Archive dans décembre 2023

Uber l’emporte dans sa bataille juridique contre près de deux mille taxis

Des dizaines de taxis protestent contre la hausse des prix des carburants alors qu’ils se rendent de l’aéroport international de Roissy - Charles-de-Gaulle à Bercy, à Paris, le 30 mars 2022.

« Les sociétés Uber France et Uber BV n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale. » Le tribunal de commerce de Paris a débouté intégralement, jeudi 21 décembre, 2 480 chauffeurs de taxi et neuf associations du secteur, qui intentaient une action contre la plate-forme Uber pour concurrence déloyale et lui demandaient 455 millions d’euros de dommages et intérêts.

Après des années d’accalmie entre taxis et chauffeurs autoentrepreneurs de l’application américaine, arrivée en 2012 dans l’Hexagone, cette action avait été lancée en 2021, dans la foulée de plusieurs décisions de la Cour de cassation concernant le statut des VTC. A plusieurs reprises, la justice française avait estimé que l’indépendance de ces chauffeurs n’était que fictive, et qu’ils devaient être considérés comme des salariés. Encore en janvier, le conseil de prud’hommes de Lyon avait condamné Uber à verser 17 millions d’euros à 139 conducteurs pour ce motif.

Les trois avocats des taxis ont utilisé ces décisions portant sur le droit du travail, estimant que violer la réglementation constitue un acte de concurrence déloyale. Lors de l’audience qui s’est tenue le 13 octobre devant une salle comble, ils avaient qualifié Uber d’« OJNI [objet juridiquement non identifié] », ayant contourné la loi pour « piétiner le marché », en se présentant comme une « simple plate-forme de mise en relation ». « Jamais une entreprise n’a fait un tel bras d’honneur aux lois de la République, avait proclamé l’avocat Cédric Dubucq. Ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, et ils continuent de mentir. »

Sanctionner le modèle

Pour les taxis, il n’était pas question de s’attaquer aux chauffeurs de VTC, qu’ils ne considèrent plus comme leurs ennemis : derrière cette indemnisation, ils voulaient sanctionner le modèle de la plate-forme, qui paie très peu de charges sociales et de taxes en France. « Sur cent euros de chiffres d’affaires, Uber ne reverse que douze centimes à l’État, cotisations sociales incluses », avait pointé Me Dubucq.

Les chauffeurs souhaitaient également obtenir une compensation financière, face à la perte de nombreuses parts de marché, et à la chute de la valeur des licences de taxis. Nordine Dehmas, artisan taxi à Paris depuis une dizaine d’années et présent au procès, a vu arriver Uber : « Certes, on a changé notre manière de travailler et la profession s’est remise en cause, mais on a perdu pour certains la moitié de notre chiffre d’affaires sur la période 2013-2018. Il y a eu beaucoup de liquidations judiciaires autour de moi. »

Il vous reste 40% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Théories du leadership » : redéfinir l’art de diriger

Livre. Qu’est-ce qui définit un leader efficace ? Poser la question amène inévitablement à se pencher sur la force des représentations. De fait, la perception du leader a peu évolué dans le temps, notent différentes études. C’est généralement un homme, intelligent, à la présentation soignée, qui dégage force et charisme, et qui peut, selon les cas, œuvrer avec sensibilité, tyrannie ou sens du dévouement. « Ces modèles (…) sont ancrés dans notre inconscient collectif », explique Sarah E. Saint-Michel, maître de conférences à l’université Paris-Dauphine-PSL. Ils renvoient à une image figée du leader.

Des héros mythologiques aux leaders du XIXe siècle porteurs, selon la « théorie des grands hommes », de qualités innées, toute une imagerie s’est imposée, centrée sur des personnalités providentielles, héroïques. C’est une représentation qu’« il semble [pourtant aujourd’hui] important de (…) déconstruire pour répondre aux enjeux contemporains auxquels les femmes et les hommes dirigeants sont confrontés », note Mme Saint-Michel dans son ouvrage, Théories du leadership.

L’autrice explique, dans son essai, pourquoi une telle évolution lui paraît essentielle. Tout d’abord parce que le leadership est considéré comme un « processus d’attribution ». C’est ainsi l’entourage du leader qui lui octroie « la légitimité et la confiance d’agir dans la direction qu’il propose » en le reconnaissant comme tel. « Sans cette confiance accordée au leader, le processus de leadership ne peut pas fonctionner. »

Nouveaux modèles

Le sociologue allemand Max Weber avait perçu cette spécificité. « D’après lui, le leadership trouve ses fondements auprès de ses subordonnés », rappelle l’autrice. Il apparaît donc nécessaire que ces mêmes subordonnés puissent se dégager de représentations dépassées du « bon leader ». Faute de quoi cela « impactera [notamment] l’exercice du leadership des femmes et, au-delà, de ceux et celles n’entrant pas dans cette représentation naïve du leader ».

Mme Saint-Michel appelle de ses vœux une déconstruction de cette représentation pour une seconde raison. Les entreprises font face à de multiples « enjeux contemporains », rappelle-t-elle. Révolution numérique, transition écologique, mutation accélérée des métiers, évolutions organisationnelles et managériales, nouvelles aspirations des collaborateurs… Autant de transformations que les leaders doivent être en capacité d’impulser et d’accompagner. Dans cet environnement mouvant, de nouvelles formes de leadership peuvent s’imposer.

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les contes de Noël du monde des affaires : « La magie des belles histoires attise la spéculation »

Gouvernance. Si le temps de Noël est celui des « belles histoires » édifiantes, le monde des affaires a les siennes qui peuvent l’être d’une autre manière. Par exemple, celle de WeWork.

L’entreprise est fondée en 2010 par Adam Neumann et Miguel McKelvey qui anticipent un bouleversement radical de l’organisation du travail : le coworking. Ils proposent de louer des espaces modulables aux entreprises qui les utilisent à leur convenance et à leur rythme. Ces espaces partagés entre différentes sociétés et start-up font cohabiter, dans une ambiance détendue, des salariés et des entrepreneurs individuels de divers horizons et cultures.

Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés Le coworking fait sa révolution de palace

Le coworking devient tendance. Analystes financiers et gourous du management prédisent que les organisations de « demain » doivent extérioriser les postes de travail (des cadres) pour rester « agiles » et perméables aux innovations. Les académiques théorisent les bienfaits des précieux bouillons de culture et d’idées créatives émergeant de ces espaces. La machine culturelle à soutenir des rêves tourne à plein.

Le succès de WeWork est alors prodigieux. En moins de dix ans, sa valorisation atteint 49 milliards de dollars (44,8 milliards d’euros). Au sommet de sa gloire, elle emploie 8 000 salariés sur plus de 500 sites dans le monde. Le taux de remplissage de ses bureaux est de 75 %. Adam Neumann, son charismatique et excentrique patron, est écouté comme un mage. Les marchés et le public raffolent de belles histoires.

La fin des illusions ?

Hélas, la réalité économique est moins euphorique : en 2019, les pertes de l’entreprise atteignent 1,9 milliard de dollars pour un chiffre d’affaires de seulement… 1,8 milliard. Durant la décennie, l’entreprise n’a fonctionné que par des levées de fonds successives. Près de 13 milliards ont été injectés, le conglomérat japonais Softbank en a apporté à lui seul 9 milliards en trois ans.

L’étoile de WeWork s’éteint. Prévue en 2019, son introduction en Bourse doit être ajournée jusqu’en 2021. L’activité existe, mais elle n’est pas rentable. Adam Neumann est limogé (avec une jolie prime). La valeur du titre tombe à 2 milliards de dollars en 2020 et n’est plus que de 45 millions en novembre 2023, quand l’entreprise dépose le bilan.

Près de 50 milliards de dollars se dissipent en trente-six mois. Par quel enchantement les investisseurs et les épargnants ont-ils pu absorber une telle perte ? Précisément par la magie des belles histoires qui attisent la spéculation. Celle, finalement triste, de WeWork n’en est qu’une parmi d’autres qui ont permis, dans le même temps, des valorisations d’actifs spectaculaires grâce à d’autres promesses d’énormes marchés potentiels. Les espoirs de gains qui gonflent ici (comme désormais avec l’intelligence artificielle) font oublier ceux qui sont déçus ailleurs. A moins que trop de bulles éclatent en même temps et que ce soit la fin des illusions.

Il vous reste 20% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Une gestion plus humaine de l’entreprise n’est ni idéaliste ni accessoire »

Ces trois dernières décennies ont été marquées par l’émergence d’une critique étayée des modes de gestion traditionnels des entreprises, qui sont aujourd’hui reconnus comme producteurs de maladies de longue durée, de comportements de retrait ou de désengagement, de démissions et de satisfaction en berne.

En cause : le management « froid », autoritaire, déshumanisé (le management désincarné des indicateurs, au sens de Pierre-Yves Gomez et d’Yves Clot), autant que trop… humanisé : le salarié est éternellement remis en question, sa personnalité et ses valeurs sont surexposées (en suivant cette fois les observations de Danièle Linhart).

Dans une enquête menée au plus fort de la crise du marché de l’emploi, 1 155 salariés ayant changé d’employeur en 2022 énonçaient les critères d’attractivité qui ont été déterminants dans leur choix : la bienveillance, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, l’ambiance de travail, le contenu du travail, la qualité du management et la reconnaissance (« L’attractivité employeur », de Louise Patesson, Jean Pralong, Laurent Taskin, rapport de recherche, chaire labor-H, Université catholique de Louvain, 2023).

Considération et reconnaissance

Ainsi réapparaît une demande d’humanisation du management. C’est une demande qui considère qu’au-delà du profit l’organisation peut promettre plus : la dignité de la personne, la reconnaissance et la bienveillance. Comment s’étonner qu’il y ait plus d’attentes que le salaire à la fin du mois pour qui passe une bonne partie de sa vie au travail ? Comment s’étonner que des travailleurs veuillent être considérés et reconnus dans leur travail ?

Cette demande n’est ni idéaliste ni accessoire : elle constitue une nouvelle exigence pour la gestion. Elle n’est pas idéaliste car l’humanisation du management n’est pas affaire de bons sentiments : elle est affaire de structures, de processus, d’incitations, de pratiques permettant de transformer en profondeur le management. Elle n’est pas accessoire car l’humanisation du management est une nécessité, tant morale que pratique.

Ethiquement, elle suppose de réels engagements : renoncer à la facilité du pouvoir vertical et des décisions unilatérales, consacrer du temps supplémentaire à réfléchir à la manière de « bien » gérer, de manière soutenable et respectueuse.

Concrètement, elle doit s’incarner dans des pratiques autant que dans des comportements et des discours. Parmi ces pratiques, mentionnons la valorisation du collectif (par exemple un management participatif, une démocratisation de la gouvernance de l’entreprise…) ; l’instauration de règles éthiques claires et contraignantes, depuis la raison d’être de l’entreprise jusqu’aux critères d’évaluation des salariés de l’entreprise ; ou encore la mise en place d’un management qui concentre les pratiques de gestion sur le travail réel, génère la reconnaissance et met en exergue la réflexivité de tous les membres de l’organisation.

Il vous reste 35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Chauffeurs VTC : de nouvelles garanties de rémunération

Lors d’une manifestation de chauffeurs VTC, à Paris, en mars 2022.

Le dialogue social des chauffeurs de véhicules de transport avec chauffeur (VTC) a connu une année 2023 productive. Alors que l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi avait déjà produit deux accords, garantissant un montant minimal par course de 7,65 euros et encadrant les désactivations de comptes, les négociations qui ont eu lieu mardi 19 décembre ont abouti à trois nouveaux accords sur les rémunérations.

Ils ont été signés a minima par l’Association des plateformes d’indépendants (API), principale organisation professionnelle (représentant Uber et CaoCao), et l’Association des VTC de France (AVF), la première des sept organisations de chauffeurs, ce qui leur suffit pour être validés. « C’est une révolution dans le monde du transport, on ne peut pas tout changer en un seul jour, mais c’est un grand pas », réagit Karim Daoud, président de l’AVF. Cela ne fait pas l’unanimité parmi les syndicats : « C’était un grand moment de théâtre, et une vraie défaite pour les VTC, qui officialise la mainmise des plates-formes sur le prix des courses », fustige Fabian Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants (CFDT), deuxième organisation de chauffeurs.

La principale mesure est celle qui fait le plus consensus, puisqu’elle est signée par les deux organisations patronales, l’API et la Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR, qui réunit Bolt, Heetch, LeCab, Marcel, FreeNow et Allocab), et au moins quatre côtés indépendants : à partir du 1er février 2024, le montant minimal de la course passera de 7,65 à 9 euros pour les chauffeurs, avant cotisations et charges (entretien du véhicule, essence, assurance…). « En un an, on a obtenu une augmentation de 50 %, c’était 6 euros avant ! », se félicite M. Daoud. Cela signifie, en y ajoutant les commissions perçues par les plates-formes (qui varient entre 18 % et 25 %), que le prix minimum d’une course atteindra environ 11 euros pour le client.

« Ça ne coûtera rien aux plates-formes »

Les syndicats mécontents indiquent que ce minimum est déjà très souvent atteint par les plates-formes, à l’exception du leader Uber. Par exemple, Bolt ne verse jamais moins de 10 euros à ses chauffeurs parisiens. « C’est une stratégie commerciale, car peu de chauffeurs acceptent ces petites courses. En effet, l’augmentation va concerner principalement un acteur », témoigne Julien Mouyeket, directeur général France de Bolt. Selon l’Observatoire national des transports publics (ONT3P), qui a étudié les statistiques des 47 000 chauffeurs VTC actifs en France en 2022, un quart des courses rapportaient moins de 10 euros aux chauffeurs et 8 % moins de 7,65 euros.

Il vous reste 40% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Depuis trente ans, les gouvernements abordent la question du risque par le seul prisme de la baisse des charges sur les entreprises »

L’intervention économique de l’Etat pour promouvoir une politique de plein-emploi est essentielle à la cohésion sociale, et donc au fonctionnement de nos sociétés démocratiques et libérales. La difficulté de l’exercice tient au fait que, dans le secteur privé, ce sont les entreprises, et non l’Etat, qui, au bout du compte, décident d’embaucher ou pas. Lorsqu’une entreprise embauche, elle s’engage par avance à payer un salaire au travailleur en espérant que l’apport de ce dernier rapportera plus que son coût salarial.

En embauchant, l’entreprise réalise un pari sur un avenir dépendant de multiples paramètres qu’il est difficile de contrôler, tels que le maintien d’une demande et un état de la concurrence, qui déterminent un carnet de commandes. Ce pari n’est jamais garanti et, lorsque l’entreprise a un doute sur sa probabilité, elle préfère s’abstenir d’embaucher, ce que tous les entrepreneurs, dont celui que j’ai été, confirmeront.

Une politique publique du plein-emploi ne sera pleinement efficace que si elle réduit de façon effective le risque des entreprises lié à l’embauche. Or voilà plus de trente ans que les gouvernements successifs abordent cette question du risque par le seul prisme de la baisse des charges sur les entreprises. Il ne fait aucun doute qu’en réduisant le coût du travail on diminue le risque de l’embauche. Mais on le fait aux dépens des budgets publics ou en diminuant les dépenses sociales.

Le plein-emploi ne sera pas atteint à la fin du quinquennat

Aujourd’hui, le total des exonérations de cotisations sociales avoisine les 88 milliards d’euros. Cette somme est équivalente à celle du budget de l’éducation et représente le double de celui de la transition écologique des territoires. Une somme d’autant plus coûteuse pour le bien public que les différentes mesures qui se sont succédé se sont révélées peu efficaces.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’économie française devrait échapper de peu à la récession

Tout le monde comprend qu’en diminuant de 10 % le coût du travail on ne fait jamais que réduire le risque de 10 %, ce qui laisse 90 % du risque, c’est-à-dire la quasi-totalité, à la charge de l’entreprise. C’est sans doute ce qui explique que, en dépit de trente ans de politique de baisse des charges sur les salaires, l’objectif du plein-emploi n’ait jamais été atteint.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les pistes d’Olivier Dussopt pour le plein-emploi

En ce troisième trimestre 2023, l’emploi privé a stagné, et l’on peut raisonnablement – et malheureusement – prévoir que le plein-emploi, assimilé à un taux de chômage de 5 % maximum, ne sera pas atteint à la fin du quinquennat. Il existe pourtant une solution éprouvée pour réduire le risque : l’assurance par la mutualisation.

Il vous reste 50% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Habitat : la décision sur la liquidation judiciaire mise en délibéré au 28 décembre

L’enseigne d’un magasin Habitat, le 2 juillet 2013, à Paris.

Le sort des 450 employés d’Habitat se jouera entre Noël et le Nouvel An. Mercredi 20 décembre, au terme d’une audience de près de deux heures, le tribunal de commerce de Bobigny a mis en délibéré sa décision au jeudi 28 décembre. Les juges devraient alors prononcer la liquidation judiciaire de l’enseigne d’ameublement qui, en France, exploite 25 magasins. D’ici là, aucun des magasins fermés depuis décembre ne devrait rouvrir.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’enseigne d’ameublement Habitat risque la liquidation judiciaire

Fondée en 1964 par le Britannique Terence Conran, mort en 2020, Habitat a connu son heure de gloire en vendant des meubles design, des articles de décoration et d’arts de la table. Dans les années 1980, la marque a notamment fourni aux collégiens leur lampe de bureau articulée fixée d’un étau, remplacé les lustres d’antan par des lampions japonais en papier, équipé les salons de fauteuils de régisseurs et imposé les canapés noirs devant les téléviseurs.

Mais, en dépit de ses bonnes ventes, l’entreprise est fragile. Son fondateur en est évincé en 1990. Et, en 1992, l’enseigne tombe dans l’escarcelle de son grand rival Ikea. Le distributeur suédois revend la chaîne, en 2009, au britannique Hilco. Ce fonds spécialisé dans le retournement mène alors une vaste restructuration de la chaîne aux 72 magasins en Europe. Une trentaine de ses points de vente sont revendus outre-Manche à un concurrent, Home Retail Group. Et le reste – la marque et 38 magasins français, espagnols et allemands – est cédé à Cafom en 2011 pour un montant de 4,3 millions d’euros.

Endettement

A l’époque, Hervé Giaoui, président de Cafom, jure être capable de rentabiliser l’entreprise, malgré son endettement et ses 21,7 millions d’euros de pertes pour 131,4 millions d’euros de ventes. Mais il n’y parvient pas. Plusieurs magasins ferment en 2014. Et un nouveau concept censé relancer les ventes à 250 millions d’euros, fin 2015, est mis en œuvre.

Las. M. Giaoui jette l’éponge cinq ans plus tard : en 2020, son groupe coté en Bourse cède l’entreprise à Thierry Le Guénic pour 1 euro, après l’avoir renflouée à hauteur de 15 millions d’euros et maintenu un stock de marchandises estimé à 18 millions. Habitat générait alors 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, notamment grâce à 25 magasins en France et quelques franchises en Espagne, à Monaco et en Suisse.

Depuis, alors que les ventes de meubles et d’articles de décoration bénéficiaient de vents favorables, au lendemain des périodes de confinement imposées pour lutter contre la pandémie du coronavirus, les élus du personnel s’alarmaient de la gestion de la direction et de la situation financière de l’entreprise, qui « ne paye plus ses bailleurs, ses fournisseurs et prestataires depuis le printemps 2021 », a assuré au Monde Ratiba Hamache, déléguée syndicale centrale CGT. Son chiffre d’affaires devrait atteindre 80 millions d’euros en 2023, tandis que ses pertes opérationnelles avoisinaient les 20 millions d’euros.

Il vous reste 35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Il y a urgence à préciser que les crèches municipales et associatives, à but non lucratif, sont bien la priorité du gouvernement »

La pénurie qui touche le domaine de la petite enfance est profonde : on sait qu’il manque 10 000 professionnels à l’échelle de la France. Ces métiers sont essentiels, il est urgent de relancer les filières et pour ce faire, en premier lieu de les revaloriser financièrement. Il semble que cela soit pris en compte dans la nouvelle convention d’objectifs 2023-2027 de la Caisse nationale d’allocations familiales et c’est un signal encourageant. Mais d’autres urgences demeurent.

La pénurie ne pourra se régler que par l’ouverture conséquente de places supplémentaires dans les instituts de formation, notamment sur les deux métiers les plus en tension, à savoir : auxiliaire de puériculture et éducatrice ou éducateur de jeunes enfants (EJE).

Si l’obligation pour les régions de faire correspondre le nombre de places aux besoins du territoire est clairement affichée par l’Etat dans le cadre du service public de la petite enfance, allons-nous attendre sa mise en application au 1er janvier 2025 pour augmenter la capacité de formation ? Allons-nous perdre encore plus d’un an dans les territoires où les conseils régionaux font la sourde oreille, comme en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, sachant que la formation d’une EJE dure trois ans ?

Dysfonctionnements

Comment se fait-il que sur Parcoursup ces filières demeurent très sélectives, alors même que le manque d’encadrement dans les crèches est criant dans nos territoires et risque d’entraîner des fermetures complètes d’établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ?

La pénurie entraîne des dysfonctionnements dans les crèches, dus à l’impossibilité de recruter dans toutes les collectivités et a engendré des « gels » de berceaux en nombre par les municipalités. Les professionnelles, extrêmement convoitées, sont très volatiles. Or la concurrence est déloyale !

En effet, les crèches privées peuvent embaucher directement en CDI alors que nous, collectivités territoriales, sommes contraintes à faire des embauches en CDD dans l’attente de la réussite au concours de la fonction publique territoriale.

Depuis trois ans, nous, élus des collectivités locales, demandons que soit publié un décret nous permettant d’embaucher directement sur titre les professionnelles de la petite enfance afin d’endiguer leur fuite vers le privé. Qu’en est-il ? Quand allons-nous être entendus ? Il y a urgence !

La part belle aux crèches privées

Nous nourrissons en outre les plus vives inquiétudes quant aux orientations et choix faits par la nouvelle ministre des solidarités et des familles, Aurore Bergé, à la suite du départ de sa directrice de cabinet et de son directeur adjoint avec lesquels, depuis deux ans, nous avons coconstruit le futur service public de la petite enfance, qui fera des municipalités l’autorité organisatrice de tout ce qui concerne ce secteur au 1er janvier 2025.

Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La validation des acquis de l’expérience s’annonce plus accessible à partir de 2024

« Simplifier, moderniser et sécuriser, tels sont les maîtres mots de la validation des acquis de l’expérience (VAE) nouvelle génération, à la suite de la réforme votée dans le cadre de la loi relative au marché du travail du 21 décembre 2022. Une réforme très attendue, car, explique Marc Poncin, vice-président chargé des relations institutionnelles du Groupement des acteurs et responsables de formation, un réseau regroupant cinq cents professionnels de la formation et des RH : « En vingt ans d’existence, la VAE s’est complexifiée. Elle est devenue lourde, avec des règles, des pratiques et des réactivités différentes. Pour le salarié, il n’était pas toujours évident de s’y retrouver. »

Créée en 2002, la VAE permet de faire reconnaître devant un jury son expérience par un titre, un diplôme ou un certificat de qualification professionnelle sans avoir nécessairement à passer par la case formation. Les expériences aussi bien professionnelles que personnelles en rapport avec le diplôme visé peuvent être prises en compte.

Les candidats ont pour objectif une reconnaissance dans leur profession, une promotion, un changement d’emploi, ou encore un meilleur salaire. Ivette Ceretti, après avoir été agente de voyages, puis accompagnatrice, a décroché une licence professionnelle de guide-conférencier au Conservatoire national des arts et métiers grâce au dispositif. « Je voulais gagner plus, mais, à 54 ans, je ne souhaitais pas changer de secteur. C’était le bon moment pour que je devienne guide. »

Un guichet unique

Jusqu’à présent la procédure tenait davantage du parcours du combattant que de la promenade de santé. « C’est beaucoup de paperasse et, pendant un an, tout mon temps libre a été consacré à la VAE, raconte Ivette Ceretti, mais ça vaut le coup !  » « La VAE est un super dispositif, mais c’est une démarche individuelle qui demande beaucoup de travail et de temps. Conséquence : certains candidats s’essoufflaient », explique Hélène Clédat, chef du service emploi-formation de la Fédération du commerce et de la distribution.

La procédure avant réforme était particulièrement longue (dix-huit mois en moyenne) et complexe : demande à déposer par l’intermédiaire d’un Cerfa de quatre pages, accompagné de seize pages de notice. Il y avait 60 % d’abandons à cette étape. Les délais de tenue des jurys étaient à géométrie variable, allant d’un mois à un an, et l’accompagnement standardisé. Résultat : « Seules 10 % des personnes intéressées allaient jusqu’à l’obtention du diplôme », note Olivier Gérard, chef de projet de la plate-forme numérique France VAE, qui poursuit : « Tout l’enjeu de la réforme est de remettre l’usager au cœur du système au lieu de l’obliger à courir après les différents intervenants. Nous avons voulu supprimer les irritants. »

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Motion de défiance au « Progrès », au « Bien public » et au « Journal de Saône-et-Loire »

L’imprimerie tirant « Le Progrès », « Le Journal de Saône et Loire » et « Le Bien Public », à Chassieu, dans la métropole de Lyon, le 19 juin 2023.

Le point de rupture a été atteint après plusieurs semaines particulièrement tendues. Les journalistes du pôle BJP regroupant Le Bien public (basé à Dijon), Le Journal de Saône-et-Loire (JSL) et le quotidien lyonnais Le Progrès, – appartenant au groupe Est-Bourgogne-Rhône-Alpes (EBRA) –, ont acté, lundi 18 décembre, la défiance envers leur direction.

Sur 353 journalistes en CDI appelés à s’exprimer (les directeurs départementaux et la rédaction en chef ont été exclus), 80 % ont pris part au scrutin qui s’est déroulé en ligne, anonymement, du 13 au 18 décembre. Parmi eux, le « non » a été massif (231 voix sur 282, soit près de 82 %), huit personnes ont voté « oui », et 43 ont opté pour le vote blanc.

Philippe Carli, le président du groupe de presse (dont l’actionnaire est le Crédit Mutuel), Pierre Fanneau, le directeur général des trois journaux de presse quotidienne régionale, ainsi que le rédacteur en chef Xavier Antoyé et son équipe, ne sont plus en capacité d’« assurer l’avenir » des trois journaux, selon les termes et le résultat de cette motion.

Depuis l’annonce de la direction, fin novembre, de son souhait de supprimer onze postes (dont neuf journalistes, un poste d’assistante de rédaction et un poste administratif), la tension est montée d’un cran. Deux mouvements de grève, les 1er et 11 décembre, ont provoqué une absence de parution du JSL et du Bien Public, ainsi que des éditions dégradées du Progrès.

Un « plan social qui ne dit pas son nom »

La suppression de cinq postes de journalistes des locales du Rhône, au profit de deux créations de postes au niveau départemental, ne passe pas en interne. « Cela n’a aucun sens alors que la proximité constitue notre ADN », s’indigne Patrick Gabai, délégué syndical CFE-CGC au Progrès. « L’agence de l’est-lyonnais passerait ainsi de huit à six journalistes alors qu’il s’agit de la plus grande agence de la presse quotidienne locale de France », explique Jérôme Morin, délégué syndical du Syndicat National des journalistes (SNJ) et élu au comité social et économique (CSE) du Progrès.

L’absence d’un projet éditorial clair est aussi au centre des critiques des équipes, alors qu’un passage au format tabloïd des journaux est prévu pour avril 2024. « On a le sentiment de naviguer à vue », déplore M. Morin. « Leur seule proposition est de réduire la masse salariale et l’offre de contenus », rebondit M. Gabai, plaidant pour un changement de gouvernance.

Si la rédaction conspue un « plan social qui ne dit pas son nom », la direction fait valoir qu’il s’agit uniquement de départs non remplacés. Pierre Fanneau, le directeur général des titres, assure par ailleurs « comprendre les inquiétudes liées à transition vers davantage de numérique » mais défend la nécessité d’agir « avant que la situation économique de l’entreprise ne soit encore plus rude ». Les comptes prévisionnels sont dans le rouge pour 2023 à l’échelle du pôle BJP, le résultat d’exploitation approchant des deux millions d’euros de déficit.

Il vous reste 10% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.