Les animateurs des écoles parisiennes en grève pour deux semaines contre la « précarisation massive » du secteur

Les personnels d’animation des 620 écoles parisiennes sont appelés à la grève jusqu’au 21 novembre pour demander à la Ville de Paris le recrutement de milliers de titulaires compte tenu de la « précarisation massive » du secteur, où « les conditions d’accueil des enfants se dégradent ».

Quelque 200 écoles selon les syndicats, 119 selon la Mairie, ont dû fermer leur cantine lundi 10 novembre. Plusieurs centaines d’autres établissements ont fonctionné avec un taux d’encadrement « encore plus détérioré que d’habitude » sur le temps périscolaire, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Nicolas Léger, cosecrétaire général du Supap-FSU qui appelle à la grève aux côtés de la CFDT et de la CGT.

La Ville de Paris a précisé avoir comptabilisé 537 grévistes. « C’est la première fois que les personnels de l’animation, régulièrement en lutte depuis deux ans, sont appelés à une grève aussi longue », a expliqué le syndicaliste, ajoutant que le préavis « pourrait être étendu jusqu’au 31 décembre et renouvelable en 2026 » si la municipalité, dirigée par Anne Hidalgo (Parti socialiste), « ne bouge pas ».

Au cœur des revendications : des recrutements massifs de titulaires dans un secteur qui compte seulement 2 500 adjoints d’animation et 1 000 animateurs contractuels, contre 8 500 vacataires au statut précaire. « Des milliers de vacataires sont souvent embauchés illégalement sur des postes permanents », dénonce l’intersyndicale dans un communiqué.

Précarité et manque de personnel

La Mairie de Paris met en avant un protocole signé par l’UNSA, mis en place en septembre, qui prévoit une « valorisation des métiers et de la filière de l’animation », avec une revalorisation de la prime des « responsables éducatifs ville (REV) » et des animateurs lecture. Mais ces mesures, tout comme le plan de « déprécarisation » engagé il y a trois ans par la Ville, restent loin du compte et la Mairie « peine de plus en plus à recruter », sur fond de formations « insuffisantes », répond le Supap-FSU.

« Tous les jours, des postes ne sont pas pourvus, les équipes travaillent à flux tendu, elles sont épuisées et les conditions d’accueil des enfants se dégradent », déplore Nicolas Léger. Les syndicats pointent des difficultés pour l’inclusion des enfants « à besoin éducatif particulier », notamment handicapés, et réclament du personnel spécifique pour le change des enfants en maternelle.

Cinq animateurs d’école maternelle du 11e arrondissement ont été suspendus cette année pour soupçons de « faits à caractère sexuel », dont une agression. Sur les trente suspensions d’animateurs décidées en 2025 à Paris, seize l’ont été pour des « suspicions de faits à caractère sexuel, un chiffre stable par rapport à 2024 et 2023 », a précisé la Mairie.

« Nous demandons que l’ensemble des animateurs, y compris les vacataires, soient formés à la prévention des violences sexistes et sexuelles, et pas seulement les REV, comme c’est le cas aujourd’hui », a commenté le syndicaliste.

Le Monde avec AFP

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Santé mentale et fonction publique : accompagner malgré tabous et déni

Un usager dans la salle d'attente de la plateforme de réhabilitation professionnelle, au CHU de Montpellier, le 22 octobre 2025.

Deux tentatives de suicide, plusieurs hospitalisations, des reprises au travail difficiles… A 61 ans, Ghislaine (les témoins de cet article ont souhaité rester anonymes), cadre administrative dans l’enseignement supérieur, est toujours en emploi malgré une bipolarité diagnostiquée depuis dix ans. « J’ai le sentiment que mes conditions de travail mettent ma santé en danger », confie celle qui bénéficie d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Pourtant longtemps soutenue par sa hiérarchie et la médecine du travail, Ghislaine se sent aujourd’hui livrée à elle-même. « Le médecin a préconisé un temps partiel, mais, comme les tâches s’amoncellent, ma nouvelle RH le refuse et ma direction me confie toujours plus de missions. » Le témoignage de Ghislaine illustre la difficulté de la fonction publique à accompagner les personnes porteuses d’un handicap psychique. La tâche est immense. Treize millions de Français sont concernés par un trouble psychique sévère : dépression, schizophrénie, bipolarité, troubles du stress post-traumatique ou alimentaires.

Tabous et stigmatisés, les troubles psychiques contraignent à osciller entre surcompensation et découragement. Alain, 50 ans, agent administratif dans une grande métropole, et vivant avec une schizophrénie, confie ne jamais parler de sa pathologie à ses collègues : « Dans l’imaginaire collectif, elle est synonyme de comportements violents. » Selon le baromètre IFOP-Agefiph 2025, un tiers des salariés disent n’être « pas prêts » à travailler avec une personne présentant une maladie mentale, et seulement 16 % des dirigeants jugent son intégration « facile ».

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Inégalités salariales : à partir de 11 h 31, lundi, les femmes travaillent « gratuitement »

Dans un laboratoire pharmaceutique d’OSE Immunotherapeutics, à Nantes, le 31 mars 2021.

C’est un symbole de l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes en France : à partir de 11 h 31, lundi 10 novembre, les femmes travaillent « gratuitement », et jusqu’à la fin de l’année, selon la lettre d’information féministe Les Glorieuses, qui alerte tous les ans sur cette date.

Les Glorieuses ont calculé cette heure et cette date à l’aide de statistiques sur les écarts de salaires entre les femmes et les hommes en France. A temps de travail identique, les femmes gagnent en moyenne 14,2 % de moins que les hommes, selon les dernières données disponibles de l’Institut national de la statistique (Insee), qui portent sur 2023.

Pour Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter, « il faut encore un coup de pouce pour accélérer dans la lutte pour l’égalité salariale ». Depuis 2016, l’écart salarial entre femmes et hommes s’est réduit de 15,1 à 14,2 %, soit de 0,9 point. « A ce rythme-là, on atteindra l’égalité en 2167 », soit dans 142 ans, alerte-t-elle.

Un « non-sujet » en Islande ou en Suède

Pour accélérer le mouvement, Les Glorieuses demandent une revalorisation des salaires des professions où les femmes sont les plus nombreuses et plaident pour un congé post-naissance équivalent pour les deux parents.

Elles souhaitent également que l’accès des entreprises aux marchés publics et l’obtention de subventions soient conditionnés au respect de l’égalité salariale. Une mesure qui « permettrait de garantir que les fonds publics ne creusent plus les inégalités ».

Les Glorieuses espèrent également que la transparence salariale, qui s’imposera dès l’an prochain, via la transposition d’une directive européenne, permettra de faire une différence.

« Les pays comme l’Islande et la Suède, où les écarts de salaires sont devenus un non-sujet, ont mis en place la transparence salariale depuis des dizaines d’années », souligne Rebecca Amsellem. « Cela va notamment aider les femmes à négocier leurs salaires », explique-t-elle.

Le Monde avec AFP

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Bastien, 26 ans, agriculteur-éleveur, 2 000 euros par mois : « Les 35 heures, je les fais en moins de trois jours »

Je gagne environ 2 000 euros net par mois. Je n’ai pas de salaire, mais une société individuelle grâce à laquelle je prends un peu d’argent quand j’en ai besoin. Je suis agriculteur-éleveur. Je fais de la pension de génisses dans une ferme de 40 hectares et j’exploite un élevage de 800 poules à Saint-Eustache, en Haute-Savoie. Je suis également prestataire agricole, c’est-à-dire que je vends ma force de travail aux agriculteurs locaux lorsqu’ils en expriment le besoin, notamment pour le pressage des foins et l’épandage de lisier. Je ne compte jamais mes heures.

Je suis né en avril 1999, à Annecy, mais j’ai grandi à Saint-Eustache, sur les hauteurs, avec vue sur la capitale départementale et son lac. J’habitais près de la ferme de mes grands-parents, qui étaient alors agriculteurs. Mon père est gérant d’une petite entreprise industrielle, où ma mère est employée. J’ai un frère aîné et un frère cadet.

Enfants, pour nous rendre à l’école, nous prenions chaque matin un car qui nous déposait devant les établissements scolaires des communes du secteur. Je n’étais pas un mauvais élève, mais je me rappelle avoir beaucoup bavardé en cours. Des fenêtres des salles de classe, j’observais les tracteurs passer. Mon jeu consistait à apercevoir la personne qui conduisait. En fait, je n’aimais pas trop être enfermé.

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Ces jeunes poussés à cumuler plusieurs jobs, entre nécessité et échappatoire : « Je travaille tous les jours sur tous les sujets, même le week-end »

« Je travaille tous les jours de 9 heures à 17 heures. Quand je rentre, je profite. Et une fois que les enfants sont couchés, je recommence à travailler, souvent entre 22 heures et minuit, tous les soirs, et un peu le week-end. » Depuis quatre ans, Emeline Busquet, 28 ans, est assistante de gestion dans un cabinet d’expertise automobile le jour, et effectue des tâches administratives pour des clients, au moyen d’une microentreprise, le soir.

« Ce cumul représente un vrai sacrifice, mais il est devenu indispensable », poursuit-elle, confiant que même en travaillant à temps plein, il est devenu difficile de vivre dignement avec le smic. Son conjoint a arrêté son activité pour s’occuper des enfants, car ils ne pouvaient pas payer les frais de garde, trop élevés. « Il y a le loyer, la voiture… On n’est pas dépensiers, on ne voyage pas, même si on en aurait bien envie », poursuit-elle.

Emeline Busquet est une « slasheuse », terme signifiant qu’elle exerce plusieurs emplois à la fois, séparés par un « slash », soit le symbole « / ». Il a été inventé en 2007 par Marci Alboher, essayiste américaine, dans son best-seller One Person/Multiple Careers (« Une personne/de multiples carrières », Business Plus, non traduit).

De passage à Paris en octobre à l’occasion du salon SME destiné aux indépendants et dirigeants de TPE, elle précise qu’à l’origine « les slasheurs sont des gens qui ont choisi de s’afficher publiquement en tant que tels », fiers de ce mode de vie leur permettant de « mettre à profit d’autres compétences, de manière flexible, à côté de leur emploi principal ». Elle reconnaît toutefois qu’aujourd’hui la part du slashing subi a largement augmenté, en raison des tensions sur le pouvoir d’achat : « Il y a davantage de personnes qui cumulent par nécessité dans cette période d’instabilité économique. Comme le coût de la vie a augmenté, ils cherchent à multiplier les sources de revenus. »

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Cinq coursiers de Frichti requalifiés comme salariés, à quelques jours d’un procès pénal pour travail dissimulé

La devanture d’une boutique de la société Frichti, à Paris, en mars 2023.

Une première condamnation pour l’un des grands noms de l’ubérisation. Le conseil de prud’hommes de Paris a reconnu jeudi 6 novembre l’existence d’un contrat de travail en CDI à temps plein entre cinq anciens livreurs à vélo microentrepreneurs et l’entreprise française Frichti. L’infraction de travail dissimulé a aussi été reconnue. Les plaignants recevront en moyenne près de 30 000 euros de dommages et intérêts à ce titre et pour la rupture abusive du contrat, ainsi que des rappels de salaires à temps plein, de congés payés et de frais professionnels. Ces sommes seront versées par l’Agence de garantie des salaires, qui assurait la défense, car la start-up n’existe plus.

Cette décision en appelle d’autres dans les mois à venir, car 233 anciens coursiers ont saisi les prud’hommes entre 2023 et 2025, sur des périodes de travail allant de 2017 à 2023. Frichti, a été rachetée en 2022 par Getir puis par Gorillas, avant que cette dernière soit liquidée, signant l’éclatement de la bulle du « quick commerce », à l’été 2023. En septembre de la même année, la marque a été reprise sous une autre forme juridique par La Belle Vie, qui a conservé une partie des salariés, mais les microentrepreneurs sont eux restés sur le carreau.

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85 % des actifs européens ont une bonne visibilité sur leurs revenus à court terme

Que l’on soit salarié ou indépendant, l’incertitude sur le montant de ses revenus à venir engendre « un impact négatif sur la santé physique et mentale », apprend-on dans l’étude 2024 d’Eurofound, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail en Europe. Les travailleurs concernés sont davantage susceptibles de souffrir de dépression, de stress ou de conflits familiaux liés au travail.

Ce sentiment d’insécurité nourrirait, en outre, l’absentéisme et dissuaderait les actifs concernés d’innover ou de prendre des initiatives. Ce qui n’étonne pas Nicolas Bourgeois, expert RH et rémunération du cabinet PwC, et enseignant à Paris-Dauphine : « Le fait que l’insécurité motive est un mythe. Elle détruit l’engagement, car le mécanisme contribution-rétribution est mis à mal. »

La grande majorité des actifs de l’Union européenne y échappent : dans l’étude Eurofound, 85 % d’entre eux affirment savoir précisément ou approximativement combien ils gagneront durant les trois prochains mois. A l’inverse, 15 % disent qu’ils ne peuvent pas estimer leurs revenus à venir. Les hommes pâtissent davantage de cette incertitude, surtout quand ils sont jeunes : 26 % des travailleurs (contre 21 % des travailleuses) de moins de 24 ans affirment être concernés.

Des écarts importants se constatent par ailleurs entre pays. En Autriche ou Allemagne, plus de 90 % des actifs connaissent précisément ou approximativement le montant de leurs gains futurs. La France occupe une position intermédiaire : 14,2 % des actifs affirment ne disposer d’aucune visibilité. En bas du classement, plus de 25 % des actifs roumains et grecs affirment ignorer ce qu’ils vont gagner dans les trois mois. Se dessine donc une Europe à deux vitesses sur ce critère.

Tendance à l’amélioration

Mais les écarts entre pays tiennent aussi à la part des indépendants dans la population active, car ceux-ci subissent plus d’incertitude que les salariés, relève l’étude Eurofound : « La difficulté à prédire son revenu reste très principalement le sujet des artisans, commerçants, professions libérales, microentrepreneurs. Ils sont environ 4,5 millions en France et représentent 13 % des personnes en emploi. En Italie ou en Grèce, on est plus proche des 20 %-25 % », confirme Nicolas Bourgeois.

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« Le travail entrepreneurial » : le coaching, entre rêve d’autonomie et risque de précarité

La figure de l’entrepreneur, volontiers héroïsée, serait-elle un leurre ? Et l’injonction à « l’entreprise de soi », portée par la pensée néolibérale, une impasse ? La Revue française de socio-économie a souhaité, dans son édition du premier semestre 2025, se pencher sur « les réalités concrètes du travail entrepreneurial », « à rebours des discours normatifs et idéalisés » et, parfois, bien loin des espoirs portés par de nouveaux entrepreneurs.

A travers des enquêtes de terrain menées auprès de populations très variées (cartomanciennes en ligne, entrepreneurs des quartiers prioritaires), la publication propose d’explorer l’envers du décor de l’entrepreneuriat. Des chercheurs en sciences sociales y pointent les activités contraintes, les rapports de pouvoir, l’accès inégal aux ressources et les formes de précarité qui touchent cette catégorie de travailleurs. L’étude menée sur les coachs spécialisés dans les reconversions professionnelles permet, en particulier, de saisir l’ampleur des difficultés rencontrées.

Tout commence par une envie de reconversion. Sensibles aux « discours dominants sur “l’esprit d’entreprendre” », les futurs coachs, majoritairement des femmes très diplômées, vont chercher à quitter un salariat qui ne leur convient plus. Les motifs d’insatisfaction sont nombreux : « L’expérience d’un management dit “toxique”, la frustration, l’ennui ou encore le sentiment d’exercer un métier qui n’a pas de sens », explique Anne Jourdain, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine-PSL. Près de la moitié des coachs qu’elle a rencontrés ont fait l’expérience du burn-out.

« Précarité en col blanc »

L’indépendance apparaît, au contraire, comme un horizon désirable, synonyme d’autonomie et permettant de « se récréer une identité professionnelle positive ». L’idéal est toutefois rarement atteint et la précarité, bien souvent, au rendez-vous. L’autrice évoque ainsi le parcours de Marion, 33 ans, ancienne chasseuse de têtes, qui « ne réalis[e] que 4 000 euros de chiffres d’affaires par an [à ses débuts] ». David, 34 ans, précédemment consultant en organisation, accomplit ses séances de coaching en ligne depuis « sa chambre d’enfance chez ses parents ». « J’ai été surprise (…) par la différence entre la posture et les discours très positifs véhiculés par les jeunes coachs (…) sur les réseaux sociaux et le portrait à l’inverse très noir qu’[ils] dressaient parfois de leur situation en entretien. »

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