Formation : l’Afpa projette de supprimer plus de 930 postes et de fermer 38 centres

Les syndicats étaient « sous le choc » à la suite de l’annonce par la direction de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) jeudi 18 octobre d’un « plan de transformation ». Dans le cadre de ce plan, 938 postes d’ici à la fin de 2020 seront supprimés et 38 centres du plus gros organisme de formation français seront fermés.

« L’Afpa est devenue structurellement déficitaire, en raison de l’intensité concurrentielle du secteur de la formation, de la digitalisation de l’offre et du passage à un système d’appels d’offres qui ont révélé sa faible compétitivité », souligne la direction dans son communiqué. Déjà plusieurs fois renflouée par l’Etat, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui employait 6 773 personnes en CDI au 31 décembre 2017, s’attend à une nouvelle perte d’exploitation « de plus de 70 millions d’euros pour 2018 ».

Triple objectif

Avec ce plan, l’agence se fixe un triple objectif : « assurer sa mission de service public pour la formation des publics les plus éloignés de l’emploi » ; « adapter son offre aux appels d’offres des régions et des entreprises en s’adaptant aux besoins de nouvelles compétences et des métiers en tension », et développer « des services innovants aux demandeurs d’emploi, aux entreprises et aux branches professionnelles ».

Le plan, attendu depuis plusieurs mois et présenté jeudi en comité central d’entreprise, prévoit de supprimer 1 541 postes en CDI d’ici à la fin de 2020 et d’en créer 603 sur d’autres compétences. Les départs naturels à la retraite concerneront 600 personnes. Pour ceux qui ne rentreront pas dans les dispositifs de reclassement interne, « une phase de départs volontaires sera proposée, avec un accompagnement renforcé : création d’entreprises, formation longue pour reconversion externe », selon la direction.

« Le statu quo n’était plus tenable »

Par ailleurs, l’établissement public prévoit de fermer des implantations « qui ne répondent plus aux besoins des territoires » et « ne trouvent plus leur demande » afin « de rationaliser son parc immobilier ». L’Afpa fermerait ainsi 38 centres sur 206 et « privilégiera la mobilité, en se déplaçant là où est le besoin de formation ».

Les syndicats ont dénoncé, à l’image de la CFDT, « une restructuration d’ampleur sans projet stratégique abouti ». Pour Yann Cherec (CGT), « c’est deux fois pire que ce que l’on craignait ». Cette annonce a aussi entraîné de vives réactions dans les régions concernées. Le conseil régional du Centre-Val de Loire, qui commande à l’Afpa « deux mille places par an pour quatorze millions d’euros », a immédiatement protesté contre la fermeture de cinq centres à Issoudun, Châteauroux, Blois, Montargis et Veigné, qui « participent au maillage de notre territoire ».

« C’est un projet de très grosse transformation, mais on est sous pression depuis une dizaine d’années et le statu quo n’était plus tenable », a justifié la directrice générale, Pascale d’Artois, rappelant que l’Afpa a cumulé 725 millions de pertes de 2012 à 2016. La ministre du travail, Muriel Pénicaud, avait demandé en juin une « feuille de route pluriannuelle » avec « des engagements et des missions claires ».

Ceconomy, premier actionnaire de Fnac Darty, dans la tourmente

Magasin d’électronique Saturn, à Magdeburg, en Allemagne, en mars 2016.

Rien ne va plus chez l’allemand Ceconomy, holding propriétaire de MediaMarktSaturn, premier distributeur européen de produits électroniques grand public, et de 24 % de Fnac Darty. Après deux avertissements sur les résultats, qui avaient fait s’effondrer le cours en Bourse, le directeur général, Pieter Haas, a été remercié, avec effet immédiat, le 12 octobre dans la nuit. Le directeur financier du groupe est également sur le départ. Cette crise, qui survient quelques semaines seulement avant la période de Noël, en dit long sur les difficultés des grandes enseignes d’équipement électronique, bouleversées par la concurrence de l’e-commerce.

Les investisseurs avaient pourtant bien accueilli, il y a un an, la grande restructuration du groupe Metro. Le distributeur historique a cédé ses activités dans l’électronique pour se concentrer sur l’alimentaire de gros. Ceconomy est aujourd’hui la holding qui règne sur les deux enseignes, Saturn et Media Markt, qui ont longtemps dominé le secteur de l’équipement électronique, jusqu’à l’émergence du commerce en ligne. La scission du groupe devait être une libération pour chacune des spécialités, prévoyait la stratégie du patron de Metro, Olaf Koch, qui a promis aux actionnaires de meilleurs résultats et une hausse du cours.

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Mais rien ne s’est passé comme prévu. Plusieurs fois, les objectifs de vente et de rentabilité de Saturn et Media Markt n’ont pas été tenus. Et, fin septembre, à la clôture de l’exercice 2017-2018, la débâcle s’est révélée pire qu’attendu : le résultat opérationnel s’est effondré, passant de 714 millions à 630 millions d’euros. Depuis janvier, l’action Ceconomy a déjà perdu la moitié de sa valeur. L’alerte sur les résultats, publiée le 8 octobre, a fini de mettre à bout la patience des investisseurs : l’action a dévissé de 20 %. Pieter Haas a invoqué les températures trop chaudes et l’atonie du marché allemand pour justifier la faiblesse des ventes. Trop court, ont jugé les actionnaires, qui ont finalement exigé sa tête. La concurrence toujours plus forte du géant Amazon et les rapprochements de plusieurs « pure-players » (spécialistes de la vente d’un seul produit) sur Internet ont probablement joué un rôle déterminant.

« Simplification des structures complexes »

Le chiffre d’affaires de Saturn et de Media Markt réalisé en ligne est certes en forte progression, mais reste insuffisant pour compenser l’effondrement des ventes dans les magasins. La concurrence a introduit une bataille des prix qui rogne les bénéfices. Pour attirer les clients dans les magasins, les enseignes n’ont d’autre choix que de multiplier les promotions. A deux reprises, au mois de septembre, Saturn et Media Markt ont offert à leurs clients la TVA sur chaque achat effectué en magasin. « Il ne faut pas s’attendre à ce que les enseignes dégagent de nouveau, à l’avenir, les marges auxquelles elles étaient habituées », estime l’analyste d’Equinet Christian Bruns.

Comment redresser la barre ? C’est un Espagnol, Ferran Reverter Planet, actuellement directeur des opérations, qui a été chargé par le conseil de surveillance de diriger le groupe provisoirement. Sa nomination a été bien accueillie par les actionnaires. Mais la tâche est considérable. L’analyste de la banque HSBC Andrew Porteous considère, dans une note parue le 22 octobre, que la tâche prioritaire est la « simplification des structures complexes » du groupe, marqué par une organisation décentralisée des achats et de la logistique. Le nouveau management, poursuit-il, pourrait également « remettre en cause la logique de participation du groupe », comme dans les groupes français Fnac et Darty ou au sein du russe M. Video.

Déboires « passagers »

Est-ce une option qui doit inquiéter les Français ? Chez Fnac Darty, on ne fait aucun commentaire sur les déboires conjoncturels qualifiés de « passagers » d’un actionnaire. Tout au plus rappelle-t-on que Pieter Haas n’était pas au conseil d’administration du groupe Fnac Darty ni d’ailleurs aucun des dirigeants du groupe allemand. Lors de la cession par la famille Pinault des 24,3 % de Fnac Darty à Ceconomy, en juillet 2017, ce dernier avait placé deux administrateurs indépendants pour suivre à sa place la bonne marche de l’entreprise.

Mais Ceconomy est bien plus qu’un simple actionnaire, il est notamment le partenaire de Fnac Darty dans ses achats de marchandises. MediaMarktSaturn et Fnac Darty ont en effet mis en place, en août, une alliance européenne, baptisée « European Retail Alliance » qui porte sur quatre domaines : accords de partenariats avec les grands fournisseurs au niveau international, achats et accords de licences pour les marques distributeurs, collaboration en matière d’innovation et, enfin, codéveloppement d’outils visant à améliorer la connaissance clients. Le groupe français assure que les discussions opérationnelles dans le cadre de cette alliance n’ont nullement été affectées par les difficultés traversées par Ceconomy.

« Si la chasse à la fraude est légitime, son obsession aboutit à des ruptures brutales de droits »

Tribune. « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas ! » Le président de la République a raison : les gens ne s’en sortent pas. Mais alors pourquoi ne s’en sortent-ils pas ? Et donne-t-on véritablement un pognon de dingue aux personnes pauvres ? Voici quelques éléments concrets de réponse à ces deux questions qui, sans prétention de représentativité, illustrent les failles du « filet » de la protection sociale qui se retourne parfois contre les personnes qu’il devrait servir et protéger.

M [le nom a été anonymisé] est une jolie femme rousse d’une cinquantaine d’années : sa chevelure frisée encadre un visage rond où rient des yeux vert clair. Comme beaucoup d’autres, elle est tombée en « pauvreté » après une série de ruptures familiales, professionnelles (elle a été vendeuse, réceptionniste dans un centre de vacances, ambulancière, gérante de restaurant, commerçante sur les marchés, auto entrepreneur créatrice de bijoux) mais aussi de santé, ayant connu une grave et longue maladie aujourd’hui guérie.

M se trouve presque chaque mois au bord d’un abîme creusé par les inventifs et inattendus soubresauts d’une bureaucratie inconsciente

Dans notre association qui accompagne les chômeurs, nous la soutenons depuis deux ans dans sa recherche « héroïque » d’emploi. Elle n’est pas sans compétences : outre son dynamisme, elle a un BEP sanitaire et social et de multiples talents. Elle vit avec un compagnon qui, comme elle, sait « tout faire » : mécanicien, serveur, plombier. Depuis trois ans, au RSA comme son ami, déclarée « employable » comme lui, elle se trouve presque chaque mois au bord d’un abîme creusé par les inventifs et inattendus soubresauts d’une bureaucratie inconsciente.

Pour M, le premier piège du système est celui de sa complexité. Outre le problème du « non-recours » des bénéficiaires potentiels qui ignorent ou peinent…

Direction et syndicats d’Air France négocient des augmentations de salaires

Aéroport de Roissy, près de Paris. Direction et syndicats d’Air France vont se rencontrer à l’occasion de l’ouverture des négociations annuelles obligatoires, mercredi 17 et jeudi 18 octobre.

Deux jours pour en finir avec un conflit de plusieurs mois qui aura coûté plus de 335 millions d’euros ! C’est le but que se sont assigné direction et syndicats d’Air France à l’occasion de l’ouverture des négociations annuelles obligatoires (NAO), mercredi 17 octobre. Le calendrier adressé en fin de semaine dernière par la direction d’Air France aux organisations syndicales a prévu deux rencontres mercredi matin et jeudi 18 octobre dans l’après-midi.

Avant de se mettre autour de la table des négociations, chaque camp a marqué son territoire. Air France propose une augmentation des salaires de 4 % : 2 % seraient accordés pour 2018 avec effet rétroactif au premier janvier et 2 % à partir du 1er janvier 2019. De son côté, l’intersyndicale, qui rassemble dix organisations représentant toutes les catégories de personnels, des pilotes aux salariés du sol, revendique une hausse des rémunérations de 5,1 %. Un différentiel qui ne devrait pas être insurmontable.

Depuis la nomination de Benjamin Smith, mi-août, aux commandes d’Air France-KLM, l’atmosphère semble avoir évolué positivement au sein de la compagnie aérienne. « Depuis que M. Smith est arrivé, le dialogue social chez Air France prend un nouveau souffle », veut croire Sandrine Techer, secrétaire de section du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC). Même le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) pourrait se satisfaire de la proposition salariale de la direction. Toutefois, Philippe Evain, son président, veut en modifier le calendrier. Il souhaite que, « sur les 4 % proposés, 2 % soient attribués, en 2018, pour compenser l’inflation tandis que les 2 % supplémentaires viendraient en rattrapage du passé ». Selon le patron du SNPL : « Il faut qu’une partie des augmentations proposées le soit au titre des années de blocage des salaires. Un solde du passé. »

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« Petites magouilles »

Si la proposition du syndicat des pilotes reçoit le feu vert de la direction, cela laisse « toutes les pistes ouvertes pour 2019 », argue M. Evain. Cette « clause de revoyure », comme le souhaite l’intersyndicale, pourrait signifier de nouvelles hausses des salaires si Air France poursuit son redressement l’an prochain.

Toutefois, de nouveaux nuages sont venus assombrir le ciel à peine dégagé du dialogue social. Un courrier, dévoilé lundi 15 octobre par le site Mediapart, a mis le feu aux poudres. Dans une lettre adressée à Benjamin Smith, Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC Air France, enjoint le patron d’Air France-KLM « de ne pas donner raison à l’intersyndicale par un quelconque geste » en direction des salaires. En février 2018, la CFE-CGC et la CFDT avaient été les deux seuls syndicats à signer l’augmentation de 1 % alors proposée par l’ancienne direction de la compagnie. En mai, les personnels avaient massivement rejeté à plus de 55 % l’accord salarial présenté par la direction d’Air France. A défaut d’être entendu, le leader syndical préférerait que la direction attende « la fin de l’année » pour ne pas « mettre en péril les syndicats responsables comme le [leur]… ». Un calendrier calé sur les échéances électorales qui pourraient bouleverser le paysage syndical d’Air France.

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En novembre, les pilotes voteront pour renouveler le mandat de M. Evain. Avec un accord salarial en poche, le président du SNPL serait en position favorable pour être reconduit. Enfin, les élections professionnelles, prévues en mars 2019, s’annoncent désormais comme un scrutin à risque pour la CFE-CGC et la CFDT. Ulcéré par le courrier de M. Garbiso, le SNPL dénonce « des petites magouilles de bas étage ». Pour Mme Techer : « C’est un séisme dans le monde syndical. Comment un syndicat peut-il écrire des choses pareilles ? », s’interroge-t-elle.

Relaxe pour Etienne Guéna, ex-cadre du Medef poursuivi pour corruption passive

Voilà une décision qui rime avec fiasco pour la justice financière – et avec soulagement pour Etienne Guéna. Cet ancien haut cadre du Medef, poursuivi pour corruption passive, a été relaxé, mercredi 17 octobre, par la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, tout comme les cinq autres personnes mises en cause dans une affaire liée à la déconfiture d’une entreprise de conseil. Le jugement suggère clairement que l’enquête a été conduite de façon peu rigoureuse, sans toujours se soucier des droits de la défense.

Pour comprendre comment Etienne Guéna s’est retrouvé dans cette procédure, il faut remonter plusieurs décennies en arrière. En 1987, il rejoint le CNPF (l’ancien nom du Medef), en qualité de délégué au logement social. Très rapidement, il se voit confier des responsabilités importantes au sein du « 1 % logement », un dispositif paritaire cogéré par les partenaires sociaux (et rebaptisé, depuis, Action logement). Dans ce milieu, il est souvent dépeint comme un personnage central, celui qui tire toutes les ficelles. Au début des années 2000, il intègre l’Association foncière logement (AFL), une structure contrôlée par le « 1 % », qu’il quitte en 2008, après avoir été licencié du Medef. Quelques mois plus tard, il se fait embaucher par Maât, un cabinet de conseil spécialisé dans les questions d’habitat. Il y travaillera un peu plus de six mois, moyennant une rémunération très confortable : environ 16 000 euros mensuels.

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Une thèse taillée en pièces

De gros nuages surviennent avec la mise en liquidation, en 2011, de Maât. Un expert judiciaire, Lionel Guibert, est désigné. Il rend un rapport au canon en dénonçant, pêle-mêle, diverses turpitudes qui auraient été commises au sein de la société : détournement de fonds, emplois fictifs de personnalités politiques, retraits d’espèces abusifs, etc. Ce document, qui fuite dans la presse, est transmis début 2012 au parquet, alors qu’une enquête préliminaire a déjà été ouverte, plusieurs mois auparavant, au sujet des déboires de Maât.

Après six ans de procédure, le ministère public décide finalement de citer en correctionnelle six personnes, parmi lesquelles Etienne Guéna et Jean Naem, le dirigeant de Maât. Le second est accusé d’avoir – entre autres – corrompu le premier. Pourquoi ? Parce que le cabinet de conseil a obtenu, à partir de 2005, beaucoup de marchés attribués par l’AFL – au sein de laquelle Etienne Guéna exerçait un pouvoir très important. Dès lors, le recrutement, en septembre 2008, de l’ex-cadre du Medef par Jean Naem constituerait un renvoi d’ascenseur pour le remercier d’un avantage irrégulièrement accordé à Maât.

Cette thèse est taillée en pièces par la 11e chambre correctionnelle. Dans son jugement (livré sous la forme d’une « copie de travail » que Le Monde a pu consulter), elle fait remarquer que Etienne Guéna n’est nullement à l’origine de la prise de contact initiale entre l’AFL et Maât. De surcroît, les prestations du cabinet de conseil ont été négociées par une entité distincte de la Foncière logement. Personne « n’a fait état d’un abus d’autorité de la part d’Etienne Guéna », souligne le tribunal, en observant que l’AFL a un fonctionnement paritaire, collégial, qui associe des représentants des centrales syndicales. Enfin, la Foncière logement n’a pas contrevenu au code des marchés publics, n’y étant pas assujettie à l’époque, et Etienne Guéna n’était pas tenu de se conformer aux textes qui interdisent aux agents publics d’être enrôlés dans une entreprise avec laquelle ils ont été en relation.

Quant à Jean Naem, l’accusation de corruption active portée à son encontre ne tient pas non plus, aux yeux de la 11e chambre. La décision d’embaucher Etienne Guéna a eu lieu « dans des circonstances particulières qui n’ont pu être anticipées ni par l’un ni par l’autre ». En outre, l’ancien cadre du Medef a accompli un travail « effectif » au sein du cabinet de conseil. Dès lors, il n’y a aucun « lien de conséquence » entre le fait que Maât ait bénéficié de marchés octroyés par l’AFL et l’emploi que Etienne Guéna « s’est vu proposer ».

Une expertise écartée des débats

Au passage, les juges formulent des appréciations très dures sur le rapport de l’expert judiciaire : celui-ci, écrivent-ils, ne respecte pas les « règles applicables à la procédure pénale » car il a méconnu « le principe du contradictoire » en s’abstenant fréquemment de recueillir la parole des mis en cause. Et quand il s’adresse à eux, Lionel Guibert leur inflige « des réponses lapidaires et péremptoires ». Du coup, cette expertise judiciaire « ne peut servir de support de preuve dans un procès pénal » : elle a donc été écartée des débats.

Au cours du procès, début octobre, le représentant du parquet, François Camard, avait requis six mois de prison avec sursis à l’encontre d’Etienne Guéna. Dans le même temps, le magistrat avait reconnu que la procédure présentait de multiples points faibles. « Dire que la citation [des prévenus devant la 11e chambre correctionnelle] était baroque est en dessous de la réalité, avait-il lancé. C’est un dossier qui ne tient pas la route. » Ce qui l’avait d’ailleurs amené à considérer que plusieurs des griefs à l’encontre de Jean Naem n’étaient pas caractérisés (notamment l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux), tandis que d’autres l’étaient. Au final, le tribunal a conclu que rien ne pouvait être reproché aux prévenus.

Un jugement dont se réjouit Me Bernard Vatier, le conseil d’Etienne Guéna. Cette affaire, dit-il, est « le fruit de rumeurs malveillantes ». Pour l’avocat, tout s’est passé comme si le parquet avait demandé à la brigade financière « de démontrer que l’expert judiciaire avait raison », alors même que son rapport est totalement « fantaisiste ».

La décision rendue mercredi a de fortes chances d’être définitive : selon nos informations, le parquet n’a pas l’intention d’interjeter appel.

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Le salarié peut-il concurrencer son employeur ?

« Le juge prud’homal peut, s’il est saisi par l’ancien employeur, contraindre le salarié à faire cesser son activité, éventuellement sous astreinte. »

Question de droit social. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie est issu du décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 (supprimant les corporations), selon lequel « il sera libre à toute personne d’exercer telle profession, art, ou métier qu’il trouvera bon ». Il a même valeur constitutionnelle, selon la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 consacrant la liberté d’entreprendre.

Mais pour un salarié, cette liberté d’entreprendre trouve une limite dans l’obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. L’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, figurant tant à l’article 1104 du code civil qu’à l’article L. 1222-1 du code du travail, signifie en effet que le salarié ne doit pas causer de tort à son employeur, notamment en exerçant une concurrence illicite.

Il est, par exemple, possible pour un salarié d’élaborer les statuts et d’immatriculer une société qui a vocation à faire concurrence à son employeur. En revanche, le fait de travailler pour son propre compte auprès d’un client de son employeur, chez qui ce dernier effectue déjà un chantier, constitue une atteinte à son obligation de loyauté et est même qualifié de faute grave justifiant le licenciement.

Par ailleurs, lorsqu’une clause d’exclusivité figure dans le contrat de travail, le salarié peut être empêché d’entreprendre durant son contrat de travail, même pour une activité non concurrente. Pour être valable, cette clause doit toutefois, au vu de ses effets, être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Limitée et « raisonnable »

Après la fin du contrat de travail, la liberté d’entreprendre du salarié peut aussi être limitée pour une activité concurrente à son employeur, au moyen d’une clause de non-concurrence inscrite dans le contrat. Si le salarié crée quand même son entreprise,…

Facebook admet que les données récupérées par Portal pourraient être utilisées pour des publicités

Depuis une semaine, Facebook dévoilait ses deux écrans connectés Portal et Portal+. Une nouvelle importante d’autant que la démonstration des deux produits avait été décalée suite au scandale Cambridge Analytica. Cependant, il semblerait que l’entreprise n’est que faire de la crainte des utilisateurs concernant leurs données. L’entreprise pourrait se servir de vos données d’utilisation afin de vous proposer des publicités ciblées.

Facebook dans la tempête depuis plusieurs mois

Une nouvelle qui tombe mal, après les semaines critiques que Facebook a connu, particulièrement après le piratage de 30 millions de comptes. Au moment de l’annonce de l’écran connecté, Facebook semblait confiant sur la sécurité de son produit en insistant la discrétion et en affirmant que « Facebook n’écoute pas, ne visualise pas et ne conserve pas le contenu de vos appels vidéo sur Portal. » L’entreprise ajoutait que « les appels vidéos sont cryptés et vos appels sont donc toujours sécurisés. » 

Réellement, un porte-parole de Facebook a expliqué « les appels vocaux sont basés sur l’infrastructure Messenger. Par conséquent, lorsque vous passez un appel vidéo sur Portal, nous collectons les mêmes types d’informations (données d’utilisation, telles que la durée et la fréquence des appels) que nous collectons sur d’autres applications compatibles Messenger.  Nous pouvons utiliser ces informations pour définir les annonces que nous vous diffusons sur nos plates-formes. D’autres données d’utilisation comme l’utilisation globale des applications, peuvent également alimenter les informations que nous utilisons pour vous proposer des annonces. »

Un problème de diffusion sur Portal ?

Une annonce qui peut être presque banale lorsqu’on connait le principe « quand c’est gratuit c’est vous le produit » et bien que Portal soit payant, Messenger reste une application gratuite. À la suite de cette annonce, Rafa Camargo, vice-président de Portal s’est excusé pour le manque de précision des informations communiquées et a expliqué « je pense que mon collègue avait l’intention de dire que nous n’avions pas l’intention de l’utiliser. Potentiellement nous pourrions. »

Un discours confus, qui ne risque pas de rassurer et va consoler les potentiels acheteurs dans leur méfiance envers les produits Facebook. Il est abstrait pour Facebook d’expliquer avec précision aux utilisateurs les données collectées. Avec des produits à domicile dotés de caméras et de microphones l’entreprise se doit pourtant d’être claire sur ce point. La route semble donc un peut longue et pénible pour l’entreprise de Mark Zuckerberg.

La traque délicate du salarié fraudeur

« Au-delà des motivations initiales du salarié, au-delà des failles de l’entreprise, il s’agit de percevoir ce qui a rendu l’acte légitime aux yeux de son auteur et l’a fait franchir le pas. »

Dans les entreprises, les « collaborateurs fraudeurs » ont des ambitions variables. Il y a ceux qui montent de petites escroqueries, pour quelques centaines d’euros par an. Comme ces deux employés d’un fabricant des jouets qui, avant d’être appréhendés, détournaient régulièrement de la marchandise pour la revendre sur Le Bon Coin.

Pour d’autres, la fraude se pratique à grande échelle. C’est le cas de la comptable d’une société de courtage en assurances de Nice. Entre 2011 et 2016, elle a détourné des chèques et falsifié des comptes, dérobant ainsi à son employeur 1,7 million d’euros. La malversation a été découverte. Et la comptable a été condamnée en août 2018 à trois ans d’emprisonnement, dont dix-huit mois ferme, rapporte Nice Matin.

Trentenaire, diplômé

Plurielle, la fraude interne constitue un fléau particulièrement difficile à appréhender par les entreprises. Parce qu’elle peut, justement, s’implanter au cœur des sociétés sous de multiples formes. Mais aussi parce qu’elle est le plus souvent commise par des salariés qu’on estime au-dessus de tout soupçon.

Le portrait-robot du « collaborateur fraudeur » dressé par le cabinet de conseil PwC dans une étude de 2016 est, de ce point de vue, des plus parlants : il s’agit d’un cadre, trentenaire, détenteur d’un diplôme universitaire, souvent fidèle collaborateur de l’entreprise depuis plusieurs années. Un salarié « souvent sympathique », ajoute Jean-Louis Di Giovanni, associé PwC, et qui « bénéficie de toute la confiance de son management ». Un fraudeur qu’il est donc « difficile d’identifier ». Conséquence : « Sa fraude ne sera découverte en moyenne qu’au bout de dix-huit mois », explique Sébastien Hager, expert fraude chez Euler Hermes France.

Délicat à appréhender, le phénomène prend aussi de l’ampleur. Une étude Euler Hermes-DFCG (l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion) souligne qu’en 2017 « sept…

Parler ou se taire ? Comment lancer l’alerte ?

« Oser l’alerte ! Sortir du silence au travail ? », de Marie-Noëlle Auberger et Jean-Paul Bouchet. Editions de l’atelier, 176 pages, 15 euros.

Livre. Le lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart (1854-1914) fut probablement un des premiers lanceurs d’alerte en France quand, après avoir averti en vain la hiérarchie militaire, il communiqua au sénateur Scheurer-Kestner des documents prouvant l’innocence du capitaine Dreyfus.

Aujourd’hui, le terme fait fureur. Il suffit d’effectuer une recherche sur le plus célèbre des moteurs de recherche dominants pour obtenir plus de 900 000 pages de résultats. Dans Oser l’alerte !, Marie-Noëlle Auberger et Jean-Paul Bouchet s’intéressent à ceux qui, dans le milieu du travail, qu’ils soient salariés, fonctionnaires, contractuels, sous-traitants ou bénévoles, « ont été témoins de discriminations infondées, d’actes illégaux, d’un management brutal, de malversations à la petite semaine ou de grande ampleur, d’atteintes à l’environnement, de décisions prises en contradiction avec l’intérêt des parties prenantes, avec l’intérêt social de l’entreprise, avec l’intérêt général ».

L’ancienne secrétaire nationale de l’Union confédérale des cadres et rédactrice en chef de la revue Cadres CFDT et l’ancien secrétaire général de la CFDT-Cadres, membre du bureau national confédéral de la CFDT et président de l’Observatoire des cadres et du management, commencent par brosser à grands traits le contexte dans lequel les lanceurs d’alerte sont entrés dans le débat public, ainsi que les textes qui les définissent et les protègent, dans la législation française.

Parler ou se taire ? Certains ont osé, et cela leur a le plus souvent valu des ennemis. Ils en ont parlé à leur hiérarchie, à un représentant du personnel, à une association, à un organe de presse, plus rarement à la justice. Ce ne sont pas forcément des lanceurs d’alerte au sens de la loi Sapin 2, mais ils ont osé alerter sur des situations qui leur paraissaient anormales. « Ils ont la parole dans cet ouvrage, comme l’ont aussi des collègues, des élus…

Ford ne veut pas du plan de reprise pour l’usine de Blanquefort… pour l’instant

Philippe Poutou, délégué syndical du site de Blanquefort (Gironde) et ancien candidat du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) à la présidentielle, peu avant son entrevue avec le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à Bordeaux, le 15 octobre.

L’usine Ford de Blanquefort (Gironde) fermera-t-elle fin 2019 ? Les 847 salariés du site demeurent dans l’expectative. Mardi 16 octobre, à l’occasion d’un comité d’entreprise extraordinaire, le constructeur américain a certes transmis aux élus syndicaux l’offre de reprise du fabricant de composants automobiles Punch, mais il a réitéré « ses réserves » quant à ce projet, confie Jean-Michel Caille, délégué CFE-CGC, qui participait à la réunion.

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Dans un communiqué, l’entreprise souligne que, « comparé à un plan social Ford très complet, nous ne pensons pas que le plan de l’acquéreur potentiel offre le niveau de sécurité et de protection requis, ou limite le risque futur de suppressions d’emplois ». Cependant, le constructeur laisse la porte entrouverte à l’éventuel repreneur. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, qui s’était dit lundi « en total désaccord » avec la position de Ford – jugée « indéfendable » –, a notamment eu un échange avec Jim Hackett, son PDG, et obtenu un réexamen du plan de Punch.

« Nous négocions depuis plusieurs semaines avec le constructeur pour qu’il prenne en compte l’offre sur la table, et qu’il l’accompagne au mieux, explique un bon connaisseur du dossier. Mais ses dirigeants ont encore en mémoire 2011, quand l’entreprise avait été forcée par les pouvoirs publics de reprendre le site après l’avoir cédé en 2009 à un repreneur [l’allemand HZ Holding]. Ils ne veulent plus revivre cette histoire et nous devons les rassurer sur ce point. »

Depuis juin, argumente la société américaine, « nous avons constamment insisté sur le fait que le repreneur [devait] avoir un projet viable, à long terme, et que tout accord devrait être raisonnable, réaliste et être dans l’intérêt des salariés de FAI [Ford Aquitaine Industries], de Ford et du repreneur ». A cette aune, le groupe américain ne pense pas que Punch ait les reins suffisamment solides pour exploiter le site.

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De son côté, le potentiel repreneur a obtenu un soutien unanime des pouvoirs publics. L’Etat est disposé à débloquer 5 millions d’euros, dont 3 millions pour financer le chômage technique, le temps de la transition vers une nouvelle production, tandis que les collectivités territoriales seraient enclines à abonder l’investissement de Punch à hauteur de 12,5 millions d’euros pour conserver 300 des près de 850 salariés.

« Assurer le maintien des conditions sociales »  

Dans son plan de sauvegarde de l’emploi, Ford prévoit de transférer 150 postes au sein de son autre filiale, Getrag Ford Transmissions, installée sur un site voisin, et se dit prêt à financer un plan de cessation anticipée d’activité pour 400 salariés ainsi que d’autres mesures « destinées à aider les salariés à se repositionner avec d’autres employeurs ou à poursuivre d’autres opportunités de carrière, que ce soit la création d’entreprise ou des formations de reconversion ».

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D’après le projet de reprise, Ford est également appelé par Punch à assurer une charge de travail pour l’usine pendant trois ans. « La proposition de Punch paraît sérieuse et ambitieuse, mais elle mérite d’être encore retravaillée, estime M. Caille. Concernant la charge apportée par Ford, je pense qu’il peut faire un effort, car la baisse des volumes est beaucoup trop rapide pour les années 2020 et 2021. »

De même, ajoute le délégué syndical, « il faut que Punch affine sa proposition sociale et améliore son offre ». Philippe Poutou, représentant CGT du site, partage ce point de vue. « Ford doit accepter la reprise, et y mettre les moyens pour que ce soit une réussite, juge-t-il. Le plan doit concerner tous les salariés qui souhaitent garder leur emploi. Tant Ford que Punch doivent assurer le maintien des conditions sociales. »

Encore faut-il qu’un dialogue s’instaure entre les organisations syndicales et Punch. Le comité d’entreprise a demandé à la direction du site de pouvoir rencontrer officiellement le représentant de Punch, ce qui ne lui avait pas encore été accordé mardi soir. Selon Bercy, « une réunion sera organisée en début de semaine prochaine ». Les syndicats, eux, envisagent une grande journée d’action, jeudi 25 octobre.