Le grand vertige de la culture générale

Le grand vertige de la culture générale

Certains saisissent connaissance de leurs déficiences durant les études supérieures, entourés par des camarades au capital social et culturel plus élevé.

Premier cours de littérature dans sa prépa toulousaine. Julie (le prénom a été changé) reste silencieuse. Elle examine ébahie ses camarades prendre la parole et s’exprimer sur l’œuvre étudiée. « Ils m’impressionnaient par leurs connaissances. Devant leurs phrases si bien élevées, je me suis dit : “Des gens savent vraiment parler comme ça ?” Les mots qu’ils employaient désiraient dire tout ce que je ressentais et que je n’arrivais pas à nommer. » Julie a grandi dans un petit village, à deux heures de la capitale occitane. Ses parents ont connu, enfants, la grande précarité, et Julie est la première de la famille à arriver jusqu’au bac.

Soutenu par la dynamique des « trente glorieuses », son père a relevé son imprimerie et connu une ascension sociale. Actuellement, la famille vit commodément mais, à table, on ne parle ni littérature, ni cinéma, ni histoire.

Une attention pour cultiver sa mémoire et ses connaissances

Quand Julie, bonne élève au lycée, préfère aller en prépa littéraire, elle est loin d’imaginer le choc qui sera le sien au contact de ses nouveaux camarades. « Je me suis vite sentie en éloignement. Abondamment venaient de familles de professeurs, ils avaient grandi en entendant France Inter, étaient allés plusieurs fois au musée et avaient beaucoup de connaissances politiques ou historiques qui m’étaient inconnues. »

« Une très discriminante logique du mimétisme »

De nombreux universitaires perçoivent un tel malaise en entrant dans l’enseignement supérieur, lorsqu’ils se comparent à des jeunes ayant profité, par le biais de leur famille et de leur environs, d’un important capital social et culturel. Ce sentiment de « manquer de culture générale » culmine lorsque celle-ci fait l’objet d’une épreuve écrite ou orale pour intégrer une grande école, un institut d’études politiques ou un concours administratif.

C’est uniquement au début du XXe siècle que la culture ­générale devient une épreuve de concours – d’abord pour les écoles militaires. Elle ­départage les candidats sur leur « hauteur de vue et la sûreté de leur jugement », exposent les chercheurs Charles Coustille et Denis ­Ramond, dans un article de la revue Le Débat. Les compositions de culture générale se multiplient au milieu du siècle, particulièrement dans les concours menant à la haute administration, ou dans les écoles de commerce.

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LJD

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