Requiem pour le vendredi, épicentre du télétravail

Requiem pour le vendredi, épicentre du télétravail

Dans le roman Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, Vendredi, ainsi nommé en raison du jour de la semaine où il est apparu, incarne le bonheur de l’altérité, venant briser la solitude du naufragé sur son île. En entreprise, depuis quelque temps, la réalité est totalement inverse : vendredi, sans « V » majuscule cette fois, c’est un peu le moment où vous ne croisez plus personne, ou tout au moins pas grand monde. Ce qui n’a pas que des inconvénients. A la cantine, habituellement bondée, le vendredi, vous pouvez virevolter paisiblement d’un œuf mayo à une crème pâtissière en faisant votre choix en toute tranquillité, sans la pression angoissante de la foule affamée.

Vous pouvez aussi vous imaginer à loisir dans un remake à petit budget du film Je suis une légende, où Will Smith erre dans les rues dépeuplées d’un New York postapocalyptique. Si un virus a infecté vos collègues, c’est bien celui des évolutions du travail, l’après-Covid ayant débouché sur une saine relativisation des figures imposées de la vie salariale.

Pourquoi le labeur devrait-il être forcément organisé pour ressembler à une punition, avec ses journées à rallonge qui s’enchaînent inlassablement et ses week-ends riquiqui ? Le vendredi, journée plébiscitée pour le télétravail, se trouve à l’épicentre de ce réaménagement radical des rythmes professionnels, avec des effets domino manifestes.

Tectonique des foules

Récemment, mon collègue Philippe Escande évoquait la crise de l’immobilier de bureau américain, qui serait en grande partie due à cette reconfiguration. D’après le baromètre de la société Kastle, en moyenne, dans les dix plus grandes villes des Etats-Unis, 60 % des employés sont présents dans les locaux les quatre premiers jours de la semaine, contre 30 % le cinquième. Faites un tour dans le quartier d’affaires de la Défense, à l’ouest de Paris, et vous constaterez, au doigt mouillé, que la tectonique des foules y est sensiblement la même.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Aux Etats-Unis, l’immobilier de bureau victime des vendredis »

Une enquête menée par le magazine Challenges confirme, à l’aide de multiples facteurs, ce phénomène de désaffection pour le vendredi in situ. Ainsi, le nombre de passagers de la RATP aurait diminué le vendredi plus que les autres jours de la semaine par rapport à son niveau d’avant-Covid-19, quand, d’après la plate-forme de location de voitures entre particuliers Getaround, les réservations de véhicules pour les week-ends XXL démarrant dès le jeudi seraient passées de 17 % des réservations totales avant la pandémie à 25 % aujourd’hui. Tendances corroborées par l’index de trafic TomTom : c’est désormais le jeudi entre 17 et 18 heures que Paris connaîtrait ses pires bouchons, signe de grands départs.

Il vous reste 25.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.