Ces diplômés qui choisissent de travailler moins pour « vivre mieux »

Ces diplômés qui choisissent de travailler moins pour « vivre mieux »

Emilien Long, prix Nobel d’économie, se présente comme le « candidat de la paresse » à l’élection présidentielle. Son programme : sortir d’un « productivisme morbide » en réduisant le temps de travail à trois heures par jour. « Je suis la voix de ceux qui veulent que la vie ne se résume pas au travail, à la croissance, à la consommation », fait valoir ce Marseillais, qui porte des espadrilles et s’exprime parfois depuis son hamac. S’il n’est autre qu’un personnage de fiction – issu du dernier roman d’Hadrien Klent, Paresse pour tous (Le Tripode, 360 pages, 19 euros) – Emilien Long pourrait être l’élu d’une partie de la jeunesse en quête de temps libre. Façon bréviaire de lutte, sa politique répond à des attentes réelles, à mi-chemin entre utopie et pragmatisme.

Après deux années de pandémie qui ont bouleversé nos repères et changé durablement l’organisation du travail, l’envie de retrouver du sens s’accompagne plus que jamais d’un désir de ralentir, de se retrouver. En témoignent les apéros « after-workless » organisés à Nantes par le collectif Travailler moins. Du chômage choisi – et non subi – à la retraite anticipée, en passant par une simple réduction de son temps de travail, toutes les options sont envisagées pour lever la tête du guidon.

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En ce mardi d’octobre, une quinzaine de jeunes sont réunis dans l’espace de coworking La Cordée sur Erdre, à trois minutes de la préfecture de Loire-Atlantique. Au milieu des kayaks et des transats qui garnissent cet appartement haussmannien, on boulotte des croissants au beurre à 19 heures, avec encore du pain sur la planche. « Pourquoi/pour quoi dé-travailler ? » ; « Comment dé-travailler ? » ; « Freins et blocages au dé-travail » : chacun avance de table en table pour faire mûrir une réflexion à la fois individuelle et collective.

« Rentiers frugalistes »

« Dé-travailler, c’est diminuer volontairement son temps de travail contraint, sans exploiter celui des autres, introduit Matthieu Fleurance, 30 ans, membre cofondateur du collectif. On veut aller vers une démarchandisation du temps et repenser nos modes de vie, dans un mouvement anticapitaliste, voire post-capitaliste. ». « Retraité précoce non-milliardaire » comme il aime à se définir, le trentenaire prône une forme de radicalité et de décroissance personnelle – à l’encontre des « rentiers frugalistes » qui misent sur des investissements financiers ou immobiliers.

Fils d’un ouvrier en boucherie et d’une employée de bureau à La Poste, Matthieu Fleurance a intégré très tôt « la culture de l’économie ». « Jusqu’à mes 25 ans, j’ai économisé à mort sans savoir pourquoi », raconte-t-il. Aujourd’hui, le Nantais a 30 000 euros de côté et touche le revenu de solidarité active (RSA), qu’il considère « comme un revenu de base ». Selon ses calculs, il n’a besoin que de 500 à 600 euros par mois pour vivre : « Et je me prive jamais, précise-t-il. Je ne subis pas ce truc. Je me fais un resto quand je veux. »

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LJD

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