Au cœur de la dimension informelle du travail

« Oeil pour oeil, don pour don. La psychologie revisitée », d’Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy (Desclée de Brouwer, 224 pages, 16,90 euros).

Livre. Pourquoi est-ce que ça va mal ? Comment ? Que faire pour que ça aille mieux ? C’est à ces questions que répondent, chacune à leur manière, les multiples écoles de psychologie clinique, de psychanalyse, de développement personnel, de coaching, etc. Il existe pourtant une autre approche à ces questions, à peu près jamais utilisée : la question du lien entre don et reconnaissance.

Cette approche trouve son origine chez un anthropologue : Marcel Mauss, auteur, en 1925, du célèbre Essai sur le don, dans lequel il montre que les sociétés archaïques ne reposaient pas sur le marché, mais sur le don, sur ce qu’il appelait la triple obligation de donner, recevoir et rendre les présents. « Obligation est faite aux acteurs sociaux, pour qu’ils deviennent pleinement sociaux et soient reconnus comme tels, de se montrer généreux », résument Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy.

Dans Œil pour œil, don pour don, le sociologue et l’anthropologue formulent une hypothèse, à la croisée de l’anthropologie, de la philosophie et de la psychologie : « les troubles psychiques résultent d’un mauvais ajustement entre les moments du donner, du recevoir et du rendre ».

Attente d’une juste reconnaissance

En permanence, et dans toutes les relations sociales, on attend la juste reconnaissance, explicite parfois, implicite le plus souvent. Toute existence s’inscrit au cœur du cycle demander, donner, recevoir et rendre, et les troubles psychiques sont autant de blocages dans ce cycle fondamental. « Toujours prompts à donner, nous ne savons pas recevoir, ni même rendre. Ou encore, enfermés dans un sentiment de dette ou de faute, nous nous sentons en permanence obligés de rendre. »

Après avoir présenté, non sans humour, les ratés du donner, du recevoir et du rendre, Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy se demandent ce qui engendre ces échecs et comment il est possible d’espérer en sortir. Une…

Les déboires de General Electric inquiètent les ex-Alstom

A l’entrée de l’usine General Electric Hydro de Grenoble, le 4 octobre 2017, lors d’un mouvement social.

L’inquiétude grandit à Belfort, le berceau historique d’Alstom, dont la division énergie avait été rachetée par General Electric (GE) en 2015. Les difficultés du géant américain, en partie imputables à la déprime du marché des grosses turbines pour centrales électriques, et le limogeage surprise de son PDG, John Flannery, lundi 1er octobre, ont alourdi un climat déjà pesant. Son remplacement par Lawrence Culp, 55 ans, ex-patron de Danaher Corporation (2000-2014) et administrateur de GE depuis avril, n’a pas de quoi les rassurer.

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L’homme a certes magistralement développé le conglomérat (équipements médicaux, informatique, etc.), transformant un groupe industriel traditionnel en « une société leader en science et technologie », selon un communiqué de GE, mais il n’hésitera pas à tailler dans le vif si nécessaire. Sa nomination a été saluée par une envolée de 7 % du titre à Wall Street. Entre ce qu’il professe depuis trois ans à la Harvard Business School et la réalité vécue dans les ateliers de Belfort, il y a un monde.

Une erreur stratégique

Dès sa nomination en août 2017, M. Flannery avait admis que le rachat pour 10 milliards d’euros d’Alstom Power – il en fut un des maîtres d’œuvre – avait été une erreur stratégique. L’opération avait été menée à contre-cycle, quand les marchés de l’électricité, et donc des turbines de centrales, baissaient fortement. Il ne s’est pas redressé depuis. Mi-juin, le PDG de GE avait prévenu Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, que la promesse faite lors de l’OPA de créer 1 000 emplois nets d’ici à la fin de 2018 était « hors d’atteinte ».

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L’entreprise a annoncé, lundi, une révision à la baisse de sa prévision de bénéfice par action pour 2018 en raison des déboires de la division énergie. Celle-ci fut longtemps un centre de profits du groupe, avec les équipements médicaux désormais filialisés (IRM, scanner) et l’aéronautique (moteurs d’avion). Ses dirigeants ont aussi révélé l’inscription dans les comptes d’une charge exceptionnelle pouvant atteindre 23 milliards de dollars.

Quelques jours avant l’annonce des nouvelles difficultés pour le conglomérat, plusieurs dizaines de salariés de Belfort, qui emploie 4 200 personnes, avaient débrayé un après-midi. Ils ont bloqué plusieurs issues de l’usine, lundi matin, pour réclamer des embauches en CDI.

Mais c’est la menace de licenciements qui occupe les esprits depuis que GE a annoncé, en décembre 2017, la suppression de 12 000 emplois dans sa branche énergie à travers le monde, dont 5 000 en Europe (et 4 500 dans l’ex-périmètre d’Alstom), pour l’essentiel en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse.

Des salariés français « en sursis »

En avril, un délégué CGT déclarait à L’Usine nouvelle qu’il ne s’agissait que d’un « sursis » pour les salariés français. Ils se sentaient peu ou prou protégés par la promesse des 1 000 emplois créés. On n’en est plus là. D’autant que GE a bouclé en mai un plan de suppression de quelque 250 emplois sur son site de GE Hydro (hydraulique), à Grenoble, finalement moins lourd que prévu après les grèves et les occupations décidées par les syndicats.

Pour l’heure, le dernier décompte fait état de 323 créations d’emplois nettes par GE dans l’Hexagone. Un bilan actualisé doit être publié dans quelques semaines. Si le compteur s’arrête à ces 323, l’amende due par GE s’élèvera à 34 millions (à raison de 50 000 euros par emploi non créé prévu lors du rachat d’Alstom).

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Le groupe américain souligne qu’il continue d’embaucher en France, notamment dans le secteur de l’énergie. Reprise à Alstom, son usine de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) produit déjà des turbines et des nacelles d’éoliennes. Le site de Cherbourg (Manche) a lancé la production de pales. Ces éoliennes doivent équiper les trois parcs offshore qu’EDF va construire et exploiter au large des côtes françaises.

Le tribunal valide le plan de continuation de La Grande Récré

Le magasin La Grande Recre de Bruay-la-Buissiere (Pas-de-Calais) en 2010.

Après plusieurs mois de suspense, le tribunal de commerce de Paris a décidé, mardi 2 octobre, de redonner les clés de La Grande Récré à son PDG, Jean-Michel Grunberg, en préférant son plan de continuation à l’offre de reprise du groupe Fnac Darty. Les deux choix étaient assez proches en termes de périmètre : le projet de Fnac Darty conservait 106 magasins sur 166 (à fin mai 2018) et 838 salariés sur 1 220, tandis que celui de Ludendo, la maison mère de La Grande Récré, gardait 104 magasins et 900 emplois. Les 88 magasins en franchise à fin mai 2018 n’étaient pas concernés.

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M. Grunberg s’était allié à la Financière immobilière bordelaise (FIB), un fonds spécialisé dans l’immobilier commercial, qui s’est engagé à prendre 95 % du capital du groupe avant la fin de l’année. À la tête de 2 milliards d’actifs dans l’immobilier, la FIB, propriété de l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, a repris en février les fonds de commerce et les murs de 22 magasins Galeries Lafayette en province.

Le plan de continuation déposé le 11 juin prévoyait que le groupe, détenu à 62 % par la holding familiale, se sépare des filiales et magasins non rentables, notamment à l’étranger (Espagne, Suisse, Belgique) pour ne conserver en direct que des magasins La Grande Récré en France, où Ludendo emploie 734 salariés depuis une restructuration conduite cet été.

Un regroupement envisagé avec Toys’R’US

Le tribunal n’a finalement pas retenu, mardi, l’offre déposée le 15 juin par le groupe Fnac Darty, qui ne reprenait pas le passif évalué à 150 millions d’euros. Lors de la première audience fin juillet, le distributeur n’avait pas défendu son offre pour éviter d’éventuels « recours juridiques ».

Car la candidature surprise de Fnac Darty avait crispé Jean-Michel Grunberg, déterminé à conserver les rênes de l’entreprise fondée en 1977 par son père. Ludendo avait porté plainte fin juillet contre Fnac Darty pour « diffamation publique », estimant que son concurrent discréditait son plan de continuation auprès de ses fournisseurs.

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Dans le cas où, mercredi 3 octobre, le tribunal, qui doit également statuer sur l’avenir de Toys’R’Us France, accorderait son aval à l’offre de Michel Ohayon parmi les trois en lice, ce dernier envisagerait de regrouper les deux réseaux sous l’enseigne La Grande Récré.

La direction d’Air France renoue le dialogue avec l’intersyndicale

Les organisations syndicales ont qualifié la rencontre avec Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM (ici à Dublin, en juin 2016), de « franche et directe ».

Benjamin Smith n’a pas manqué ses débuts. Pour la première fois depuis sa nomination, à la mi-août, le nouveau directeur général d’Air France-KLM a rencontré, lundi 1er octobre, les représentants de l’intersyndicale d’Air France. Une entrevue qualifiée de « franche et directe » par les dix organisations syndicales de la compagnie aérienne, qui représentent toutes les catégories de ­personnels.

La réunion a duré plus longtemps que prévu. C’est en anglais que le nouveau patron canadien d’Air France a répondu aux questions en français des syndicats. Toutefois, soulignent ceux-ci, M. Smith, en gage de bonne volonté, « a fait des efforts pour parler français ».

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En dépit de la barrière de la langue, il semble que le directeur général ait marqué des points. Il n’a pas heurté de front le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), fer de lance d’un conflit de plusieurs mois qui a provoqué la démission de l’ex-PDG du groupe Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, le 4 mai. Il faut dire que M. Smith avait soigneusement préparé le terrain.

Quelques heures avant la réunion, les syndicats avaient appris le départ du directeur des ressources humaines d’Air France, Gilles Gateau, une de leurs têtes de Turc. Il quittera ses fonctions le 12 octobre. Son éviction fait suite à la démission, jeudi 27 septembre, du directeur général d’Air France, Franck Terner, l’autre bête noire des syndicats.Benjamin Smith « a fait le boulot », a jugé un délégué de SUD à l’issue de la rencontre. « Les changements à la tête du management démontrent la volonté du directeur général de renouer le dialogue social », a estimé Philippe Evain, le président du SNPL, qui a qualifié cette première rencontre de « riche ».

« Il a parfaitement compris nos problématiques »

Pour autant, les représentants des pilotes, comme ceux des autres catégories de salariés (personnels navigants commerciaux, etc.), ne semblent pas disposés à faire de concessions à leur nouveau patron. « Nous lui avons réitéré nos demandes », a souligné le SNPL. « L’intersyndicale lui a réaffirmé sa revendication salariale d’un rattrapage de 5,1 % pour l’ensemble des salariés d’Air France et la nécessité de solder le conflit en cours très rapidement », a déclaré Françoise Redolfi, déléguée de l’UNSA-PNC.

Pour M. Smith, qui s’est donné pour priorité de mettre un terme au conflit social, le temps presse. Les pilotes lui ont accordé un mois pour y arriver. L’échéance, fixée avant la fin du mois d’octobre, approche, et le SNPL s’attend à « un épilogue à très court terme ». A l’en croire, le patron de la compagnie franco-néerlandaise – et également directeur général d’Air France jusqu’à la fin de l’année – serait sur la même longueur d’onde, même si aucune nouvelle réunion avec l’intersyndicale n’a été programmée. « Il a parfaitement compris nos problématiques », affirme un délégué du SNPL. Surtout, ajoute le représentant des pilotes, Benjamin Smith « aurait parfaitement conscience qu’il doit sa place à un conflit non résolu ».

« Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés », observe Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne

Début mai, Jean-Marc Janaillac avait remis sa démission après le rejet (à plus de 55 %), par l’ensemble des personnels, de sa proposition d’accord salarial. Au terme de près de quatre mois de recherche infructueuse, le comité des nominations d’Air France-KLM avait finalement débauché l’ancien numéro deux d’Air Canada.

Face aux syndicats, M. Smith a fait part de sa volonté « d’agir vite ». Pas question pour lui de se mettre à dos la majorité des personnels de la compagnie. « Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés, et notamment les pilotes », plaide le président du SNPL, qui assure être prêt à jouer le jeu de la concertation directe avec le patron d’Air France.

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« Sentiment d’injustice des salariés »

Si les premiers pas du directeur général semblent avoir été réussis, les organisations syndicales restent sur le qui-vive. Philippe Evain se dit « raisonnablement optimiste », mais il observe que, « pour l’instant, il n’y a rien de concret ». En pratique, syndicats et direction ne sont pas encore entrés dans le cœur de la négociation.

L’intersyndicale attend beaucoup du nouveau patron d’Air France. « Nous lui avons réitéré le sentiment d’injustice des salariés d’Air France face aux augmentations obtenues par les personnels de KLM : 4,5 % pour les salariés et jusqu’à 13 % pour les pilotes », note le président du SNPL.

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Les syndicats s’interrogent sur la marge de manœuvre de Ben Smith. Ils se demandent quelle sera l’attitude du conseil d’administration de la compagnie vis-à-vis de leurs revendications. Pendant les mois de conflit émaillés d’une quinzaine de journées de grève, certains administrateurs se sont fortement opposés à la hausse des salaires réclamée par les représentants des personnels.

Les départs presque simultanés de M. Terner et de M. Gateau montrent que le nouveau patron du groupe a décidé d’en finir avec cette opposition de principe. Il faut dire que la grève a valu à Air France une perte sèche de 335 millions d’euros. Surtout, le directeur général ne voudra pas briser la dynamique positive retrouvée par la compagnie depuis cet été. « Juillet et août sont allés au-delà des objectifs (…) et les réservations sont bonnes jusqu’à la fin de l’année », s’est réjoui Patrick Alexandre, directeur général adjoint, chargé du commercial d’Air France-KLM, à l’occasion de l’ouverture du salon du tourisme Top Resa, mardi 25 septembre.

« Avec le départ de son PDG, c’est tout le système General Electric qui semble rongé par la rouille »

John Flannery, ex-patron de General Electric, à New York, le 26 juin.

Il y a décidément quelque chose de pourri au royaume de General Electric. Tel Marcellus dans Hamlet, l’observateur un peu avisé pourrait arriver à ce constat désabusé après le débarquage surprise du tout récent patron de la plus célèbre société industrielle de la planète. Et cette pourriture ronge tous les étages de la vénérable maison de Boston.

En septembre, des défauts de qualité ont été découverts sur les ailettes d’une turbine à gaz toute neuve en fonctionnement chez Exelon, un producteur d’électricité de la région de Chicago. Les pièces se sont mises à rouiller soudainement sur cet engin supposé signer le renouveau de GE dans le domaine énergétique. Mauvais présage.

Avec le départ de John Flannery, le PDG de l’entreprise, c’est tout le système GE qui semble rongé par la rouille. Durant des décennies, la firme a incarné l’excellence managériale au service de la puissance industrielle américaine. Au premier rang de laquelle la promotion de ses PDG. Depuis 129 ans, la société a mis un point d’honneur à choisir ses leaders dans ses rangs, et à leur donner le temps nécessaire pour développer leur vision stratégique.

Jack Welch est resté 20 ans à la tête de la société, devenant à son époque le patron le plus connu et le plus respecté au monde. Puis, en 2001, il a transmis le témoin à Jeffrey Immelt, soigneusement choisi par ses soins. Ce dernier, à son tour, a lancé le choix de son successeur dès 2011. Et au terme de six ans de sélection, il a arrêté son choix sur John Flannery, un vétéran, entré en 1987 dans l’entreprise.

Investissements à contre-cycle

Et voilà que tout dérape. Un an après sa nomination, John Flannery est éjecté par le conseil d’administration et remplacé par Larry Culp, dont le principal mérite est d’avoir spectaculairement redressé un petit concurrent de GE, le groupe Danaher. Un camouflet d’autant plus cinglant que Flannery n’a ménagé ni sa peine ni son audace en un an.

Il a carrément…

Dans la tourmente, General Electric limoge son président

Le président sortant de General Electric (GE), John Flannery, à New York, le 26 juin.

Nouveau soubresaut chez General Electric (GE) : l’entreprise fondée par Thomas Edison en 1889 a limogé, lundi 1er octobre, son président, John Flannery, quatorze mois après son arrivée aux commandes, et nommé pour la première fois une personnalité extérieure, Larry Culp, âgé de 55 ans. Surtout, elle a annoncé une provision exceptionnelle de 23 milliards de dollars (20 milliards d’euros) sur ses écarts d’acquisition dans son cœur de métier, l’énergie, aveu à peine déguisé de l’échec que représente l’acquisition du groupe français Alstom, en 2015. Des précisions seront apportées lors des résultats trimestriels de l’entreprise.

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Ce coup de théâtre s’explique par l’incapacité de John Flannery à démanteler rapidement le conglomérat américain, qui était, au tournant du siècle, la première capitalisation boursière mondiale, après avoir été dirigé d’une main de fer, entre 1981 et 2001, par Jack Welch. Celui-ci avait pour tactique de sabrer dans les coûts et de restructurer radicalement les activités. Il s’était engagé dans une politique financière en créant GE Capital. L’entreprise, qui valait 600 milliards de dollars en l’an 2000, n’en vaut plus désormais que 100.

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La descente aux enfers a commencé sous le règne de Jeffrey Immelt, qui a multiplié les erreurs. Lorsque la crise financière a éclaté, GE a failli sombrer avec GE Capital. L’entreprise a alors amorcé un désengagement, misant sur le fait que son développement industriel lui permettrait de conserver le même niveau de cash-flow (flux de trésorerie) et de dividendes. Il n’en a rien été.

L’erreur stratégique majeure a été le rachat d’Alstom en 2015, pour 12 milliards d’euros

Sur le plan industriel, M. Immelt a embauché des dizaines de milliers de programmeurs pour développer les logiciels des produits qu’il fabriquait. Les résultats ont été au rendez-vous dans deux secteurs-clés, les moteurs d’avion et l’équipement médical. Mais c’est sur le cœur de métier de l’entreprise, les turbines électriques, que les choses se sont gâtées.

L’erreur stratégique majeure a été le rachat d’Alstom en 2015, pour 12 milliards d’euros, alors que le marché du gaz était au plus haut. La réalisation de l’acquisition a été ralentie par les autorités de la concurrence et les exigences françaises. « Quand l’Union européenne a retardé l’accord, GE aurait dû abandonner l’affaire. Mais l’erreur fatale a été commise après », accuse Scott Davis, analyste chez Melius Research, cité par le Wall Street Journal (WSJ) : selon lui, une fois l’accord conclu, au lieu d’augmenter les prix, GE a décidé de se lancer dans une guerre commerciale contre Siemens pour lui ravir des parts de marché.

Série noire

Le marché des turbines à gaz est resté mauvais, avec une concurrence persistante du charbon et l’émergence des renouvelables. Pendant des années, les dirigeants de GE ont nié la réalité, tel Jeffrey Immelt, qui déclarait, en mai 2017, à propos de General Electric : « C’est une entreprise forte, très forte », et déplorait « une déconnexion » avec le marché boursier.

Pour le WSJ, il y avait bien déconnexion, mais pas dans le sens attendu : un an plus tard, l’action valait deux fois moins. Sous la pression du fonds activiste Trian Fund Management, l’entreprise s’est affaiblie en multipliant les rachats d’actions, à hauteur de 30 milliards sur trois ans jusqu’en 2017, au prix moyen de 30 dollars. Un investissement désastreux (l’action vaut aujourd’hui 12 dollars), qui a privé l’entreprise du cash nécessaire.

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Jeffrey Immelt a été poussé vers la sortie en août 2017, mais la série noire s’est poursuivie sous la direction de John Flannery. Certes, des décisions draconiennes ont rapidement été prises : division par deux du dividende (ce qui n’était arrivé qu’une fois depuis la grande dépression de 1929) ; réduction du conseil d’administration de 18 à 12 membres avec un fort renouvellement ; décision de vendre les 62,5 % détenus dans l’entreprise de services pétroliers Baker Hughes (37 milliards de dollars de capitalisation), ainsi que les locomotives, pour 11 milliards de dollars, et d’introduire en Bourse les activités médicales, pour se concentrer sur deux secteurs – l’énergie et les moteurs d’avion.

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Mais la litanie des mauvaises nouvelles n’a pas cessé : trou de 15 milliards dans ses anciennes activités d’assurance et humiliation à Wall Street avec l’éviction, en juin 2018, du titre de l’indice Dow Jones après plus de cent ans de présence. Sans parler du retour des problèmes dans l’énergie, avec moins d’accords de maintenance de turbines que prévu et surtout l’arrêt en catastrophe de nouvelles turbines frappées d’un défaut de construction.

Le conseil d’administration a perdu patience, avec un cours de Bourse divisé par deux en un an. Il a jugé que M. Flannery ne mettait pas en œuvre avec assez de célérité et de force le plan de démantèlement. Il a contacté le nouvel administrateur indépendant, Larry Culp, qui, de 2000 à 2014, a réussi à multiplier par cinq la valeur de Danaher, le conglomérat qu’il dirigeait, alors que la Bourse ne faisait que doubler. Wall Street s’est remise à rêver, provoquant l’envolée du titre GE de 7 %. Mais, en l’absence de conférence de presse et de présentation aux analystes, d’aucuns redoutent des mauvaises surprises.

En Allemagne, une femme sur deux travaille à temps partiel

Des salariées de Playmobil, à Dietenhofen (Bavière), en 2008.

Dans l’Allemagne du quasi-plein-emploi (5,2 % de chômage), les femmes sont devenues des recrues très courtisées. Corollaire du développement spectaculaire de la population active, le taux d’activité des femmes, outre-Rhin, est le troisième le plus élevé de l’Union européenne (UE). En 2017, 18,4 millions de femmes âgées de 20 à 64 ans avaient un travail, soit 75,2 % de cette classe d’âge, contre 66,7 % en France. Seules la Suède (79,8 %) et la Lituanie (75,5 %) font mieux. En une décennie, le taux d’activité féminine a fortement progressé (66,7 % en 2007), même s’il reste inférieur à celui des hommes (83,1 %).

« La participation des femmes au marché du travail a considérablement augmenté, et s’est rapprochée de celle des hommes, explique Susanne Wanger, de l’IAB, le centre de recherche de l’agence allemande pour l’emploi. Mais cette participation accrue s’est principalement faite grâce au temps partiel, qui concerne une femme sur deux. » Cela recouvre aussi bien les emplois réguliers à mi-temps que les minijobs, ces emplois précaires à 450 euros, non imposés, créés en 2005. Conséquence, le volume de travail féminin total n’a augmenté que de 4,5 % entre 1995 et 2014.

Interruption de carrière après la naissance d’un enfant

Les femmes allemandes interrompent généralement leur carrière à la naissance d’un enfant, puis ne le reprennent qu’à temps partiel une fois que ce dernier est entré en maternelle. Cet effet est moins marqué à l’Est, où le modèle de la mère travaillant à temps plein, encouragé à l’époque par le régime communiste, reste dominant. Les structures de gardes pour la petite enfance y sont très développées. Ces différences ont toutefois tendance à s’estomper, notamment sous l’effet d’un programme de développement des crèches sous le premier gouvernement Merkel (2009-2013). Les mesures pour faciliter le retour des femmes au travail après la naissance d’un enfant ont par ailleurs été encouragées par le patronat…

Emploi en Europe : plus diplômées, les femmes restent moins bien payées

Pour l’OCDE, augmenter le taux d’emploi des femmes est essentiel pour assurer le financement de la protection sociale à long terme.

A première vue, le signal est encourageant. En août, le taux de chômage des femmes s’est établi à 8,5 %, contre 9,3 % un an plus tôt, selon les chiffres publiés, lundi 1er octobre, par Eurostat. En moyenne, il est un peu supérieur à celui des hommes (7,8 %). Mais ce n’est pas vrai partout : dans douze des vingt-huit pays membres de l’Union européenne (UE), le taux de chômage féminin est désormais plus bas que celui des hommes. C’est notamment le cas en France (9,1 % contre 9,5 %), en Allemagne (2,9 % contre 3,8 %) et en Belgique (6,4 % contre 6,6 %).

Ce tableau tranche avec la tendance observée avant la crise : dans l’Hexagone, le chômage féminin était plus élevé depuis des décennies. Cela s’est inversé en 2013, comme chez beaucoup de nos voisins. « Il est néanmoins trop tôt pour savoir si cela va durer », remarque Margaret Maruani, sociologue au Centre national de la recherche scientifique. Car cette évolution tient beaucoup à la nature de la récession : nombre d’emplois ont été détruits dans l’industrie, secteur plutôt masculin, tandis que les créations de postes sont aujourd’hui fortes dans le tertiaire, où les femmes sont plus présentes.

Surtout, quel que soit son niveau, le taux de chômage n’apprend rien sur les femmes exclues ou sorties du marché du travail – et donc, non recensées parmi les demandeurs d’emploi. « Ce n’est pas l’indicateur le plus pertinent pour appréhender les inégalités de genre liées au travail, complexes et multifactorielles », souligne Olivier Thévenon, membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Plus elles ont d’enfants, moins les femmes travaillent

Voilà pourquoi les experts préfèrent regarder d’abord le taux d’emploi, mesurant la part des personnes en poste parmi celles en âge de travailler. Dans la zone euro, celui des hommes est supérieur de 11,2 points à celui des femmes (76,6 % contre 65,4 %). Mais cet écart, souvent plus élevé dans le sud…

Suppression de postes, réduction budgétaire : comment préserver l’engagement des fonctionnaires ?

« Selon le baromètre des services publics Odoxa paru en juin, les Français, comme les agents, pensent que l’Hexagone est le pays qui dispose du meilleur service public parmi les grands pays européens »  (L’hôpital Saint-Louis, à Paris).

Emmanuel Macron a promis une réduction de 3 % de la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut (PIB) ainsi que la suppression de cent vingt mille postes dans l’ensemble des trois versants de la fonction publique (d’Etat, hospitalière et territoriale) au cours de son quinquennat. Sur les cinquante mille suppressions annoncées dans le périmètre de l’Etat, mille six cents ont été réalisées cette année, près de quatre mille deux cents sont prévues en 2019 et plus de dix mille en 2020.

65 % des Français ont une bonne opinion des fonctionnaires, soit vingt points de plus que ce qu’imaginent les agents

« Dans le discours ambiant hyper-budgétaire, les fonctionnaires ne sont considérés que comme des variables d’ajustement. Il n’est pas facile d’être motivé dans ces conditions !, explique Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’UFFA (CFDT Fonctions publiques). Le discours politique stigmatise la fonction publique et nous regrettons que le travail des agents soit systématiquement oublié. Un exemple récent est celui des tergiversations sur le prélèvement à la source. Heureusement, si le “fonctionnaire bashing” est présent dans le discours politique, il ne l’est pas dans la population. Les Français sont très attachés à leurs services publics. »

Ainsi, selon le baromètre des services publics Odoxa paru en juin, les Français – comme les agents – pensent que l’Hexagone est le pays qui dispose du meilleur service public parmi les grands pays européens ; 65 % des Français ont une bonne opinion des fonctionnaires, soit vingt points de plus que ce qu’imaginent les agents.

Existence d’une « motivation de service public »

Le sociologue Luc Rouban, spécialiste de la fonction publique et directeur de recherches au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), a passé au crible les motivations des fonctionnaires. « Notre enquête confirme l’existence d’une “motivation de service public”. Certaines personnes choisissent…

De plus en plus de seniors encore en activité

Lors d’un forum sur le chômage des seniors organisé par le Medef, à Paris, en mars.

Bien qu’elle augmente depuis une vingtaine d’années, la part des seniors qui occupent un emploi en France reste inférieure à celle des pays européens. Or, le maintien en activité des travailleurs âgés est un « enjeu crucial », à l’heure où le gouvernement s’apprête à chambouler les régimes de retraite. C’est ce que rappelle un rapport publié, lundi 1er octobre, par France Stratégie, un organisme indépendant rattaché à Matignon. Ce document, très riche, décortique tous les facteurs qui jouent dans l’arrêt – ou la prolongation – d’une vie professionnelle. A partir de ce panorama très complet se dégagent des pistes pour que les personnes mettent un terme à leur carrière dans de bonnes conditions, en disposant d’une réelle « liberté de choix ». Cette problématique, « multidimensionnelle », implique en particulier une mobilisation des entreprises et de tous les acteurs qui concourent à la qualité de vie au travail.

Depuis 2000, le pourcentage des personnes de 55 à 64 ans qui exercent une profession s’est accru rapidement, grâce, tout d’abord, à l’extinction des dispositifs de cessation anticipée d’activité, puis sous l’effet des réformes du système de retraite (notamment celle de 2010 qui a reculé à 62 ans l’âge auquel la pension peut être réclamée).

Fins de carrière influencées

Le taux d’emploi des seniors a progressé plus fortement en France que dans les autres pays de l’Union européenne. Mais ce ratio partait d’un point « plus bas » et se situe, aujourd’hui encore, à un niveau moins élevé que chez nos voisins – en particulier pour les 60-64 ans : 29,4 % de cette tranche d’âge travaille dans l’Hexagone contre 42,5 %, en moyenne, chez les 28 Etats membres de l’UE. Le taux oscille entre 61 % et 68 % en Suisse, en Norvège ainsi qu’en Suède et atteint même 82 % en Islande. Les écarts entre la France et le reste de l’UE sont plus marqués pour les seniors qualifiés.

Globalement, les travailleurs âgés…