« WeWork a été engloutie dans le trou noir des dures réalités capitalistes »

Un espace de partage de bureaux WeWork, à Los Angeles, aux Etats-Unis, le 8 août 2023.

Adam Neumann restera sans doute l’une de ces étoiles filantes qui remplissent la galaxie des start-up américaines depuis une bonne décennie, scintillant de mille feux avant d’être englouties dans le trou noir des dures réalités capitalistes. Début 2019, le fondateur de la société de location d’espaces de travail partagés WeWork était encore à la tête d’une entreprise valorisée 47 milliards de dollars (44 milliards d’euros) ; sa capitalisation a fondu de 99 % en un an et elle ne vaut plus que 57 millions de dollars. Dans quelques jours, assure le Wall Street Journal, elle devrait se placer sous le « chapitre 11 » de la loi sur les faillites, qui permet à une entreprise de se restructurer pour continuer son activité.

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Le dernier coup est venu, mercredi 1er novembre, de l’agence de notation Standard & Poor’s, qui a placé WeWork « aux abois » dans la catégorie « défaut partiel ». Le groupe a en effet annoncé son incapacité à honorer, début octobre puis début novembre, une tranche de paiement des intérêts sur sa dette de 2,9 milliards de dollars.

En août, il avait déjà prévenu la Securities and Exchange Commission, le gendarme boursier américain, qu’« il existe un doute substantiel sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités », remaniant son conseil d’administration pour y faire entrer quatre spécialistes des restructurations financières.

Accumulation de locaux vacants

Créé en 2010 et naguère au firmament des start-up, WeWork avait levé des fonds, notamment auprès de SoftBank, son premier actionnaire. Mais avant de remettre 8 milliards de dollars au pot, en 2019, le groupe japonais avait évincé M. Neumann : l’homme avait vu trop gros et ses frasques comptables avaient effrayé les investisseurs. Le patron fondateur de Softbank, Masayoshi Son, n’en restait pas moins « convaincu que le monde du travail est en train de changer radicalement » et que « WeWork est à l’avant-garde de cette révolution ». Un optimisme inoxydable jusqu’à ce que la crise due au Covid-19 vide les bureaux.

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Le modèle économique de la société, qui dispose de 777 sites dans 39 pays, n’a pas fait ses preuves : signer des baux à long terme, notamment dans des centres d’affaires comme New York, Londres, Paris ou Tokyo, avant de louer les espaces aménagés aux entreprises dans le cadre de contrats flexibles, plus faciles à résilier, expose WeWork au risque d’une accumulation de locaux vacants. Or, le coworking n’a pas séduit autant que les dirigeants de WeWork l’escomptaient. En France, par exemple, il ne concerne que 7 % des actifs, l’écrasante majorité ayant un fort besoin de relations sociales au bureau, indique l’enquête 2023 de l’observatoire Actineo.

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Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles

A Fès, il travaillait dans un hôtel cinq étoiles et servait les touristes, français et chinois pour la plupart. Il était payé 100 dirhams par jour, soit moins de 10 euros. En France, dit-il, il gagnera 100 euros par jour. Alors Imad (les personnes citées par leur seul prénom ont requis l’anonymat) n’hésite pas. Bientôt, il rejoindra une exploitation agricole dans la région de Nîmes, où il récoltera des navets. Ce matin d’octobre, le jeune homme de 34 ans est venu passer une visite médicale dans les locaux marocains de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à Casablanca. Un médecin doit vérifier son aptitude physique avant qu’un visa lui soit remis.

Imad va bientôt partir pour Nîmes, où il récoltera des navets. Ici le 11 octobre 2023, à Casablanca, au Maroc.

A côté de lui, d’autres travailleurs saisonniers défilent. Qui pour emballer des poireaux, qui pour récolter des noisettes, qui pour tailler la vigne, principalement dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Haute-Corse ou encore le Lot-et-Garonne. Bouchra Mazouz, 42 ans, va travailler pendant six mois dans une exploitation viticole près de Montpellier. « C’est la première fois que je pars en Europe », nous confie cette mère de quatre garçons, originaire de Larache, dans le nord du pays. Elle n’a pas dormi depuis trois jours, toute à l’urgence de réunir les documents nécessaires à la validation de sa demande de visa.

Les bureaux de l’OFII sont installés dans des bâtiments qui servaient, avant l’indépendance, de lieu de casernement pour les soldats marocains qui combattaient au côté de la France. Les bidasses ont été remplacés par des travailleurs depuis 1963 et la signature d’un accord de main-d’œuvre entre les deux pays.

Les locaux de l’antenne de l’Office français de l’immigration et de l’intégration à Casablanca (Maroc), le 12 octobre 2023.
Dans le bureau de l’Office français de l’immigration et de l’intégration en charge des dossiers de regroupement familial, à Casablanca, le 12 octobre 2023.

Seuls les étudiants et les titulaires de passeports talents (un titre de séjour destiné aux profils très qualifiés) s’adressent directement au consulat de France. Tous les autres – travailleurs permanents, saisonniers, candidats au regroupement familial – font étape à l’OFII. Casablanca abrite la plus grosse antenne de l’établissement à l’étranger.

« C’est pas les Français qui feraient ce travail »

Depuis la pandémie de Covid-19, les flux de travailleurs saisonniers ont considérablement augmenté. En 2022, près de 17 000 d’entre eux ont ainsi été recrutés au Maroc, contre un peu plus de 8 000 en 2019 et moins de 5 000 en 2013. En 2023, les chiffres devraient tourner autour de 15 000 saisonniers, originaires pour la majorité d’entre eux des régions de Fès-Meknès et de l’Oriental. Parmi eux, 95 % sont des hommes et des ouvriers agricoles, payés au smic de la profession. Dans un contexte d’augmentation des besoins de recrutement, la France – premier producteur agricole européen – recourt plus que jamais à ces migrants temporaires, dont les contrats durent entre trois et six mois maximum. Le restant est employé dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. « Je reçois deux fois plus d’autorisations de travail que je n’ai de créneaux pour déposer les demandes de visas pour cette catégorie de salariés », rapporte Ahmed Chtaibat, le directeur de l’OFII à Casablanca, incapable de satisfaire la demande d’immigration professionnelle qui lui arrive d’employeurs en France, friands d’une main-d’œuvre peu chère et tenue par la promesse d’un titre de séjour. « Le traitement de ces dossiers est loin d’être satisfaisant », poursuit-il.

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Canada : l’entreprise québécoise Groupe TVA licencie près d’un tiers de ses effectifs

Pierre Karl Péladeau, président de Groupe TVA, lors d’un conseil d’administration, à Montréal, le 10 mai 2010.

En proie à de graves difficultés financières, le géant canadien des médias Québecor poursuit sa politique de licenciements. « La situation déficitaire dans laquelle se trouve Groupe TVA n’est tout simplement plus viable », a déclaré, jeudi 2 novembre, Pierre Karl Péladeau, président du groupe et de sa société mère, Québecor, dans un communiqué.

L’entreprise a cumulé un déficit de près de 13 millions de dollars canadiens (8,9 millions d’euros) pour son secteur de télédiffusion, contre un déficit de 1,6 million lors du précédent exercice. La restructuration de ses activités au Québec se traduira par la suppression de 547 emplois et l’arrêt de la production interne de contenus de divertissement. Le groupe avait déjà annoncé la suppression de 140 emplois au début de l’année.

Groupe TVA a également annoncé l’optimisation de son parc immobilier : l’entreprise dit être en « réflexion quant à la prochaine vocation du bâtiment de son siège social ».

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« Concurrence féroce » et « surenchère »

Pour expliquer sa situation, le groupe évoque une diminution « de l’auditoire, des abonnements, des revenus publicitaires », mais aussi la « concurrence féroce et la surenchère » dans le domaine du divertissement et des droits sportifs. « Les plates-formes étrangères affectent également les médias sur le plan de l’information en profitant de leurs contenus journalistiques sans leur payer une juste part », explique l’entreprise.

Depuis le 1er août, Meta − propriétaire de Facebook et d’Instagram − bloque l’accès aux contenus d’actualité de médias sur ses plates-formes, en riposte à une loi relative à l’information en ligne votée en juin par le gouvernement canadien. Inspirée de ce qu’avait fait l’Australie en 2021, la nouvelle loi canadienne vise pour l’instant Google et Meta, et devrait permettre aux entreprises de presse de toucher jusqu’à 230 millions de dollars canadiens (158 millions d’euros), selon Ottawa.

Le gouvernement fédéral souhaite ainsi freiner l’érosion de la presse au Canada au profit des géants du numérique, vers lesquels les revenus publicitaires ont migré depuis ces dernières années.

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Le Monde avec AFP

Au Bangladesh, des ouvriers du textile érigent des barricades pour réclamer des salaires plus élevés

Manifestation d’ouvriers du textile à Dacca, au Bangladesh, mardi 31 octobre 2023.

« Nous voulons un salaire décent. » Après plusieurs jours de manifestations au Bangladesh et des heurts qui ont causé la mort d’au moins deux personnes, des milliers d’ouvriers ont érigé des barricades sur des avenues de la capitale, Dacca, mercredi 1er novembre. Ils réclament des hausses de rémunérations aux usines de textile qui fournissent de grandes marques occidentales.

Selon la police, au moins 5 000 ouvriers du textile ont dressé des barrages routiers dans le quartier de Mirpur dans la capitale. Mais selon un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) sur place, le nombre de manifestants pourrait être nettement plus élevé.

Le commissaire adjoint de la police métropolitaine de Dacca, Omar Faruq, a déclaré qu’« aucune violence » n’avait été signalée mercredi. Cependant, environ 1 500 manifestants ont jeté des pierres sur plusieurs usines de la ville industrielle de Gazipur, a déclaré le chef régional de l’unité de police industrielle, Sarwar Alam. « Nous avons tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les manifestants », a-t-il expliqué.

Usines fournissant Gap, H&M ou encore Levi Strauss

Les ouvriers exigent un salaire mensuel minimum de 23 000 takas (190 euros), soit près de trois fois plus que les 8 300 takas (70 euros) actuels. Sabina B., une couturière de 22 ans, a dit s’être jointe aux manifestations, car elle est lasse de « lutter pour assurer la subsistance » de sa famille. « Comment pouvons-nous passer un mois avec à peine 8 300 takas quand nous devons déjà débourser de 5 000 à 6 000 takas juste pour le loyer d’une maison d’une pièce ? », interroge-t-elle.

Selon les syndicats, les conditions de salaires et de travail sont désastreuses pour une grande part des quatre millions de travailleurs du secteur. Le Bangladesh est l’un des plus grands exportateurs de vêtements au monde, avec une industrie textile forte de quelque 3 500 usines qui fournissent des marques occidentales comme Gap, H&M et Levi Strauss et représentent 85 % des 55 milliards de dollars d’exportations annuelles de ce pays d’Asie du Sud.

« Nous réclamons justice, nous voulons un salaire décent », a déclaré Nurul I., ouvrier du textile âgé de 25 ans, accusant les partisans du parti au pouvoir d’avoir attaqué les manifestants. La police n’a pas pu confirmer une telle attaque. Mais selon le journal Prothom Alo, citant des témoins oculaires, des militants du parti au pouvoir avaient fait usage d’armes à feu. « Les hommes du parti au pouvoir ont attaqué notre peuple hier », a déclaré l’ouvrier. « Les propriétaires [d’usine] ne veulent pas augmenter nos salaires. Devons-nous mourir de faim et d’injustice ? »

De grandes marques, dont Adidas, Hugo Boss, ou encore Puma, ont écrit au début du mois à la première ministre, Sheikh Hasina, ayant « remarqué » que les salaires nets mensuels moyens n’avaient « pas été ajustés depuis 2019 alors que l’inflation a considérablement augmenté au cours de cette période ».

Annonce d’augmentation, sans précision

Selon les syndicats, la colère des ouvriers a explosé quand la puissante association des fabricants a proposé une augmentation de 25 %, ignorant leurs revendications.

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Les manifestations ont commencé au début de la semaine dernière, mais la contestation a tourné à la violence lundi avec le débrayage de dizaines de milliers d’ouvriers à Gazipur où une usine de six étages a été incendiée, entraînant la mort d’un ouvrier. Au moins un deuxième ouvrier a été tué, mortellement blessé dans des heurts opposant la police aux manifestants et décédé alors qu’il était transporté à l’hôpital.

Le gouvernement de Mme Hasina a instauré cette année un comité chargé de fixer un nouveau salaire minimum. Mardi, Faruque Hassan, président de l’Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA), a promis qu’ils augmenteraient le salaire minimum à partir du mois prochain, mais sans préciser le montant de la hausse.

Ces manifestations ouvrières surviennent au moment où le Bangladesh est secoué par de violents rassemblements antigouvernementaux dans plusieurs villes, les partisans des partis d’opposition exigeant la démission de Sheikh Hasina avant les élections prévues à la fin de janvier. Deux militants de l’opposition ont péri dans des circonstances non éclaircies, selon les autorités de Kuliarchar, au nord de Dacca.

Le Monde avec AFP

Fichage à Force ouvrière : une opération « pensée, voulue et organisée » par son ex-leader

 Le secrétaire confédéral du syndicat Force ouvrière, Pascal Pavageau, lors du deuxième jour de la réunion d’été de l’association patronale Medef à Jouy-en-Josas, le 29 août 2018.

Ses dénégations n’ont absolument pas convaincu les magistrats. Mardi 31 octobre, l’ancien secrétaire général de Force ouvrière (FO), Pascal Pavageau, a été condamné par la 17chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris pour avoir entrepris le fichage « clandestin » de 127 cadres de l’organisation, avant son élection, en avril 2018. Une opération de basse police qui avait fait scandale et l’avait forcé à quitter ses fonctions, un peu moins de six mois après avoir pris les commandes de la confédération.

Les motivations de la décision, que Le Monde a pu consulter, sont sobres mais implacables : la collecte « illicite » de données personnelles « a été pensée, voulue et organisée » par l’ex-leader syndical, « de concert » avec celle qui était sa directrice du cabinet et sa compagne au moment de la révélation des faits, Cécile Potters.

Les deux prévenus devront payer une amende, respectivement de 4 000 et de 2 000 euros. Leur complice, Justine Braesch, qui était chef de cabinet de M. Pavageau quand l’affaire a éclaté, a été sanctionnée de la même manière, mais pour un montant inférieur (1 500 euros), sa responsabilité étant « moindre » aux yeux du tribunal.

Lors du procès, qui s’est tenu le 13 septembre, la représentante du parquet, Marion Adam, avait requis des peines plus lourdes : six mois de prison avec sursis à l’encontre de Pascal Pavageau et trois mois d’incarcération avec sursis pour Justine Braesch et Cécile Potters. Partie civile dans le dossier, FO a obtenu, au titre du « préjudice » qu’elle a subi, 1 euro de dommages-intérêts, qui seront payés « solidairement » par les trois prévenus. Ceux-ci devront également verser au syndicat 1 000 euros pour les frais de procédure.

Deux listes de 127 dirigeants du syndicat

Le scandale avait été déballé sur la place publique dans un article du Canard enchaîné publié le 10 octobre 2018. L’hebdomadaire avait mis au grand jour l’existence de deux listes de 127 dirigeants de FO, avec, pour chacun d’eux, des informations diverses – dont certaines relevaient de leur « intimité », comme le souligne le tribunal (orientation sexuelle, état de santé). Les « opinions politiques ou philosophiques » étaient bien souvent mentionnées. Dans certains cas, les appréciations étaient assorties d’injures ou d’accusations (« ordure », « mafieux », « voleur de portefeuille », « détourne des fonds », etc.). Elaborés avant que M. Pavageau soit propulsé à la tête de FO, en avril 2018, ces documents cataloguaient aussi les personnes en fonction de leur proximité avec le secrétaire général et de leur positionnement dans le syndicat. Autant d’éléments recueillis et conservés sans le consentement des intéressés – donc en violation complète avec la loi.

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En Californie, l’intelligence artificielle générative fait revenir les start-up à San Francisco

Hackathon, capital-risqueur, café, tels sont les trois ingrédients magiques qui ont permis à San Francisco (Etats-Unis) de survivre à l’épidémie de Covid-19 et de prétendre au titre de capitale mondiale de l’intelligence artificielle (AI). Les hackathons, réunions créatives de développeurs, se sont en effet multipliés ces derniers mois dans la Silicon Valley. Les capital-risqueurs rouvrent leurs carnets de chèques, surtout lorsqu’ils entendent la sérénade de l’IA. Et les cafés sont remplis de clients passionnés.

Ce n’était pourtant pas gagné. A San Francisco, cette année, on a souvent évoqué la fin de l’âge d’or. La formule hybride, savant mélange de travail chez soi et dans l’entreprise, fait que 40 % des surfaces de bureaux n’ont plus lieu d’être. De nombreux bureaux, installés dans le bas de la ville (downtown), ont définitivement fermé. La moitié des magasins ont baissé leur rideau de fer dans le quartier d’Union Square. Finalement, 50 000 personnes, effrayées par les loyers chers, ont quitté la ville et leurs bureaux pendant la pandémie.

Et pourtant, San Francisco revit. Un bon nombre d’anciens reviennent et les nouveaux venus se pressent au portillon. « Nous avions d’abord pensé nous installer à New York, avoue Antoni Rosinol, un diplômé de l’université MIT sur la Côte est, cofondateur de Stack AI, une plate-forme permettant d’organiser le flux des travaux dans l’entreprise. New York était plus proche de nos clients en Europe. »

Mais San Francisco l’a emporté grâce au subtil mélange de l’IA et de son esprit d’entreprise. L’équipe de Stack AI y est parvenue en janvier 2023. Et ce fut une « épiphanie ». Dans les hackathons, assure le créateur d’entreprise, « on a rencontré l’un de nos premiers investisseurs, on a trouvé des clients et l’on a discuté avec des collègues. Cela peut être des concurrents, reconnaît-il. Mais ils n’ont pas l’esprit du gagnant qui rafle toute la mise. On échange sur les meilleures façons de faire ».

Des accords de plus en plus nombreux

Thomas Piani, directeur produits chez Brex, un expert dans les services financiers, vante de même la qualité des relations humaines de la baie de San Francisco. Pendant la pandémie, Brex a fermé ses bureaux. Mais ils ont depuis rouvert pour une centaine d’employés qui y viennent deux ou trois fois par semaine pour parler de leurs projets, échanger avec leurs manageurs.

Et surtout rencontrer d’autres talents en ville. M. Piani apprécie ses interactions avec les salariés des start-up et des géants de la high-tech. Il aime discuter à bâtons rompus avec des collègues de domaines annexes qui « se posent les mêmes questions ». « Ici, j’ai le sentiment d’être à la pointe de l’innovation, dit-il. Il n’y a pas une ou deux start-up intéressantes. Il y en a cent. »

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Les Hannedouche, croque-morts de père en fils

A pas feutrés, les policiers pénètrent dans le couloir du funérarium en direction du cercueil, un coffre en bois de peuplier sur lequel une agente s’apprête à poser à la cire un scellé, toujours obligatoire avant une crémation. Sur le couvercle, une simple plaque à l’effet cuivre : « 1944-2023 ». La cérémonie aura lieu dans quelques minutes à la collégiale Notre-Dame-et-Saint-Laurent d’Eu (Seine-Maritime). Deux porteurs des pompes funèbres Hannedouche récupèrent le brancard mortuaire pour le faire rouler en silence jusqu’au corbillard. C’est justement le bruit qui a donné l’idée à René Hannedouche de lancer son entreprise funéraire.

A la fin des années 1980, la société d’ambulances de René prospère gentiment à Abbeville (Somme). Il travaille avec ses deux fils, qui ne s’entendent pas du tout. Un jour, il assiste à des « obsèques catastrophiques » : lorsque le cercueil est déplacé dans l’église, il entend un grincement épouvantable. « Je me suis dit que je pouvais faire mieux », se rappelle le grand-père de 89 ans, à la retraite depuis une quinzaine d’années. Déjà, René a en tête de laisser les ambulances à son aîné et d’embarquer le cadet, François, dans le funéraire.

En 1991, il rachète la maison attenante au garage de ses ambulances pour construire un petit magasin funéraire. A une époque où les morts sont veillés à domicile ou dans les chambres mortuaires de l’hôpital, René et François décident de se doter de deux salons funéraires. « Dans la région, on était les premiers à en avoir et à proposer ce service », raconte fièrement René.

« Un savoir-être »

Au départ, grâce à ses deux entreprises, René bricole l’organisation et « jongle avec le personnel des ambulances ». L’activité de pompes funèbres finit par s’implanter ; elle emploie désormais une vingtaine de salariés, répartis sur six agences dans la Somme et la Seine-Maritime, qui assurent à la fois les levées de corps, les soins, les cérémonies et les inhumations. Rémy et Hugo, les deux fils de François, ont rejoint la société, après avoir testé le métier en travaillant, l’été de leurs 16 ans, aux côtés des marbriers dans les cimetières.

A gauche, François Hannedouche, 55 ans, aux pompes funèbres d’Abbeville (Somme), le 10 octobre 2023. A droite, la boutique des pompes funèbres Hannedouche à Eu (Seine-Maritime), le 9 octobre 2023.
Des passantes lisent les avis de décès placés sur la vitrine des pompes funèbres Hannedouche, à Eu (Seine-Maritime), le 9 octobre 2023.

En plus de trente ans et trois générations de croque-morts, les Hannedouche ont vu leur activité se structurer. En 1993, une loi a mis fin au monopole communal du service des pompes funèbres, les forçant au fur et à mesure à professionnaliser leur gestion des ressources humaines. « Maintenant, la formation est indispensable pour l’administratif », explique François, la profession étant encadrée par des modalités strictes. Mais, estime-t-il, « vous pouvez avoir votre diplôme et ne pas y arriver sur le terrain ». Apprendre à vivre au quotidien avec la mort n’est pas donné à tout le monde. « Il faut essayer et voir si vous êtes capable », poursuit FrançoisPar-delà les diplômes, les Hannedouche attendent de leurs employés « un savoir-être », souligne Rémy.

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« Il ne peut y avoir de responsabilité sociale et environnementale digne de ce nom sans achats responsables »

Les achats responsables sont une dimension essentielle et de mieux en mieux reconnue de la performance sociale et environnementale des entreprises. A force d’externalisation, la part des achats dans le chiffre d’affaires a augmenté de façon considérable ces dernières années, jusqu’à en représenter de 70 à 80 % dans des secteurs comme l’aéronautique ou l’automobile, et 60 % en moyenne tous secteurs confondus.

De tels pourcentages ont conduit les dirigeants à prendre conscience du fait qu’il ne peut y avoir de responsabilité sociale et environnementale (RSE) digne de ce nom sans achats responsables.

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Il est révélateur de constater quel’étude 2023 sur les « Performances RSE des entreprises françaises et européennes – comparatif OCDE et BICS », réalisée par EcoVadis et le Médiateur des entreprises, propose pour la deuxième fois un point spécifique sur le thème des achats responsables, alors que les études antérieures restaient centrées sur l’environnement, la dimension sociale et l’éthique.

Les performances des pays nordiques

L’étude porte sur un important échantillon de 25 699 entreprises de l’Union européenne (UE), dont 13 % de plus de 1 000 salariés (les entreprises de moins de 25 salariés sont exclues de l’étude). Les trois pratiques d’achats responsables le plus souvent observées sont l’évaluation RSE régulière des fournisseurs et/ou le recours aux audits sur site (52 %), l’existence d’un code de conduite imposé aux fournisseurs (34 %) et l’insertion de clauses contractuelles RSE (25 %).

Les performances des pays nordiques ont justifié la création par les auteurs de l’étude d’une nouvelle catégorie géographique, « Nordics », dont il est particulièrement instructif d’observer les pratiques d’achats responsables. On peut, par exemple, noter le recours plus fréquent à la réalisation de cartographie des risques RSE (20 %, contre 14 % en France).

D’autres études ou baromètres comme ceux de l’Observatoire des achats responsables (Obsar) ou le Peak Collaborative Index montrent que l’intérêt des achats responsables est de mieux en mieux compris au sein des organisations.

Des marges de progrès

Dans les plus de 7 000 entreprises françaises évaluées par l’étude citée plus haut, le thème des achats responsables est évoqué par 48 % des répondants contre 45,5 % en 2018, un score supérieur à ceux observés en moyenne dans l’UE (44,9 %), dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 42,9 %) ou chez les BICS (Brésil-Inde-Chine-Afrique du sud, 33 % en 2022), mais inférieurs à ceux des autres thèmes (environnement, social, éthique).

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Suède : les salariés de Tesla en grève pour défendre leurs salaires et leur modèle social

Un réprésentant du syndicat IF Metall devant un centre de services Tesla, à Segeltorp, en Suède, le 27 octobre 2023.

« Honte à toi Tesla, honte à toi ! » L’ancien premier ministre social-démocrate suédois Stefan Löfven n’est pourtant pas du genre à se laisser emporter par ses émotions. Mais l’également ancien leader du puissant syndicat IF Metall a vu rouge en apprenant que le géant américain refusait de signer les accords collectifs suédois.

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Dans un message publié sur Facebook, dimanche 29 novembre, Stefan Löfven fait savoir qu’il boycotterait les taxis de la marque d’Elon Musk et il encourage ses concitoyens à suspendre leur achat d’une Tesla « jusqu’à ce qu’un accord soit signé ».

Depuis le 27 octobre, le syndicat a lancé un mouvement de grève chez sept concessionnaires Tesla en Suède, où sont employées 120 personnes. Si aucun accord n’est passé d’ici au 3 novembre, IF Metall menace d’élargir la grève aux garages de la marque dans une quinzaine de villes. Le syndicat Transport a, lui, fait savoir qu’il était prêt à bloquer tous les départs et arrivées des véhicules électriques dans quatre des plus grands ports de Suède à partir du 7 novembre, en solidarité avec les salariés de la compagnie.

Un mouvement exceptionnel

« Ce conflit porte sur les salaires, les pensions et les assurances de nos membres travaillant chez Tesla. Mais fondamentalement, il s’agit aussi de défendre l’ensemble du modèle suédois du marché du travail. En Suède, ce sont les syndicats et les employeurs qui conviennent des conditions de travail, dans le cadre des négociations sur les conventions collectives », rappelle Marie Nilsson, la présidente d’IF Metall.

Selon le syndicat, les discussions avec l’entreprise ont capoté le 24 octobre. Refusant de signer les accords de branche, les représentants de Tesla auraient fait savoir que le groupe « n’a d’accord collectif nulle part dans le monde » et que « c’est une décision qui doit être prise au plus haut niveau de la compagnie », a précisé Veli-Pekka Säikkälä, en charge des négociations sur les accords collectifs chez IF Metall.

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Le mouvement est exceptionnel. Le dernier conflit au cours duquel syndicat métallurgique avait indemnisé ses membres en grève remonte à 2010. Il opposait IF Metall à une société de taille de pierre, qui refusait de signer les accords collectifs. A plusieurs occasions depuis, le syndicat a menacé d’arrêter le travail mais, à chaque fois, un compromis a été trouvé avant que la grève ne soit déclenchée.

Menacés par leurs chefs

Autre particularité : la compagnie américaine semble prête à aller à l’affrontement. Des salariés ont révélé qu’ils avaient été menacés par leurs chefs. Le journal suédois Dagens Arbetare a également démontré que Tesla prévoyait de casser le mouvement de grève en transférant des employés d’une concession à l’autre, à l’intérieur du pays, ce qui violerait l’accord de Saltjöbad, qui régule les relations entre partenaires sociaux depuis 1938.

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« Nous avons besoin de savoirs et de pratiques pour démonter la lourde technosphère qui pèse sur le devenir de la planète »

Dans une tribune au « Monde », à l’initiative du collectif Ecopolien – un « atelier d’écologie politique francilien » regroupant des membres de l’enseignement supérieur et de la recherche –, des universitaires répondent à l’appel pour un « projet Manhattan de la transition écologique » signé le 25 septembre par plusieurs de leurs collègues.