Chômage : « Qu’attend le ministère du travail pour arrêter de conserver le trouble entre les inscrits en chômage et ceux qui bossent ? »

Le consultant Jean de Bodman constate, une confusion qui règne dans les statistiques du chômage et suggère que le ministère y mette une bonne organisation.
Y a-t-il un million ou 2,5 millions de sans-emploi longue durée en France ? La question peut avérer imprévue alors que l’Insee a publié mi-février les dernières statistiques du chômage mesuré selon les règles du Bureau international du travail (BIT) [personnes sans emploi, en prospectant activement, et n’ayant pas travaillé récemment]. L’opinion publique a pu retenir de ces chiffres que le chômage a un peu diminués en France, au quatrième trimestre 2018, avec 2,5 millions de sans-emploi et un taux de chômage de 8,8 %.
Mais a-t-on formé aussi la légère réduction du chômage de longue durée – plus d’un an de chômage –, lequel touche actuellement, selon l’Insee, un peu moins d’un million de personnes ? Comment se fait-il alors que deux personnalités éminentes du monde social, Louis Gallois, président de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité) et Eric Pliez, président du Samu social, parlent de « 2,5 millions de personnes au chômage de longue durée », dont le nombre « ne baisse pas » ?
S’il y avait, comme ils le soutiennent, 2,5 millions de sans-emploi longue durée et non un million, cela ferait 1,5 million de chômeurs de plus que ceux que compte l’Insee (4 millions au lieu de 2,5 millions, soit 60 % de plus) et un taux de chômage supérieur à 14 %. Sans doute les deux auteurs, comme beaucoup de commentateurs, ont-ils retenu d’autres chiffres que ceux de l’Insee, la quantité des inscriptions de « chercheurs d’emploi » à Pôle emploi. Ces chiffres émanent du ministère du travail, qui décompte tous les trimestres les personnes inscrites à Pôle emploi, et qui a diffusé à la fin janvier les chiffres du quatrième trimestre 2018.
Un calcul assuré sur différentes références
Le ministère, à la diversité de l’Insee, distingue diverses catégories d’inscrits, les personnes sans emploi (catégorie A), mais aussi les personnes ayant travaillé le mois précédent (catégories B et C) : car il est possible de s’inscrire à Pôle emploi en ayant du travail, soit qu’on veut en transformer, soit que l’on cumule allocation de chômage et emploi. Le total des inscrits de ces trois catégories (A + B + C) dépasse 5,6 millions. Les commentateurs affirment souvent qu’il s’agit du total des chômeurs. Mais si tous étaient « chômeurs » au sens du BIT, le taux de chômage en France serait de l’ordre de 20 %, bien plus du double de ce qu’il est selon l’Insee et le BIT.
Une douche froide, glacée même. Mercredi 20 mars au matin, les 300 salariés d’Arjowiggins qui faisaient le pied de grue devant le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) ont vu leurs représentants ressortir de l’audience la mine sombre. « Ce sera certainement une liquidation judiciaire pour le site de Bessé-sur-Braye », lâche Laurent Trudel, délégué CGT de l’usine concernée dans la Sarthe. « Le tribunal a laissé très peu de chance. Il estime que les prêts de l’acheteur ne sont pas assez garantis », déclare le délégué CGT.
Le 19 mars, les organisations syndicales (CGT, CFDT, CFE-CGC et FO) avaient malgré cela cosigné un avis portant un soutien unanime au spécialiste suédois du papier Lessebo Paper, adhérant « au projet industriel et commercial » qu’elles tranchaient « cohérent et pertinent ».
Le tribunal de commerce ne l’a pas expérimenté ainsi et a mis sa fin en délibéré jusqu’au mardi 26 mars. « L’audience ne s’est pas bien déroulé, réaffirme Thomas Hollande, avocat du cabinet LBBA, qui conseille les salariés. Lessebo Paper a reconnu que son offre ne pouvait pas être considérée par le tribunal car il n’était pas en aptitude d’affirmer la date à laquelle il pourrait disposer des fonds prêtés par les banques suédoises ».
Malgré cela, entre cette assistance et la précédente (6 mars), la somme jugée indispensable pour ce projet de reprise est passée de 65 millions d’euros à 50 millions, également partagée entre le repreneur et les pouvoirs publics (la Banque publique d’investissement et les Régions Pays de la Loire et Centre).
« Un coup de massue »
Lessebo Paper est le seul à avoir énoncé une offre pour les trois usines du papetier Arjowiggins, qui emploient 913 salariés en Sarthe et dans l’Aisne. Il prévoit de maintenir 413 salariés sur 568 à Bessé-sur-Braye (papier recyclé), 210 sur 270 chez les voisins de Saint-Mars-la-Brière (ouate de cellulose), et la totalité des 75 salariés de Greenfield (pâte à papier recyclée), à Château-Thierry (Aisne). Ces deux derniers sites font l’objet d’offres alternatives que le tribunal jugerait acceptables.
Si Lessebo Paper ne parvient pas à rapporter in extremis les garanties financières promises, seul le site de Bessé-sur-Braye serait évalué à une liquidation judiciaire. « On a demandé un ultime report de quinze jours, plaide encore Thomas Hollande, mais les mandataires et administrateurs judiciaires ont dit que c’était trop tard et ont demandé la liquidation d’Arjowiggins à Bessé-sur-Braye. C’est un coup de massue pour les représentants du personnel et leurs conseils. »
Christelle Morançais, présidente (LR) du conseil régional des Pays de la Loire et Sarthoise de naissance, veut encore croire que « rien n’est fait ». Elle a écourté la session du conseil régional pour se consacrer au dossier Arjowiggins, ce vendredi 22 mars. « Il faut à tout prix que le futur repreneur soutient des éléments nouveaux. C’est très urgent, c’est le seul moyen d’être pris en considération. Nous, Etat et Région, on a fait ce qu’il fallait pour l’accompagner. Bessé-sur-Braye, c’est là où il y a le plus de salariés et c’est le territoire le plus isolé. Le bassin d’emploi le plus proche est à 50 minutes en voiture. Vous imaginez le drame social ? », s’inquiète-t-elle.
« On a encore un très faible espoir »
« On a encore un très faible espoir, reprend Laurent Trudel. On est les seuls à faire du papier 100 % réorienté. En France, on consomme chacun 100 kg de papier par an et on ne recycle en moyenne qu’une feuille sur quatre. Il y a encore un potentiel énorme. Si l’usine ferme, il va devoir partir. Ce sera une vie qui change totalement et un village qui meurt. »
Une issue d’autant plus pénible que le précédent actionnaire (Sequana) est soupçonné par les salariés d’avoir ponctionné 12 à 15 millions d’euros dans les comptes de l’usine de Bessé-sur-Braye après la cessation de paiement, prononcée le 15 novembre 2018. Les représentants du personnel ont écrit au procureur de la République pour signaler cette pratique illégale. Leur avocat confirme : « On se réserve la possibilité d’escompter des actions judiciaires à ce sujet. »