Crise des travailleurs de General Electric à Belfort

Crise des travailleurs de General Electric à Belfort

 « Découragés », ayant « perdu le sens » de leur travail, les salariés du site français de General Electric, repris par le groupe américain en 2015 s’alarment pour l’avenir de leur usine. Entre 800 et 1 000 emplois sont tourmentés dans la branche turbines.

L’affiche est parue partout en ville, fin avril, en l’espace d’une nuit. Avec les photos en négatif de deux directeurs de General Electric (GE) Belfort, Catherine Letang et Antoine Peyratout, leurs noms et une double inscription en lettres rouge sang : « Ils vont tuer Belfort. Ils vont supprimer des centaines d’emplois ». Les captivés n’ont pas du tout goûté la publicité offerte par un collectif créé sur Facebook sous la bannière Belfort Resistance. « Ils ont envoyé un courriel en interne pour dire que c’était inadmissible, qu’ils n’allaient pas en rester là », déclare Marius (les prénoms ont été modifiés), magasinier dans la branche Power de GE. Voilà qui ne risque pas d’améliorer les relations sociales dans cette entreprise du Territoire de Belfort (4 300 salariés sur deux sites) – rachetée en totalité par le géant américain en 2015 – où un plan social, latent depuis fin 2017, doit être dévoilé après les élections européennes.

Plus qu’un canal, un séisme : on parle de 800 à 1 000 cessions de postes dans la division gaz. C’est la moitié des effectifs. La direction justifie cette hémorragie par la baisse durable des commandes mondiales. Un rapport contesté par Alexis Sesmat, délégué syndical SUD. « Le marché des turbines à gaz est cyclique, rappelle-t-il. Maintenant, on est en bas de cycle, mais l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit que le gaz sera la première source dans le mix énergétique d’ici vingt ans. » La raison est technique : « S’il faut développer les énergies renouvelables pour diminuer notre empreinte carbone, celles-ci n’apportent pas d’inertie sur le réseau. Elles sont par essence intermittentes. »

GE compte dans le monde deux usines, jumelles, pour ce type de turbines : à Belfort et à Greenville (Caroline du Sud, Etats-Unis). L’une et l’autre sont mesurées à une baisse de charge. Le groupe, qui a déjà transféré outre-Atlantique la fabrication de deux modèles de 50 Hz (une puissance historiquement dévolue à Belfort), est-il en train de mettre en pratique le slogan trumpien « America first » ?

Une atmosphère électrique

Actuellement, chez GE, « on ne sait pas où on va, ajoute Marius. On a perdu le sens de notre travail. Depuis deux ans, la désorganisation est totale. Avant, je connaissais mon plan de travail plusieurs mois à l’avance. Tout était carré. A présent, je bosse au jour le jour. On peut me solliciter de préparer une commande de pièces, puis de tout stopper subitement, sans la moindre justification, pour faire autre chose en urgence. » Il est aux premières loges pour en attester : « Les fournisseurs ont perdu confiance. » L’atmosphère est, quant à elle, électrique. « A la moindre contrariété, il y a des empoignades entre collègues. Ce n’est pas encore arrivé chez nous, mais, sur le site de Chonas-l’Amballan, dans l’Isère, deux travailleurs en sont venus aux mains. » L’un a été licencié.

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LJD

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