Tout travailleurs est face à une substance dangereuse ou toxique pourra demander réparation à son employeur, du fait des obligations de sécurité de ce dernier.
Un ouvrier du bâtiment retire un revêtement d’amiante. Alain Le Bot / Photononstop / Alain Le Bot / Photononstop
La Cour de cassation a barré, le 11 septembre, les arrêts de la cour d’appel de Metz qui avait refusé en juillet 2017 plus de 700 mineurs des Charbonnages de France (ex-Houillères du bassin de Lorraine). Ils sollicitaient des dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété et au carence de l’employeur à son obligation de sécurité. Le préjudice d’anxiété permet l’indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais s’inquiètent de le devenir. Les hauts magistrats ont étendu la jurisprudence sur le préjudice d’anxiété à d’autres substances que l’amiante.
L’avant-goût à ce changement avait eu lieu le 5 avril. L’assemblée plénière de la Cour de cassation avait ouvert droit à la compensation du préjudice d’anxiété des travailleurs exposés à l’amiante sur le fondement des règles de droit commun de la responsabilité civile. Dès lors, tout travailleurs qui justifiait d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave était en droit de se retourner contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité.
« Décision magnifique »
Le 11 septembre, la Cour de cassation s’est également appuyée sur les « règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur » (art. L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail), en les adaptant cette fois à tout « salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition ».
L’Association des victimes de l’amiante et autres polluants (AVA) s’est félicitée mercredi de cette mesure, mais s’inquiète des pénuries à prouver le préjudice subi. « C’est une décision magnifique. Des centaines d’anciens ouvriers des mines de Lorraine vont pouvoir prétendre à une indemnisation, du fait de leur exposition à l’amiante comme à d’autres substances toxiques », a déclaré à l’AFP Me Manuela Grévy, l’avocate des mineurs.
Les mineurs lorrains, sont face à des substances cancérogènes, faisaient surtout valoir une exposition à la poussière de silice et aux hydrocarbures polycycliques, dont ils étaient mal protégés. Les témoignages rapportés dans l’arrêt de la Cour de cassation sont accablants : « Pour nous protéger de toute cette poussière, il nous fallait des masques de protection, lorsqu’on avait la chance d’en avoir, ce qui était rare, ils étaient rapidement inutilisables ou hors service », déclare l’un d’eux.
A la décharge de l’employeur, plusieurs rapports de représentants du personnel font apparaître que lorsque des observations étaient faites sur la sécurité, l’exploitant y apportait une réponse. La cour d’appel de Metz avait jugé que « l’employeur avait pris toutes mesures nécessaires de protection ». Ceci sans donner de « base légale à sa décision », a déclaré la Cour de cassation. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Douai.
La loi approuvée mardi par le sénat de l’Etat américain veut améliorer la définition du salariat pour y inclure les travailleurs indépendants « ubérisés ».
L’élue démocrate de la chambre de Californie Lorena Gonzalez lors d’une manifestation pour sa proposition de loi, le 28 août au capitole californien, à Sacramento. Rich Pedroncelli / AP
Le sénat de Californie a adopté, le 10 septembre, une proposition de loi démocrate qui vise à requalifier les travailleurs indépendants de l’économie « ubérisée » en salariés, afin qu’ils soient mieux protégés et qu’ils puissent avoir un salaire minimal. Le texte doit encore être voté à l’assemblée de Californie afin d’être après soumis à la signature du gouverneur, qui a promis de le faire. Le texte entrerait alors en application le 1er janvier 2020.
Uber et Lyft, les deux entreprises de transport à la demande surtout visées par ce texte, disent qu’une telle obligation améliorerait leurs tarifs et, particulièrement, priverait ses conducteurs de la liberté dont ils disposent comme travailleurs indépendants, payés à la course. Ces entreprises envisagent de soumettre la question au scrutin dans les prochaines élections, en 2020. Ce texte vise également, par exemple, les livreurs de repas à vélo.
En première ligne des débats de régulation de cette nouvelle économie, la Californie, qui a vu apparaître ces géants sur ses terres, pourrait armer des idées ailleurs. Selon le journal américain Nex York Times d’autres Etats américains, comme celui de Washington ou l’Oregon, pourraient s’inspirer d’une telle disposition pour leurs propres législations. Une telle mesure bouleverserait le fonctionnement de ces récentes entreprises, qui s’appuient sur une armada de travailleurs payés à la tâche et disposant d’une faible protection sociale.
En France, une décision définitive se fait encore attendre
L’élue démocrate Lorena Gonzalez à l’origine de cette idée, « en tant que législateurs, nous ne permettrons pas aux entreprises qui se jouent du système en toute bonne conscience de continuer à faire des économies sur le dos des contribuables et des travailleurs. C’est notre travail de nous préoccuper du sort des hommes et des femmes qui travaillent, plutôt que de Wall Street et de leurs juteuses introductions en Bourse ». Une réinsertion pourrait leur ouvrir de nombreux droits : retraite, chômage, temps de travail, maladie et salaires minimums…
Cette proposition, préentée en décembre, est la suite d’une décision de la cour suprême de l’Etat californien. En avril de l’année dernière, elle avait déjà restreint la définition d’un travailleur indépendant afin d’en qualifier davantage en salariés, qui peuvent donc bénéficier de multiples avantages sociaux.
« Une personne qui fournit un travail ou un service contre rémunération doit être considérée comme un salarié et non pas comme un travailleur indépendant, à moins que l’entreprise démontre que cette personne n’est pas sous le contrôle ou la direction de ce donneur d’ordre lors de l’exécution du travail, qu’elle exécute un travail qui ne fait pas partie de l’activité habituelle du donneur d’ordre, et que la personne est effectivement installée comme indépendant. » D’après le texte californien « AB5 »
En France, les prud’hommes n’ont pas encore tranché définitivement un conflit entre Uber et neuf de ses chauffeurs VTC qui demandent à être requalifiés comme salariés. Nombre de tribunaux français ont cependant estimé que la liberté horaire dont ces prestataires disposaient faisait « obstacle à une reconnaissance d’un contrat de travail ».
La firme finlandaise UPM, numéro un mondial du papier « graphique », menace de fermer son ultime usine française qui emploie 236 salariés, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime.
A l’usine UPM Chapelle Darblay, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime, en 2012. Raphael de Bengy I hanslucas.com / Raphael de Bengy I hanslucas.com
L’hécatombe va-t-elle se poursuivre ? Après la clôture, au printemps, faute de repreneur, de l’usine d’Arjowiggins de Bessé-sur-Braye (Sarthe) et l’expulsion de ses 568 salariés, la papeterie historique Chapelle Darblay, à Grand-Couronne, en Seine-Maritime, risque de subir le même sort. Le 10 septembre, UPM a prie la décision de mettre en vente sa dernière usine française de production de papier. Faute de repreneur d’ici à janvier 2020, le site du numéro un mondial du papier dit « graphique », qui emploie 236 salariés, clôturera.
Les syndicats de l’une des deux dernières usines de papier journal disent n’avoir rien vu venir. « Nous étions en train d’évoquer avec la direction le renouvellement de la chaudière, déclarait sur France 3, mardi, une heure à peine après l’annonce de la cession, le secrétaire général (CGT) du comité social et économique du site. Nous savons que la conjoncture est difficile, mais nous ne nous attendions pas à un tel projet. En 2014, nous avions déjà connu l’arrêt traumatisant d’une machine et le départ de 196 collègues. Aujourd’hui, c’est la cession. Nous sommes dégoûtés. »
Chapelle Darblay, passé, un temps, entre les mains du milliardaire François Pinault à la fin des années 1980, est en grande pénurie, comme tout le secteur du papier graphique en Europe. Dans un message, UPM assure que l’usine est l’une des moins compétitives du Vieux Continent, d’où son choix de la sacrifier, une assertion que rejette la CGT. D’ailleurs, depuis plusieurs années, le géant finlandais n’a pas fait mystère de sa stratégie dans l’Hexagone : il s’en retire définitivement. Sur la période, il a vendu ou fermé l’ensemble de ses sites. En 2014, lors de la cession de son usine de Docelles (Vosges), UPM n’avait pas hésité à abîmer ses machines, afin qu’elles ne tombent pas entre les mains d’un concurrent.
Des effectifs passés de 15 000 à 11 000 en cinq ans
Cette dernière annonce n’étonne pas les observateurs. Avec le passage numérique de la presse, le marché de ce produit a été divisé par deux en dix ans, selon les données de la Copacel, la fédération des fabricants de cellulose. Et, entre 2013 et 2018, pas moins de quinze papeteries ont mis la clé sous la porte en France, tandis que d’autres réduisent leur capacité de production. En cinq ans, la filière a ainsi vu ses emplois aller de 15 000 à un peu plus de 11 000, début de cette année.
Critiqué pour avoir génériquement diminuer les emplois aidés, Macron mise sur l’accompagnement et l’embauche dans des entreprises de droit commun.
Emmanuel Macron et quelque 200 acteurs de l’insertion réunis dans un hangar d’Ateliers sans frontières, à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), le 10 septembre. LUDOVIC MARIN / AFP
Dans la récente scénographie de l’acte II du quinquennat, c’est un signe qui ne trompe pas. Le 10 septembre, le Président de la République s’est rendu dans un atelier d’insertion situé à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne). Une visite de quatre heures destinée à « appuyer » la présentation du « pacte d’ambition » pour l’insertion par l’activité économique (IAE), consommé le matin même par la ministre du travail.
L’objectif de ce plan ? « Faire bénéficier les plus pauvres de la relance économique », déclarent les proches du chef de l’Etat, alors que le chômage de longue durée montre des signes de résistance. « On est en train d’avancer sur la bataille de la réduction du chômage (…) mais à mesure qu’on réduit le chômage, c’est encore plus dur pour ceux qui restent », a déclaré M. Macron devant quelque 200 acteurs de l’insertion assemblés dans un hangar d’Ateliers sans frontières, où sont notamment conditionnées les baskets de la marque Veja.
Accusé par les associations pour avoir taillé à la hache dans les emplois aidés, M. Macron a admis que ce choix a « créé des difficultés pour les publics les plus fragilisés ». Mais pas question de modifier de cap. Pour le chef de l’Etat, mieux vaut développer de nouveaux postes dans le domaine de l’IAE, plus à même, selon lui, de garantir des « emplois pérennes » à l’issue du parcours d’insertion. Le dispositif s’apparente à un vaste archipel de quelque 3 700 structures avec des formes juridiques diverses (chantiers d’insertion, etc.). « Les personnes les plus abîmées par la vie » sont prises en charge dans le but de les préparer à une embauche dans des « entreprises de droit commun », ajoute-t-on au ministère du travail.
Une trentaine de mesures très techniques
Mardi, l’exécutif a déclaré que 20 000 nouveaux postes seront créés dans ce secteur l’année prochaine et que le budget consacré à ce dispositif sera porté à un peu plus de 1 milliard d’euros (1,3 milliard à l’horizon 2022), contre 920 millions cette année. Il s’agit, en l’occurrence, d’une confirmation puisque ces orientations avaient été déclarés, il y a presque un an jour pour jour, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté.
A l’époque, l’exécutif s’était engagé à « accueillir 100 000 salariés supplémentaires » dans le monde de l’IAE, pour aller de 140 000 à 240 000 en 2022 ; un « investissement exceptionnel de 450 millions d’euros » avait aussi été annoncé.
La marque française de produits cosmétiques a annoncé la création, à Paris, de l’école Real Campus by L’Oréal. Objectif : susciter des vocations et faire face à la crise que traverse la profession.
Real Campus by L’Oréal espère former 10 000 jeunes en dix ans. Charles Platiau / Reuters
L’Oréal ouvre un centre de formation en apprentissage (CFA). Après Korian et Sodexo, qui ont lancé un CFA aux métiers de la cuisine, le fabricant français de produits cosmétiques a annoncé, le 10 septembre, la création de l’école Real Campus by L’Oréal à Paris, pour former des coiffeurs. L’établissement, qui s’installera début 2020 au sein des anciens locaux de l’association de la Croix-Rouge, dans le 14e arrondissement de la capitale, enseignera en alternance un bachelor de coiffure et un diplôme de niveau bac + 3.
Les étudiants s’y formeront « à la coupe, à la coloration et au coiffage », déclare Nathalie Roos, directrice générale de la division produits professionnels de L’Oréal, mais aussi « aumanagement à la gestion ». D’autre part, le programme pédagogique initiera les étudiants au rôle de l’économie numérique dans la gestion quotidienne d’un salon de coiffure. Real Campus espère former 10 000 jeunes en dix ans.
Cette création est faite pour contribuer à enrayer la crise que traverse la profession. Car « le métiern’attire plus», déclare Franck Provost. Le fondateur du groupe Provalliance, mastodonte qui exploite les enseignes Franck Provost, Jean-Louis David, Maniatis ou Saint Algue, s’inquiète de voir combien le secteur peine à recruter des apprentis. Bien que cette filière emploie 184 000 personnes en France, dans 86 000 établissements, elle ne parvient pas à pourvoir les 10 000 offres de postes d’apprentis qu’elle propose chaque année.
Relancer l’activité dans les salons
Ce programme pédagogique estampillé L’Oréal pourrait intéressé des bacheliers, des titulaires de brevets professionnels ou de jeunes salariés en cours de reconversion professionnelle, estime M. Provost. D’autant que les étudiants apprendront à gérer et à diriger un salon de coiffure. Un enseignement qu’il juge primordiale, alors que, « en CAP [certificat d’aptitude professionnelle], on en est encore à apprendre à enrouler des permanentes ».
A terme, ce bachelor pourrait aussi contribuer à relancer l’activité dans les salons en formant des coiffeurs aux techniques numériques propres à attirer la clientèle et à la conserver. C’est un impératif pour L’Oréal. Depuis des années, le groupe, qui effectue 12 % de ses 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires grâce aux produits capillaires destinés aux professionnels, est face à la crise du secteur. Les jeunes fréquentent moins les salons que leurs aînés. Et, faute de rentabilité ou de repreneurs, 7 000 établissements ferment chaque année dans l’Hexagone.
Les messageries instantanées dictent un nouveau tempo aux échanges internes et sollicite une disponibilité parfois irréaliste aux collaborateurs.
« Nombre de salariés reconnaissent les atouts des messageries instantanées, grâce auxquelles l’essentiel peut être dit en quelques mots. Mais la médaille a, pour certains, son revers. » Jamie Jones/Ikon Images / Photononstop
C’est l’ultime endroit où l’on cause. Un endroit tendance, où les discussions professionnelles en croisent d’autres plus personnelles, où l’on se demande sur le rétroplanning du nouveau projet de son service, avant de débattre du lieu où l’on se retrouvera pour déjeuner. Loin de la machine à café, les messageries instantanées comme Slack ou Microsoft Teams admettant aux équipes d’échanger le futile et l’essentiel en temps réel, tout en restant à leur poste de travail. Le succès est au rendez-vous : plusieurs dizaines de millions de salariés les utilisent à travers le monde.
C’est le cas dans le cabinet de recrutement Altaïde, où les équipes distantes (situées à Paris, à Bordeaux, en Suède, et plus tard à Barcelone) peuvent communiquer tout le temps. Comme dans beaucoup de sociétés, l’outil numérique (Slack, en l’occurrence) a d’abord été fait par les salariés, avant d’être adoubé par les dirigeants. « C’est une solution qui participe à la vie de la société, elle apporte de la cohésion et permet un travail collaboratif efficace », déclare Jacques Froissant, le fondateur de l’entreprise.
Outils chronophages et anxiogènes
« Conviviale », « pratique », « rapide »… Plusieurs salariés reconnaissent les avantages des messageries instantanées, grâce auxquelles l’essentiel peut être dit en quelques mots. Mais la médaille a, pour certains, son revers. Lorsqu’elle entend le signal sonore l’avertissant qu’elle a reçu un message, Nadia, cadre dans un grand groupe de la distribution, ressent souvent une légère tension l’envahir. « Je peux avoir dix conversations instantanées activées en même temps avec autant de demandes à traiter dans l’heure », déclare-t-elle.
Ce à quoi s’ajoutent les nombreux courriels qui arrivent durant la journée et les notifications qui les accompagnent sur son portable. « C’est très stressant, le flot est continu et le temps n’est pas extensible. » Tout le risque des échanges instantanés est là : leur praticité et leur efficacité pour obtenir rapidement une information peuvent amener un nombre croissant d’interlocuteurs à contacter un même salarié, le « noyant » sous un flot de demandes. De quoi transformer ces plates-formes souvent jugées « conviviales » en de redoutables outils chronophages et anxiogènes.
Pour Yanita Andonova, maître de conférences à l’université Paris-XIII, la question ne se limite pas aux messageries instantanées : « Les salariés sont aujourd’hui sollicités non-stop. Ils peuvent avoir deux écrans, un téléphone fixe, un portable, recevoir des pop-up les avertissant de l’arrivée d’un nouveau mail, devoir répondre à des “chats” instantanés… ». Une démonstration d’outils numériques qui a fait évoluer la temporalité au cœur de l’entreprise : « La réactivité immédiate est devenue une nouvelle norme (…). Même en réunion, des salariés vont répondre immédiatement aux demandes qui leur sont faites par “chat”, parfois au détriment de leur implication ». Ce changement de rythme a son corollaire : « Il y a, dans l’entreprise, une présomption de disponibilité permanente », déclare Mme Andonova.
« L’enquête Sumer 2017, publiée par le ministère du travail lundi 9 septembre, indique que le nombre de salariés du secteur privé exposés au bruit est passé de 3,2 millions à 5,8 millions en une vingtaine d’années, soit plus du tiers des salariés en 2017. » Radius Images / Photononstop
La baleine gênée par le bruit des bateaux n’est pas efficace dans sa recherche de nourriture. Perturbée par le son des moteurs, elle pêche moins de plancton. Pour les travailleurs de l’aéroport, du restaurant ou… de l’open space, c’est la même chose. Le larsen d’un haut-parleur de l’aérogare, la réverbération des discussions enjouées des clients ou le fracas des assiettes de la pizzeria, les conversations des collègues de l’open space sont autant de gêne, cause d’accidents et de perte d’activité. Pourtant, avec une croissance de l’économie nationale à 0,2 % du PIB au deuxième trimestre 2019, ce n’est pas le moment de gâcher de l’énergie.
La nocivité n’est pas nouvelle, le bruit est reconnu comme cause de maladies professionnelles depuis 1963. Mais l’enquête Sumer 2017, publiée par le ministère du travail le 9 septembre, indique que le nombre de salariés du secteur privé exposés au bruit est passé de 3,2 millions à 5,8 millions en une vingtaine d’années, soit plus du tiers des travailleurs en 2017.
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles fera un point avec les entreprises les 25 et 26 septembre pour présenter les utlimes méthodes d’évaluation des effets du bruit en open space. De quoi corriger la situation des 6 à 7 millions de salariés qui y travaillent. « Le bruit est la première source de gêne en open space », déclare Patrick Chevret.
« L’espace de travail modèle n’existe pas. Il doit d’abord répondre à la nature de l’activité (norme NF S31-199) », déclare M. Chevret. Toutefois, 10 mètres carrés par personne, des plafonds et parois absorbants, les métiers bruyants éloignés de ceux qui ne le sont pas, et enfin des espaces pour s’isoler, sont autant de préconisations de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat).
Les partons les plus puissants du capitalisme mondial ont découvert qu’ils n’étaient plus fiables à vouloir changer, à eux seuls, les règles du jeu. Ils seraient pris plus au sérieux s’ils soutenaient de leur poids une nouvelle définition légale de l’entreprise et de leurs devoirs, déclare le professeur en sciences de gestion Armand Hatchuel.
« Cette « Déclaration sur la mission d’une entreprise » (« Statement on the purpose of a corporation ») prend le contre-pied de l’idée que l’entreprise est constituée pour le seul profit de ses actionnaires. » Lee Woodgate/Ikon Images / Photononstop
En pleine abattement estivale, le Business Roundtable (BRT), qui regroupe les PDG des plus grandes entreprises américaines, a effectué une déclaration qui a fait grand bruit. Car cette « Déclaration sur la mission d’une entreprise » prend le contre-pied de l’idée que l’entreprise est constituée pour le seul profit de ses actionnaires. Elle stipule que la mission importante d’une entreprise est d’apporter du profit, de façon égale, à ses clients, ses employés, ses fournisseurs, aux communautés et environnements où s’exerce son activité, et, de bénéficier bien évidemment… aux intérêts à long terme de ses actionnaires.
En mettant ces derniers au même rang que les autres parties prenantes, ces grands patrons savent qu’ils rejettent un credo longtemps asséné par une une grande partie du monde académique et juridique et par… eux-mêmes !
Or, cette déclaration vient trois mois après que la France a inscrit cette même vision dans la législation. Ainsi, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) implique aux entreprises d’être gérées en considérant leurs enjeux sociaux et environnementaux (article 169) et accorde la possibilité de se doter d’une « raison d’être » ou de choisir la qualité de « société à mission » pour celles qui veulent préciser leurs engagements vis-à-vis de leurs parties prenantes (article 176). La France a-t-elle eu tort de prescrire par la loi, ce que la sagesse dicte in fine aux dirigeants ?
« Coup de pub »
Certainement pas, si l’on en juge par… le scepticisme poli que cette déclaration a suscité dans le monde entier ! Dans plusieurs réactions à ce texte, ce n’est pas la défense du primat de l’actionnaire ou l’accusation de « capitalisme collectiviste » qui dominent. La majorité donnent raison sur le fond aux patrons, mais émettent des doutes sur leur capacité à mettre en acte leur nouvelle résolution !
Les plus sévères dénoncent une « rhétorique vide » ou un simple « coup de pub ». Car l’entreprise actionnariale, qui s’est développée depuis les années 1990, n’est pas uniquement le résultat d’une doctrine économique fallacieuse et dangereuse qu’il suffirait de corriger. Celle-ci n’a pu entrer durablement dans les faits que parce que le droit des sociétés ne pouvait s’y opposer ! En outre, ce droit organise les pouvoirs et les prérogatives des actionnaires de telle façon qu’une minorité de financiers activistes peut imposer aux dirigeants les mieux établis le diktat de la valeur actionnariale : même un géant comme GEc en a aussi subi dernièrement la dure expérience.
Dans la 4e édition de son livre « Du silence à la parole. Une histoire du droit du travail de 1830 à nos jours », Jacques Le Goff continu son enquête jusqu’aux dernières métamorphoses du droit du travail.
« Du silence à la parole. Une histoire du droit du travail de 1830 à nos jours », de Jacques Le Goff, PUR, 684 pages, 35 euros. PUR Edition
Chez Amazon, première entreprise du monde avec une capitalisation de 1 000 milliards de dollars et 560 000 salariés, hormis les magasiniers des entrepôts encore salariés, avant d’être échanger par des robots, tous les chauffeurs-livreurs sont des indépendants travaillant à la tâche. « Suspendus à leur smartphone, ils sont corvéables à merci et ne peuvent espérer, en échange de leurs services, que le prix de la course. Ce qui en fait l’image minuscule et parabolique d’une pratique en cours de diffusion, estimée la plus conforme à la liberté du citoyen au travail », déclare Jacques Le Goff.
Sous la modernité, une rémanence de l’archaïsme ? On retrouve actuellement le discours que tenaient fin XIXe-début XXe siècle les opposants à toute idée du droit spécifique du travail clairement dissocié du droit civil : « L’histoire comme le présent démontrent qu’une telle approche conduit à une subordination des prestataires de main-d’œuvre encore plus radicale, bien que masquée, que dans le cas des salariés », ajoute le professeur des universités dans son imposant ouvrage Du silence à la parole. Cette histoire du droit du travail des années 1930 à nos jours est initialement parue en 1985.
L’ultime édition, avec une préface de Laurent Berger et une postface de Philippe Waquet, la quatrième, compte trois chapitres inédits et aborde les grandes questions contemporaines : l’aspiration à pouvoir s’organiser par le télétravail, à préserver sa vie personnelle par la déconnexion, ou encore les risques psychosociaux face au flux des demandes. La démarche explicative du livre, qui souhaite présenter le droit du travail « sans excès de minutie, mais avec un minimum de rigueur et d’exhaustivité », est intégrée dans une démarche de type explicatif.
Les changements du droit du travail
Quelles alliance juridico-idéologiques relient des dispositifs parfois éloignés dans le temps ? A quel type de logique se rapporte tel ou tel texte ? « D’où l’évidence d’une option pluridisciplinaire, de regards croisés associant, outre le droit et l’histoire, la sociologie, la science politique, l’économie, l’histoire des idées. »
Le livre évoque plusieurs grandes périodes « correspondant chacune à une configuration singulière de l’imaginaire fondateur du droit ». La première période, des années 1830 aux années 1880, des débuts de la société industrielle jusqu’à l’heure de la stabilisation républicaine, est celle d’un « droit de la mise au travail industriel du monde rural selon une logique de pure fonctionnalité instrumentale, et en cela fort peu ressemblant à l’image que l’on s’en fera par la suite ».
Le distributeur d’articles de sport Decathlon, qui vient de s’offrir l’« Amazon du vélo », la start-up Alltricks, fait une entrée dans le top 5 du classement de la société suédoise Universum, publié le 11 septembre. Spécialisée dans la marque employeur, l’entreprise interroge, chaque année depuis 20 ans, les jeunes des grandes écoles d’ingénieur et de commerce sur leur employeur idéal.
Les étudiants s’expriment au printemps. Puis, depuis 2016, les jeunes cadres issus de ces mêmes écoles établissent leur palmarès à l’automne. La gradation des employeurs dans ce classement, souvent le produit du travail de communication des entreprises sur leur image, exprime aussi de nouvelles attentes des jeunes étudiants et des cadres. « Decathlon est un des cinq employeurs les mieux perçus concernant l’environnement de travail humain (« friendly »), le respect des salariés, la parité, l’esprit d’équipe et sur l’orientation client de l’entreprise. Ce dernier critère est plus important auprès des cadres qu’auprès des étudiants », déclare Aurélie Robertet, la directrice Universum France et Benelux.
Infographie Le MondeMéthodologie : 11 511 jeunes cadres interrogés
Chaque année, la société suédoise Universumau consulte 1 300 000 étudiants d’une soixantaine de pays, dont quelque 40 000 en France. Au printemps 2019, 36 578 étudiants ont ainsi été interrogés.
Depuis 2016, Universum met ces résultats à l’avis de leurs aînés, qui ont déjà inséré le monde du travail, dans le but de mesurer l’évolution de l’image employeur à l’épreuve du terrain. Au total, 11 511 cadres sortis avec un niveau master des mêmes écoles d’ingénieurs ou de commerce que les étudiants consultés au printemps ont ainsi répondu à l’enquête, d’octobre 2018 à mai 2019.
Entre eux, 37 % sont issus d’écoles d’ingénieurs et 49 % d’écoles de commerce et de management, les autres ont des masters universitaires. Les jeunes cadres sont diplômés de 130 établissements. Leur expérience professionnelle moyenne est de sept ans pour les ingénieurs et de six ans pour les manageurs. Dans ce panel, un peu plus d’un ingénieur sur quatre (26 %) est une ingénieure et un peu plus d’un manageur sur deux (54 %) est une manageuse.
Les valeurs sûres
La composition du top 5 est très stable depuis des années. Elle reflète l’attraction solide des entreprises du luxe auprès des jeunes manageurs et de celles de l’aéronautique auprès des ingénieurs. LVMH, Google et L’Oréal Group sont les favoris des jeunes cadres d’école de commerce et de management, comme des étudiants des mêmes établissements. Les entreprises du luxe (LVMH, L’Oréal), continuellement au plus haut dans le classement, progressent encore cette année en nombre de voix. L’avionneur Airbus, Google et le groupe d’électronique Thales sont érigés en tête de classement par les jeunes ingénieurs, comme par les étudiants des mêmes écoles.
Les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) progressent particulièrement dans le palmarès des ingénieurs : Apple gagne 15 places (11e), Amazon 2 (14e), Microsoft 9 (16e). Et Google tient sa deuxième place. Facebook n’a jamais rejoint le classement car « il est trop peu recruteur en France », précise Aurélie Robertet.
Les petits nouveaux
Le palmarès est établi à partir d’un questionnaire semi-assisté, comprenant 130 noms d’entreprises soumis aux jeunes cadres, qui sont invités à désigner leur « top 5 employeurs ». Ils peuvent, en plus, citer spontanément d’autres noms, ce qui explique l’entrée de nouvelles sociétés dans le palmarès d’une année sur l’autre.
Les étudiants en école de commerce ont ainsi fait entrer le créateur Chanel et la plate-forme de covoiturage BlaBlaCar en 2016, et le distributeur numérique de musique Deezer en 2018. Cette année, les jeunes ingénieurs, à leur tour, ont élu Chanel, à la 23e place, ainsi que l’entreprise biopharmaceutique Sanofi (28e), le spécialiste du diagnostic in vitro Biomérieux (74e), le groupe sucrier Tereos (96e), la société de commerce électronique Vente privée (98e). Decathlon avait accédé au palmarès des étudiants d’écoles de commerce en 2010 et à celui des anciens élèves en 2016, avant d’atteindre leur top 5 en 2019.
Les choix divergents entre anciens élèves et étudiants
Les jeunes cadres interrogés par Universum ont de six à huit ans d’expérience sur le marché du travail. Leur palmarès valide certains critères prioritaires des étudiants pour sélectionner leur employeur et corrige quelques fantasmes de jeunesse. Sur les 40 critères proposés pour définir l’attractivité des embaucheurs, les défis à relever et le travail dans une bonne ambiance sont importants pour les cadres et les étudiants, mais les priorités des cadres sont le salaire d’entrée et l’équilibre vie privée-vie professionnelle.
Cette différence d’attendus explique que les entreprises de conseil en stratégie séduisent moins les cadres que les étudiants (l’équilibre vie privée-vie professionnelle n’est pas dans leurs 10 premiers critères). McKinsey & Company a ainsi perdu 4 places dans le classement des jeunes manageurs et The Boston Consulting Group, 5. « Dans les objectifs de carrière, la quête de sens et l’équilibre vie privée-vie professionnelle sont plus importants pour les cadres que pour les étudiants », commente Aurélie Robertet.
Les banques ne font pas non plus rêver les jeunes ingénieurs : BNP Paribas (56e) recule de 8 places, le groupe Crédit agricole (70e) perd 9 places, Goldman Sachs perd 20 places et la Banque de France, 24. En revanche, les entreprises de l’agroalimentaire, boudées par les étudiants, ont gagné en attractivité auprès des jeunes ingénieurs. Nestlé (21e) gagne ainsi 6 places et Danone (18e), trois.
Les laissés-pour-compte
Dans l’énergie, le désamour se poursuit entre les recrues des grandes écoles et les entreprises du secteur. Il est tiré vers le bas par Orano (ex-Areva), dont le changement de nom n’a pas amélioré la cote (89e). Les jeunes ingénieurs ont déclassé le groupe d’énergie nucléaire de 38 places ! Dans ce déclin général, le groupe pétro-gazierTotal fait exception à la règle et crée la surprise en intégrant le top 5 du palmarès des jeunes ingénieurs, en quatrième place juste derrière Thales. « Même si ce n’est qu’une petite partie de leur business, ils communiquent beaucoup sur les énergies renouvelables », avance Aurélie Robertet. La « raison d’être inspirante de l’entreprise », devenue en 2019 le deuxième critère des jeunes cadres pour choisir leur futur employeur, aura sans doute profité à Total.