Assurance-chômage : le gouvernement garde la main face aux partenaires sociaux

Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités de la France, à l’Élysée, à Paris, le 17 avril 2024.

Le gouvernement reste seul maître à bord de l’assurance-chômage. Lundi 22 avril, le ministère du travail a annoncé qu’il prendra, dans quelques semaines, un décret pour déterminer les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi applicables « à partir du 1er juillet prochain ». Cette décision, prévisible, a été justifiée par l’échec récent de la négociation que les partenaires sociaux avaient engagée « pour un nouveau pacte de la vie au travail » – les protagonistes s’étant séparés sur un constat de désaccord dans la nuit du 9 au 10 avril. Le contenu des mesures à venir demeure inconnu à ce stade, mais l’exécutif a très clairement expliqué à plusieurs reprises que les conditions d’octroi d’une allocation seront durcies.

Le choix du pouvoir en place de passer par un texte réglementaire a pour effet de jeter aux oubliettes l’accord que le patronat et plusieurs syndicats avaient conclu, à l’automne 2023, pour refondre les paramètres du régime d’aide aux chômeurs. Cet épisode conforte un peu plus l’emprise de l’Etat sur un organisme de protection sociale qui est théoriquement piloté, de façon paritaire, par les représentants des chefs d’entreprise et des travailleurs, à travers l’association Unédic.

Pour comprendre la genèse de l’annonce de lundi, il faut remonter presque neuf mois en arrière. Le 1er août 2023, Matignon envoie aux partenaires sociaux un « document de cadrage » pour qu’ils négocient sur de nouveaux critères encadrant le versement d’une prestation aux demandeurs d’emploi. C’est un petit événement, car, au cours des quatre années écoulées, l’exécutif avait fait la pluie et le beau temps sur le régime en fixant lui-même les règles. La démarche du gouvernement redonne donc des marges de manœuvre aux syndicats et au patronat, même si elles sont strictement balisées dans la feuille de route transmise par les services d’Elisabeth Borne, alors première ministre.

Un avenant non élaboré

Le 10 novembre 2023, un compromis est trouvé par les trois organisations d’employeurs – le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité (U2P) – et par trois syndicats (CFDT, CFTC, FO), tandis que la CFE-CGC et la CGT décident, elles, de ne pas s’y associer. Le protocole d’accord améliore notamment les droits pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, tout en diminuant la cotisation patronale à l’assurance-chômage.

Il prévoit également d’être complété ultérieurement par un « avenant » qui modifiera les paramètres d’indemnisation spécifiques pour les demandeurs d’emploi ayant au moins 53 ans : les partenaires sociaux veulent statuer sur ce volet, après avoir bouclé une autre négociation – celle « pour un nouveau pacte de la vie au travail », qui traite le sujet du maintien en activité des seniors. Le pouvoir en place accepte ce séquençage un peu alambiqué. Il précise aussi qu’il ne donnera, éventuellement, son feu vert au « deal » du 10 novembre 2023 que lorsque l’avenant en question sera mis au point.

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Boeing : « La notion malavisée de valeur actionnariale peut détruire ce que les entreprises font de mieux »

Depuis un demi-siècle, la maximisation de la valeur pour les actionnaires constitue l’objectif primordial de la gouvernance d’entreprise, en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le vent pourrait néanmoins tourner pour Boeing… Les crashs du modèle 737 MAX de Boeing en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 350 personnes, auraient dû sonner l’alarme.

Or, c’est seulement après l’explosion d’une porte latérale lors d’un récent vol aux Etats-Unis qu’est devenu évident pour tous un problème fondamental dans la manière dont Boeing est dirigé. Depuis, AerCap – plus grande société de location d’avions au monde et client majeur de Boeing – exige que les objectifs financiers « passent au second plan », afin que l’entreprise puisse se concentrer à 100 % « sur la qualité et les critères de sécurité ».

Egalement cliente, Emirates demande que le prochain PDG de la société soit un ingénieur. Enfin, le plus grand syndicat de Boeing, l’International Association of Machinists District 751, réclame un siège au conseil d’administration afin de « sauver cette entreprise d’elle-même ».

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Depuis de nombreuses années, tribunaux comme économistes considèrent la valeur actionnariale comme le chemin vers une gestion efficace, comme si le fait de se concentrer sur cet objectif unique et de soumettre une entreprise à la discipline du marché garantissait systématiquement les meilleures performances.

Une tâche beaucoup trop complexe

Or, la gestion d’entreprise est une tâche beaucoup trop complexe pour être seulement guidée par le cours de l’action. Chaque jour, les dirigeants d’entreprise doivent prendre des décisions difficiles concernant la manière d’équilibrer judicieusement les objectifs financiers avec la qualité et la sécurité des produits, les conditions de travail, l’impact environnemental, etc.

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La priorité donnée à la valeur actionnariale transforme les entreprises en distributeurs automatiques de billets. Si leurs dirigeants ont adopté ce concept, c’est pour prendre part à des festins lucratifs pour les actionnaires, au travers de stock-options et autres bonus. Et ces canaux de liquidités sont souvent mal alignés avec les performances réelles de l’entreprise. S’ils l’étaient, comment le PDG de Boeing [Dave Calhoun] aurait-il pu partir avec une augmentation de salaire de 45 % après avoir causé autant de dommages à l’entreprise ?

Cette situation n’a pas toujours existé dans l’histoire du capitalisme, au contraire. Au début du XVIIe siècle, une innovation juridique, le « verrouillage du capital » (capital lock-in), a créé une base permettant aux entreprises de mobiliser des capitaux pour des investissements à grande échelle, en privant les investisseurs de la possibilité de retirer leur argent. Grâce à cette base plus stable, les entreprises ont pu emprunter davantage, et le marché des actions est devenu plus liquide, car les nouveaux investisseurs n’avaient pas à craindre le retrait des anciens.

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L’enseigne d’ameublement Habitat va se relancer en ligne, cinq mois après la liquidation judiciaire des magasins

Cinq mois après la liquidation judiciaire de ses magasins, la marque d’ameublement Habitat va se relancer en ligne, a annoncé, mardi 23 avril, le groupe Cafom, qui avait cédé en 2020 l’exploitation de l’enseigne mais était resté propriétaire de la marque.

Le 28 décembre, le tribunal de Bobigny avait placé Habitat en liquidation judiciaire en raison de ses graves difficultés financières, scellant ainsi le sort de l’enseigne qui employait 383 personnes. Cafom a décidé de reprendre le flambeau, espérant qu’un modèle basé uniquement sur la vente en ligne lui réussisse davantage.

L’enseigne, qui comptait vingt-cinq magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (mort en 2020), avec l’objectif de proposer, à un prix abordable, des meubles et des objets de décoration à la fois sobres, épurés et modernes. A la fin de novembre 2023, la direction du groupe expliquait que sa demande de placement en redressement avait « pour objectif de stabiliser la situation financière » de l’enseigne, qui « n’a jamais été profitable en France », et d’« assurer sa viabilité à long terme », avant qu’elle entraîne finalement la fermeture des magasins.

Notre article de fin 2023 : Article réservé à nos abonnés L’enseigne d’ameublement Habitat dans la tourmente

Habitat France avait généré en 2022 un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros. La société mère, Habitat Design International, emploie 68 personnes et affichait en 2022 un chiffre d’affaires de 51,8 millions d’euros. Ses difficultés n’étaient pas récentes. L’enseigne était déjà en perte nette lors de sa mise en vente en 2019 par son propriétaire de l’époque, le distributeur Cafom. Habitat avait précédemment appartenu au fonds d’investissement américain Hilco et à la famille suédoise Kamprad (également propriétaire d’Ikea). En 2020, l’enseigne avait été rachetée par l’entrepreneur-investisseur Thierry Le Guénic. La même année, l’homme d’affaires avait racheté l’enseigne d’habillement Burton of London, placée en redressement judiciaire à l’été 2023 et qui n’a pas trouvé de repreneur.

Le Monde avec AFP

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Le manageur senior : un justiciable très pugnace

Droit social. Le contentieux prud’homal n’est plus ce qu’il était. D’abord, parce qu’il n’est plus celui du contrat de travail, mais de sa rupture : 90 % des demandes, contre 49 % en 1990. Et, sur les 112 837 qui ont été comptabilisés en 2022, 78 407 visaient le motif d’un licenciement – 76 702 pour motif personnel et 1 705 seulement pour motif économique : le contentieux d’un divorce professionnel.

Ensuite, parce que l’âge des demandeurs a nettement augmenté, davantage que celui de la population active – un sur trois a plus de 50 ans –, aussi parce que le « barème Macron » de 2017 a eu un effet dissuasif pour les salariés de moins de cinq ans d’ancienneté : avec quatre ans, obtenir un maximum de cinq mois de dommages-intérêts…

Enfin, la très spécifique, car interprofessionnelle, section encadrement traite désormais d’un quart de l’activité des prud’hommes, avec des concentrations de 40 % au conseil de Nanterre (voisin de la Défense) ou à celui de Paris : 4 271 saisines sur 10 520 en 2023. Rapporté à une population totale de 3,5 millions, le cadre du secteur privé est le salarié le plus pugnace. Hier aussi impensable pour cette petite élite (en 1960, son salaire était quatre fois supérieur à celui d’un ouvrier, aujourd’hui il l’est de 2,7 fois) que l’élection, en mars 2023, à la tête de la CGT de l’ancienne responsable de la CGT-Cadres.

Risque réputationnel réduit

Outre un taux de chômage catégoriel très faible, cette « gentrification » et cette « séniorisation » du contentieux rendent le cadre licencié en fin de carrière extrêmement combatif, en l’absence d’une rupture conventionnelle bien indemnisée, ou d’un généreux plan de départs volontaires.

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Le risque réputationnel est alors réduit, et il peut attendre plus facilement le jugement (seize mois en moyenne), puis un éventuel arrêt d’appel : 60 % de décisions prud’homales. L’immense majorité étant assistée par un avocat maîtrisant, par exemple, les subtilités permettant de sortir du « barème Macron » instauré en septembre 2017, à savoir discriminations ou harcèlements au régime probatoire favorable, ou violation d’une liberté fondamentale. C’est ainsi que la cour de Paris, le 30 janvier 2024, a octroyé 496 299 euros à un directeur senior avec quatre ans d’ancienneté.

Mais d’autres avocats savent plaider d’autres chefs de demande rémunérateurs : ici, contester le forfait jours, avec, en cas d’annulation, un retour rétroactif aux 35 heures sur les trois dernières années pour ces salariés déclarant travailler quarante-deux heures par semaine

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Une grève « record » attendue jeudi chez les contrôleurs aériens après l’échec de négociations

Vers une annulation de nombreux vols jeudi 25 avril ? Les négociations pour éviter une grève des contrôleurs aériens français jeudi ont échoué, a annoncé lundi le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA), qui prédit une « mobilisation record » des personnels jeudi. Les discussions portaient sur le projet de refonte du contrôle aérien présenté par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

« On considère qu’il y a échec des négociations, de la conciliation » avec la DGAC, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un secrétaire national du SNCTA, le principal syndicat des contrôleurs aériens, sous couvert d’anonymat. « On a une mobilisation record, et donc il faut s’attendre à de très fortes perturbations, à de très gros retards » jeudi, a ajouté ce responsable.

La négociation, entamée il y a quinze mois, prévoit de refondre l’organisation du contrôle aérien en France, notamment le maillage territorial des services de navigation aérienne, de réorganiser le travail des contrôleurs pour faire face à l’augmentation annoncée du trafic aérien de 20 à 30 % d’ici à 2030 en contrepartie de hausses de rémunérations et d’embauches. Cela passera notamment par une réduction de trente à seize des « centres de contrôle d’approche », d’où sont guidés les avions sur le point d’atterrir, mais aussi par un désengagement « d’un nombre inconnu d’aérodromes », a déploré le secrétaire national du SNCTA cité précédemment.

« Nos homologues européens sont payés deux à trois fois nos salaires », selon lui. Le SNCTA réclame 25 % de hausse des rémunérations, étalées sur les années 2023-2027, ce qui laisserait selon lui de la marge à la DGAC pour continuer à investir.

Des discussions possibles jusqu’à mardi midi

Pour l’UNSA-ICNA, deuxième syndicat représentatif des contrôleurs, cette réforme est synonyme de « flexibilité à outrance (…), désorganisation dans la gestion des salles de contrôle, dirigisme, restrictions à congés, contraintes d’anticipation démesurées, entretien assumé des sous-effectifs, réduction des services ». Selon eux, l’administration fait « ouvertement le choix du conflit social », en s’attaquant « à tous les piliers » de la profession.

De son côté, la DGAC a souligné lundi soir que des discussions restaient possibles jusqu’à mardi midi, échéance pour se déclarer gréviste. En cas de grève des contrôleurs, la DGAC demande aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs programmes de vols au départ ou à l’arrivée des aéroports français, afin de mettre en adéquation les personnels disponibles et le nombre de mouvements d’appareils prévus.

De source proche du dossier à l’AFP, ces « abattements » pourraient concerner jusqu’à plus de 70 % des vols dans certains aéroports jeudi, alors que les vacances scolaires de printemps sont encore en cours dans deux des trois grands regroupements d’académies (les zones A et B).

Le Monde avec AFP

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Assurance-chômage : le gouvernement fixera de nouvelles règles à partir du 1ᵉʳ juillet

Le gouvernement fixera de nouvelles règles d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi à partir du 1er juillet, prenant acte du « désaccord » entre les partenaires sociaux, selon un communiqué du ministère du travail paru lundi 22 avril. L’exécutif prendra « un décret de carence » qui aura « pour objectif de concourir à l’atteinte du plein-emploi et de favoriser le retour rapide en emploi des chômeurs indemnisés ». Comme en 2019, patronat et syndicats perdent à nouveau la main sur la définition de ces règles au profit de l’exécutif.

Le ministère rappelle que « les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à trouver un accord dans la négociation relative au pacte de la vie au travail, qui portait sur l’emploi des seniors, les reconversions professionnelles et le compte épargne-temps universel [CETU] » engagée depuis décembre.

Il ajoute que « l’issue de cette négociation conditionnait l’entrée en vigueur » de l’accord sur l’assurance chômage de novembre 2023, « afin de le rendre compatible avec le document de cadrage de l’été 2023 » qui prévoyait des économies sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi seniors.

« Aller plus loin dans la réforme de l’assurance-chômage »

L’assurance-chômage était gouvernée par un décret de carence qui expirait à la fin de l’année 2023, mais dont la validité a été prolongée de six mois par un décret de « jointure » jusqu’au 30 juin. Sans attendre l’issue des discussions sur l’emploi des seniors, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé dès janvier vouloir « aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage ».

La semaine dernière, il a rappelé trois leviers pour durcir les règles : la durée d’indemnisation, la condition d’affiliation, soit le temps qu’il faut avoir travaillé pour être indemnisé, et le niveau de cette indemnisation. Tout en soulignant que « les trois possibilités [étaient] ouvertes », il avait dit sa préférence pour un durcissement de la condition d’affiliation.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Sur l’assurance-chômage, le gouvernement prend peu de risques politiques

Le Monde avec AFP

Vincent Vicard, économiste : « La France connaît une stabilisation industrielle plutôt qu’une réindustrialisation »

Economiste spécialiste des questions de commerce international, Vincent Vicard est adjoint au directeur du Centre français de recherche et d’expertise en économie internationale, rattaché aux services de Matignon. Il est l’auteur de Faut-il réindustrialiser la France ? (PUF, 176 pages, 12 euros).

La réindustrialisation permettrait-elle de résoudre une grande partie des problèmes de la France ?

C’est trop prêter à l’industrie, dont plusieurs caractéristiques sont un peu survendues, par exemple en ce qui concerne l’emploi. L’industrie manufacturière représente actuellement 11 % de l’emploi en France. Il ne faut pas rêver : même avec une politique très ambitieuse de réindustrialisation, on n’augmentera pas forcément le taux d’emploi en France – quelques dizaines ou centaines de milliers d’emplois peuvent être créés au mieux.

Mais une projection de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques et de France Stratégie montre que, à l’horizon 2030, le taux d’emploi restera stable, car si l’on réindustrialise certains secteurs, les gains de productivité continueront à réduire l’emploi industriel dans d’autres. L’industrie ne suffira pas à assurer de bons emplois à la classe moyenne. Elle joue cependant un rôle majeur dans certains bassins d’emploi éloignés des métropoles.

La France se réindustrialise-t-elle vraiment ?

Les indicateurs sont ambigus. On a connu une période de baisse très importante de l’emploi industriel et de la part de l’industrie dans le PIB depuis les années 1980 jusqu’à la première décennie du XXIe siècle. Depuis une dizaine d’années, on connaît une stabilisation plutôt qu’une réindustrialisation, même si 130 000 emplois ont été créés dans l’industrie depuis 2017, notamment dans l’agroalimentaire. Mais la production industrielle reste au-dessous de son niveau de 2019, avant la crise due au Covid-19, et la productivité dans l’industrie française diminue, ce qui peut s’expliquer par le type d’emplois qui ont été créés et qui ne sont pas forcément dans les secteurs industriels à haute valeur ajoutée. Avant de parler de réindustrialisation, on devrait se demander de quelle industrie nous avons besoin en France, alors que la géopolitique mondiale et la crise climatique changent toutes les grilles de lecture.

La réindustrialisation suit-elle une stratégie ?

La lutte contre la désindustrialisation a commencé sous la présidence de François Hollande avec le pacte pour la compétitivité des entreprises. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a poursuivi cette dynamique avec la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production. Les coûts de production ont baissé, sans faire de différence entre les secteurs et les entreprises.

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Sur l’assurance-chômage, le gouvernement prend peu de risques politiques

Le premier ministre, Gabriel Attal, dans son bureau à Matignon, à Paris, le 4 avril 2024.

Le gouvernement a probablement une impression de déjà-vu. Un an après s’être empêtré dans la réforme des retraites, il se retrouve dans une situation quelque peu similaire sur l’assurance-chômage. Jeudi 18 avril, sur BFM-TV, le premier ministre, Gabriel Attal, a livré quelques précisions sur ses intentions.

Trois leviers peuvent être utilisés pour ce nouveau tour de vis à l’égard des demandeurs d’emploi. Réduire la durée durant laquelle ils sont indemnisés (dix-huit mois aujourd’hui pour les personnes de moins de 53 ans, les seniors étant protégés plus longtemps), durcir la période d’affiliation, c’est-à-dire le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits à une allocation, ou réduire le montant de l’allocation.

Le locataire de Matignon a clairement exprimé sa préférence pour la deuxième option. Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers pour ouvrir des droits. « Ce qui m’importe, c’est moins de faire bouger les règles pour celui qui a travaillé toute sa vie et qui se retrouve avec un licenciement économique (…) que des situations où on voit qu’il y a un système qui s’est organisé pour des multiplications de petits contrats courts entre lesquels on bénéficie du chômage », a-t-il déclaré, reconnaissant que cela « oriente » les changements à venir « vers les conditions d’affiliation ».

Ces propos révèlent un léger changement de pied par rapport à ce qui avait été entendu jusque-là puisque, plusieurs fois, une réduction de la durée d’indemnisation avait été évoquée. Surtout, la lutte contre les contrats courts était déjà l’objet de la réforme de l’assurance-chômage de 2019. Mais quel que soit le paramètre que le gouvernement décidera de modifier, comme il y a un an sur les retraites, son projet est contesté de toutes parts.

Légère adhésion

Dans l’opposition, la gauche fustige une attaque supplémentaire contre les plus faibles. A droite, certains appellent aussi à faire une pause, un an à peine après la précédente réforme. Sans surprise, les syndicats s’y opposent également. Des voix dissonantes se font aussi entendre dans la majorité. Une grande partie des économistes critiquent, quant à eux, le bien-fondé d’un tel projet, estimant que réduire les droits des chômeurs n’a pas de conséquences positives sur le retour à l’emploi. Et, à l’automne 2023, même l’administration jugeait « peu opportun » de diminuer une nouvelle fois la durée d’indemnisation et recommandait d’évaluer les précédentes réformes avant de s’engager dans un nouveau changement.

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« Quand vous n’avez pas de boulot, vous vous sentez en marge de la société » : chez les chômeurs, la crainte d’un nouveau durcissement de l’assurance-chômage

Après avoir occupé pendant « plus de vingt ans » divers postes dans les ressources humaines, Dominique (les personnes citées par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom) se retrouve désormais « de l’autre côté », celui des demandeurs d’emploi, à la suite d’un licenciement économique en novembre 2023. Une fois passé le « choc psychologique » lié à la perte de son poste et après une expérience non concluante de quelques semaines en début d’année, cet ancien responsable de recrutement de 55 ans s’astreint à conserver un quotidien qui s’apparente « à de vraies journées de travail ».

Dès l’aube, Dominique épluche les offres d’emploi, postule à certaines d’entre elles, relance des recruteurs, se rend à des entretiens, tout en se tenant informé des sujets d’actualité de son secteur, « comme actuellement sur l’intelligence artificielle ». A la fin de ses journées, ce père de famille note sur son ordinateur toutes les actions entreprises « pour [se] donner l’impression [qu’il n’a] pas passé [sa] journée à ne rien faire », avant de préparer une « to do list » des tâches à réaliser le lendemain : « C’est une façon de fonctionner un peu excessive, mais je veux absolument retrouver un job. »

Alors quand le premier ministre, Gabriel Attal, annonce une nouvelle réforme de l’assurance-chômage et l’augmentation des contrôles pour « inciter davantage à la reprise d’emploi » en arguant que « le travail doit toujours mieux payer que l’inactivité », Dominique se demande si l’exécutif « considère bien le côté psychologique d’être au chômage ». « On n’est pas là à ne rien faire et à attendre que ça passe, se justifie-t-il. Le travail permet de structurer chaque être humain, quand vous n’avez pas de boulot, vous vous sentez en marge de la société. »

La volonté du premier ministre de durcir à nouveau les règles de l’assurance-chômage en proposant de réduire la durée d’indemnisation, de réduire le montant ou d’augmenter le temps de travail nécessaire pour bénéficier d’une indemnité a ainsi été perçue par bon nombre de personnes en recherche d’emploi comme un nouveau coup rude reçu dans un chemin déjà semé d’embûches.

Au chômage et percevant le revenu de solidarité active (RSA), Anne-Laure, déplore, elle, « un discours qui culpabilise les plus précaires ». « S’il y avait vraiment un véritable accompagnement, d’accord. Mais il n’y a même pas ça », rejette cette ancienne secrétaire de rédaction de 60 ans, qui reproche notamment à France Travail un manque de suivi régulier. Cette Francilienne s’est vu proposer par son conseiller un poste de cheffe de mission comptable, « alors [qu’elle n’a] aucune expérience dans la comptabilité », avant d’être orientée vers une formation pour devenir agent de sécurité à l’occasion des Jeux olympiques. « Je me retrouve à être dirigée vers quelque chose qui ne me correspond pas, mais bon ça me permettra de travailler… », explique-t-elle, avec un certain fatalisme.

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Percée historique du grand syndicat automobile américain UAW dans le sud des Etats-Unis

L’usine Volkswagen de Chattanooga (Tennessee, Etats-Unis), le 19 avril 2024.

A six mois de l’élection présidentielle américaine, la victoire est majeure pour la gauche. Le syndicat automobile UAW (United Auto Workers) est parvenu pour la première fois à syndiquer l’usine d’un constructeur étranger dans un des Etats du sud des Etats-Unis. En effet, 2 628 salariés de Volkswagen, soit 73 % des votants, ont approuvé la syndication de leur usine de Chattanooga dans le Tennessee. Le vote, étalé sur trois jours, s’est achevé vendredi 19 avril. Il s’est déroulé à bulletin secret sous la supervision fédérale du National Labor Relation Board. La participation a atteint 83 %.

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Ce scrutin fait partie d’une campagne massive (40 millions de dollars) de conquête des usines non syndiquées d’une douzaine de constructeurs européens et asiatiques implantés dans le sud des Etats-Unis, mais également des usines Tesla. L’offensive a été déclenchée à la suite de la grève victorieuse menée par le nouveau patron de l’UAW, Shawn Fain, à l’automne 2023 contre les trois constructeurs historiques de Detroit, les fameux Big Three (Ford, General Motors, Stellantis ex-Chrysler).

Après avoir obtenu des hausses de rémunérations cumulées supérieures à 25 % sur quatre ans, un salaire horaire atteignant 42 dollars de l’heure, l’UAW a estimé qu’il avait le vent en poupe. « Lorsque nous reviendrons à la table des négociations en 2028, ce ne sera pas seulement avec les “Big Three” », mais avec les « Big Five » ou « Big Six », avait déclaré Shawn Fain en novembre 2023 . Vendredi 19 avril, le syndicaliste a vu sa stratégie confortée « Ce soir, vous avez tous fait un pas de géant et historique », a déclaré M. Fain, en célébrant la victoire de Chattanooga : « Mettons-nous au travail et gagnons davantage pour la classe ouvrière de cette nation. »

Depuis des mois, le syndicat jouit du soutien politique de Joe Biden. Le président démocrate s’était en effet déplacé sur un piquet près de Detroit, une première pour un président des Etats-Unis. Immédiatement après le vote clos vendredi, M. Biden a envoyé ses « félicitations aux travailleurs de Volkswagen à Chattanooga », se disant « fier » d’être « à leurs côtés ».

Une lame de fond

Joe Biden, qui se prévaut d’être le président le plus pro-syndicat des Etats-Unis, y voit une lame de fond. « Partout dans le pays, les travailleurs syndiqués ont enregistré des victoires et des augmentations importantes, notamment les travailleurs de l’automobile, les acteurs, les travailleurs portuaires, les camionneurs, les écrivains… », a déclaré M. Biden. Le président américain estime que ces victoires se répercutent sur l’ensemble de la classe moyenne. Le candidat à sa réélection s’en est pris aux gouverneurs républicains des Etats concernés, accusés de « saper » le processus de syndication.

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