La Cité de l’architecture en grève depuis près d’un mois

Piquet de grève devant la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, le 26 janvier.

Sur le parvis du Palais de Chaillot, impossible de les manquer : en grève depuis près d’un mois, des agents de sécurité stationnent devant l’entrée, distribuant des tracts à des touristes étrangers un peu surpris. Vendredi 27 janvier marquait le 27e jour de grève ininterrompue de vingt-quatre des trente-huit agents de sécurité de la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA), dans le 16e arrondissement de Paris. Soutenus par la CFTC et diverses entités de la CGT, les salariés protestent contre une dégradation de leurs conditions de travail.

Ce musée, ouvert en 2007 et accueillant chaque année des centaines de milliers de visiteurs, emploie cent vingt salariés mais externalise un certain nombre de ses fonctions-clés : le nettoyage, l’accueil, la médiation, et surtout les agents de sécurité et de sûreté. Tous les trois ou quatre ans, un appel d’offres remet en jeu le marché public pour chacune de ces missions. Depuis le 1er janvier, c’est l’entreprise Korporate qui s’occupe de la sécurité, en remplacement de Mondial Protection. Sur les cinquante-neuf agents salariés de Mondial Protection, trente-huit ont fait le choix de rester à la CAPA, tandis que les autres ont suivi leur ancien employeur sur d’autres sites.

Mais les conditions de cette passation ont entraîné un préavis de grève avant même le début du contrat : en recevant leurs plannings le 26 décembre – avec cinq jours de retard –, les salariés ont découvert un certain nombre de changements. Les rythmes de travail notamment ont été bouleversés. « J’ai dit que je voulais être à 100 % de jour, on m’a mis 100 % de nuit car j’ai fait quelques dépannages de nuit l’an dernier. J’étais d’accord pour discuter mais on me l’a imposé, s’indigne Hamid Messaoudi, agent en grève. Des gens normalement à l’accueil se retrouvent au musée, alors qu’ils n’en ont pas l’habitude. Ce n’est pas le même métier. Il faut l’accord de l’agent normalement, sinon on devient des polyvalents à notre insu. »

Tentatives d’intimidation

D’autres salariés indiquent une amplitude horaire élargie, ce qui entraîne notamment la suppression des paniers-repas, ou le fait de travailler plus de jours par mois car les vacations sont plus courtes.

Aucune revendication salariale n’est en jeu : les grévistes souhaitent principalement leur maintien sur un site auquel ils sont attachés, avec leurs précédentes conditions de travail. Certains pointent des tentatives d’intimidation de leur nouvel employeur. Ils le soupçonnent de vouloir les faire travailler sur d’autres sites, en ne leur proposant que peu d’heures à la CAPA, ou de les pousser à la démission.

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Transition écologique : « L’industrie ne peut pas se contenter de verdir le monde d’hier, elle doit aussi contribuer à l’invention du monde de demain »

Face à l’urgence des défis écologiques, que peuvent et que doivent faire les industriels ? D’abord, intensifier les efforts d’« éco-efficacité », c’est-à-dire la recherche de méthodes permettant de produire plus et mieux avec moins : moins de matières, d’énergie, de capital, mais aussi moins d’émissions de gaz à effet de serre, de pollutions, d’effets destructeurs sur le vivant.

La tâche est immense. Elle exige, dans certains cas, de véritables ruptures technologiques, comme pour la décarbonation des grands matériaux de base (acier et ciment notamment), qui représentent une part considérable des émissions. Mais on notera que cette tâche est au fond dans la droite ligne de ce que les industriels font et savent faire depuis toujours ; à cette (énorme) différence près qu’il s’agit maintenant d’intégrer dans le calcul d’efficacité toutes sortes d’effets qui étaient traditionnellement rejetés hors du périmètre de ce calcul, et d’agir sur un cycle complet allant des matières premières au recyclage des produits finis.

L’enjeu est de pivoter vers des modèles circulaires en lieu et place des modèles linéaires anciens. Ce défi, loin d’être purement technique, implique de nouveaux critères de mesure des performances, la connaissance fine des flux et de nouvelles formes de coopération entre firmes. C’est un nouveau paysage industriel qu’il s’agit de construire, bien au-delà du seul verdissement des procédés de production.

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Les avancées sur ce front sont déjà substantielles, et les marges de progrès, encore très importantes. Malheureusement, il y a un diable dans la boîte, qui s’appelle « l’effet rebond » : les progrès réalisés au niveau micro de l’offre sont mangés, souvent dépassés, au niveau macro de la demande. Le transport aérien est considérablement plus efficace qu’il y a trente ans, mais la demande a explosé, et l’impact global s’est aggravé. Le besoin d’énergie et de matière pour produire une unité d’éclairage (un lumen) a chuté de manière vertigineuse depuis un siècle. Résultat : on voit nos villes depuis l’espace, le gain a été totalement absorbé par l’augmentation de la consommation. Aucun secteur n’échappe à ce processus. On peut retourner le problème dans tous les sens : si l’on n’agit pas sur la demande en même temps que sur l’offre, la poursuite de l’efficacité revient à courir sur un tapis roulant qui va en marche arrière.

Un cran plus loin

Il n’y a donc pas d’autre choix que de passer par la case sobriété. En précisant tout de suite que celle-ci ne peut pas se limiter à nos consommations individuelles : elle implique surtout de repenser nos modes collectifs d’organisation du temps et de l’espace, et les gaspillages structurels qui en résultent. L’exemple type en est, bien sûr, la dispersion de notre habitat dans de petits lotissements, qui rendent d’innombrables ménages prisonniers de l’automobile. Se dessine ainsi un partage des rôles : l’efficacité technique pour les entreprises ; la sobriété, et les choix de valeur sous-jacents, pour les citoyens-consommateurs et la puissance publique.

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Immigration : le patronat divisé au sujet du titre de séjour métiers en tension

« Il y a longtemps qu’on attend une politique qui s’empare de la question ! » Pascal Mousset est restaurateur. A la tête de plusieurs brasseries chics parisiennes, il estime qu’« entre un tiers et la moitié de [ses] collaborateurs sont étrangers. Et vous ne trouvez pas de plongeurs français. Ils sont maliens, bangladais, pakistanais… »

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Alors, quand le gouvernement a annoncé, en novembre, vouloir faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers en créant un titre de séjour métiers en tension, à l’occasion de la loi « immigration » qui sera présentée en conseil des ministres mercredi 1er février, M. Mousset, également président du Groupement national des indépendants hôtellerie-restauration d’Ile-de-France, s’est dit « extrêmement concerné ». Il affirme avoir soupé de l’« hypocrisie totale » sur le sujet et des « procédures administratives kafkaïennes » pour qu’un salarié obtienne un titre de séjour. « On souhaite faire tourner nos boîtes, c’est tout, martèle-t-il. Et sans ces personnes, nos entreprises ne fonctionnent plus, pas plus que nos hôpitaux, nos maisons de retraite ou le bâtiment. »

« C’est parce qu’on avait des remontées de terrain avec des employeurs souhaitant régulariser leurs salariés qu’on a voulu agir de ce côté-là », assure Sacha Houlié, député (Renaissance) de la Vienne et président de la commission des lois. En 2022, près de 11 000 personnes ont été régularisées au titre de leur activité salariale. « Dans notre secteur [où 200 000 à 300 000 emplois seraient vacants], il y a un consensus sur le sujet », appuie M. Mousset. Le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, le chef cuisinier Thierry Marx, est, lui aussi, favorable à une simplification des régularisations : « Régulariser les gens, c’est un moyen de répondre aux difficultés des métiers en tension, c’est un moteur d’inclusion et de régulation. »

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Un « débat pollué politiquement »

Directeur général de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem), Pierre-Olivier Ruchenstain est l’auteur d’un avis du Conseil économique social et environnemental, en janvier 2022, sur les métiers en tension. Un texte qui, en matière d’immigration, recommande seulement de développer les cours de français ou la reconnaissance des compétences. « On y a été doucement, explique M. Ruchenstain. Les branches professionnelles craignent une polarisation médiatique, car la question migratoire a été deux fois en finale de la présidentielle. » Au titre de la Fepem, il se dit « favorable à la régularisation des salariés ». « Un cinquième de nos salariés sont nés à l’étranger, justifie-t-il. C’est structurel et ça date des années 1960. »

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A Martigues, ces cadres de la CGT qui veulent « amplifier la lutte » et « ruiner » les puissants

Rassemblement de plusieurs organisations syndicales à l’appel de la CGT dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites, sur le site pétrochimique de Lavéra, à Martigues (Bouches-du-Rhône), le 26 janvier 2023.

Les immenses citernes de stockage de pétrole sont en arrière-plan. Les raffineries de Martigues et de Fos-sur-Mer tournent normalement. Mais pour combien de temps ? Les cadres de la CGT des Bouches-du-Rhône ont organisé un meeting devant l’un des ronds-points d’accès à la plate-forme pétrolière de Lavéra, à Martigues, jeudi 26 janvier, pour galvaniser leurs troupes et affirmer leur volonté de durcir le mouvement contre la réforme des retraites du gouvernement. Jusqu’à « bloquer l’économie », si nécessaire, en commençant par les sites critiques de l’économie française.

Après la large journée de mobilisation du 19 janvier et dans l’attente du prochain rendez-vous de la lutte contre la réforme, mardi 31 janvier, la grève a repris ce jeudi un peu partout en France, de façon sporadique, pour vingt-quatre à quarante-huit heures, dans les raffineries, mais aussi les ports et les centrales EDF.

A Lavéra, ils sont plusieurs centaines de militants CGT, la plupart dockers, salariés de l’énergie, de la chimie ou de la pétrochimie, serrés sous le froid et le soleil pour écouter les responsables de la confédération s’exprimer contre une réforme « injuste et injustifiée » et, plus largement, dans des discours très politiques, pour « refuser un modèle de société dont on ne veut pas ».

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« Je suis d’une génération qui n’a connu que les reculs sociaux. Aujourd’hui, il y a quelque chose qui est en train de se passer dans le pays », a affirmé, devant la foule, Renaud Henry, secrétaire général de la filière énergie dans les Bouches-du-Rhône. « On voit que le monde de la finance n’a plus aucune limite, plus aucune honte, a-t-il poursuivi. C’est un capital agressif, c’est un capital qui, si on ne l’arrête pas, nous prendra tout. On va les mettre à genoux parce que sans nous, ils ne sont rien. On est des millions, eux ils sont une poignée. Il faut ancrer la grève de partout. »

Partage des richesses

L’union départementale des Bouches-du-Rhône est réputée figurer parmi les plus revendicatives de la confédération. Le silence se fait quand le patron des dockers de Fos-sur-Mer, Christophe Claret, prend la parole : « Après le confinement, la restriction des libertés, on a eu droit à la guerre, à l’inflation, ce qui se traduit en France par les coups donnés par le gouvernement aux travailleurs et travailleuses du pays. » Les mots d’Elisabeth Borne évoquant la « justice sociale » sont sifflés lorsque s’exprime le chef des dockers : « Honte à vous ! La justice sociale, madame Borne, c’est la retraite à 60 ans avec trente-sept années et demie de cotisation. La justice sociale, c’est la retraite à 55 ans pour les métiers pénibles. La justice sociale, ce sont des services publics de qualité, notamment nos hôpitaux et nos écoles publiques. »

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Quelles sont les régions de France qui recruteront le plus d’ici à 2030 ?

Après s’être penchés sur les métiers les plus porteurs à l’horizon 2030, France Stratégie et le service des statistiques du ministère du travail (Dares) ont dévoilé le 24 janvier leur panorama des régions les plus dynamiques en termes de recrutement dans les prochaines années. En plein débat sur la réforme des retraites, l’étude insiste sur les tensions qui devraient s’accentuer concernant les besoins en main-d’œuvre.

Au niveau national, 5 % des recrutements ne seraient pas spontanément pourvus par les jeunes débutants à l’horizon de 2030. Mais cette situation s’avère contrastée selon les territoires : « C’est au niveau de l’Arc atlantique que les tensions devraient se faire le plus sentir », ont insisté Dorian Roucher, de la Dares, et Cédric Audenis, de France Stratégie, lors de la présentation à la presse du rapport.

L’attractivité de la zone comprise entre la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine crée un cercle vertueux qui alimente les créations d’emploi ; moins de jeunes y commencent leur carrière, tandis que les départs à la retraite y sont supérieurs à la moyenne nationale. Dans une moindre mesure, le bassin méditerranéen connaîtrait la même évolution.

Les fortes spécificités régionales

En revanche, « dans un gros quart nord-est incluant l’Île-de-France, la part des métiers pour lesquels le nombre d’emplois augmenterait serait relativement faible ». Moins densément peuplées, les régions intérieures, ainsi que le Grand Est et les Hauts-de-France connaîtraient des déséquilibres moins marqués en raison de créations d’emplois plus faibles que la moyenne nationale.

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En Île-de-France, sur la décennie à venir, les créations nettes d’emploi augmenteraient de seulement 3 % par rapport à 2019, contre 4 % pour l’ensemble de l’Hexagone. Les départs à la retraite y seraient moins nombreux, tandis que la proportion de jeunes commençant leur carrière demeurerait supérieure à la moyenne hexagonale.

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Toutefois, le territoire devrait connaître des difficultés de recrutement sur certains métiers. Comme partout, les tensions se concentreront sur les professions du soin, les aides à domicile, les ingénieurs… Le panorama dressé par la Dares et France Stratégie met également en valeur les spécificités régionales en termes de recrutement.

La Nouvelle-Aquitaine, première région agricole française

L’Île-de-France se caractérise par le dynamisme des activités de service à forte valeur ajoutée (finance, assurance, juridique…), mais aussi par des recrutements plus élevés qu’ailleurs au niveau des conducteurs de véhicule et des professionnels de la communication. En raison de l’importance de l’industrie de pointe en Auvergne-Rhône-Alpes, les cadres commerciaux, les personnels d’études et de recherche ainsi que les aides-soignants seraient particulièrement recherchés.

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Air Austral : la compagnie réunionnaise reprise par un groupe d’investisseurs locaux

Un Boeing 787 d’Air Austral décolle de Mayotte, en juin 2016.

Le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, à La-Réunion, a homologué, mercredi 25 janvier, le protocole de conciliation qui permet de renflouer la compagnie aérienne réunionnaise Air Austral – 830 salariés et près de 3 000 emplois indirects –, menacée de disparition après la crise sanitaire. « Une étape-clé, a commenté Joseph Bréma, PDG par intérim. La compagnie peut ainsi poursuivre la mise en œuvre de son plan de restructuration visant à assurer la pérennité de ses activités. »

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Longuement débattu entre le conseil régional de La Réunion et l’Etat, qui défendait l’option d’une fusion avec Corsair, ce plan de restructuration passe par une privatisation d’Air Austral et un effacement de 185 millions d’euros de dettes. Un consortium de 27 investisseurs locaux, mené par Michel Deleflie, PDG du groupe de cliniques privées Clinifutur, va prendre les commandes de la compagnie par le biais d’une nouvelle société, Run Air.

Cette entité disposera d’une participation de 55,18 % dans Air Austral. Le reste appartiendra à la Sematra, société d’économie mixte détenue à 73,5 % par la région et actionnaire, jusqu’à présent, de 99 % du capital d’Air Austral. Les actionnaires privés ont répondu à un appel au « patriotisme économique réunionnais » lancé, en novembre 2021, par la présidente du conseil régional Huguette Bello (divers gauche), afin de sauver Air Austral, en s’opposant à la fusion.

Feu vert de la Commission européenne

Le plan de restructuration prévoit l’apport de 30 millions d’euros d’argent frais de la part de ces investisseurs et de 25 millions de la Sematra, dont 15 millions du conseil régional de La Réunion, 5 millions du département et 5 millions de la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion.

Air Austral totalisait 250 millions d’euros de dettes, dont une grande partie de « dettes Covid-19 ». La procédure de conciliation a permis l’effacement de 185 millions, dont 105 millions de dettes bancaires et de prêts garantis par l’Etat. Les remboursements des 65 millions restants devront commencer fin 2024, mais pourront être repoussés, si l’activité n’a pas suffisamment repris. En outre, la Sematra a abandonné 70 millions d’euros de créances. La compagnie aérienne réunionnaise a également bénéficié d’un effacement de 20 % de ses dettes sociales et fiscales.

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Le processus de la privatisation d’Air Austral ainsi que les aides à la restructuration octroyées pour permettre la viabilité de la compagnie ont reçu, le 5 janvier, le feu vert de la Commission européenne. L’Autorité de la concurrence ainsi que la Commission des participations et des transferts (CPT), qui autorise des cessions au privé de biens appartenant au secteur public, ont également donné leur accord.

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« Un monde sans travail » : quand le chômage technologique arrivera…

Le livre. Les hommes connaîtront-ils le même destin que les chevaux ? Dans les années 1980, l’économiste Wassily Leontief (1906-1999) s’intéressa à la disparition des équidés dans les métropoles entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Les voitures et les tracteurs avaient alors évincé les chevaux et leur force de traction. « Une nouvelle technologie, le moteur à combustion, avait réussi à remplacer une créature qui, pendant des millénaires, avait joué un rôle central dans la vie économique », relate le chercheur britannique Daniel Susskind, dans son ouvrage Un monde sans travail (Flammarion, 340 pages, 24 euros)). Pour M. Leontief, le vent technologique qui avait eu raison des chevaux aurait tôt ou tard le même impact sur les humains : les robots et les ordinateurs finiraient par nous retirer notre travail.

La peur de l’automatisation des tâches et de l’innovation suit fidèlement l’histoire du progrès industriel. Elle a toujours été accompagnée de Cassandre, mais aussi, parfois, de figures plus rassurantes, ayant confiance dans les lois économiques du moment. Elles prédisaient que les travailleurs « victimes de la technologie » retrouveraient un emploi. Elles ont souvent eu raison, estime l’auteur.

La donne pourrait toutefois changer dans les décennies qui viennent, à mesure que nous allons quitter l’« âge du travail ». C’est tout le propos de l’essai de M. Susskind. L’économiste explique comment les progrès technologiques actuels et à venir préparent une rupture sans précédent. « Les machines sont de plus en plus puissantes et accaparent des tâches jusqu’ici réservées aux hommes », note-t-il. La place des humains dans le monde du travail ne pourra, dès lors, que se contracter.

Le sens de la vie et du travail

L’intelligence artificielle agit tel un rouleau compresseur dans de nombreux secteurs d’activité. Des machines se révèlent désormais plus fiables que certains spécialistes pour réaliser des diagnostics médicaux, des outils informatiques sont capables de calculer les indemnités à verser dans le secteur de l’assurance, d’autres peuvent rédiger des rapports d’activité. Dans le même temps, des solutions se dotent de véritables capacités relationnelles et d’une aptitude à détecter les émotions humaines.

En conséquence, le « chômage technologique » devrait devenir un phénomène massif. « Dans les cent années qui nous attendent, les progrès technologiques vont nous rendre plus riches que jamais – alors mêmes qu’ils nous entraînent vers un monde où le travail sera une denrée rare », résume l’auteur. M. Susskind appelle donc, dès aujourd’hui, à une réflexion afin de préparer ce « monde d’après ».

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Le nombre de radiations de chômeurs par Pôle emploi a atteint un record fin 2022

L’augmentation des radiations de Pôle emploi pourrait-elle expliquer la forte baisse du nombre de demandeurs d’emploi enregistrée au quatrième trimestre de 2022 ? Selon les chiffres publiés, mercredi 25 janvier, par l’opérateur public et le ministère du travail, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a diminué de 3,6 % sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), soit 114 400 personnes de moins comparé au trimestre précédent.

L’explication d’une partie de cette baisse réside bien dans le nombre exceptionnellement élevé de radiations administratives enregistrées par Pôle emploi. Sur le dernier trimestre de 2022, elles représentent 9,7 % des sorties. Surtout, elles sont en hausse de 10,4 % par rapport au troisième trimestre et le seul mois de novembre a vu s’établir un nouveau record, avec 58 100 personnes radiées, une première depuis le début de ces statistiques, en 1996.

Une radiation administrative est une suspension temporaire de l’inscription, et donc de l’indemnisation, à laquelle procède Pôle emploi lorsqu’une personne inscrite ne répond pas à une convocation, qu’elle ne recherche pas activement un emploi, qu’elle refuse à deux reprises une offre d’emploi ou qu’elle abandonne une formation sans raison.

Un avertissement avant toute radiation

L’opérateur public tient néanmoins à rappeler que la décision de radiation n’est jamais automatique. Elle est toujours précédée d’un avertissement qui laisse plus de dix jours au demandeur d’emploi pour réagir et se justifier. « Ces justifications aboutissent dans une grande majorité de cas à ne pas prononcer de sanction, donc pas de radiation », indique la direction de Pôle emploi, qui précise prendre en compte la situation des inscrits et ne jamais radier « de manière aveugle et automatique ».

« L’évolution du nombre de radiations n’explique pas » la baisse du nombre de demandeurs d’emploi constatée ces derniers trimestres, se défend la direction de Pôle emploi. « Plus de 80 % des radiations sont prononcées pour une durée d’un mois, à l’issue duquel le demandeur d’emploi peut se réinscrire », assure l’opérateur.

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Des contrôles renforcés

Pour autant, l’augmentation des radiations ne vient pas de nulle part. Alors que l’opérateur a mis en place, en septembre 2022, des viviers de chômeurs susceptibles de combler les pénuries de main-d’œuvre dans les métiers en tension, les contrôles se sont par ailleurs intensifiés dans l’année à la demande d’Emmanuel Macron. Pôle emploi devait mener 500 000 contrôles en 2022, contre 420 000 en 2019.

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Chômage : forte baisse du nombre de demandeurs d’emploi

Après une courte stagnation, la baisse du nombre de demandeurs d’emploi a repris son cours. Une nouvelle plus que bienvenue pour le gouvernement, qui, malgré une conjoncture incertaine, a fait du plein-emploi – un taux de chômage autour de 5 % de la population active – l’objectif du quinquennat.

Selon les statistiques diffusées, mercredi 25 janvier, par Pôle emploi et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, qui dépend du ministère du travail, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a connu une nette diminution au quatrième trimestre de 2022, de 3,6 %, pour s’établir à 3,049 millions de personnes sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte) contre 3,164 millions au troisième trimestre. Soit une baisse de 114 000 au quatrième trimestre. Sur un an, les effectifs de cette catégorie, la plus scrutée, ont baissé de 9,3 %, soit 312 000 personnes en moins.

Amélioration du taux d’emploi des séniors

La décrue du quatrième trimestre est bien moins importante si on ajoute les demandeurs d’emploi en activité réduite (catégorie B et C). Ainsi, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B et C) s’élève à 5,394 millions de personnes, en baisse de 0,8 % par rapport au trimestre précédent, mais de 5,1 % sur un an. La barre des 5,4 millions est pour la première fois franchie à la baisse depuis 2014.

Grâce à ce reflux important, les effectifs de la catégorie A n’ont jamais été aussi bas depuis 2011. « Le plein-emploi c’est aussi le bon emploi. Nous poursuivons notre mobilisation », a déclaré le ministre du travail, Olivier Dussopt, sur Twitter, mercredi.

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Toutes les tranches d’âges bénéficient de cette situation favorable, notamment les moins de 25 ans (− 9,8 % sur un an en France métropolitaine), mais aussi, et c’est un des enjeux cruciaux de la réforme des retraites, les séniors. Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A de plus de 50 ans baisse ainsi de 8,9 % sur un an. L’amélioration du taux d’emploi des séniors entamée il y a une vingtaine d’années se poursuit.

Le marché du travail continue donc de résister à la conjoncture économique actuelle. « On est surpris de ces résultats, mais on l’est depuis trois ans maintenant, explique Gilbert Cette, professeur d’économie à la Neoma Business School. On aurait pu s’attendre à ce que la situation se dégrade alors que les perspectives de croissance ne sont pas mirobolantes. »