Les futurs médecins ne veulent plus donner plus de sacrifice
Les nouveaux internes aspirent à plus de stabilité, au grand préjudice de certains de leurs aînés pour qui la médecine est un sacerdoce.
« On observe encore le médecin comme une personne à part, qui doit s’accorder totalement à son métier et éponger tous les problèmes de la société. On nous en demande beaucoup… » Trop ? Amina – dont le prénom a été changé – n’est pas loin de le penser. Chaque semaine, elle dédie entre soixante et quatre-vingts heures à l’hôpital. Depuis trois ans, cette étudiante de 28 ans est interne en psychiatrie en Champagne-Ardenne.
Passage obligatoire pour, chaque année, 8 000 étudiants en médecine, l’internat se compose de stages continus dans des centres hospitaliers, sur trois à cinq ans selon les branches. Lourdes journées d’examens, gardes de nuit, week-ends d’astreinte, tâches officielles et cours à l’université en parallèle… Cette période très intense ne permet pas toujours aux futurs médecins de dégager un temps de repos suffisant à leurs yeux.
Avant-goût d’un métier très captivant, l’internat sonne comme une alarme pour une nouvelle génération d’internes avide d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle. Amina a fréquemment le sentiment de devoir renoncer à des parts importantes d’elle-même. Femme engagée depuis toujours, elle a été contrainte de délaisser les associations antiracistes et féministes dans lesquelles elle est compromise. L’interne en psychiatrie aimerait aussi avoir le temps, chez elle, de cultiver son potager, et ainsi recouvrer le goût des aliments faits maison. « La médecine est mon travail, pas mon identité globale », veut-elle rappeler.
Soixante heures de travail chaque semaine
Son cas n’est pas le seul. Sur les réseaux sociaux, des internes relaient les respirations de cette nouvelle génération qui ne perçoit plus tout sacrifier à la médecine. Aviscene (son pseudo sur les réseaux) est l’un d’eux : il comptabilise 60 000 fans sur Facebook et enregistre en moyenne 30 000 vues sur ses vidéos YouTube, dans lesquelles il raconte son quotidien à l’hôpital. « Oui, les jeunes médecins ordonnent débuter à 8 heures et finir à 18 h 30 : et alors ? », lance-t-il sans détour. L’interne de 25 ans, en quatrième semestre de médecine générale dans la région lilloise, avoue ne pas vouloir « faire partie de ces professionnels qui arrivent à l’hôpital à 7 heures, partent à 21 heures, et n’ont jamais le temps de voir leurs enfants ».