Lutter contre l’arrêt cardiaque : une formation obligatoire avant la retraite

Droit social. La discussion sur la réforme des retraites porte à nouveau après 2003, 2010 et 2014 sur le maintien dans l’emploi des seniors et dans une recherche d’équilibre des régimes grâce au recul de l’âge minimal de départ à la retraite et à l’augmentation de la durée de cotisation des actifs.

Cet allongement de la vie professionnelle interroge l’état de santé des seniors au travail, les conditions dans lesquelles ils doivent poursuivre leur activité, leurs motivations, et la perception qu’en ont les employeurs dans des contextes d’intensification du travail, de changements rapides des organisations et de compétition accrue entre les entreprises.

Or l’employeur est responsable devant la loi de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés. En application des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, il doit prendre les mesures nécessaires. Il est tenu à une obligation de sécurité, même dans un contexte de vieillissement de l’effectif, qui conduit mécaniquement à l’augmentation des situations d’aptitude restreinte ou d’inaptitude, tout comme à la raréfaction des postes « doux » de reclassement qui en résulte tout aussi nécessairement.

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L’obligation de l’employeur dépasse l’entreprise et le cadre temporel de la carrière professionnelle. Il existe ainsi une visite médicale avant le départ à la retraite obligatoire pour les salariés exposés à certains risques professionnels ou agents cancérigènes durant leur carrière.

Pendant l’horaire normal de travail

Un autre dispositif figure non pas dans le livre IV « Santé et sécurité au travail » du code du travail, mais parmi les dispositions organisant la fin du contrat de travail pour cause de départ à la retraite, une obligation encore peu connue. On lit à l’article L. 1237-9-1 que « les salariés bénéficient d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite ». Le texte réglementaire de mise en œuvre prévoit que le temps consacré à cette sensibilisation est considéré comme temps de travail et se déroule pendant l’horaire normal de travail.

Ce dispositif, qui a notamment un pendant à l’école pour les élèves, doit, selon la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, assurer « que nul ne quittera le monde de l’entreprise sans avoir suivi cette formation. Il ne s’agit naturellement pas de la dispenser dans les derniers jours de travail du salarié – il pourra l’effectuer bien plus tôt –, mais de toucher le public le plus large possible ».

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L’emploi des seniors : angle mort de la réforme des retraites

Partir à la retraite avant 64 ans « n’est plus négociable » : deux jours avant la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, Elisabeth Borne affirme qu’elle ne reviendra pas sur la mesure phare de son projet de loi. Pourtant, si 75,1 % des 55-59 ans travaillent, seuls 35,5 % des 60-64 ans ont toujours une activité professionnelle.

Est-il judicieux de reporter l’âge légal de départ à la retraite alors que seul un tiers des Français approchant les 64 ans travaille encore ? Quelles sont les difficultés rencontrées par les plus de 45 ans pour s’insérer dans le marché de l’emploi ? Quelles mesures peuvent être prises pour mieux accompagner les seniors en recherche de travail ?

Dans cet épisode de « L’Heure du Monde », Béatrice Madeline, journaliste au Monde, spécialiste des entreprises, fait le point sur l’emploi des seniors en France. Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS au Centre d’études européennes de Sciences Po et auteur de Réformer les retraites, évoque les mesures prises ailleurs en Europe, pour améliorer l’allongement des carrières.

Un épisode de Claire Leys et Marion Bothorel. Réalisation et musiques : Amandine Robillard. Présentation et rédaction en chef : Jean-Guillaume Santi. Dans cet épisode, reportage dans l’antenne lilloise de l’association Force Femmes, interviews de Bruno Palier, extraits d’un journal télévisé de France 24, et de Philippe Martinez, sur France 2, le 18 janvier.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

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A l’Inria, un climat délétère s’est installé à tous les niveaux

Que se passe-t-il dans l’un des plus importants organismes de recherche français, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de celui de l’économie ? Côté face, tout va bien pour ses 4 500 scientifiques répartis sur neuf centres, rémunérés par l’organisme ou ses partenaires. Budget 2023 en hausse de 47 % par rapport à celui de 2018. Des recrutements de chercheurs doublés depuis deux ans. Des partenariats nombreux avec des entreprises françaises comme La Poste, Orange, Atos, Naval Group, Dassault Systèmes. Un rôle central dans divers plans de relance en santé numérique, information quantique, intelligence artificielle…

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Côté pile, le tableau est tout autre. Deux pétitions contre la direction, dont la dernière, lancée le 24 janvier, décrit un « institut malmené par sa direction et [qui] souffre de dysfonctionnements totalement inédits par leur ampleur et leur multiplicité ». Avec des en-têtes cinglants qui résument l’étendue d’un malaise persistant – « science maltraitée », « administration en souffrance », « instances malmenées », « organisation en déshérence » ou encore « institut en péril » –, elle a déjà été signée par plus de 430 personnes en interne, dont environ un quart des chercheurs employés directement par l’Inria.

L’inspection du travail a été saisie pour diverses situations de risques psychosociaux, impliquant des personnels administratifs et, fait plus rare, de recherche. Le médecin du travail coordinateur a démissionné en juin 2022 et n’a toujours pas été remplacé. Un conflit ouvert perdure depuis plusieurs mois entre la direction et l’une des instances indépendantes et paritaires de l’organisme, la commission d’évaluation (CE).

Témoignages anonymes

Cette dichotomie se retrouve dans la vingtaine de témoignages recueillis par Le Monde, dans plus de la moitié des centres Inria. Les tenants des positions les plus opposées se rejettent ainsi de « nuire à l’image de l’organisme ». La plupart refusent de s’exprimer nommément pour ne pas envenimer la situation par de la personnalisation, ou par crainte de représailles internes. « On a la trouille », dit même un représentant du personnel, élu syndical, pourtant « protégé ».

Un des initiateurs de la pétition, en région parisienne, juge « la défiance irréversible avec la direction ». « Quel que soit l’endroit où l’on regarde, rien ne va : politique scientifique, management, organisation, budget… », ajoute-t-il. Et, assez abattu, lâche : « On ne retrouve plus l’Inria qu’on a aimé. » Plusieurs témoins ont indiqué « être prêts à partir s’ils pouvaient ».

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A l’Inria, le budget en hausse relève d’un pari

Un ingénieur et un doctorant de l’équipe EDGE au centre Inria de l’université de Bordeaux, une unité de recherche commune avec le CNRS.

Dans un contexte national où de nombreux laboratoires et chercheurs se plaignent du manque de moyens, la situation est tout autre à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Son budget 2023 a été voté en hausse de 46 % par rapport à celui de 2018, selon la communication de l’institut. Les effectifs sont également en augmentation. Sur le front des embauches, l’embellie se voit, avec « en moyenne 43 scientifiques [engagés] par an sur des postes permanents (titulaires de la fonction publique ou CDI) de 2018 à 2022. Une cinquantaine de postes est prévue pour 2023 », précise l’organisme, qui indique aussi que « l’Inria avait recruté en moyenne 17,5 scientifiques par an sur des postes permanents de 2014 à 2018 ».

Cet effort soutenu se ressent dans les laboratoires. « Avant, on serrait les fesses avec les budgets, maintenant on sort du statu quo. La direction a réussi à convaincre que l’Inria pouvait être une ressource pour des entreprises ou des services de l’Etat… », estime un délégué scientifique de l’organisme. « Il faut saluer ce tour de force réussi sur les recrutements », ajoute Eric Fleury, directeur du centre Inria de Paris.

Nouveaux guichets

Mais quel est le secret de l’organisme pour sortir autant la tête de l’eau ? La réponse est curieuse. De l’aveu même de Bruno Sportisse, son président-directeur général, ce modèle « n’est pas tenable dans la durée », comme il l’a déclaré lors des Journées scientifiques Inria (JSI), le 25 novembre 2022. Explications.

Les recettes d’un organisme public de recherche comme l’Inria proviennent de deux sources principales. D’une part, la subvention pour charges de service public (SCSP) qui, comme son nom l’indique, est apportée directement par l’Etat à son budget. Elle était pour l’institut, selon son rapport d’activité 2021, de 189,7 millions d’euros, soit 72 % du total de ses recettes. Le reste est appelé « ressources propres », qui proviennent d’origines très variées, à hauteur de 74,8 millions d’euros. On y trouve majoritairement des moyens provenant d’appels d’offres (Agence nationale de la recherche, fonds européens…), de prestations de services, de contrats de recherche avec des tiers privés ou publics…

La première enveloppe, la SCSP, augmente au même rythme que celle des autres organismes et assez peu (moins de 10 % depuis 2015). La solution est donc à chercher dans la seconde, et dans les diverses crises qui, depuis 2008, se sont accompagnées de plans de relance tels les plans d’investissement d’avenir ou France 2030. L’Inria, comme les autres organismes, a vu s’ouvrir de nouveaux guichets pour ses équipes. Ainsi, l’organisme émarge au plan sur l’intelligence artificielle (12,7 millions d’euros prévus en 2022), au plan sur la cybersécurité (pour 5,2 millions d’euros), aux aides à l’emploi en recherche et développement décidées pendant la crise sanitaire (9,2 millions)… Au total, le budget initial 2022 prévoyait plus de 116 millions d’euros de recettes propres.

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« Avec ChatGPT et l’irruption de l’intelligence artificielle, la question de la raréfaction du travail et de l’avenir des retraites est relancée »

L’a-t-on assez répété ! La dureté et le sens même du travail sont les grands absents du débat sur les retraites, l’angle mort de la réforme du gouvernement repoussant l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ans. Rejeté par les syndicats, encore unis dans la rue mardi 31 janvier, ce report brutal de deux ans traduit bien la volonté du président de la République, Emmanuel Macron, de voir les Français « travailler davantage », le mot d’ordre du second quinquennat ; mais il contredit la triste expérience d’hommes et de femmes vivant une fin de carrière entre chômage et aides sociales, loin de l’emploi.

Société salariale et Etat-providence sont indissolublement liés depuis près d’un siècle. Le financement des retraites repose sur une économie où le travail est central et abondant. Echafauder des scénarios de rupture n’entre pas dans les missions du Conseil d’orientation des retraites : ses dernières projections, publiées en septembre 2022, s’appuient sur des hypothèses de taux de chômage que la France a connus ces cinquante dernières années, excluant tout décrochage structurel de l’emploi à l’horizon 2050-2070. Et si ce socle venait à être miné par une raréfaction du travail sous l’effet des dernières avancées technologiques ?

La question est relancée par l’irruption récente et fracassante de l’intelligence artificielle (IA) dans la vie quotidienne. Dans Un monde sans travail (Flammarion, 432 pages, 24 euros), l’économiste Daniel Susskind, professeur à Oxford, explore les retombées potentielles sur l’emploi de ces vertigineux outils, désormais dotés de facultés cognitives, de talents créatifs et parfois même de réactions émotionnelles, sans être pour autant des copies du système neuronal du cerveau humain.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Un monde sans travail » : quand le chômage technologique arrivera…

Le spectre des machines tueuses d’emplois réapparaît régulièrement depuis le mouvement des luddites anglais, au début du XIXe siècle, briseurs de métiers à tisser par peur de perdre leur gagne-pain d’artisans. En 1930, au début de la Grande Dépression, l’économiste John Maynard Keynes analysait déjà le « chômage technologique ». Il le considérait alors comme un mal nécessaire entre deux bouleversements du système productif, tout en prédisant que les gains de productivité permis par les avancées techniques conduiraient un siècle plus tard à un « âge des loisirs et de l’abondance », où l’on ne travaillerait plus que quinze heures par semaine.

« Chômage technologique »

La vieille rengaine malthusienne que voilà !, s’époumonent encore aujourd’hui les opposants à cette vision utopique, confortés par trois cents ans d’histoire économique. Depuis le XVIIIe siècle, chaque progrès (machine à vapeur, électricité, informatique…) s’est traduit par la création de nouveaux secteurs pourvoyeurs d’emplois. Ils ont entraîné une division par deux de la durée du travail dans les pays industrialisés. Le nombre d’actifs n’a pourtant pas cessé de grossir, y compris dans les pays les plus productifs. « Rien ne garantit que cela se reproduira dans les décennies qui nous attendent », avance Susskind.

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Représentants des salariés et dirigeants ne partagent pas la même conception du dialogue social

Manifestation intersyndicale contre le projet de réforme des retraites entre la place de la République et la place de la Nation, le 19 janvier, à Paris.

En cette période de profonde transformation du monde du travail, « comment se porte le dialogue social en France ? » Alors qu’ont resurgi les conflits sur les augmentations de salaire et que les syndicats appellent à une deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, mardi 31 janvier, c’est la question posée par le cabinet d’expertise Syndex, spécialisé dans le conseil aux représentants des salariés.

Réalisée en partenariat avec l’IFOP, l’enquête a été menée à l’automne 2022 auprès de 917 représentants du personnel, 1 308 salariés et 410 chefs d’entreprises et DRH, dans des entreprises de 50 à plus de 5 000 salariés.

Les réponses, publiées lundi 30 janvier dans le 5e baromètre du dialogue social, montrent un vrai décalage de perception sur la qualité du dialogue social des deux côtés de la table des négociations : quand chefs d’entreprises et DRH l’estiment de bonne tenue (le notant 7,8/10), les salariés et leurs représentants lui donnent tout juste la moyenne (lui attribuant respectivement 5,7/10 et 5/10).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Bilan des comités sociaux et économiques : comment le dialogue social s’est fragilisé

Cinq ans après la fusion des trois instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en une seule, le comité social et économique (CSE), les représentants du personnel soulignent toujours le manque de moyens face à une charge de travail alourdie. « Ils nous ont enlevé des moyens, 30 heures pour trente-six sites, c’est compliqué. [Pour] le changement de mutuelle, il faut se mettre dans le dossier à fond, on n’a pas d’heures prévues en plus », constate l’élu d’une très grande entreprise de la logistique, cité par l’étude.

Face à l’inflation, la question du pouvoir d’achat et des rémunérations a retrouvé une place centrale pour les élus

Ce manque de moyens est, pour eux, un frein dans la communication avec les salariés, qu’ils estiment trop « descendante », avec une difficulté soulignée de trouver le temps d’aller « sur le terrain ». Or la « proximité avec les salariés » est justement, pour 70 % d’entre eux, l’élément qui contribue le plus à la qualité du dialogue social. Quand pour les dirigeants, celle-ci réside d’abord dans le « respect de la législation » (pour 74 % d’entre eux).

Seul un dirigeant sur cinq considère par ailleurs qu’il faudrait renforcer le poids des avis du CSE, quand c’est au contraire la priorité de quatre représentants du personnel sur cinq.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « La démocratie doit se développer dans l’entreprise en renforçant la participation directe des travailleurs »

Si tous continuent de faire des conditions de travail et des risques psychosociaux la mission prioritaire du CSE, la question du pouvoir d’achat et des rémunérations a, face à l’inflation, retrouvé une place centrale pour les élus : 81 % en font une priorité des sujets à traiter en CSE, contre 45 % seulement des dirigeants.

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Philips annonce la suppression de 6 000 emplois après le rappel de respirateurs

Le groupe néerlandais Philips a annoncé, lundi 30 janvier, la suppression d’ici 2025 de 6 000 emplois, après des pertes liées à un rappel d’appareils respiratoires pour l’apnée du sommeil défectueux qui le plombe depuis des mois.

Cette nouvelle réduction d’effectif, « difficile mais nécessaire », s’ajoute à la suppression de 5 % de ses effectifs, soit 4 000 emplois, annoncée par le groupe en octobre, a précisé le PDG de Philips, Roy Jakobs.

Lire aussi : Rappel de respirateurs Philips : ouverture d’une enquête préliminaire

La moitié des suppressions d’emplois seront effectuées cette année, a précisé la société néerlandaise de technologie de la santé, ajoutant que l’autre moitié sera réalisée d’ici 2025. L’entreprise fait face aux retombées du rappel de millions de ventilateurs utilisés pour traiter l’apnée du sommeil, à cause de soupçons de toxicité de la mousse utilisée dans ces appareils. Ce rappel a fait chuter de 70 % sa valeur boursière.

La réduction des effectifs devrait permettre de dégager une marge d’Ebita (earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization, en français « bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements ») d’environ 10-14 % (« low teens ») d’ici 2025, et d’environ 15-19 % (« mid to high teens ») au-delà, avec une croissance à un chiffre des ventes à périmètre comparable, a souligné Philips.

Le Monde avec AFP et Reuters

L’argot de bureau : le « pitch », quand la forme touche le fond

« Notre idée de start-up est simple, c’est la Wonderbox de la danse exotique pour les mères célibataires. Nous avons déjà remporté le concours Inno’startup de Choisy-le-Roi avec ce projet. » Cette présentation de start-up fictive nous vient de « Pitch French Tech », un formidable outil qui génère automatiquement des présentations d’entreprises alambiquées, ou « pitchs ». Bien orchestré, un « pitch » peut-être la quintessence, l’étape ultime du discours officiel parfois « charabiesque » de l’entreprise.

Dans une économie de l’attention où les ingénieurs de Google situent notre capacité de concentration au niveau de celle d’un poisson rouge (environ neuf secondes), le pitch est une présentation très courte qui a pour objectif de susciter l’intérêt de celui qui l’écoute. C’est un topo, un résumé qui va droit au but, certes, mais en sachant manier le verbe. Comme disait le poète Nicolas Boileau (1636-1711), « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » (Chant I, L’Art poétique).

En start-up, le pitch, entre cinq et dix minutes, présente donc le projet à des investisseurs. L’« elevator pitch » – ou « argumentaire éclair », ou « discours d’ascenseur », car on doit convaincre dans le temps d’un trajet en ascenseur – n’a même plus le temps d’être joli, puisqu’il dure moins d’une minute. Ainsi, il se contentera de comporter tous les éléments suivants : à quel problème l’entreprise répond (avec un chiffre concret pour décrire ce problème), quels sont la solution, le produit, la taille du marché, le business model, les concurrents et les projections financières.

En ressources humaines, il est fréquent que l’on demande à un candidat à l’embauche de « pitcher » son parcours, quand on lui demande de se présenter : on attend de lui qu’il raconte une histoire rythmée, et non son CV que l’on connaît déjà, en cinq minutes. Il enjolivera par exemple certaines anecdotes surgies de son passé, y appliquera un vernis sur ses rêves d’enfant ou une citation arrogante – comme celle que vous avez pu trouver deux paragraphes plus haut.

Dans le milieu du cinéma

On retrouve aussi ce terme dans le milieu du cinéma : comme dans le monde de l’entreprise, le résumé d’un film en trois lignes peut sceller son destin, ou rappeler au scénariste qu’il est encore temps de faire demi-tour, devant la non-originalité ou le côté sans queue ni tête du résultat. A ce sujet, n’hésitez pas à consulter l’excellent « générateur de film avec Christian Clavier », qui génère des scénarios fictifs de comédies françaises.

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Dominique Méda : « Rendre le travail soutenable est un préalable indispensable à toute réforme des retraites »

La puissance des réactions suscitées par la réforme des retraites ne s’explique pas seulement par la brutalité des mesures annoncées. Cette séquence jette soudainement une lumière crue sur une situation restée jusqu’alors relativement taboue : l’ampleur de la crise du travail en France. En effet, alors que de nombreux responsables politiques appellent à vénérer la « valeur travail », les Français sont à la peine. Le travail est devenu pour un grand nombre d’entre eux insupportable et même, au sens propre du terme, insoutenable.

Cette situation est pourtant depuis longtemps bien documentée, à la fois par les remarquables séries des enquêtes « Conditions de travail » menées en France par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, et, en Europe, par Eurofound, ainsi que par les travaux des chercheurs en sciences humaines et sociales. S’y intéresser de près aurait sans doute permis au gouvernement de comprendre qu’allonger le temps passé au travail avant d’améliorer les conditions d’exercice du travail ne pouvait être vécu que comme une véritable provocation.

Selon la vague 2016 de l’enquête sur les conditions de travail exploitée par l’économiste Thomas Coutrot, le travail contribue au bien-être psychologique pour un tiers des personnes interrogées, mais au mal-être pour plus de la moitié d’entre elles. Quant à la toute dernière vague de l’enquête d’Eurofound, passée en 2021 auprès de plus de 70 000 Européens de 36 pays, elle révèle d’autant plus la situation très préoccupante des conditions de travail en France qu’elle s’appuie sur des comparaisons européennes – celles-là même que les gouvernements aiment en général convoquer pour justifier une réduction des droits ou des protections existants.

Violence et discriminations

Selon cette enquête, les problèmes de santé touchent une proportion importante de la main-d’œuvre européenne. Des douleurs aux membres supérieurs sont ainsi signalées par 57 % des travailleurs, suivies de maux de dos (54 %), de maux de tête (51 %) et d’anxiété (30 %). L’épuisement physique est signalé par 23 % des personnes interrogées, les maladies chroniques par 20 % et l’épuisement physique et émotionnel combiné par 13 %. Près d’un quart des travailleurs en Europe sont exposés au risque de dépression.

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Mais la France occupe dans ce paysage une position particulière : elle apparaît très mal placée et même en queue de peloton dans de nombreuses catégories, notamment les contraintes dans le travail. Pour plus de 43 % des Français, leur emploi implique toujours ou souvent de déplacer des charges lourdes (contre moins de 30 % aux Pays-Bas et 35 % en Europe). Pour plus de 57 % il implique des positions douloureuses ou fatigantes, contre 43 % en Allemagne et 50 % en Europe. Ces résultats récurrents rendent d’autant plus incompréhensible la décision prise par le gouvernement d’Emmanuel Macron en 2017 de supprimer quatre des dix critères de pénibilité – dont le port de charges lourdes et les postures pénibles – au motif que le seuil d’exposition serait inquantifiable.

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Enedis : cinq militants CGT condamnés à des amendes avec sursis pour des dégradations lors d’un conflit social

Ils avaient comparu vendredi 20 janvier devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir, en février 2022, dégonflé les pneus et dérobé les plaques d’immatriculation de trente-neuf véhicules garés sur le parking du site Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), dans le cadre d’un conflit pour les augmentations de salaire.

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Cinq militants de la CGT, dont quatre salariés d’Enedis, ont été condamnés, vendredi 27 janvier, à une peine de 150 euros d’amende avec sursis pour la dégradation, requalifiée en « légère » des véhicules, et à 500 euros d’amende avec sursis pour s’être introduits sur le site et avoir dérobé les plaques « en réunion ».

Une peine plus clémente que celle requise à l’audience, de deux mois de prison avec sursis. Un certain soulagement a ainsi accueilli l’annonce du jugement vendredi. « Les juges ont parfaitement retenu le caractère revendicatif inscrit dans une lutte pour l’augmentation des salaires. Même s’il y a condamnation au bout, elle est extrêmement légère au regard du montage du dossier initial qu’avaient prévu les directions », s’est félicitée la CGT 93 dans un communiqué sur les réseaux sociaux.

Une action « symbolique »

Les cinq hommes, âgés de 25 à 39 ans, tous techniciens, élus au comité social et économique (CSE) ou permanents syndicaux, avaient en effet reconnu les faits à l’audience tout en expliquant qu’il s’agissait là d’une action « symbolique » dans un contexte où ils ne se sentaient pas entendus par leur direction. « Quand on fait tout dans les règles, on ne voit aucun retour sur nos revendications », avait souligné l’un d’eux.

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« Cette décision est la preuve que lorsqu’on peut expliquer à un tribunal la réalité de ce que vivent les salariés on est écouté », s’est félicité, vendredi, leur avocat, Me Jérôme Borzakian. Lequel avait longuement détaillé à l’audience le malaise de ces salariés face au sentiment de disparition de l’esprit du service public dans le secteur de l’énergie.

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