Dans les crèches du Puy-en-Velay, la bataille pour réduire les décibels

Dans la crèche Rêves et ritournelles à Polignac (Haute-Loire), un sonomètre en forme de feu tricolore a été installé pour prévenir les agents et les enfants lorsque le volume sonore devient trop élevé.

La matinée touche à sa fin dans la salle de vie de la crèche Rêves et ritournelles, à Polignac (Haute-Loire). Dans un recoin de la pièce, une auxiliaire de puériculture lit une histoire aux petits. Les grands, eux, profitent des derniers instants de jeu avant le déjeuner. Lila, 2 ans et demi, s’amuse, elle aussi, mais décide brusquement d’arrêter ses activités. « Chuuuut ! », souffle-t-elle, en pointant du doigt un feu tricolore dont la lumière rouge, assortie d’un smiley triste, vient de s’allumer.

Elle connaît sa signification : le volume sonore a dépassé les 80 décibels. Lila rappelle donc à l’ordre les fautifs, deux adultes pris dans une discussion sonore. La scène n’a pas échappé à la directrice de l’établissement, Paula Couriol, qui se réjouit : « C’est précisément ce que l’on souhaite : que chacun, professionnel comme enfant, joue un rôle actif pour limiter les décibels. »

L’installation d’un sonomètre en forme de feu tricolore fait partie d’une multitude d’initiatives prises au sein de la crèche pour limiter le bruit. Une politique impulsée depuis deux ans par la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay dans les onze établissements qu’elle a en gestion directe et qui doit permettre de réduire les risques auxquels peuvent être exposés enfants comme agents.

Lire aussi l’enquête (2023) : Article réservé à nos abonnés Comment l’exposition au bruit affecte notre santé

La nocivité du bruit dans les espaces professionnels est identifiée depuis plusieurs décennies – il a été reconnu comme cause de maladies professionnelles en 1963. De nombreux secteurs d’activité sont particulièrement exposés, en particulier dans l’industrie et le BTP. Les salariés travaillant en open space sont également concernés. Au total, 62 % des actifs se déclarent gênés par le bruit ou les nuisances sonores sur leur lieu de travail, selon une enquête IFOP réalisée en septembre 2024 pour l’Association nationale de l’audition.

Une problématique qui touche également le secteur de la petite enfance. « Le bruit est le premier facteur de risque santé au travail pour ses personnels », indique Justine Monnereau, chargée de mission au Centre d’information sur le bruit (CIDB). Les cris ou les pleurs des enfants, les jeux bruyants, les voix des adultes qui s’élèvent pour se faire entendre… Autant de facteurs qui contribuent à dépasser fréquemment « les 90, voire les 100 décibels », note Mme Couriol.

Des impacts « extra-auditifs »

Même si cette exposition est, dans une crèche, essentiellement discontinue, par pics, « elle peut avoir des effets délétères, confirme Isabelle Delabre, formatrice prévention des risques professionnels au service petite enfance de la communauté d’agglomération. Un niveau sonore trop élevé peut briser plusieurs de nos 15 000 cellules ciliées, essentielles pour notre audition. Des cellules qui n’ont pas la capacité de repousser ». Le bruit a également des impacts « extra-auditifs », comme le note Mme Monnereau : « Il peut être un facteur de stress, de risques psychosociaux, voire de dépression. »

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Les visages de ceux qui subissent les plans sociaux : « Les gens comme nous comptent pour rien »

Deux mille trois cent quatre-vingt-neuf postes supprimés chez Auchan, 1 250 chez Michelin, 868 chez Valeo, 135 chez Arcelor… Depuis plusieurs semaines, les plans sociaux se multiplient en raison de la conjoncture médiocre et de la crise industrielle majeure que traverse l’Europe – avec en première ligne le secteur automobile, en pleine mutation vers l’électrique, dont le modèle économique est profondément ébranlé par la concurrence chinoise. Mais ces annonces ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Car, au-delà des grands groupes, les licenciements augmentent à bas bruit dans les petites et moyennes entreprises sur tout le territoire : le nombre de procédures collectives est au plus haut depuis quinze ans (65 000 attendues fin 2024) et celui des faillites a bondi de 20 % en un an (52 214) depuis janvier. Parmi ces dernières, aucun secteur n’est épargné : entreprises de la construction, du commerce, du secteur de l’hébergement et de la restauration…

Plus de 160 000 emplois sont aujourd’hui menacés, estime le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. En incluant les emplois directs, indirects et induits, ce chiffre pourrait dépasser les 200 000, selon les calculs de la CGT. Soit autant d’hommes, de femmes, de familles qui doivent encaisser le choc de l’annonce, confrontés à la question vertigineuse de l’après. Et avant cela, à celle, pressante, des factures à acquitter et du frigo à remplir. « J’ai failli péter les plombs en apprenant la nouvelle » ; « j’ai l’impression qu’on m’arrache une partie de moi-même », racontent ces salariés sur le carreau. Certains confient aussi éprouver de la colère, « et même de la haine », contre leur ex-employeur. Leurs témoignages racontent mieux que les chiffres la crise économique dans laquelle s’enfonce la France.

Morgane Royer, à l’atelier Z chez Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire), le 23 novembre 2024.

« Ce qui me fait peur, c’est l’après, le silence »

Morgane Royer, 31 ans, travaille à l’atelier Z chez Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire). Le géant français du pneu a annoncé, le 5 novembre, la fermeture, au plus tard début 2026, de ses sites de Cholet (955 salariés) et de Vannes dans le Morbihan (299 salariés).

« On nous appelle “les mineurs” », s’amuse Morgane Royer en sortant son téléphone portable de sa poche. Apprêtée pour le rendez-vous, elle montre une photo d’elle tout sourire, mais le visage recouvert de noir de carbone, un ingrédient essentiel pour l’élaboration de la gomme des pneumatiques. Les particules fines s’infiltrent partout, tatouant la peau de ceux qui le manipulent. Et les voies respiratoires ne sont pas épargnées. L’atelier Z, où elle travaille, c’est la zone la plus sale de l’usine, un milieu d’hommes où elle a débarqué à tout juste 20 ans « avec les cheveux jusqu’aux fesses et du vernis sur les ongles ».

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Le télétravail, reflet de la stratification de nos fractures géographiques et sociales

Le télétravail est devenu un fait de société. Les résistances fondées sur le besoin supposé de travailler toujours dans les mêmes espaces pour assurer la cohésion des équipes se sont affaiblies, tandis que les excès prônant, à l’opposé, l’éradication de tous les lieux de travail communs ont été oubliés. Une norme semble s’imposer autour de deux jours par semaine ouverts au télétravail. La coordination nécessaire a la vertu d’obliger à améliorer l’efficacité des activités réalisées en commun.

Devenu le symbole par excellence d’une transformation de notre rapport au travail, le télétravail ne concerne pourtant que 25 % de la population active. Inégalement réparti selon les métiers et les fonctions, il traduit aussi la fracture sociale dont le géographe Christophe Guilluy s’est fait le théoricien (Fractures françaises, 2010 ; No Society, 2018).

En observant les stratifications géographiques de la population, M. Guilluy distingue une large zone périphérique composée des villes petites et moyennes et des zones rurales ; 60 % des Français y travaillent essentiellement dans un tissu d’administrations locales, de PME et de petites ETI.

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En regard, se dessine une France des métropoles (Paris et les capitales régionales), qui concentre les sièges sociaux des grandes entreprises internationalisées et les administrations centrales. Elle est constituée d’une part d’une élite d’acteurs économiques, politiques et culturels impliqués dans la mondialisation des échanges et de la culture. Elle est dans les quartiers gentrifiés des centres-villes ou dans les banlieues aisées, protégée par des coûts immobiliers élevés.

Un gain nouveau de qualité de vie

Cette France des métropoles comprend aussi les catégories sociales défavorisées habitant les banlieues pauvres et qui forment le bataillon des emplois peu qualifiés assurant la logistique de la vie métropolitaine (restauration, entretien, transports, sécurité, etc.). Entre les zones périphérique et métropolitaine, les classes moyennes en déclin travaillent dans les métropoles, mais habitent de plus en plus loin d’elles pour conserver leur pouvoir d’achat en bénéficiant d’un coût immobilier abordable, quitte à accepter de longs trajets quotidiens.

Le télétravail est exclu quand la production nécessite la présence physique du travailleur (personnel d’entretien, de santé, de nettoyage, etc.). Il est donc largement inenvisageable pour 75 % de la population active qui vit essentiellement dans les zones périphériques et les banlieues. En revanche, il est commode pour les élites urbaines dont le travail créatif individualisé est fortement valorisé, ainsi qu’aux cadres et employés dont une partie de l’activité consiste à traiter de l’information.

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« C’est un métier ! » : les spécialistes du BIM n’ont pas encore envahi le monde de la construction

« A la base, je voulais être architecte, mais le métier n’a pas répondu à mes attentes, ce n’était pas aussi artistique que je le pensais. Je me suis tourné vers le numérique, car ça m’attirait », confie Ruben Johan. Cet étudiant en mastère management de projets de construction au Centre des études supérieures industrielles (CESI), apprenti dans un bureau d’études, est devenu en septembre champion du monde de « construction digitale », lors de l’olympiade des métiers WorldSkills.

Durant trois jours et demi, il a modélisé seul un projet de construction sur un logiciel. Son métier a un nom : BIM manageur. « Le BIM manageur donne vie au projet, il modélise en 3D, et est en contact avec tous les corps de métiers du début à la fin », explique-t-il. Le BIM, ou building information modeling (« modélisation des informations de construction »), désigne un processus de conception et de construction d’un bâtiment fondé sur l’utilisation d’une maquette numérique.

Dans un logiciel, le projet immobilier est rendu accessible à tous ses acteurs, de la maîtrise d’ouvrage aux différents corps de métiers, qui peuvent y trouver et y ajouter toutes les informations techniques. La numérisation des projets est censée améliorer la coordination entre acteurs, diminuer les coûts et faire gagner en précision sur les chantiers.

Incontournable sur les grands chantiers

Dix ans plus tard, il est difficile d’affirmer que le numérique a révolutionné le monde du bâtiment. Le BIM n’a pas été rendu obligatoire, même s’il est devenu incontournable sur les grands chantiers (Grand Paris, Jeux olympiques) et chez les bailleurs sociaux. Fin novembre, France Travail ne proposait que 361 offres d’emploi liées au mot-clé « BIM ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le boom du BIM chamboule le secteur de la construction

Selon un sondage de la Fédération française du bâtiment (FFB) mené en avril auprès de 201 décideurs du secteur, 26 % utilisent ou prévoient d’utiliser le BIM. « Le terme a un peu mauvaise presse, car on met tout et n’importe quoi dedans, estime Jonathan Pires, ingénieur BIM et transition numérique à la FFB. Lors du boom de 2014, on en parlait comme de la solution miracle. Ça n’a pas pris autant que ce qu’on pensait à ce moment-là. »

Sur les 24 000 ingénieurs que comptait le BTP en 2021, selon l’observatoire des métiers du secteur, impossible de déterminer quelle part est spécialisée dans le BIM. Chez les architectes, « 50 % des 64 000 personnes qui travaillent en agence sont capables de prendre part à un processus BIM », estime Olivier Celnik, architecte et directeur du mastère BIM de l’Ecole des Ponts et ESTP. Il ajoute néanmoins que « certains maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre régressent, et se rendent compte que ce n’est pas adapté à tous les cas de figure ».

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« Entre 2009 et 2024, Tesla a embauché 6 976 travailleurs immigrés qualifiés »

Si une preuve supplémentaire était nécessaire, la réélection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis en est une : le durcissement des discours sur l’immigration est une stratégie électoralement payante. D’aucuns en France ne manqueront pas de s’emparer de ce constat en ciblant, sans nuance, toute forme d’immigration. Après tout, la montée inexorable des partis anti-immigration, élection après élection, semble aussi confirmer l’efficacité de cette stratégie en Europe.

Les partisans d’une immigration zéro oublient pourtant une facette importante du discours de Donald Trump durant sa campagne. Bien qu’il ait été particulièrement hostile à l’immigration en général, l’essentiel de sa communication s’est surtout concentré sur un rejet très ferme de l’immigration irrégulière aux Etats-Unis. En revanche, le candidat républicain a beaucoup moins questionné les nombreux dispositifs historiques de son pays qui visent à attirer légalement des travailleurs du monde entier, notamment des talents qualifiés.

Chaque année, plus de 85 000 travailleurs qualifiés rejoignent les Etats-Unis grâce au programme de visas H-1b, contribuant ainsi au dynamisme de l’économie américaine. Ces visas permettent d’attirer des talents internationaux, particulièrement dans des régions comme la Silicon Valley, où ils renforcent l’innovation et jouent un rôle-clé dans le développement économique des start-up.

Des profils qualifiés mais aussi diversifiés

Elon Musk, dernier favori de Donald Trump, ne s’y est d’ailleurs pas trompé : entre 2009 et 2024, Tesla a embauché 6 976 travailleurs grâce à ce type de visa. Résultat, les immigrés représentent aux Etats-Unis 16 % de la population, mais déposent 23 % des brevets. Quarante-six pour cent des 500 plus grandes entreprises américaines en 2024 (considérées d’après le chiffre d’affaires) ont été fondées par des immigrés ou par leurs enfants.

De plus, la politique migratoire outre-Atlantique ne vise pas seulement des profils qualifiés, mais aussi diversifiés. Les Etats-Unis ont ainsi recours à une loterie annuelle permettant à 55 000 étrangers, détenteurs au minimum d’un diplôme du secondaire et issus de pays sous-représentés, d’obtenir un visa de résident permanent.

Ce dispositif favorise une diversité culturelle essentielle, dont les recherches montrent l’impact positif sur l’innovation et la croissance. De l’autre côté de l’Atlantique, la France semble avoir renoncé à mener une politique migratoire économique réellement ambitieuse et offensive. Sur les 318 926 titres de séjour délivrés en 2022, l’immigration économique fait pâle figure, ne représentant que 16 % du total.

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L’AFPA défend son bilan

Quel impact social peuvent avoir des formations destinées aux chômeurs sur leur retour à l’emploi ? Quelles économies ces mêmes formations peuvent-elles générer pour les pouvoirs publics qui les financent ? Et, finalement, ce double impact permet-il de rentabiliser l’investissement public consenti pour réinsérer les chômeurs ?

A ces trois questions cruciales l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), devenue un établissement public industriel et commercial en 2017, apporte des réponses précises en s’appuyant sur une vaste étude confiée au cabinet Koreis, spécialiste de l’impact social.

Sur vingt-quatre mois, à cheval sur 2020 et 2021, Koreis a suivi le parcours de 73 496 chômeurs accompagnés par l’AFPA. Cette cohorte a d’abord été comparée à l’insertion professionnelle de demandeurs d’emploi non formés. Résultat ? Durant les six premiers mois, les chômeurs accompagnés par l’AFPA, moins disponibles pour la recherche d’emploi, car ils étaient en formation durant 5,8 mois en moyenne, ont un taux d’insertion inférieur aux chômeurs non formés.

Les conditions pour faciliter le retour à l’emploi

Mais, passé ce délai, les premiers sont plus nombreux à travailler que les seconds. Et, au terme des vingt-quatre mois, 71 % des chômeurs passés par l’agence nationale sont en situation d’insertion professionnelle (intérim, contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée) contre 58 % de ceux qui n’ont suivi aucune formation.

Par ailleurs, l’étude, publiée le 18 novembre, montre que l’établissement public fait mieux que la moyenne du marché de la formation professionnelle sur ce critère : l’insertion dans l’emploi des chômeurs formés durant vingt-quatre mois par la totalité des organismes s’établit en moyenne à 67 %, soit quatre points de moins que l’AFPA. « Nos formations permettent une insertion plus importante et durable que les autres, et ce, alors même que nous prenons en charge davantage de personnes éloignées de l’emploi », commente Pascale d’Artois, la directrice générale.

Pour compenser ce handicap de départ, l’AFPA propose des sessions plus longues (5,8 mois contre 4,4 mois tous organismes de formation confondus) qui garantissent une meilleure remise à niveau. Pour faciliter le retour à l’emploi, l’établissement public a aussi entrepris de transformer ses centres en tiers-lieux où interviennent des partenaires dans le domaine du logement et de la mobilité.

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En silence ou avec fracas, l’art subtil de la démission

En mai, après avoir longtemps vécu heureux dans un cockpit, le pilote de ligne Yann Woodcock publiait sur le réseau professionnel LinkedIn un long texte dans lequel il expliquait pourquoi il avait décidé de quitter l’aéronautique : « Je pars car j’ai pris conscience de l’ampleur de la catastrophe climatique et de l’effondrement du vivant. Ainsi, je ne souhaite plus être partie prenante d’une industrie contribuant de manière significative au problème. » Ce départ, que l’on imagine assorti d’un véhément rabat d’étole par-dessus l’épaule, s’inscrit dans une nouvelle tendance, épinglée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #climatequitting.

Difficilement chiffrables, les « démissions climatiques » conduisent un certain nombre de salariés à prendre congé de leur entreprise, parce qu’ils considèrent que celle-ci n’est pas alignée sur leurs convictions environnementales. Avant, on se trouvait mille arguments pour rester (le crédit du pavillon, la perspective de grimper dans l’organigramme…) ; désormais, il semble exister plein de bonnes raisons de s’en aller : le bilan carbone déplorable de sa boîte, le manque de sens, la surcharge de travail, la lassitude, les collègues toxiques…

En conséquence, la démission, qui constituait un impondérable de fin de parcours sans grand relief, figure aujourd’hui l’acmé de la vie professionnelle. Signe de ce nouveau statut, elle est désormais esthétisée, avec des sous-catégories correspondant aux tempéraments de chacun : les timides pourront avoir recours au « quiet quitting » ou au « ghost quitting », deux formules qui consistent à ne pas vraiment quitter sa boîte mais à s’y faire de plus en plus discret, voire fantomatique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les DRH confrontés au phénomène insidieux du « quiet quitting »

A l’opposé, le « loud quitting » désigne un désengagement tonitruant où l’on manifeste ouvertement son mécontentement. En 1999, dans le film Office Space, l’actrice Jennifer Aniston anticipait la tendance en larguant son boulot de serveuse, majeur tendu face au visage de son employeur : « Je déteste ce job ! » Devenue un happening en soi, au point qu’il existe désormais des coachs permettant de vous épauler dans la démarche et des posts Instagram inspirants, la démission permet de poser un geste fort, d’afficher une posture morale.

Forme de développement personnel

Dans une enquête sur le « conscious quitting » (la « démission consciente ») publiée en avril 2023, le cabinet de conseil en design d’espace de travail Génie des lieux avançait que 68 % des Français ont déjà pensé à quitter une entreprise non respectueuse de leurs valeurs, et que 34 % seraient déjà passés à l’acte. Même s’il est à noter que les démissions sont en baisse depuis quelques mois, elles restent symboliquement valorisées. Preuve de votre capacité d’indignation, la rupture pétaradante avec votre employeur fera de vous un Stéphane Hessel d’open space adulé.

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Un groupe d’experts recommande de ne pas supprimer les allègements de cotisation au niveau du smic

Sur le front de l’emploi, l’année 2024 est celle du ralentissement. Le marché du travail, tout d’abord, est dans une situation morose après trois années dynamiques depuis la crise due au Covid-19. Un recul qui s’accompagne de la fin de l’épisode inflationniste. En octobre, l’inflation atteint seulement 1,2 % sur un an. Un contexte qui amène le smic à freiner lui aussi. Depuis fin 2020, le salaire minimum a augmenté de 17 % à la faveur de neuf revalorisations, une croissance bien plus forte que pour les autres salaires. Au deuxième trimestre, la hausse du smic n’était que de 1,1 % sur un an, contre 2,9 % pour le salaire mensuel de base. Conséquence plutôt positive : le nombre de salariés au smic baisse également.

Selon le groupe d’expert sur le smic, qui a remis son rapport annuel au gouvernement et aux partenaires sociaux jeudi 28 novembre, ils étaient 14,6 % des salariés du privé (hors agriculture), soit 2,7 millions de personnes, à être concernés par la revalorisation du salaire minimum au 1er janvier 2024. C’est-à-dire 400 000 travailleurs de moins qu’un an auparavant, qui avait été une année record, avec 17,3 % des salariés du privé.

Ce chiffre ne prend toutefois pas en compte la hausse de 2 % du salaire minimum du 1er novembre. Celle-ci avait été décidée par Michel Barnier en anticipation de la revalorisation automatique prévue en janvier. « Compte tenu de la hausse modérée, il ne devrait pas y avoir de changement notable dans la proportion de salariés au smic », précise le président du groupe d’experts, Stéphane Carcillo. L’économiste, qui a succédé à Gilbert Cette, nommé à la tête du Conseil d’orientation des retraites, dirigeait son premier rapport cette année.

L’exécutif devrait suivre

Le salaire minimum reste le seul à être indexé, en partie, sur les prix. Il a donc augmenté mécaniquement depuis fin 2020. Et en cas de forte hausse, des travailleurs au salaire supérieur sont « rattrapés » par le smic si leur rémunération n’est pas revalorisée dans les temps.

C’est cette mécanique qui explique, en grande partie, la « smicardisation » du pays. Lorsque l’inflation recule, le smic augmente de manière beaucoup plus modérée alors qu’on observe une croissance des autres salaires à retardement. Ainsi, de nombreux salariés sortent du smic pour retrouver des rémunérations supérieures. « La France reste un pays où les salaires sont très concentrés autour du smic, tempère Stéphane Carcillo. Les choses redescendent à la faveur d’un smic moins dynamique, mais cela reste très haut. »

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Denis Colombi, sociologue : « Nous assistons à une invisibilisation croissante du travail »

Le sociologue Denis Colombi auteur de Qui travaille vraiment (éditions Payot) souligne que le travail gagnera en visibilité en redevenant un « enjeu de lutte » dans les entreprises comme dans le débat public.

Vous mettez en avant dans votre ouvrage un processus d’« invisibilisation croissante » du travail. Il repose notamment, à vos yeux, sur des représentations biaisées…

La façon dont les femmes et hommes politiques s’emparent du sujet permet de bien saisir le poids de ces représentations. Lorsqu’ils mettent, par exemple, en scène leur rapport au travail, lorsqu’ils veulent parler de « la France qui se lève tôt », beaucoup d’entre eux vont se rendre au marché international de Rungis. C’est une image qui va éclipser les autres situations de travail, telles celle des caissières de supermarché qui finissent tard, ou celle des femmes au foyer qui se lèvent tôt, elles aussi, pour s’occuper de leurs enfants et effectuer des tâches domestiques… De nombreux métiers – dans les services, par exemple – passent « sous les radars », car ils ne correspondent pas à la représentation que l’on se fait du travail.

Le processus d’invisibilisation est également à l’œuvre au cœur des entreprises. En quoi l’organisation du travail peut-elle y contribuer ?

De nombreux mécanismes rendent la compréhension du travail effectué plus complexe. L’atomisation des tâches, par exemple. Avec cette division du travail, il devient plus difficile d’expliquer sa mission, d’en rendre compte, de dire, au fond, à quoi l’on sert. En parallèle, le travail renvoie aujourd’hui, pour une part importante, à des activités où il s’agit moins de faire quelque chose que de rendre possible pour d’autres de faire. Autre facteur de complexité : des métiers évoluent et se « bureaucratisent », comme le montre la sociologue Béatrice Hibou, évoquant le cas des infirmières qui doivent remplir de nombreux documents avant et après ses actes médicaux.

Vous estimez plus largement que l’invisibilisation du travail est « inscrite de façon profonde dans la dynamique du capitalisme ». Pourquoi ?

C’est une idée qui peut sembler, de prime abord, contre-intuitive. Le capitalisme a en effet placé le travail sur le devant de la scène et nous incite à le penser comme une activité spécifique. Mais, dans le même temps, il va participer à cette invisibilisation. Tout d’abord en répondant à la question « Qui travaille vraiment ?  » : il met en avant ceux qui possèdent le capital et non les travailleurs. Ainsi, ce sont les innovateurs, les créateurs, ceux qui contrôlent et prennent les décisions qui « font » l’économie. Ce n’est pourtant pas Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, qui se trouve dans l’entrepôt à préparer les colis puis à en assurer la livraison.

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Automobile : Valeo annonce la suppression de 868 postes en France

L’équipementier automobile Valeo compte supprimer 868 postes sur huit de ses sites français, a communiqué la direction du groupe, mercredi 27 novembre, sans préciser à quelle échéance. La direction de Valeo a annoncé aux salariés 694 départs contraints et 174 départs volontaires, selon un porte-parole du groupe joint par l’Agence France-Presse.

Les sites de La Suze-sur-Sarthe (Sarthe) et La Verrière (Yvelines) vont être fermés. La plupart de leurs salariés se verront proposer des postes sur d’autres sites de Valeo à proximité. Le site de L’Isle-d’Abeau (Isère), lui, ne va pas fermer, mais réduira ses effectifs, avec 70 salariés au lieu de 308 jusqu’ici. Les sites de Sainte-Florine (Haute-Loire), Reims (Marne), Laval (Mayenne), Amiens (Somme) et Limoges (Haute-Vienne) sont également concernés.

Selon le syndicat Force ouvrière (FO), le total serait en fait de 1 282 suppressions de postes, sur 13 500 salariés en France, si les salariés refusent leur transfert et si l’on prend aussi en compte des postes vacants supprimés. En outre, 200 postes pourraient être supprimés en Allemagne, en République tchèque et en Pologne.

« Le calendrier et les modalités vont être discutés ensuite »

Cette annonce est « un projet » dont « le calendrier et les modalités vont être discutés ensuite », a précisé le porte-parole du groupe. « On a travaillé pour avoir un plan qui préserve les opérateurs de production », qui ne sont pas concernés par les départs contraints, a-t-il souligné.

« C’est une annonce dramatique », a réagi Bertrand Bellanger, de FO. « Réduire les coûts peut être nécessaire, mais sacrifier des emplois et fragiliser l’avenir de la filière en France est une erreur stratégique », a-t-il jugé. « L’électrification de l’automobile représente un tournant majeur pour le secteur. Mais elle ne doit pas se faire au détriment des salariés », a-t-il dit.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les équipementiers automobiles sous pression

Le groupe Valeo avait déjà annoncé en janvier qu’il envisageait de supprimer 1 150 postes dans le monde, dont 235 en France, principalement dans des fonctions d’encadrement, sur 109 900 salariés dans le monde.

Valeo est un énième géant du secteur automobile à souffrir du ralentissement du marché automobile européen et à annoncer des suppressions de postes, après Michelin, Ford ou Bosch.

Spécialisé dans les systèmes électroniques et d’éclairage, l’équipementier souffre aussi d’une électrification qui patine, avec « énormément de reports de lancements de nouvelles productions chez les constructeurs », avait expliqué fin octobre son directeur général, Christophe Périllat. Valeo avait alors légèrement revu à la baisse (-3,2 %) son objectif de chiffre d’affaires pour l’année 2024, à 21,3 milliards d’euros.

Le Monde avec AFP

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