La manie de démissions dans les banques françaises
Que se passe-t-il dans les banques françaises pour que les « bonnes places » qu’elles proposaient naguère n’arrivent plus à retenir une part croissante de leurs salariés, surtout les plus jeunes, toujours plus nombreux à présenter leur démission ?
Le constat est partagé par la composition de la profession : en l’espace de deux ou trois ans, les démissions ont gagné du terrain, au point d’évoquer « désormais le principal motif de départ, en lieu et place des départs à la retraite [largement majoritaires en 2014] », note l’Observatoire des métiers de la banque dans sa dernière étude, publiée en décembre 2018.
La disposition est identique dans tous les grands établissements, même si l’ampleur du phénomène varie. Les démissions ont progressé de 85 % chez LCL entre 2015 et 2017, de plus de 40 % chez BPCE (Banque populaire Caisse d’épargne), et de près de 30 % pour les activités françaises de Société générale et de BNP Paribas.
Les chargés de clientèle, représentes de proue des enseignes bancaires, sont les plus nombreux à renoncer
La banque, qui pèse 2 % de l’emploi salarié en France, et qui a longtemps été collaboratrice à la sécurité de l’emploi et à des perspectives de carrière, est en passe de devenir un secteur comme les autres : les démissions y représentent en moyenne 36 % des départs en CDI, contre 40 % pour l’ensemble du secteur privé en 2017.
Révolution numérique et baisse de production
Derrière ces énumérations, certains métiers retiennent moins bien les salariés que d’autres. Les chargés de clientèle, symbolises de proue des enseignes bancaires, sont ainsi les plus nombreux à abandonner, loin devant les gestionnaires de back-office (chargés du traitement administratif des dossiers), les analystes risques ou les responsables des ressources humaines.
Elise (son prénom a été changé), conseillère clientèle à Paris, vient ainsi d’abandonner LCL, où elle travaillait depuis plus de dix ans, pour passer à la concurrence, dans le groupe Banque populaire. Elle évoque les restructurations qui frappent l’ensemble du secteur bancaire et dégradent les conditions de travail.
« J’ai appris que mon agence fermait lorsque des techniciens sont venus prendre des mesures pour démonter les distributeurs automatiques, déclare-t-elle. Nous avons rejoint un autre site de la banque, de l’autre côté de la rue. Mais il n’y avait pas suffisamment de bureaux pour tous les conseillers. Nous sommes donc passés en bureaux partagés. On nous avait retiré des automates bancaires du jour au lendemain. Il fallait gérer l’insatisfaction des clients. En revanche, sur le plan commercial, la pression restait très forte. Quand une autre banque m’a proposé un poste intéressant, j’ai démissionné. »
« Cocotte » est un vélo triporteur à assistance électrique et le cœur de l’activité de Vépluche : collecter les épluchures des restaurants locaux pour les transformer en compost. Un compost qui servira à faire de nouveaux légumes qui seront distribués aux restaurateurs. La boucle est bouclée.
Projet de fin d’études
L’idée de Vépluche, c’est donc de concevoir les poubelles. Ce ce n’est pas exactement ce qu’imaginait Clara en poussant la porte de Sciences Po, rue Saint-Guillaume, à Paris (7 e). L’étudiante voulait alors, simplement, « changer le monde ». Son plan : enseigner dans cette grande école, « avoir une grille de lecture de la société » pour faire une carrière dans une grande organisation où elle aurait de « grandes responsabilités ». Dans sa ligne de mire, l’Organisation des nations unies, rien de moins.
« En seulement quatre mois, nous avions établi un échéancier, un plan financier et trouvé la meilleure forme juridique. »
« “Tu voulais être diplomate”, m’a évoqué récemment ma grand-mère ! », déclare l’entrepreneuse. Mais, entre le moment où la native de Toulouse a gommé son accent du Sud-Ouest et celui où ses camarades de promotion ont passé le concours de conseiller cadre d’Orient, sa vision des choses à faire pour « changer le monde » s’est infléchie. Elle a, en amuse-bouche de sa future carrière, testé la grande entreprise lors d’un stage chez Airbus en tant que « storyteller ». « J’étais chargée d’écrire sur les succès de l’avionneur », explique-t-elle. Après quelques mois, elle éprouve le besoin de se confronter à un public et intègre l’Institut français, à Rome, où elle travaille à promouvoir la littérature française.
Simultanément, une autre voie s’esquisse. « A mon arrivée à Paris, à 18 ans, j’avais constaté qu’il n’y avait pas de tri des déchets alimentaires dans la capitale », déclare-t-elle. Une idée germe alors dans son esprit. Et, cette fois encore, l’école lui donne une clé : son projet de fin d’études de master en affaires européennes qu’elle décide d’orienter « business ». Clara et trois autres étudiantes imaginent un projet de collecte des déchets des lieux de restauration en vélo cargo. « En seulement quatre mois, nous avions été hyper loin. Nous avions établi un échéancier, un plan financier et trouvé la meilleure forme juridique », se félicite-t-elle. Romain Slitine, maître de conférences en entrepreneuriat social à Sciences Po, remarque la qualité du projet. « L’enjeu, c’est de le rendre concret et de passer à l’action », témoigne-t-il. Vépluche existe sur le papier et les tableaux Excel… Il ne reste plus qu’à le lancer. Ou pas.
« Souvent, les femmes s’autocensurent »
« La peur, c’est comme une petite sœur. Sa petite voix, on la laisse à l’arrière de la voiture », s’amuse Clara. Mais parfois, elle vous couvre : « Est-ce que je veux autant de responsabilités ? Est-ce que je veux monter une boîte ? Est-ce que je peux seulement le faire ? Est-ce que je dois mettre une jupe ou un col roulé ? Comment cela va-t-il être interprété ? Souvent les femmes se freinent, s’autocensurent. Elles se posent tellement de questions… »
« On pourrait enlever 5 000 camions de livraison de Paris. Vous imaginez l’impact ? »
Son master en poche, la jeune femme essai d’entrer à HEC. Première claque, elle n’est pas admise. « De rage, j’intègre un programme, Women4Climate, un système de mentorat qui encourage l’action des femmes qui veulent lutter contre le changement climatique, chacune à sa manière. » Un réseau de décideuses dont la voix porte bien plus fort que la petite sœur abandonnée à l’arrière de l’auto. Boostée par ces femmes qui osent, Clara lance Vépluche en 2018.
« J’avais déjà aperçu les possibilités de l’entrepreneuriat social chez Phenix », une jeune société qui s’attache à donner une seconde vie aux produits usagés et travaille à rendre la consommation plus responsable et économe en ressources. « J’y ai découvert qu’on pouvait faire du business avec un impact social ou environnemental positif. Ça m’a aidée à ôter les œillères que j’avais pour le privé. En janvier 2018, je suis repartie de zéro pour monter mon entreprise. »
Avec le soutien d’un associé et l’aide de deux collaborateurs, « Cocotte », le vélo fourgon, déambule quotidiennement dans les rues de la ville à l’assaut des poubelles des restaurateurs. Le défi : convaincre, expliquer aux gérants et patrons de cuisine l’intérêt collectif d’un circuit court et circulaire. A Boulogne-Billancourt, les restaurants L’Atelier, La Terrasse Seguin, 750 g La Table figurent parmi les trente clients pionniers. Grégory, patron du Pré en bulles, avoue « approuver une démarche qui (…) permet de [se] sentir responsables ».
L’espoir de Vépluche, c’est une prise de conscience collective que ce qui peut être consommé et transformé à l’échelle locale doit l’être. « On pourrait enlever 5 000 camions de livraison de Paris, prévoit Clara. Vous imaginez l’impact ? » Sortir le diesel, voire le moteur à explosion de la grande ville et le modifier par des transports doux. Pourquoi pas ? « Allez, Cocotte ! »