Banque mondiale : « quand la mondialisation rétropédale »

Banque mondiale : « quand la mondialisation rétropédale »

L’institution s’inquiète de la dégradation des échanges commerciaux alors que toutes les régions du monde, même l’Europe, engagent un repli sur elles-mêmes, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 11h18, mis à jour à 11h21 Temps de Lecture 2 min.

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Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril.
Des ouvriers dans l’usine Ford de Hai Duong, au Vietnam, en avril. Nguyen Huy Kham / REUTERS

Pertes et profits. A la Banque mondiale, on aime le vélo. C’est pratique pour se rendre au travail et c’est bon pour la planète. L’institution en a donc fait, cette année, la métaphore de tous les bienfaits que peut apporter la mondialisation. Le cadre et les roues sont produits en Chine et au Vietnam, le pédalier au Japon, la selle en Italie, les freins en Malaisie, tout cela dans une immense chaîne de valeur mondialisée. Celle-ci conduit à faire baisser les prix, à augmenter le marché potentiel et la productivité et, in fine, à créer de l’emploi et de la prospérité.

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Cette mondialisation de la fabrication d’un même bien a accompagné la croissance économique de la planète sur les vingt dernières années, contribuant à élever la condition de nombreux pays comme le Vietnam, le Mexique, le Bangladesh, l’Ethiopie ou le Kenya. Pour l’économiste en chef de la Banque mondiale, Pinelopi Koujianou Goldberg, une augmentation de 1 % de la participation d’un pays à cette chaîne de valeur se traduit par un gain de 1 % du revenu par habitant, deux fois plus que dans le commerce traditionnel.

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Aussi, l’institution s’inquiète de voir s’effriter une architecture si efficace. Si les guerres commerciales actuelles se poursuivent, et avec elles le déclin des échanges, près de 30 millions de personnes pourraient retomber sous le seuil de pauvreté, souligne la Banque mondiale.

L’économie ne suffit pas

Mais l’économie ne suffit pas à faire le bonheur des peuples, surtout quand la distribution de ses fruits est aussi inégalitaire. Dans les pays développés surtout, où le revenu médian a stagné durant les années 2000 (Europe), voire diminué (Etats-Unis), accompagnant un mouvement de désindustrialisation qui a paupérisé des territoires entiers. D’où le choix des électeurs américains pour la politique protectionniste de Donald Trump, ou celui des sujets britanniques pour le retrait de l’Union européenne. L’Amérique se replie sur sa zone, comme la Chine, grande gagnante de la mondialisation, est en train de le faire en se concentrant sur l’échelon asiatique. Même la vertueuse Europe, région la plus ouverte du monde, s’interroge. La très libérale commissaire au commerce, Cecilia Malmström, plaide désormais ouvertement pour une Europe plus ferme vis-à-vis de ses partenaires chinois ou américains.

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La mondialisation rétropédale et s’accompagne d’un retour au chacun pour soi et du ralentissement économique. Les cyclistes européens adeptes du local apprécieront, leurs homologues africains un peu moins et tout le monde paiera son vélo beaucoup plus cher.

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LJD

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