargir le champ de sa responsabilité : d’abord économique et sociale, puis sociétale, politique et environnementale, elle est désormais morale. Il ne s’agit plus de constater a posteriori les impacts qu’elle produit sur son écosystème, mais d’attendre a priori que sa gestion se conforme aux exigences éthiques de la société.

Mais la mise en œuvre d’une telle responsabilité demeure incertaine si on ne sait pas l’imputer concrètement aux acteurs qui, en interne, sont chargés de garantir les pratiques acceptables et d’empêcher les dérives ou les abus. Or il n’est pas aisé de passer de l’idée générale aux processus efficaces, comme le montre l’affaire Renault-Nissan sur le difficile contrôle du comportement d’un grand dirigeant. Dans une entreprise « responsable » comme Renault, les malversations dont est soupçonné l’ancien PDG Carlos Ghosn auraient-elles pu être empêchées, et par qui ?

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En théorie, de telles dérives spolient les actionnaires en les privant d’une part de profit et ils révoquent le dirigeant irresponsable. La réalité est moins simpliste. Même fraudeur, un dirigeant peut présenter de bons résultats aux investisseurs, comme le fit M. Ghosn chez Renault, car dans les grandes entreprises des malversations limitées n’entament pas significativement les bénéfices. Ainsi, les profits réalisés grâce aux efforts de productivité des salariés peuvent permettre aux dirigeants de tirer des avantages privés, autant sous forme de bonus légaux que de rétributions personnelles plus opaques.

Dérives et réussites spectaculaires

Le contrôle par les marchés étant approximatif, il a fallu établir des superviseurs autorisés et légitimes, comme les commissaires aux comptes (CAC). Ceux-ci ont le devoir de vérifier la conformité des opérations comptables de l’entreprise et ils engagent leur propre réputation. On peut s’étonner que, malgré l’accumulation de fraudes imputées à M. Ghosn, la responsabilité des CAC successifs de Renault n’ait pas été beaucoup relevée. Ils plaideront sans doute qu’il était difficile de déceler des abus portant sur des montants faibles comparés aux flux financiers énormes que génère une telle entreprise. Peut-être, mais cela laisse planer un doute global sur la fiabilité de leur contrôle.

François Hommeril, un président qui détonne à la CFE-CGC

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François Hommeril, le président de la CFE-CGC, à Matignon, le 6 septembre.
François Hommeril, le président de la CFE-CGC, à Matignon, le 6 septembre. THOMAS SAMSON / AFP

L’exemplaire de Révolution, le livre-programme d’Emmanuel Macron paru en 2016, est posé sur une étagère du bureau de François Hommeril, au siège parisien de la CFE-CGC. Une édition de poche, un peu cornée, que le dixième président de la centrale des cadres s’est vu offrir par son frère, consul général de France à Atlanta, aux Etats-Unis.

Il s’en saisit et l’ouvre page 132. Le voilà qui lit à voix haute les propos de celui qui n’avait pas encore pris ses quartiers à l’Elysée. Pour un peu, il pourrait le réciter par cœur : « Je ne crois pas du tout au débat lancé par nombre de responsables politiques sur la dégressivité des allocations chômage. (…) Ils sous-tendent que les transitions ne sont pas un sujet, que la mobilité professionnelle se fera toute seule et que les chômeurs le sont plus ou moins par leur faute. » Une profession de foi démentie, en juin, par la réforme de l’assurance-chômage qui vise notamment les demandeurs d’emploi les mieux payés. François Hommeril a fustigé « un jour funeste pour l’assurance-chômage », « une attaque violente contre les cadres » et « un populisme assumé ».

Elu pour la première fois en 2016, le syndicaliste devait être reconduit, mercredi 9 octobre à l’ouverture du congrès de la confédération à Deauville (Calvados), à la tête de la CFE-CGC. Une formalité pour l’ingénieur savoyard qui, comme il y a trois ans, était le seul candidat.

« Je n’ai aucune opposition », se vante-t-il. Et qu’importe si son discours très véhément contre « le catéchisme néolibéral » du président de la République apparaît en décalage avec une base qui, aux élections présidentielle et européennes, s’est répartie entre La République en marche et Les Républicains.

« Il est magique mais c’est une catastrophe, assène, sévère, un de ses homologues syndicaux. Il fait le clown et dit ce qui lui passe par la tête. Il n’est pas du tout dans la sociologie de son organisation. » Ses proches assurent le contraire. « Ce n’est pas un lecteur des Echos, admet Serge Lavagna, qui quitte le secrétariat national. Il est plus gaulliste social que mélenchoniste, ce n’est pas un égalitariste. » Pour Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, « c’est son expérience personnelle qui l’a mené là et c’est très respectable ».

« Cannibales en costume »: les nouveaux monstres

David Courpasson se demande comment on peut à la fois être une personne correcte et mettre son éthique de travail au service d’une « monstruosité ».

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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« Cannibales en costume. Enquête sur les travailleurs du XXIe siècle », de David Courpasson. François Bourin, 248 pages, 20 euros.
« Cannibales en costume. Enquête sur les travailleurs du XXIe siècle », de David Courpasson. François Bourin, 248 pages, 20 euros.

Livre. Escroqueries bancaires, scandales pharmaceutiques, nappes noires meurtrières des compagnies pétrolières, « dieselgate »… bien des entreprises sont sur le banc des accusés depuis quelques années, et la colère gronde : on déplore l’augmentation des suicides, on s’interroge sur le sens du vrai travail. Mais à force de ne voir que les scandales médiatiques, de ne scruter que l’ombre de Monsanto et de ses experts manœuvrant dans les couloirs de Bruxelles, on ne parle guère des travailleurs de Monsanto, ces gens dont le travail consiste pourtant à produire dans la pénombre des usines le fameux glyphosate et autres produits toxiques.

Comment peut-on à la fois être un bon comptable, un bon ingénieur, un bon médecin, une personne correcte, et mettre son éthique de travail au service d’une monstruosité ? Comment le chef de projet d’une multinationale pétrolière britannique ressent-il la pollution marine qui sera, pour quelques jours, sur tous les écrans de télévision et d’ordinateurs et qui stigmatisera, à travers le nom de son entreprise, son propre travail ? « Ces questions sont à la fois banales et capitales, car elles font surgir l’ambivalence de la culpabilité moderne, et l’ampleur de la contribution de chacun à des œuvres de destruction ou d’amoindrissement », estime David Courpasson dans Cannibales en costume (François Bourin).

L’ouvrage enquête sur le fil qui relie, « symboliquement et concrètement, les troupeaux des usines, écrasés par le bruit, épuisés par la chaleur ou le froid, aux troupeaux individualistes de l’entreprise actuelle, étourdis par leur propre désir de réussite, abîmés par la vitesse, ensevelis sous l’excès des missions. » Ces points communs sont à chercher dans les récits du travail quotidien.

« Je n’en peux plus »

C’est ainsi le témoignage de George, cadre dans une entreprise pharmaceutique européenne, qui donne au livre sa trame : « Je suis un cannibale, habillé en costume ou avec une blouse blanche. Je fabrique des traitements pour des gens plutôt riches avec la matière corporelle des gens pauvres, vous appelez ça comment ? » Son histoire fait remonter des dizaines de destinées singulières croisées au fil des années dans les enquêtes de l’auteur, sociologue et professeur à l’EM Lyon Business School et à l’université de Cardiff, sur les gens au travail.

Le livre raconte les trajectoires de travailleurs déchirés par d’insondables dilemmes. La plus marquante est celle de Gérard, ingénieur dans le nucléaire, qui enverra, quelques heures avant son suicide, un message à certains de ses collègues : « Mes amis je n’en peux plus, je dois partir, ce travail me tue et nous tuera tous. Je préfère prendre les devants plutôt que de continuer à me faire bouffer de l’intérieur par ce travail dans une centrale qui fuit sans le dire, par ces petits chefs et leurs procédures tatillonnes, et leurs sourires mesquins. Désolé, mais je m’en vais. Je vous laisse seuls, devant le choix de continuer à vivre, mais sans doute de faire autre chose. »

Du labeur à l’ouvrage : et si le manager à bout de souffle s’inspirait de l’artisanat

Une spécialiste du futur du travail publie un livre lucide sur le sentiment de perte de sens qui gagne les salariés et leurs managers. Parmi les pistes pour tourner le dos à cette sinistrose, elle propose une voie originale : s’inspirer de l’artisanat. Autonome et créatif, l’artisan maîtrise l’impact de son travail et en retire de la satisfaction.

Vos vacances ne sont plus qu’un lointain souvenir. Vous croulez déjà sous les dossiers, les sollicitations de votre équipe, les injonctions de votre N+1. Halte-là ! Vous n’êtes nullement contraints de retourner dans la roue du hamster jusqu’à l’été prochain. Libre à vous d’adopter une nouvelle posture et de devenir les artisans de votre vie professionnelle. C’est l’invitation enthousiasmante de Laetitia Vitaud dans son livre Du labeur à l’ouvrage, Pourquoi l’artisanat est le futur du travail (1). Il s’adresse à tous mais nous en avons retenu 5 grandes idées qui peuvent inspirer en particulier cadres et managers.

1/ Le labeur est en crise

Place enviable dans l’organigramme, fortes responsabilités, bons salaires, trajectoires toutes tracées… Et pourtant. Face aux réorganisations incessantes, aux injonctions contradictoires et à l’horizon court-termiste devenu indépassable, nombre de cols blancs ressentent usure, surmenage, ou encore ennui. Cette perte de sens, symptôme des « boulots à la con » (1) se double d’une « crise de la cognition » provoquée par le numérique. Laetitia Vitaud pose un diagnostic sans appel : « L’économie de masse se meurt. (…) Elle  a conduit les travailleurs, autrefois bien traités, dans une impasse. On a cru qu’il suffisait de continuer à appliquer les recettes du taylorisme pour retrouver le chemin de la croissance. Mais en cherchant à pousser plus loin cette approche, on a privé les travailleurs de l’autonomie à laquelle ils aspirent dans la société actuelle ». On les aurait « aliénés ».

2/ La résistance de l’économie de masse tayloriste

C’est que le labeur n’a pas dit son dernier mot. Laetitia Vitaud décèle l’ambiguïté que vivent de nombreux salariés : « Ils subissent fréquemment leur travail en même temps qu’ils souffrent de la peur de le perdre ». S’ajoute à cela « la peur du déclassement pour eux ou pour leurs enfants ». Pour mieux les retenir, les grandes entreprises adoptent la « cool » attitude des start-up et les outils numériques sans rien changer « au management, aux procédures, à la rigidité hiérarchique, ni à l’autonomie de leurs employés ». Malgré tout, depuis leur cage dorée, certains cadres rêvent de déployer leur créativité.

3/ Freelances, néo-artisans et autres indépendants à la conquête du sens

Ils ont fui l’open-space pour « retrouver le goût de l’ouvrage » et se reconvertir en brasseurs, boulangers ou menuisiers. Ils ont quitté les tours de la Défense pour devenir leur propre patron dans l’informatique, le graphisme ou le marketing. Tous ont troqué le statut de salarié pour la liberté qui rime avec responsabilité, créativité, singularité.

Phénomène remarquable en France, le nombre d’indépendants avoisine 11 % des actifs. Le freelancing, nouvelle idéologie ? L’experte du futur du travail déconstruit les fantasmes. On imagine les travailleurs indépendants « nomades et nombreux à choisir de travailler depuis une plage thaïlandaise. Pourtant la réalité est tout autre. (…) S’ils se disent plus « heureux » que les salariés, ils sont aussi plus anxieux ».

4/ Les travailleurs indépendants « pollinisent » l’entreprise

Incontestablement, la transformation est à l’œuvre. Le sur-mesure, la personnalisation et la qualité exceptionnelle – fondamentaux de la démarche artisanale – dessinent déjà le futur de l’entreprise post-moderne.Par ailleurs, « à force de travailler avec des prestataires extérieurs dont on ne surveille pas le travail chaque instant, les managers s’accoutument à l’idée de confier un projet à un travailleur en lui laissant plus de libertés ». Par cette « pollinisation », les travailleurs autonomes constituent ce que Laetitia Vitaud nomme carrément « l’avant-garde de la réinvention du monde du travail ».

5/ Vers un contrat d’ouvrage

Du labeur à l’ouvrage verse dans la prospective : « cette réinvention ne peut que profiter à ceux qui resteront salariés, c’est-à-dire la majorité des travailleurs ». Prestataires, consultants, intérimaires, freelances, « toujours plus nombreux à travailler pour les entreprises sans être managées par elles », constituent un défi pour l’entreprise pyramidale. Deviendra-t-elle demain « une « plateforme » ou un  » hub », plus en phase avec l’économie numérique » ? Laetitia Vitaud prédit que les entreprises « sauront offrir aux salariés les meilleures conditions pour un travail autonome ». Elle prône la création d’un « contrat d’ouvrage », qui doit remplacer le « contrat de labeur ». Comme les artisans façonnant leur ouvrage, elle encourage un nouveau rapport au travail dans les entreprises, qui valorise l’autonomie, la créativité et la responsabilité. Sous contrat d’ouvrage, les managers pourraient retrouver l’impact de leur travail. Et donc un nouveau souffle, porteur de sens ?

Les cadres français qui gagnent plus de 60 000 euros par an parlent l’allemand

Mais pourquoi donc l’allemand ? Un récent sondage Opinion Way réalisé pour Babbel révèle que l’allemand(en plus de l’anglais) est davantage parlé parmi les hauts salaires de plus de 60 K€ annuels. Pourquoi l’allemand, de moins en moins enseigné à l’école, serait-elle une langue différenciante en entreprise ? Et quid des autres deuxièmes langues qui figurent également dans ce classement, comme l’italien, le portugais ou le russe ? Seraient-elles un atout pour donner un nouvel élan à sa carrière ? Tentatives d’explications.

 

Les cadres français parlent en moyenne 2,5 langues, dixit le dernier sondage* publié par l’application Babbel qui a cherché à savoir quelles deuxièmes langues (après l’anglais) ont intérêt à maîtriser les cadres.

Faut-il vraiment parler allemand pour gagner plus ?

52 % des cadres français gagnant plus de 60 000 €/an maîtrisent l’allemand contre 35 % des cols blancs, tout salaires confondus, révèle le sondage. Certes, avec 83 millions de citoyens allemands, le Deutsch est statistiquement la première langue maternelle d’Europe.  Mais pourquoi la maîtrise de cette langue serait-elle un booster de salaire pour un Français ? Sans doute parce que l’Allemagne étant notre premier partenaire commercial, la germanophilie est appréciée par les entreprises qui commercent avec la première puissance européenne, notamment dans certains secteurs industriels comme le ferroviaire, l’aéronautique ou l’automobile, dans des entreprises comme Alstom, Airbus ou Siemens.

Un chiffre qui n’a pas étonné Stéphane Mellinger, fondateur de MPI Executive, un cabinet de management de transition qui envoie des cadres très expérimentés mener des missions ponctuelles en entreprise : “Je recommande aux managers de profiter de leurs intermissions pour se remettre notamment à l’allemand,” affirme-t-il. En France, on compte près de 4500 entreprises allemandes, contre 4000 françaises implantées en Allemagne.

Mais parler une seconde langue en plus de l’anglais ne suffit pas pour prétendre à un salaire élevé. Parmi les langues les plus étudiées au cours des années scolaires selon une étude de Babbel faite en 2018, l’allemand n’arrive qu’en quatrième place. Néanmoins, elle arrive deuxième du palmarès des langues les plus apprises par ceux qui veulent booster leur employabilité.

Selon l’étude*, les personnes qui apprennent des langues pour des raisons autre que le travail choisissent :

  • Anglais 47%
  • Espagnol 25%
  • Italien 17%
  • Allemand 9%

Et celles qui apprennent une langue pour leur carrière professionnelle :

  • Anglais 67%
  • Allemand 15%
  • Espagnol 13%
  • Italien 8%

Les autres deuxièmes langues utiles à la carrière

Les cadres qui manient russe, portugais ou italien sont aussi wanted. Être polyglotte leur facilite les possibilités d’évolution dans l’industrie, le secteur du BTP, dans le commerce et les services. C’est aussi un atout pour ceux qui souhaitent travailler pourdes entreprises à l’étranger et en freelance. “Lorsque des candidats à qualification égale se présentent, on va privilégier celui qui a des langues en plus dans le CV. Notamment ceux qui ont une connaissance de l’Europe de l’Est,” ajoute le manager de MPI Executive.

D’autres langues rarement utilisées en France plaisent aux entreprises internationales. “Il faut choisir une langue qui peut être transfrontalière comme le polonais ou le portugais si on veut avoir des relations avec l’Amérique latine par exemple,” conseille Stéphane Mellinger.

Il n’est jamais trop tard pour devenir bilingue

L’apprentissage des langues est heureusement possible à tout âge. Plusieurs moyens sont à votre disposition :

  • Voyage linguistique : que votre moteur soit financier ou intellectuel, ce qui motive le plus à parler une autre langue est le facteur social. Partir à l’étranger et nouer des liens, donne l’occasion de se faire comprendre.
  • Lire, écrire, parler et écouter : pour ne pas perdre la main, il faut pratiquer…  Lisez le journal en langue étrangère, regardez des séries pour faire votre oreille aux différents accents et à la prononciation et écoutez des podcasts pour assimiler du vocabulaire.
  • L’apprentissage 2.0 : applications, vidéos, cours en ligne, jeux… Les solutions pour devenir multilingues sont nombreuses.
  • Choisir une langue qui n’est pas aux antipodes linguistiques du français, facilitera les choses. On ne va pas vous le cacher, a priori apprendre l’allemand ou le russe risque d’être plus compliqué que le portugais ou l’italien.

* Sondage mené par Opinion Way pour Babbel, réalisé auprès d’un échantillon de 501 cadres, représentatifs (méthode des quotas) du secteur privé, âgés de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées entre le 14 et le 21 août 2019.