Archive dans juillet 2021

Tiago Rodrigues : « Quand un artiste dirige le festival d’Avignon, il doit repenser sa façon de travailler »

Tiago Rodrigues, le 5 juillet à Avignon.

Le nouveau directeur du Festival d’Avignon revient sur sa nomination et explique qu’il veut « créer des liens inattendus ».

Comment s’est décidée votre nomination ?

Au début de l’année, j’ai été contacté par l’Elysée et le ministère de la culture, qui m’ont demandé si je serais prêt à postuler. J’ai répondu positivement parce que j’ai une passion pour le festival. Par ailleurs, il est bon que le Teatro Nacional de Lisbonne, que je dirige depuis 2015, change de mains : il ne faut pas monopoliser les postes, surtout quand on a atteint quelques résultats. J’ai donc écrit un projet pour Avignon, en sachant que je faisais partie d’une longue liste de postulants. Au fil des mois, la liste a raccourci. J’ai rencontré la ministre de la culture, la maire d’Avignon et les membres du conseil d’administration du festival. Et j’ai été retenu parmi les finalistes.

Qu’est-ce qui vous passionne dans le Festival d’Avignon ?

Le mariage entre la mémoire et l’avenir. Avant d’y venir pour la première fois, en 2015, en tant qu’artiste et spectateur, je le connaissais bien sûr par mes études et mes lectures. En le vivant, j’ai été bouleversé : on est au centre de l’histoire du théâtre européen et mondial, qui a fait le mythe d’Avignon depuis sa fondation en 1947, et, en même temps, dans un laboratoire de l’inattendu, de l’innovation, des découvertes. Le public d’Avignon est unique au monde. C’est rare de sortir d’un théâtre et de voir ce que vivent les gens. Aux terrasses, dans les rues et les transports, partout, c’est encore le théâtre, et le débat sur le théâtre, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cela a conforté la confiance en mon métier.

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Allez-vous vous installer dans la ville ?

Ce n’est pas une obligation, mais je pense que c’est vraiment important que le directeur vive à Avignon toute l’année, qu’il appartienne à la ville, et qu’il consacre toute son énergie au service de l’utopie nécessaire que représente le festival. Je vais quitter la direction du Teatro Nacional – je suis en train d’en discuter avec le conseil d’administration et le gouvernement portugais. Dans quelques mois, je pourrai tout à fait me consacrer à ma prochaine fonction. Je vais travailler à la passation avec l’actuelle direction et faire mon apprentissage d’émigré, ce qui est tout nouveau pour moi. J’ai beaucoup voyagé dans ma vie, mais je n’ai jamais émigré. Je disais toujours que j’avais choisi de rester au Portugal, en en partant souvent, mais en y revenant. M’installer à Avignon, c’est émigrer, sans l’être vraiment : c’est aller habiter au pays du théâtre. Donc chez moi.

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L’exécutif va augmenter de 40 à 100 euros net par mois les fonctionnaires de catégorie C

La ministre de la transformation et de la fonction publique, Amélie de Montchalin, le 5 mai 2021 à sa sortie de l’Elysée.

Gelé depuis plus de dix ans à la seule exception de 2016, le point d’indice des fonctionnaires ne bougera pas. Invitée sur BFM-TV mardi 6 juillet, la ministre de la transformation et de la fonction publique, Amélie de Montchalin, a annoncé que seul le salaire des fonctionnaires de catégorie C allait augmenter.

« Je propose une enveloppe plus petite et plus ciblée pour proposer 40 à 100 euros net de plus par mois selon l’ancienneté pour la catégorie C, la plus basse », a déclaré la ministre. Cette augmentation concerne 1,2 million de fonctionnaires de cette catégorie la moins bien payée dans les trois fonctions publiques : l’Etat, les collectivités locales et les hôpitaux publics. Selon la ministre, l’augmentation représente un budget de deux milliards d’euros.

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Cette annonce intervient alors que les organisations syndicales de la fonction publique sont reçues par la ministre, mardi matin, à l’occasion d’un « rendez-vous salarial ». Les syndicats réclament, en vain, depuis des années une revalorisation du pouvoir d’achat pour les 5,5 millions d’agents de la fonction publique. Mais Amélie de Montchalin a justifié son refus d’augmenter le point d’indice :

« Le point d’indice n’augmentera pas. L’augmenter de 1 %, ça coûte deux milliards d’euros aux finances publiques (…) L’augmenter, ça voudrait dire augmenter tout le monde du même pourcentage. Avec une augmentation de 1 %, ceux qui sont en bas de l’échelle aur[aient] entre 10 et 14 euros de plus par mois quand ce sera des centaines d’euros pour les directeurs dans les ministères. »

Exception faite de l’année 2016 où il a été revalorisé de 1,2 %, le point d’indice, qui sert à calculer la rémunération des agents publics, est gelé depuis 2010. Les syndicats dénoncent unanimement une perte de pouvoir d’achat qui pénalise les plus bas salaires et l’attractivité des métiers du service public.

« Baromètre de l’égalité »

Mardi, la ministre s’est également engagée à « relever les salaires des contractuels et s’assurer qu’ils sont tous au-dessus du smic ». « On va s’assurer qu’il y a beaucoup de promotions, on va lancer un baromètre de l’égalité comme dans le privé. Depuis 2017, on a une politique salariale cohérente », a assuré Mme de Montchalin.

« On était en retard sur des métiers comme les enseignants, les forces de l’ordre, les soignants, a-t-elle reconnu. Il y a aussi des inégalités au sein de la fonction publique sur les bas salaires, entre Paris et la province, les hommes et les femmes. » A compétences et ancienneté égales, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est en moyenne de 13 % dans la fonction publique.

La ministre a également rappelé une mesure déjà annoncée : la prise en charge forfaitaire par les employeurs publics des complémentaires de santé que les agents publics finançaient seuls jusqu’à présent.

Cette prise en charge d’au moins 50 % du coût des complémentaires de santé de tous les agents publics quel que soit leur statut était une mesure très attendue, dont l’application sera progressive : à partir de 2022 pour la fonction publique de l’Etat (FPE) et à hauteur de 15 euros mensuels jusqu’en 2026 pour la territoriale (FPT) et l’hospitalière (FPH).

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Le Monde avec AFP

Covid-19 : le variant Delta hypothèque la reprise économique attendue par l’exécutif

Ne pas se réjouir trop vite. Alors que Bercy planche depuis quelques semaines sur la préparation du budget 2022, qui doit être présenté en septembre, les incertitudes s’accumulent sur la relance, censée permettre à l’économie de repartir et ouvrir la voie aux réformes de la dernière année du quinquennat, souhaitées par Emmanuel Macron.

La diffusion rapide du variant Delta sur le territoire, combinée au ralentissement de la campagne de vaccination, fait en effet craindre la possibilité d’une quatrième vague de Covid-19 à la rentrée, susceptible de bouleverser de nouveau les plans de l’exécutif. « Depuis un peu moins d’une semaine, l’épidémie regagne du terrain, le variant Delta qui est particulièrement contagieux, particulièrement inquiétant, gagne du terrain très rapidement », s’est ainsi inquiété le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur France Inter, lundi 5 juillet, évoquant la possibilité d’une quatrième vague dès la fin du mois. Fin juin, l’Institut Pasteur avait, lui aussi, émis cette hypothèse, mais à l’automne, si le rythme actuel de vaccination perdurait.

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Un tel scénario, s’il s’accompagnait de nouvelles restrictions pesant sur l’économie, comme c’est le cas actuellement dans de nombreux pays d’Asie qui ont dû revoir à la baisse leurs prévisions de croissance, pourrait mettre en péril la reprise. Voire imposer une prolongation des dispositifs de soutien aux secteurs affectés au-delà de la fin août, date à laquelle le gouvernement espère avoir débranché l’essentiel des aides.

Faut-il dès lors revoir les chiffres sur lesquels le chef de l’Etat bâtit le scénario de sa dernière année ? « Il y aura une quatrième vague à l’automne, mais est-ce que cela fera du mal au produit intérieur brut [PIB] ?, s’interroge l’économiste de Natixis, Patrick Artus. Beaucoup de gens sont vaccinés, et on pourrait sans doute se contenter de fermer les restaurants et les salles de sport. Cela n’est pas de nature à compromettre la reprise. » Le risque sanitaire n’a pas disparu « mais le scénario le plus probable reste celui d’une reprise forte, autour de 6 % », confirme Philippe Martin, le président du conseil d’analyse économique, organisme rattaché à Matignon.

« La priorité, c’est la reprise »

Début avril, dans le sillage du troisième reconfinement, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait dû se résoudre à ramener ses prévisions de croissance pour 2021 de 6 % à 5 %. Une estimation jugée à l’époque « sincère et prudente » par le locataire de Bercy, mais qui, depuis, a été dépassée par la plupart des organismes de prévision français et internationaux (l’Insee a indiqué la semaine dernière tabler sur 6 % en 2021). L’exécutif ne semble toutefois guère pressé de la relever, tant les nuages s’accumulent sur l’économie tricolore. « Nous maintenons notre prévision de croissance à 5 % par souci de prudence et pour tenir compte des risques d’une nouvelle vague épidémique à la rentrée », a ainsi admis Bruno Le Maire, dans un entretien au Parisien le 2 juillet.

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« La réforme de l’assurance-chômage va ajouter de la précarité à la précarité »

Tribune. La réforme de l’assurance-chômage, repoussée à plusieurs reprises par le gouvernement lui-même car elle aggravait les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire et retoquée à nouveau par le Conseil d’Etat le 22 juin après une première censure à l’automne 2020, n’a pas pu entrer en vigueur le 1er juillet comme prévu initialement par le gouvernement.

Pourtant, le gouvernement s’arc-boute sur son texte malgré l’évidence de son incongruité sociale et de sa faiblesse juridique et n’envisage rien de plus qu’un report à l’automne. La crise est-elle finie ? Non, loin de là. Mais la fin du « quoi qu’il en coûte » suppose manifestement qu’il en coûte prioritairement aux plus précaires d’entre nous. Car cette réforme va faire des dégâts considérables. « Une tuerie », avait synthétisé Laurent Berger au moment de la première version de cette réforme, avant la crise sanitaire.

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Rappelons que, d’après les projections de l’Unédic, près de 1,15 million de nouveaux demandeurs d’emploi (sur 2,8 millions estimés) vont subir un retard dans leur indemnisation ou une baisse de celle-ci lors des douze premiers mois d’existence de cette réforme. A partir de l’étude d’impact réalisée par l’Unédic, le Parti socialiste a entrepris de quantifier l’impact territorial de la réforme, en projetant les résultats de l’Unédic dans chacun des départements de métropole et d’outre-mer.

Injustice de cette réforme

Le résultat confirme l’injustice de la réforme, qui aggrave les disparités territoriales et frappera plus durement les départements déjà touchés par un environnement économique et social dégradé ou les territoires enclavés dans lesquels le frein à la mobilité est aussi souvent un frein à l’emploi. C’est donc la principale caractéristique de cette réforme que de creuser les inégalités existantes, que de frapper les plus fragiles, que d’ajouter de la précarité à la précarité.

Car, en réformant le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base au calcul de l’indemnité versé par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi, le gouvernement a fait le choix de pénaliser les « permittents » , autrement dit ceux qui connaissent des trajectoires heurtées qui alternent régulièrement périodes d’emploi et de chômage. Ainsi, pour une durée de travail égale, un demandeur d’emploi qui a connu des interruptions dans son parcours perdra jusqu’à 41 % de son indemnité !

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Cela concerne principalement les jeunes, dont l’accès à un emploi stable est rendu plus difficile encore par la crise. Ce sont ainsi 345 000 nouveaux demandeurs d’emplois de moins de 25 ans qui subiront les conséquences de cette réforme, rien que pour la première année !

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Du télétravail sur le lieu des vacances

Droit Social. Un salarié peut-il télétravailler à la fin de ses congés payés depuis son lieu de villégiature ? La réponse à cette question, qui peut se poser en ce début de période estivale et des vacances scolaires, n’est pas simplement binaire : oui – non.

On le sait, le télétravail peut être mis en place par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE), ou, en l’absence d’accord collectif ou de charte, par entente directe entre le salarié et l’employeur.

Ces documents peuvent prévoir un travail à distance de salariés « nomades » qui peuvent collaborer, avec les moyens adaptés, en s’installant dans un espace de coworking situé en dehors de l’entreprise. Dans ce cas, le salarié devra rejoindre un tel espace dès son dernier jour de congés, sauf à s’exposer à des sanctions disciplinaires.

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L’accord, la charte ou l’avenant au contrat de travail peuvent également prévoir que le télétravail ait lieu au domicile du salarié. Une telle « clause de domicile » doit, eu égard à la qualité de droit fondamental de la liberté de choisir son domicile, être proportionnée et indispensable à la protection des intérêts légaux de l’entreprise, ou justifiée du fait du poste occupé et du travail exigé.

Rien n’interdit a priori au salarié de télétravailler depuis un autre lieu que son domicile habituel et principal. L’employeur ne peut imposer le « domicile habituel » que s’il justifie d’un tel motif légitime. Il peut invoquer la nécessité de pouvoir revenir rapidement sur le lieu de travail en cas d’urgence, d’être disponible en cas de besoin, par exemple en cas de congés d’autres salariés.

Un diagnostic d’électricité récent

Mais d’autres règles peuvent, le cas échéant, exposer le salarié à des sanctions disciplinaires. Tout d’abord, il est clair que le séjour prolongé sur le lieu de villégiature ne peut empiéter, sauf autorisation expresse de l’employeur, sur un jour défini comme devant être une journée de travail en « présentiel », « sur site ».

L’accord, la charte ou le contrat peuvent également prévoir une obligation du salarié d’indiquer à son employeur un, voire plusieurs lieux d’exercice du travail : la continuation du travail sur le lieu de vacances n’est alors pas possible si celui-ci n’est pas désigné au préalable.

Si le document fondateur de l’organisation du télétravail ou un acte d’accompagnement ne prévoient aucune obligation de la sorte et/ou ne définissent pas de lieu de télétravail, reprendre son activité en télétravail sur le lieu de vacances est possible, dans le respect des contraintes normatives techniques.

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« Les élections locales ont montré un déficit du vote des jeunes, des femmes et des pauvres »

Tribune. Notre démocratie représentative est issue de la Révolution française. Initialement, c’était les hommes riches qui élisaient les représentants : c’était le suffrage censitaire masculin. Puis, le suffrage est devenu progressivement plus universel : les hommes pauvres, comme les riches. Puis les femmes. Puis les jeunes de plus de 18 ans.

Aujourd’hui, les analyses de la participation aux élections locales montrent un déficit du vote des jeunes, un déficit du vote des femmes, un déficit du vote des pauvres. Comme si les acquis successifs vers l’universalité du vote se réduisaient : moins de jeunes, moins de femmes, moins de pauvres. Régression vers le suffrage censitaire.

Qui s’intéresse aux affaires locales ? Qui a envie de voter aux élections locales ? La taxe d’habitation est supprimée : seuls les propriétaires payent la taxe foncière, le seul impôt local direct qui reste pour les particuliers. Pas d’impôt direct pour les régions. Plus d’impôt direct pour les départements. Les débats sont ouverts sur la gratuité de nombreux services publics, en particulier pour les transports en commun.

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De même pour le revenu universel, sans contrepartie d’une contribution à la création de richesses, d’une contribution au service public ou à l’action sociale. L’usage de nombreux outils numériques est (apparemment) gratuit. Si tout est gratuit, si tout est donné, s’il n’y a pas d’impôt local, pourquoi s’intéresser aux affaires publiques locales ?

Les citoyens sont infantilisés, on leur fournit du pain et des jeux, vieille recette des démagogues et autres populistes. Il ne restera que les propriétaires qui s’intéresseront aux affaires publiques locales, puisque leur impôt en dépend. Régression affligeante vers le suffrage censitaire.

Jacobinisme congénital

Les idéaux des Lumières pour la démocratie sont pervertis par la démagogie et par l’incapacité à orienter les politiques publiques vers un accès à l’emploi pour tous. Si la démocratie représentative manque d’électeurs, la démocratie participative pourrait-elle être une alternative ? Les collectivités locales s’y essayent, mais elles sont confrontées à la même difficulté : qui vient participer, qui s’intéresse à la vie locale ?

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Le tirage au sort est un moyen intéressant, mais les tirés au sort sont forts nombreux à décliner l’offre de participation, faute d’intérêt et de temps. Urgence climatique, suppression du diesel pour améliorer la qualité de l’air : les « gilets jaunes » ont montré que, soudain, les délaissés des affaires publiques pouvaient se réveiller et avoir envie de participer. Du pain et des jeux, et de l’essence pas chère ! Quand tout n’est plus gratuit, il y a rupture du pacte d’irresponsabilité, et c’est la jacquerie.

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« Cultivons le “Je” démocratique » : rêveries d’un syndicaliste philosophe

Livre. Secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) depuis 2018, Laurent Escure n’a pas écrit un livre sur le syndicalisme, même s’il l’évoque. Sous le prétexte de faire un « coming out pragmatique », il prône « la démocratie continue » qui « permet d’associer démocratie représentative, qu[’il] pense indispensable, et démocratie permanente, qu[’il] croi[t] nécessaire ». D’emblée, il annonce la couleur : « Nous sommes face à des fléaux qui se nomment populisme, autoritarisme, islamofascisme, racisme. S’y ajoutent, en toile de fond, une montée des inégalités et une forme d’impuissance durable des pouvoirs publics à contraindre et à juguler un système économique destructeur. » Le constat est sombre, mais l’auteur, qui veut « multiplier et muscler nos anticorps citoyens » pour immuniser la démocratie, cultive l’optimisme.

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Laurent Escure nous livre ses rêveries d’un syndicaliste philosophe, une promenade où il s’étend sur les dégâts du trumpisme aux Etats-Unis, l’avenir d’une Europe à reconstruire, la pratique du compromis réformiste, hélas « pas majoritaire », la défense de la laïcité, définie comme « la liberté absolue de conscience », le risque d’un « épisode populiste autoritaire » en France en 2022. Partisan d’une « nouvelle culture citoyenne », il juge toute censure « contre-productive » et estime même que l’éviction de Donald Trump de Twitter est « une dérive et une concession à l’autoritarisme », une dérive qui peut revenir en « boomerang » vers ses initiateurs.

Chèque de « lancement de vie active »

L’ancien instituteur toulousain de 50 ans expose sa pensée sous la forme d’un dialogue avec Madani Cheurfa, directeur associé chez BVA, qui n’hésite pas à le contredire. Il se refuse à fuir les réseaux sociaux, mais préconise de former parmi les utilisateurs « les plus militants de la démocratie » des « sortes de brigades informelles démocratiques qui ramènent non pas de la polémique, mais des arguments, des faits et de la vérité ». Pour mieux « vertébrer la démocratie », Escure propose un « service civique continu » de trois jours avec des débats de culture générale, de culture scientifique, sur la santé publique ou la prévention. Il propose aussi un « revenu universel garanti », dès l’âge de 18 ans, et un chèque de « lancement de vie active », financé « par une hausse progressive de la fiscalité sur les héritages pour les patrimoines à 1,5 ou 2 millions d’euros ».

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« Il y a de la casse chez les salariés » : la grande distribution essorée par un an et demi de Covid-19

Dans un supermarché, à Bernay, dans l’Eure, en mai 2020.

« Bonsoir à toute l’équipe, merci d’avoir été autant disponible cette semaine. Journée très, très, rude aujourd’hui, qui, sans vous, aurait été encore plus un enfer. » Ce vendredi 13 mars 2020, à 21 h 30, Carole Amanou, la responsable du secteur caisse et de l’accueil du supermarché Casino de Marseille Valmante, envoie un SMS à ses collaborateurs. Depuis plusieurs jours, partout en France, les clients s’arrachent papier toilette et pâtes dans les rayons. A 47 ans, elle a beau travailler « au pied des calanques », une fois le message envoyé, ses nerfs lâchent.

A cette heure, elle ne sait pas encore que le premier ministre d’alors, Edouard Philippe, annoncera, le lendemain, la fermeture, « jusqu’à nouvel ordre », de tous les « lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays »

Le début d’une année éprouvante pour les salariés de la grande distribution, contraints de se rendre sur leur lieu de travail malgré le risque sanitaire. Une année que Carole Amanou résume ainsi : « Au premier confinement, on avait du personnel, mais pas les protections. Et, au deuxième, on avait les protections, mais pas le personnel. » Pour tous, « c’était difficile, émotionnellement, nerveusement et physiquement ».

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Mme Amanou fait partie de ces 632 957 salariés du commerce à prédominance alimentaire, d’après l’Observatoire prospectif du commerce. Et de ces 4,6 millions de salariés du privé, hors secteur médical, dans « dix-sept professions, qui ont continué à travailler sur site durant la crise sanitaire, pour continuer à apporter à la population les services indispensables à la vie quotidienne, avec un risque potentiel d’exposition au Covid-19 », précise la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, dans un document paru en mai.

« Déficit global de qualité de l’emploi et du travail »

Des travailleurs « de la deuxième ligne » qui « souffrent d’un déficit global de qualité de l’emploi et du travail, observable avant la crise à partir d’un ensemble de sources statistiques concernant six dimensions : salaires et rémunérations ; conditions d’emploi ; conditions de travail ; horaires et conciliation vie familiale-vie professionnelle ; formation et trajectoires professionnelles ; dialogue social », écrit l’organisme public. Mais aussi, comme le raconte Carole Amanou, du regard de clients qui ne se retiennent plus en caisse de lancer un « regarde, si tu ne vas pas à l’école, tu seras caissière comme la dame ».

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« La prise en compte du handicap est un enjeu de justice sociale qui concerne toute la société »

Tribune. En 2021, la France compte environ 12 millions de personnes en situation de handicap, soit près d’un Français sur cinq. Cependant, un grand nombre de ces personnes restent sans solution quant à l’accès à leur pleine citoyenneté et à leur autonomie. Depuis la loi « handicap » de 2005, les politiques en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap se sont multipliées, pourtant les objectifs définis par le texte sont encore loin d’être tous atteints.

Quand le gouvernement abandonne des millions de personnes au bord de la route, quels leviers reste-t-il pour se faire entendre ? L’Etat français est signataire de textes internationaux qui l’engagent, parmi lesquels la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, adoptée et ratifiée par la France en 2010. Il est responsable de l’accès aux droits fondamentaux de chaque citoyenne, citoyen en situation de handicap.

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Or, en France, un retard considérable a été pris depuis des années. De ce fait, les personnes en situation de handicap voient leurs conditions de vie se dégrader profondément. Le défaut de propositions de l’Etat français les laisse privées de leurs droits d’accès à des accompagnements adaptés, au logement et aux soins. Ces personnes, trop souvent exclues de la société, sont exposées à la pauvreté.

Une dégradation de la situation des handicapés

Leur droit à une protection sociale n’est pas respecté. Les familles, qui doivent assumer l’accompagnement de leur proche handicapé, sont quant à elles fragilisées socialement, financièrement, mentalement et physiquement. Des personnes dont la pandémie a aggravé la situation mais qui ont eu peu de place dans les discours politiques. Les observations du Défenseur des droits, publiées en mars 2021, démontrent encore une fois que les droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles restent entravés.

Face au silence assourdissant qu’on oppose aux personnes concernées, en mai 2018, le Forum européen des personnes handicapées et inclusion Europe, soutenu par un collectif de cinq associations françaises – APF France handicap, Clapeaha, Fnath, Unafam, Unapei –, a déposé une réclamation devant le Conseil de l’Europe. Il attend aujourd’hui la décision définitive du Comité européen des droits sociaux.

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L’enjeu ? Une condamnation de la France pour violation des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap. Une décision d’autant plus attendue que la Commission européenne vient de présenter sa nouvelle stratégie pour les droits des personnes handicapées dans l’Union européenne (UE) , dont les trois grandes priorités sont justement l’accès aux droits, l’autonomie, l’égalité des chances et la non-discrimination.

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