Courrier contre courrier, lettre à en-tête contre lettre à en-tête… L’affaire du « droit de retrait » à la SNCF tourne à la bagarre générale juridico-administrative impliquant, pêle-mêle, les syndicats, l’inspection du travail de la région Grand-Est, la direction de l’entreprise et les services du gouvernement. Selon nos informations, la direction générale du travail (DGT) s’apprête, mardi 22 octobre, à contredire publiquement – et de façon cinglante – ses propres inspecteurs du travail d’Alsace et de Champagne-Ardenne, qui avaient préconisé la suspension de la conduite des trains par un agent seul à bord.
Depuis vendredi 18 octobre, un arrêt de travail sans préavis a perturbé fortement le trafic SNCF un peu partout en France en ce début de congés scolaires de la Toussaint. Le mouvement a été déclenché deux jours après un accident de TER – ayant un seul conducteur et pas de contrôleur –, qui a fait onze blessés, dans les Ardennes, qui a créé une forte émotion parmi les cheminots et déclenché une série de débrayages au nom du droit de retrait face à un danger grave et imminent.
« La DGT ne partage pas les préconisations faites par deux agents au regard des circonstances de fait et de droit », a déclaré au Monde le ministère du travail, lundi 21 octobre. Cette position devrait être confirmée dans un courrier officiel envoyé à la SNCF, mardi.
Pour se repérer dans ce feuilleton, il faut remonter à l’accident du 16 octobre, détonateur du mouvement. Le conducteur seul à bord d’un autorail qui avait percuté un convoi routier à un passage à niveau avait dû quitter, blessé à la jambe, son train pour empêcher une collision supplémentaire.
Aussitôt, un droit d’alerte est déclenché par les représentants du personnel de la SNCF en région Grand-Est. En réponse, une inspectrice du travail pour l’Alsace et un de ses collègues de Champagne-Ardenne adressent, lundi 21 octobre, deux courriers distincts aux directions régionales de la SNCF que Le Monde a pu consulter. Les fonctionnaires recommandent de suspendre « la conduite des trains par un agent seul à bord » tant que les risques pour un conducteur confronté à une collision dans un train sans contrôleur n’ont pas été complètement et correctement pris en compte.
C’est une surprise. Et cela crée un vrai embarras pour la SNCF et le gouvernement, qui avaient réfuté l’idée que l’exercice du droit de retrait puisse être invoqué dans cette affaire, parlant de « grève sauvage »,« hors du cadre légal ». Or, cette recommandation conforte l’invocation d’un « danger grave et imminent » pour un conducteur SNCF, dès lors qu’il est seul dans son train. Les syndicats, CGT en tête, savourent.
Où qu’il se trouve, il domine tout le monde d’une tête. Dans la cour de récréation de la Presidio Middle School, l’un des douze collèges publics de San Francisco, Marc Benioff, 1,95 m, s’éponge le front. Il fait exceptionnellement chaud en cette matinée de septembre à « Fog City » (la « ville du brouillard », l’un des surnoms de San Francisco) et des centaines de personnes se pressent sous une tente : enseignants, élus de la municipalité, employés de Salesforce, la compagnie que Marc Benioff a fondée en 1999, sans parler des dizaines d’écoliers assis au pied du podium.
« Mon boulot au quotidien, c’est de diriger l’entreprise. Mais c’est aussi de placer la philanthropie dans l’architecture même de l’entreprise. » Marc Benioff
« Je remercie celui qui a pensé à monter un auvent », plaisante l’homme d’affaires. Le PDG du géant mondial du logiciel de gestion client est venu annoncer un nouveau don de 17,2 millions de dollars aux écoles de San Francisco et d’Oakland. En sept ans, Salesforce a offert près de 100 millions de dollars aux « middle schools » de la baie. Difficile de ne pas penser aux 100 millions offerts, en 2010, par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, aux écoles de Newark, dans le New Jersey. Ici, une partie de l’argent est attribuée directement aux directeurs d’établissement. « Il y a cinq ans, 700 élèves étudiaient l’informatique. Aujourd’hui, ils sont 25 000 », se félicite le superintendant des écoles, Vincent Matthews.
Le 15 octobre, Marc Benioff a publié un livre, Trailblazer (« pionnier »). Sous-titre : le pouvoir de l’entreprise comme « plateforme pour le changement ». À un moment de crise des valeurs dans la Silicon Valley, le PDG appelle ses pairs à placer le bien-être de leurs compatriotes (et le sauvetage de la planète) avant leurs profits. « Le capitalisme tel que nous le connaissons est mort, professe-t-il. Les patrons ne peuvent plus se préoccuper seulement de leurs actionnaires [shareholders]. Ils doivent se soucier des stakeholders [parties prenantes], tous ceux qui participent à la société » – salariés, clients, voisins, enfants…
Un côté boy-scout
Ancien républicain, partisan de Hillary Clinton en 2016, Benioff est devenu le chef de file des PDG militants de la Vallée. « Mon boulot au quotidien, c’est de diriger l’entreprise, nous explique-t-il à l’ombre de la cour de récréation. Mais c’est aussi de placer la philanthropie dans l’architecture même de l’entreprise. »
À Salesforce, il a imposé le modèle dit « One-One-One », qui a été copié par Google et d’autres dans la Silicon Valley : 1 % des capitaux, 1 % des profits et 1 % du temps de travail doivent être redistribués à des organisations caritatives. Depuis, quelque 45 000 ONG ont profité de l’accès gratuit aux logiciels Salesforce. À Paris, Benioff contribue au Refettorio, le restaurant solidaire installé dans la crypte de la Madeleine à l’initiative du chef italien Massimo Bottura.
Si Zuckerberg est un robot, Benioff, 55 ans, a, lui, un côté boy-scout. Affable, sapé plutôt rétro par rapport aux jeunes techies. « Papa Ours », comme l’a surnommé le PDG de Yelp, Jeremy Stoppelman. À San Francisco, Benioff fait figure de saint patron. Son nom est gravé au fronton de l’hôpital UCSF pour enfants, qu’il a doté d’une flottille de petits robots distributeurs de plateaux-repas et de médicaments.
Sa compagnie, valorisée 130 milliards de dollars, est le premier employeur de la ville (7 500 salariés, et 35 000 dans le monde). Sa toute nouvelle tour Salesforce, inaugurée en 2018, domine le paysage. À 326 mètres de haut, soit deux mètres de plus que la tour Eiffel, la vue est imprenable, mais pas réservée au PDG pour autant. « Le dernier étage est ouvert à tous. Les employés peuvent y amener leurs amis », explique Parker Harris, cofondateur de Salesforce, dans le français conservé de son année de terminale dans un lycée parisien. Les ONG y ont accès pour organiser leurs soirées de collecte de fonds. « On essaie de ne pas s’isoler de notre environnement », ajoute le bras droit du PDG.
Marc Benioff est un pur produit de San Francisco. Du côté de son père, les Benioff ont leurs racines à Kiev, en Ukraine, d’où son grand-père est arrivé quand il était enfant. Son père avait lancé une chaîne de magasins de vêtements féminins et emmenait le jeune Marc tous les dimanches dans sa tournée de livraisons. Du côté maternel, son grand-père était plus flamboyant. Avocat spécialisé dans la poursuite en dommages et intérêts, il distribuait des billets aux plus pauvres pendant ses promenades en ville. Surtout, il a laissé à San Francisco un mode de transport collectif, le BART, une sorte de RER qui traverse la baie.
Marc a été un enfant prodige à une époque où le mot « nerd » ne faisait pas partie du langage courant. À 12 ans, ses parents l’ont laissé s’installer dans le sous-sol au plus près de son premier ordinateur, un TRS-80, vite troqué contre un Atari 800. À 15 ans, il a fondé sa première compagnie, Liberty Software. Puis il a été le stagiaire de Steve Jobs chez Apple, avant d’être employé chez Oracle pendant treize ans. À 26 ans, il était déjà vice-président et multimillionnaire. À l’aube de l’an 2000, le golden-boy a eu une crise existentielle. Il a pris un congé sabbatique et est parti en Inde. Il en est revenu avec le sens de sa mission : « faire quelque chose pour les autres ».
Critique de la tech
En nageant avec les dauphins à Hawaï (archipel qu’il adore), Benioff a eu l’intuition du logiciel sur le « nuage ». Les clients pourraient accéder au service par abonnement plutôt que de devoir acheter et télécharger chaque version sur leur ordinateur. Vingt ans plus tard, Benioff est à la tête de l’une des plus grandes fortunes de la Vallée (6 milliards de dollars). Mais il est devenu très critique vis-à-vis de ses pairs de la tech.
Avant même le scandale Cambridge Analytica, il a fermé son compte Facebook, auquel il reproche de cultiver l’addiction à la plateforme. « La nouvelle cigarette », a-t-il lâché, ce qui lui a valu un coup de fil glacial de Sheryl Sandberg, l’adjointe de Mark Zuckerberg. Après une fronde des employés de Salesforce, mécontents que leur entreprise travaille avec le service fédéral de l’immigration, il a nommé une responsable de l’éthique. Et il vient de mettre fin aux contrats avec les fabricants d’armes à feu.
En septembre 2018, il a racheté le magazine Time (190 millions de dollars), à titre personnel, pour soutenir la « presse de qualité ». En novembre, il a financé un référendum imposant une taxe aux grandes entreprises de San Francisco destinée à payer des logements pour les sans-abri de la ville. Ses pairs ne l’ont pas tous bien pris, notamment Jack Dorsey, le PDG de Twitter. La maire de San Francisco, London Breed, qui avait son propre plan, a elle aussi pris parti contre l’initiative.
Benioff a montré où réside le pouvoir dans la capitale des technologies : le référendum a été adopté à 62 % des voix. Un an plus tard, le PDG regrette que la taxe soit toujours bloquée par une action en justice des grands patrons de San Francisco. « Alors que nous avons eu les réductions d’impôt de Trump… C’est ridicule ! » Malgré sa stature, Benioff n’est peut-être pas de taille à sauver la tech d’elle-même.
Les salariés ont approuvé à une large majorité, lundi, la nouvelle version du plan social avec 485 suppressions d’emplois, au lieu de 792, et le renoncement à plusieurs acquis sociaux.
Ils ont dit oui, à une large majorité, au nouveau plan social qui prévoit 485 suppressions d’emplois dans l’entité gaz, au lieu de 792. Mais sans enthousiasme, et sans se faire d’illusions. Rares sont ceux qui, parmi le millier de salariés présents, ont accepté de s’exprimer à l’issue du vote à main levée organisé, lundi 21 octobre, dans le hall du bâtiment T05 du site belfortain de General Electric (GE).
« Certes, 307 postes sont “sauvés”, mais on ne peut pas applaudir », commente Quentin, chargé d’affaires, la cinquantaine passée. Le feu vert des salariés, qui lance la phase légale de consultations-négociations pour une durée de deux mois, « ce n’est pas pour le meilleur, c’est pour le moins mauvais. Je remercie la CFE-CGC et SUD de s’être décarcassés pour aboutir à ce résultat », même si « je ne blâme pas la CGT, qui est dans sa logique ». Celle-ci a refusé de participer au vote, après avoir quitté l’intersyndicale avec fracas, samedi, lors de la manifestation de soutien aux salariés organisée dans les rues de la ville.
D’après la nouvelle version du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les effectifs de l’entité gaz vont passer de 1 760 personnes au 1er avril 2019 à 1 400 avant la fin du premier trimestre 2020, uniquement sur la base de départs volontaires, puis à 1 275 à partir du dernier trimestre, avec, si nécessaire, des départs contraints.
Ces chiffres ont été directement négociés avec Lawrence « Larry » Culp, le PDG de GE, par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui a salué « un plan social significativement amélioré », avec « des avancées majeures ».
Parmi elles figure « l’engagement de GE d’engager des discussions afin de construire un nouveau projet industriel pour le site de Belfort en vue de le conforter comme centre d’excellence pour les turbines à gaz 50 Hz, détaille Bercy. Un certain nombre de décisions ont un effet immédiat : le rapatriement de la production de certaines turbines des Etats-Unis et la nomination d’un directeur général de haut niveau pour le site belfortain, ainsi que de responsables dans les activités commerciales et d’ingénierie ».
Pour les syndicats, l’arrêt du travail d’agents SNCF décidé vendredi après un accident est un « droit de retrait » légitime. La direction, elle, dénonce une « grève » et prévoit des retenues sur salaire.
Publié aujourd’hui à 18h20
Temps de Lecture 4 min.
Application du principe de précaution face à un danger grave et imminent ou « grève sauvage » contraire au droit du travail ? L’arrêt du travail d’agents de la SNCF inquiets pour leur sécurité à la suite de l’accident, mercredi 16 octobre, entre un autorail TER et un convoi routier à un passage à niveau en Ardèche, provoque un débat entre les syndicats et la direction de l’entreprise publique sur la question du droit de retrait.
La mesure permet à tout salarié de quitter son poste en urgence s’il considère faire face à un « danger grave et imminent ». Un argument avancé par la CGT, pour qui l’arrêt des agents n’est pas un mouvement de grève, dont le lancement exige un préavis d’au moins quarante-huit heures. Ce qui n’est pas le cas des perturbations observées depuis vendredi. Pour le gouvernement et la direction de la SNCF, il s’agirait au contraire d’une contestation sociale : dimanche, son président, Guillaume Pepy, a annoncé des « retenues sur salaire » pour les agents qui ont arrêté le travail. Si la justice seule sera en mesure de trancher le débat, plusieurs éléments permettent de faire la différence entre un droit de retrait et un mouvement de grève.
Pour différencier la grève du droit de retrait, le code du travail conditionne ce dernier à un « motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent ». Les salariés seuls peuvent en prendre l’initiative et la direction de la SNCF a le droit d’en contester la légitimité. L’une ou l’autre des parties peut saisir la justice, seule habilitée à caractériser, ou non, le danger réel qui aurait motivé un droit de retrait.
En activant ce dernier, tout salarié peut se retirer de son lieu de travail pour se protéger – en alertant, même oralement, sa direction. Il ne peut être sanctionné ou licencié et ne peut être privé de salaire si le motif l’ayant encouragé à ne pas travailler est considéré comme raisonnable.
« Le droit de retrait est un droit fondamental des travailleurs, et il est rare qu’il soit contesté en cas de situation très proche de l’accident, nécessitant une mise en sécurité immédiate des salariés », explique Sébastien Millet, avocat spécialisé des sujets de santé et de sécurité au travail au barreau de Rouen. « Les juridictions sont plutôt bienveillantes sur ce sujet », note l’expert : en théorie, le danger n’aurait même pas besoin d’exister pour que le droit de retrait soit constitué – il suffit d’un motif raisonnable pour que le salarié estime de bonne foi que le danger est immédiat et imminent.
Un droit de retrait peut être collectif, mais pas revendicatif
Le droit de retrait peut être collectif si une équipe entière est exposée à un danger. Le reconnaître peut cependant se révéler plus complexe s’il est accompagné de revendications, notamment si elles portent justement sur la prévention des risques, selon Sébastien Millet :
« Les questions de santé et de sécurité au travail sont légitimes dans le cas de la SNCF, mais il faut savoir dans quel régime on se place : si on est sur un danger grave et imminent sur le réseau, alors on arrête tout et on investit pour rénover avant de reprendre le service. Si on a besoin d’une cessation collective du travail pour faire des revendications, mais qu’il n’y a pas de danger immédiat, alors nous ne sommes pas dans le régime du droit de retrait. »
Au moment de faire le bilan du mouvement du vendredi 18 octobre, la direction de la SNCF pourrait examiner les situations au cas par cas : pour les salariés travaillant sur la ligne en Ardèche où l’accident a eu lieu – une collision entre un train sans contrôleur, où le chauffeur, légèrement blessé, a dû sécuriser la voie par lui-même –, le droit de retrait pourrait être reconnu. Pour les conducteurs de TGV ou de la filiale low cost de la SNCF, Ouigo, dont certains se sont arrêtés de travailler dans d’autres régions et avec des conditions de travail différentes de celles du conducteur de RER, leur revendication de droit de retrait a plus de chances d’être refusée.
La direction peut prononcer des sanctions sans décision de justice
Les « retenues sur salaires » des salariés ayant participé aux arrêts de travail, annoncées par le président de la SNCF, Guillaume Pepy, dimanche, sont en conformité avec le code du travail, qui laisse toute autonomie aux entreprises de procéder à des sanctions si la direction considère que le droit de retrait n’est pas justifié. Ces sanctions sont cependant ouvertes aux recours et c’est devant la justice prud’homale qu’un salarié pourra revendiquer sa légitimité à avoir exercé son droit de retrait.
Un débat récurrent à la SNCF
Plusieurs décisions de la Cour de cassation encadrent déjà le débat, à la SNCF, entre le droit de retrait et les mouvements sociaux. En 2008, par exemple, la justice a reconnu le droit de retrait de cent vingt-six agents de l’entreprise publique, en Savoie, qui avaient refusé de travailler après l’agression de certains de leurs collègues sur le réseau. Le conseil de prud’hommes avait estimé que les deux jours d’arrêt du travail étaient légitimes parce que les trois agresseurs présumés n’avaient pas été interpellés.
Dans une autre affaire, le droit de retrait de cent trois agents en Isère a été refusé par la Cour de cassation, celle-ci estimant qu’après l’interpellation de l’auteur de deux agressions sur des salariés de la SNCF, au lendemain des faits, le travail devait reprendre. Les motivations du refus (éloignement de la zone des agressions, horaires en décalages avec celles-ci, antériorité de revendications sur la sécurité des agents) pourraient de nouveau être utilisées dans le cadre d’éventuels recours surlesarrêts de travail depuis vendredi. Lundi 21 octobre, une partie d’entre eux se poursuivaient dans certaines régions.
Cette proposition prévoit un plan d’économies annuel de 12 millions d’euros en contrepartie de la réduction du nombre d’emplois supprimés, selon les syndicats.
Le Monde avec AFPPublié aujourd’hui à 12h30, mis à jour à 12h31
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Près d’un millier de salariés de General Electric (GE) Belfort ont approuvé à une très large majorité, lundi 21 octobre, une nouvelle proposition de la direction prévoyant de sauver 307 des 792 suppressions d’emplois prévues par le plan social frappant le site, ont appris des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) et de France Télévisions présents sur place.
Cette proposition de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), approuvée lors d’un vote à main levée, prévoit un plan d’économies annuel de 12 millions d’euros en contrepartie de la réduction du nombre d’emplois supprimés, selon les syndicats, qui ont organisé ce vote.
General Electric emploie quelque 4 300 salariés à Belfort, dont 1 800 dans cette entité. Le groupe américain avait annoncé en mai dernier un plan social prévoyant la suppression de près de 1 050 postes en France, dont 792 à Belfort.
Samedi, quelque 2 600 manifestants, selon la préfecture, ont battu le pavé à Belfort en soutien aux employés du site industriel. Dans les rangs des manifestants, des élus locaux mais aussi Jean-Luc Mélenchon, qui s’est abstenu de toute déclaration. General Electric est « un fleuron de notre industrie nécessaire pour réaliser la transition énergétique que #Macron et ses amis ont abandonné », a toutefois tweeté le chef de file de la France insoumise.
Cette manifestation a également été marquée par la division syndicale, la CGT ayant décidé de ne pas participer au défilé soutenu par la CFE-CGC et SUD, et de rejoindre un piquet de grève devant l’usine.
La CGT avait rejeté cette nouvelle mouture de PSE approuvée lundi par les salariés. La CFE-CGC et SUD l’avaient approuvée « parce qu’elle est le moins pire des compromis ».
Les baromètres annuels des salaires édités par Randstad le 17 octobre et par le cabinet Robert Half la semaine précédente semblent confirmer un retournement de tendance, en faveur des cols blancs aussi bien que des cols bleus. Du moins, pour les compétences les plus convoitées.
Alors que le marché de l’emploi se redresse, la pénurie de profils qualifiés dans certains secteurs semble profiter à toutes les catégories de salariés. Dans son guide des salaires annuel publié le 8 octobre, le cabinet de recrutement spécialisé Robert Half constate une tendance à la hausse en 2019 des salaires moyens des cadres issus de la finance, du juridique et du numérique.
En moyenne, cette augmentation s’établit à 2 % selon les données récoltées auprès de 700 directeurs et manageurs, ainsi que de 1 045 candidats. Une hausse modérée, mais qui confirme le retournement du marché de l’emploi cadres en faveur des candidats au cours des trois dernières années, selon Robert Half.
1,5 million de fiches de paie
Un « dynamisme » alimenté par les départs à la retraite et l’intensification de la mobilité chez les profils les plus recherchés, qui n’hésitent pas à quitter leur emploi pour trouver des conditions plus favorables ailleurs. « Ces dix-huit derniers mois, deux tiers des entreprises déclarent avoir augmenté le salaire proposé pour assurer le recrutement d’un talent », constate Robert Half. Selon l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), le seuil de 300 000 recrutements de cadres pourrait être atteint en 2021.
Cette tendance haussière se voit confirmée par la 11e édition du baromètre annuel des salaires publié par Randstad jeudi 17 octobre, qui s’intéresse aux non-cadres. D’après l’analyse des 1,5 million de fiches de paie de salariés employés par l’agence d’intérim (payés au même niveau que les salariés permanents et hors primes et indemnités spécifiques), le salaire moyen des non-cadres enregistre pour la deuxième année consécutive une progression moyenne de 1,8 %, atteignant 1 636 euros brut en 2019.
Une augmentation légèrement supérieure à celle du smic (+ 1,5 % en 2018) et à l’inflation. Bien que cette hausse demeure modérée, elle semble confirmer un retournement de tendance : « Il s’agit d’un record depuis six ans », se félicite François Béharel, le président du Groupe Randstad France.
Un expert pointe, dans une tribune parue dans « Les Echos« , le « coût significatif » de cette mesure appliquée depuis le quinquennat de François Hollande.
Le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » est-il sur la sellette ? La question vient de surgir, sur un ton très polémique, après la publication dans Les Echos d’une tribune rédigée par l’économiste Pierre Cahuc, qui pointe les limites de cette mesure mise en place sous le précédent quinquennat. Elle « ne produit pas le miracle annoncé » et « son coût est significatif », estime-t-il. Des appréciations qui indignent les personnalités à l’origine de cette démarche en faveur des demandeurs d’emploi, expérimentée dans une dizaine de bassins de vie. Alors que son élargissement avait été évoqué en 2018 par Emmanuel Macron, plusieurs protagonistes craignent que l’exécutif soit en train de reconsidérer sa position.
Si le point de vue de M. Cahuc, publié le 18 octobre, suscite autant de réactions, c’est parce que l’intéressé n’est pas n’importe qui. Professeur à Sciences Po, il siège au comité scientifique créé, il y a un an, afin d’évaluer le dispositif incriminé. Le fait qu’il s’exprime avant même que le comité ait rendu ses conclusions est jugé « profondément anormal » par Louis Gallois, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée, et par Laurent Grandguillaume, le responsable de l’association portant le projet (après en avoir été l’un des instigateurs quand il était député PS de Côte-d’Or). Les deux hommes l’ont écrit dans une lettre adressée le 18 octobre au président de la République.
Evaluation « accélérée »
Sur son blog, M. Grandguillaume tape encore plus fort, fustigeant la « tribune torchon » de M. Cahuc. Il mentionne aussi que l’économiste est proche de Marc Ferracci, le conseiller spécial de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, puisque tous deux ont écrit un livre ensemble. M. Grandguillaume déplore par ailleurs que l’idée d’étendre à de nouveaux territoires le programme « zéro chômeur » tarde à se concrétiser et il s’interroge sur les « bruits négatifs » qui émaneraient de « membres du cabinet » de Mme Pénicaud. D’où son inquiétude face à la « langueur instaurée, voire le sabotage orchestré, depuis le ministère du travail ».
Ils étaient tout au plus 2 000 à battre le pavé, samedi, pour témoigner leur soutien aux salariés. La nouvelle mouture du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) sème la discorde parmi les syndicats.
Fissurée depuis quelques jours, l’intersyndicale a explosé en direct, devant les micros et les caméras des journalistes. Le « clash » s’est produit au pied de la Maison du peuple, point de départ, samedi 19 octobre à Belfort, de la manifestation organisée en soutien aux salariés de General Electric (GE) confrontés à un plan de restructuration très lourd. Elle a réuni quelque 2 000 personnes, un chiffre bien inférieur à celui du précédent défilé, le 22 juin (près de 5 000 participants).
La prise de parole de son représentant à peine achevée, la CGT s’est désolidarisée de la foule pour prendre la direction, avec quelques centaines de personnes, de la Porte de la découverte et du piquet de grève qui bloque l’accès du site de GE depuis le 7 octobre. Sans écouter le discours des représentants de la CFE-CGC ni de Sud qu’elle a copieusement sifflés et hués. Ces deux organisations syndicales ont ensuite pris la même direction, mais par un itinéraire différent. « C’est triste… », regrettait un manifestant. C’est précisément maintenant que l’unité syndicale est primordiale. »
Motif de la discorde : la nouvelle mouture du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) rejetée par la CGT, « parce qu’elle n’offre pas assez de garanties sur le projet industriel », et acceptée par la CFE-CGC et Sud, « parce qu’elle est le moins pires des compromis ». Son contenu doit être soumis au vote des salariés (à main levée) lundi 21 octobre, à partir de 10 h 30. Ce sont eux qui acteront, ou non, la reprise du travail.
« Le problème, ce sont les prédateurs financiers »
Que dit cette nouvelle version du PSE dévoilé le 28 mai ? Que ce ne sont plus 792 emplois, mais environ 500 qui seraient supprimés. L’effectif du pôle gaz passerait ainsi de 1 760 postes au 30 avril 2019 à 1 400 avant la fin du premier trimestre 2020, avec des départs volontaires et un plan senior, et à 1 275 à partir du dernier trimestre 2020 avec, si nécessaire, des départs contraints. La direction a conditionné la mise en œuvre de ce nouveau PSE à la levée du piquet de grève, mais sans fixer de date butoir. En fin d’après-midi, samedi, la CGT n’avait pas encore fait part de ses intentions.
« Le volet social est important, mais ce qu’on veut, c’est un avenir industriel pour Belfort, plaide Michel, 67 ans, retraité d’Alstom, venu soutenir les salariés dans leur combat. La direction dit vouloir travailler à la diversification du site dans l’aéronautique avec un objectif de 200 emplois à l’horizon 2023. Ce n’est pas assez. Pour poursuivre l’aventure industrielle qui a démarré ici il y a 140 ans, il faut aller beaucoup plus loin. »
Pour Otis David, contrôleur en imagerie 3D à Bourogne, l’autre site de GE dans le département (fabrication d’ailettes), « le problème, ce sont les prédateurs financiers. Ce sont eux qui mènent le monde aujourd’hui, pas les politiques. » Agé de 45 ans et père de trois enfants, il avait quinze ans lorsqu’il a intégré le CFA d’Alsthom (qui n’avait pas encore perdu son « h »). Il participe au blocage des deux sites de GE depuis le début, du matin au soir. Plus rien n’entre, ni ne sort, de la plus petite pièce à la turbine. La semaine, il est à Belfort, le week-end à Bourogne. Pas question de recourir à la violence, ni d’abîmer l’outil industriel : « On veut montrer que les voyous, ce sont eux, pas nous ! Un emploi perdu chez GE, ce sont trois à cinq autres détruits à l’extérieur par effet domino. »
Pour Henri, 73 ans, ancien commercial, ce qui se passe en ce moment avec General Electric ne concerne pas seulement Belfort, mais la France entière : « L’Etat a abandonné son industrie, et depuis trop longtemps. Il doit la replacer de toute urgence au centre de ses préoccupations. Les élus locaux ont aussi un rôle à jouer : ils doivent passer à l’offensive, être force de proposition, mouiller vraiment la chemise. Pour cela, il faut une volonté politique. » Il s’inquiète : « Mais en sont-ils seulement capables ? »
Le parti ultraconservateur Droit et justice (PiS), large vainqueur des élections législatives du 13 octobre, doit sa victoire, comme en 2015, à des promesses économiques et sociales qui bousculent la doxa libérale en vigueur dans le pays depuis la chute du communisme. Lors de la précédente législature, le parti de Jaroslaw Kaczynski a mis en place une révolution sur le marché du travail, en introduisant pour la première fois un salaire minimum horaire à 13 zlotys (3 euros), qu’il a promis de porter à 17 zlotys au 1er janvier 2020. Un tournant, dans un pays où un serveur de café pouvait, il y a encore peu, être rémunéré l’équivalent de 90 centimes d’euro de l’heure.
La promesse phare de la campagne qui a mené à la réélection du PiS a été de quasi doubler le SMIC mensuel brut à l’horizon 2022, pour le porter à 4 000 zlotys (933 euros), contre 2 250 zlotys actuellement. L’intention affichée par le parti ultraconservateur est claire : la Pologne voudrait sortir d’un modèle économique qui consiste à attirer massivement les investisseurs étrangers – parmi lesquels l’industrie allemande occupe une place de premier plan – avec, pour principal atout, le bas coût de sa main-d’œuvre. Un modèle qualifié, par certains économistes, de « capitalisme périphérique », qui a contribué au développement spectaculaire du pays d’Europe de l’Est depuis 1989, mais qui est sur le point de montrer ses limites.
Eviter le plafond de verre
Lors d’un débat à l’Université économique de Poznan (ouest), le 3 octobre, la ministre des entreprises et des technologies, Jadwiga Emilewicz, candidate aux législatives, expliquait ce point de vue. « La Pologne se développe très vite, mais nos moteurs de croissance se tarissent. Nous sommes devenus “l’atelier d’assemblage” de l’Europe. Nous avons bien intégré la chaîne de production globale de richesses, mais à un très bas niveau. Tout ce qui est matière à haute plus value, l’innovation, la propriété intellectuelle, et qui doit être source de croissance pour les décennies à venir, se trouve en dehors de nos frontières. »
L’objectif du plan Morawiecki était d’éviter ce que les économistes polonais appellent le « piège du revenu intermédiaire »
Ce constat n’a rien de nouveau. Il était déjà au cœur de la première législature du parti ultraconservateur. En 2016, Mateusz Morawiecki, le ministre de l’économie et des finances, devenu depuis premier ministre, présentait sa « stratégie pour un développement responsable », rapidement appelée « plan Morawiecki ». Son objectif était d’éviter ce que les économistes polonais appellent le « piège du revenu intermédiaire », et qui est devenu une véritable hantise sur les bords de la Vistule. Il s’agit de l’impossibilité de rattraper le niveau de développement des Etats les plus riches, pour cause d’incapacité à produire des richesses autrement que par les sources de croissance à faible plus-value. En d’autres termes : éviter le plafond de verre auquel se sont heurtés Espagnols, Portugais ou Grecs, et réussir ce qu’ont pu faire le Japon ou la Corée du Sud.
Le coup de fil a été décisif. Mardi 15 octobre, vers 20 heures, Bruno Le Maire profite d’une suspension de séance lors de l’examen du projet de budget 2020 à l’Assemblée nationale pour appeler le PDG de General Electric (GE), Larry Culp. Le ministre de l’économie veut lui arracher un feu vert pour l’accord informel qu’il a élaboré à Bercy, quelques heures plus tôt, avec l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, SUD) et les dirigeants français du conglomérat américain : sauver 307 emplois sur les 792 postes que GE entend supprimer dans l’activité des turbines de centrales au gaz fabriquées à Belfort et Bourogne (Territoire de Belfort).
Le « boss » donne son assentiment, à condition que les salariés acceptent un plan d’économies de 12 millions d’euros par an. Son contenu reste à négocier, mais il rognera forcément certains acquis (salaires, RTT, primes, heures supplémentaires…). Les salariés seront consultés, lundi 21 octobre, et, s’ils acceptent de négocier sur la base de l’accord, des discussions formelles s’engageront jusqu’à la fin du mois. L’horizon se dégage enfin, quelques jours avant la date d’expiration de la procédure légale de consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), justement fixée ce jour-là. En cas de rejet, la direction déposera sa proposition initiale à la direction régionale du travail, avec 111 postes sauvegardés sur 792.
Il a fallu quatre mois de tensions et de manifestations depuis l’annonce, le 28 mai, de la suppression de 792 emplois dans le Territoire de Belfort et de 252 postes en région parisienne. Quatre mois de politique de la chaise vide de la part des syndicats, mais de tractations informelles avec l’équipe de M. Le Maire. Quatre mois de mobilisation des élus de droite et de gauche. Et, pour finir, quelques jours de discussions-marathons sur fond de blocage du site, qui se poursuivait samedi matin.
L’industrie à la peine
Les « GE Belfort » ne sont qu’à moitié surpris, fin mai, par un plan dont l’annonce a été repoussée au lendemain des élections européennes. GE vend quatre fois moins de turbines qu’il y a dix ans, et la menace d’un millier de suppressions d’emplois plane depuis des mois. Guère surpris, mais indignés. Car on est loin des 1 000 embauches promises lors du rachat d’Alstom Power par le géant de Boston, même si les postes supprimés concernent une activité rachetée à Alstom en 1999, et non en 2015.
L’annonce de GE tombe dans un climat où le sentiment général peut se résumer ainsi : « France, ton industrie fout le camp ! »Un mois plus tôt, au sortir de la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a annoncé « un pacte productif pour atteindre le plein-emploi en 2025 ». Mais plusieurs sites sont frappés par une menace – ou une décision – de fermeture : l’aciérie Ascoval (Nord), Ford Blanquefort (Gironde), le papetier Arjowiggins (Sarthe), l’usine d’électroménager Whirlpool d’Amiens (Somme)… La décision de GE, qui a annoncé la suppression de 12 500 postes (dont 5 000 en Europe) dans sa branche « Power », est du pire effet. D’autant que ses salariés français ne sont plus protégés par les clauses de l’accord de 2015 sur la reprise d’Alstom.