Dominique Lhuilier, psychologue, et Anne-Marie Waser, sociologue : « Le “travail empêché” est socialement construit »

Dominique Lhuilier, professeure émérite de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et Anne-Marie Waser, sociologue, maîtresse de conférences au Cnam, démontrent à travers Un travail désirable ? Conquérir sa place (Les Petits Matins, 272 pages, 23 euros) l’ambivalence de l’activité professionnelle, qui peut être tout à la fois « éprouvante pour la santé » et « source de santé ».

Votre ouvrage propose une vingtaine de récits de vie qui mettent en lumière des travailleurs en souffrance, privés de travail ou touchés par le mal-être en milieu professionnel. Quelles sont les racines de ce « travail empêché » ?

Dominique Lhuilier : A travers notre ouvrage, nous avons voulu mettre à mal des stéréotypes qui pèsent lourdement sur ceux qui n’arrivent pas à entrer dans le monde du travail, à s’y maintenir, ou ceux dont les carrières sont marquées par la précarité. Certains d’entre eux vont être qualifiés d’inemployables : on leur attribue un déficit rédhibitoire (en compétences, qualification, motivation, santé…). D’autres sont assimilés à des assistés, qui profiteraient des allocations chômage, du revenu de solidarité active (RSA).

Nous montrons au contraire que l’empêchement subi par de nombreux travailleurs est socialement construit. Les seniors, par exemple, sont exclus et mis au rebut en raison de leur âge. Les femmes, quant à elles, sont assignées à l’espace domestique et familial. Conquérir une place dans le monde professionnel est donc particulièrement complexe pour elles… Et puis, au-delà, on observe de grandes transformations dans le monde du travail qui peuvent toucher tout un chacun, et qui entraînent une précarisation des emplois, une fragilisation de la santé.

Anne-Marie Waser : Lors des entretiens que nous avons menés, nous avons rencontré des personnes non pas fainéantes, mais « cassées ». C’est le coût des évolutions majeures que connaissent les organisations. Les travailleurs peuvent se retrouver à des postes où, telles des machines, ils doivent suivre des processus, des procédures, et réaliser les missions exigées par l’entreprise. Celle-ci ne se demande pas si le travail les intéresse, ni comment le rendre intéressant. De telles réflexions, pourtant fondamentales, n’existent plus, alors que l’individualisation des tâches se développe et que les espaces de régulation pour évoquer, justement, les questions liées au travail, disparaissent.

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La banalisation du forfait jours menace les salariés de surcharge de travail

« Dans 90 % des contentieux de cadres, le forfait jours est abordé. Quasi systématiquement, les entreprises n’ont pas mis en place le cadre pour contrôler son usage, constate Cyrille Catoire, avocat en droit social, qui défend aussi bien des entreprises que des salariés. Tout le monde sait ce qu’il faut faire, mais personne ne met en place les mesures simples pour éviter d’être condamné. » Vingt-cinq ans après sa naissance, le forfait jours fait toujours débat.

Ce régime dérogatoire unique en Europe, né en 2000 de la loi Aubry 2, permet de décompter le temps de travail non plus en heures, mais en jours (218 par an au maximum), pour mieux s’adapter à la discontinuité de l’activité des cadres autonomes.

A l’origine destiné aux cadres supérieurs, il est applicable, depuis 2005, à tous les salariés « autonomes » pour organiser leur travail. La part de l’effectif à temps complet en forfait jours, dans les entreprises d’au moins dix salariés du secteur privé non agricole, est passée de 11,8 % en 2010 à 18,3 % en juin 2025, selon les chiffres du ministère du travail. Dans les entreprises de plus de 500 personnes, un salarié sur quatre est désormais au forfait.

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Pour l’employeur, cette modalité présente l’avantage de ne pas avoir à compter ni à payer d’heures supplémentaires. Côté salarié, outre la possibilité de s’organiser à sa guise, le forfait vient normalement en échange d’une augmentation de salaire, et de jours de repos complémentaires. Le salarié peut le refuser. « Le fait de ne pas badger et de ne pas rendre des comptes aussi souvent plaît massivement, c’est la face dorée de la médaille », reconnaît Jean-François Foucard, secrétaire national de la CFE-CGC.

Taux horaire proche du smic

Dans les faits, cette autonomie cache souvent des conditions de travail difficiles. Selon un baromètre publié en juin par l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict)-CGT, 37 % des cadres au forfait jours déclarent travailler plus de quarante-cinq heures par semaine, contre 28 % pour l’ensemble des cadres.

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« Depuis la généralisation du télétravail, les outils de contrôle s’immiscent jusqu’au sein de nos domiciles »

Le contrôle – du temps, de l’activité, des résultats – est un élément constitutif de la relation de travail, en particulier salariale. En acceptant un emploi, le salarié consent à placer une partie de son temps et de son activité sous l’autorité d’autrui, en échange d’une rémunération. Ce rapport de subordination, au fondement du contrat de travail, est reconnu et encadré par le droit, qui le définit comme « convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne (physique ou morale), sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ».

Pour autant, le pouvoir de l’employeur n’est pas sans limites : l’article L. 1121-1 du code du travail interdit toute restriction aux libertés individuelles qui ne serait pas proportionnée au but recherché ; le L. 1222-4 ajoute qu’aucune information ne peut être collectée à l’insu du salarié ; tandis que l’article 9 du code civil garantit à chacun le respect de sa vie privée, y compris au travail.

Mais aujourd’hui, l’essor des outils numériques a décuplé les possibilités de contrôle et engendre de profonds changements d’ordres technologique, social et juridique. L’automatisation de la détection des comportements, la géolocalisation, la généralisation des caméras de surveillance, des webcams, des smartphones, la biométrie, la reconnaissance faciale, la convergence des fichiers créent une société de traces permanentes. Depuis la généralisation du télétravail, les outils de contrôle s’immiscent aujourd’hui jusqu’au sein de nos domiciles.

Véritable basculement

On voit se multiplier, partout dans le monde, les cas de licenciement sous contrôle technologique. Aux Etats-Unis notamment, comme le rapportait récemment dans Le Monde la journaliste Caroline Talbot. On pense aussi à la banque américaine Wells Fargo, qui a licencié une dizaine d’employés après avoir découvert qu’ils utilisaient un logiciel de simulation de mouvements de souris pour contourner l’outil de suivi imposé par l’entreprise ; ou encore à la banque brésilienne Itaú, qui a choisi de cibler et de licencier plus de 1 000 collaborateurs en télétravail au motif qu’ils n’étaient pas assez productifs chez eux d’après leurs logiciels de contrôle.

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La CFDT publie son plaidoyer pour la reconnaissance des « travailleurs essentiels »

Des nettoyeurs de vitres, sur un immeuble du quartier d’affaires de la Défense (Hauts-de-Seine), le 9 octobre 2025.

« Il nous faudra nous rappeler que notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », déclarait le président de la République, Emmanuel Macron, le 13 avril 2020, en pleine crise liée au Covid-19. Cinq ans après, comment remettre sur la table ces promesses de reconnaissance des « travailleurs de la deuxième ligne » aussi nommés « travailleurs essentiels » ? Pour appuyer son plaidoyer auprès des politiques comme des employeurs, la fédération CFDT des services a publié, vendredi 17 octobre, un petit ouvrage, Essentiels si essentiels (Ed. de l’Aube, 224 pages, 17 euros). Il mêle courts témoignages, analyses d’experts et propositions syndicales.

« Oubliés », « méprisés », « des invisibles » pourtant « indispensables », les travailleurs et travailleuses interrogés y font part d’un même sentiment de relégation. « Je suis fière de ce que je fais. C’est le regard des autres qui nous fait nous sentir comme des salariés de seconde zone », confie Nelly, agent de propreté.

Tous expriment leur rancœur à l’égard des efforts consentis pour tenir leurs postes pendant les confinements, et des espoirs, vite douchés, d’en être remerciés par de meilleurs salaires et conditions de travail. « On garde de cette période un grand sentiment d’injustice, qui se transforme aujourd’hui en colère parce que nous sommes socialement maltraités », résume Yann, salarié de la grande distribution.

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« L’absence d’emploi fracture la nation, nourrit la division, pèse sur la croissance », estime un collectif transpartisan d’acteurs publics

A l’heure où la France consomme plus qu’elle ne produit, un mot d’ordre résonne : il faudrait travailler plus. Soit. Pour ceux qui le souhaiteraient, pour ceux qui le pourraient, travaillons plus. Mais, surtout, travaillons tous !

La véritable faiblesse de notre économie n’est pas tant le nombre d’heures travaillées que le nombre de personnes privées de travail. L’enjeu n’est pas seulement la productivité, c’est l’inclusion par l’activité de tous ceux qui sont exclus de l’emploi, avec toutes les conséquences sociales et économiques que cette exclusion génère. Pourtant, il existe une solution simple, forte, capable de rassembler les sensibilités, de retisser le lien national, de redonner chair à notre pacte républicain. Cette solution, c’est l’emploi pour tous.

Derrière les 7 % de chômage, ce chiffre abstrait que l’on présente trop souvent comme un relatif succès, se cache une réalité contrastée. D’un côté, des secteurs entiers en pénurie de main-d’œuvre qualifiée et, de l’autre, ceux qui, privés de toute activité, sombrent dans l’isolement, l’exclusion et la perte de repères. Dans un cas comme dans l’autre, la conclusion est la même : l’absence d’emploi fracture la nation, nourrit la division, pèse sur la croissance et mine la cohésion.

Cette fracture a un prix. Au moment où l’Etat traque 44 milliards d’euros d’économies, rappelons que la privation d’emploi coûte 43 milliards chaque année. Voilà la véritable dette sociale, voilà le vrai fardeau, celui qui épuise les comptes publics et fragilise la société.

Le meilleur levier d’insertion

Réduire l’inactivité, ce n’est pas seulement une ambition sociale, c’est aussi un calcul intelligent en faveur des finances publiques pour permettre aux personnes privées d’emploi de contribuer par leurs apports au redressement des comptes et à la prospérité économique de la nation. Seuls des moyens suffisants alloués par les pouvoirs publics aux dispositifs de retour vers l’emploi permettront de répondre durablement à cette ambition commune d’emploi pour toutes et tous.

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Participation à l’organisation du travail : l’étude Eurofound révèle que la France fait moins bien que l’Allemagne

La France aurait-elle encore des leçons à recevoir du modèle rhénan ? L’Allemagne décroche en tout cas une meilleure place dans le volet autonomie de l’enquête Eurofound sur les conditions de travail en Europe. Qu’ils soient salariés ou indépendants, 43 % des travailleurs français déclarent en 2024 avoir toujours ou la plupart du temps la possibilité d’influencer les décisions importantes concernant leur travail.

Ce taux progresse de 2 points par rapport à 2015, mais demeure inférieur à la moyenne de l’Union européenne (46 %) et surtout à l’Allemagne (54 %).

Sur toutes les questions relatives à l’autonomie et à la participation, qui constituent des leviers majeurs de motivation et de satisfaction au travail, la France apparaît comme un élève moyen de la classe européenne, toujours derrière son voisin d’outre-Rhin.

« Plus autoritaire et hiérarchique »

Ce qui n’étonne guère Thomas Coutrot, chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) : il confirme en effet que le management à la française « est bien plus autoritaire et hiérarchique que son homologue allemand ». Une différence qui tient notamment au poids des syndicats : « Dans les enquêtes européennes, plus ceux-ci sont puissants, plus les salariés se disent consultés. » Il est vrai aussi outre-Rhin que les syndicats sont plus portés vers le compromis, ce qui facilite le dialogue social et la cogestion.

L’autonomie recouvre différentes composantes qu’Eurofound entreprend d’explorer. Ainsi, 41 % des travailleurs en France déclarent pouvoir choisir ou changer de méthode de travail, contre 44 % dans l’UE et 49 % en Allemagne. Seulement 33 % des Français peuvent choisir ou modifier leur cadence de travail, soit un score inférieur à la moyenne européenne (37 %) et surtout à l’Allemagne (43 %).

En ce qui concerne la fixation d’objectifs, 39 % des actifs français affirment être consultés au préalable toujours ou la plupart du temps, contre 40 % dans l’UE et 44 % en Allemagne ; 38 % des actifs français et autant dans l’Europe des Vingt-sept se disent impliqués dans l’amélioration de l’organisation et des processus de travail. Mais outre-Rhin, ce taux grimpe à 46 %.

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« Faut-il être pour ou contre le télétravail ? »

Depuis quelques mois, certaines grandes entreprises, en France comme à l’étranger, réduisent le nombre de journées de télétravail. A la Société générale, la direction a annoncé le passage à un jour de télétravail par semaine, contre deux ou trois auparavant. Elle a expliqué cette décision par la nécessité « d’interagir, d’échanger, y compris de façon informelle, pour renforcer chaque jour notre culture et notre unité autour d’ambitions stratégiques partagées et de défis opérationnels surmontés ensemble ».

Chez JCDecaux, une nouvelle règle impose quatre jours de présence au bureau, contre trois auparavant. Comme l’a déclaré le directeur des ressources humaines France : « Compte tenu de notre forte culture d’entreprise reposant sur la proximité, l’innovation et la performance, nous avons constaté que les interactions entre équipes, manageurs et collaborateurs étaient plus efficaces en présentiel. »

Chez Iliad, maison mère de Free, le nombre maximal de jours de télétravail chaque mois est passé de huit à six. A cela s’ajoutent des restrictions telles que pas plus de deux vendredis en télétravail par mois et l’interdiction de télétravailler deux jours consécutifs.

A chaque fois, le même scénario se répète. D’un côté, les dirigeants estiment que le télétravail nuit à la dynamique d’équipe et à la productivité. De l’autre, une majorité de salariés défend le télétravail, qui offre plus de flexibilité et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Faut-il être pour ou contre le télétravail ?

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le télétravail limite-t-il la créativité collective ?

De nombreux travaux de recherche ont été publiés sur ce sujet. En particulier, une méta-analyse récente (« A dual pathway model of remote work intensity : A meta‐analysis of its simultaneous positive and negative effects », par Ravi S. Gajendran, Ajay R. Ponnapalli, Chen Wang et Anoop A. Javalagi, Personnel Psychology, 2024, 77 (4), 1351-1386) a synthétisé les résultats de 162 études, portant sur plus de 78 000 salariés. Alors qu’il est difficile de tirer des conclusions d’une étude isolée, une méta-analyse offre des résultats bien plus fiables. Elle permet d’apporter des éclairages utiles sur l’impact du télétravail, tant pour les salariés que pour les employeurs.

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David Spector, économiste : « Pour rendre acceptable le recul de l’âge de départ à la retraite, rémunérons mieux le travail »

Le constat a été maintes fois formulé : l’envolée de la dette publique et le décrochage de l’économie française au cours du dernier quart de siècle – l’écart de produit intérieur brut (PIB) par habitant avec l’Allemagne est passé de 7 % à 21 % – s’expliquent largement par la divergence des taux d’emploi – il est aujourd’hui plus élevé en Allemagne de 8,5 points. De nombreux commentateurs ou dirigeants politiques déplorent que « les Français ne veulent pas travailler plus », une conclusion pourtant discutable.

Certaines mesures peuvent augmenter la quantité de travail sans coûter un centime, comme un plus grand recours aux dispositifs de retraite progressive ou la facilitation du cumul emploi-retraite. Mais il faut aussi que le travail paye. Contrairement à une idée reçue, il n’est pas démontré que les Français ne veulent pas travailler : il serait plus juste de dire qu’ils ne veulent pas travailler pour rien.

Aujourd’hui, les prélèvements fiscaux et sociaux sur le travail sont exorbitants : pour un salarié qui gagne le salaire moyen et vit avec un conjoint inactif et deux enfants, le « coin fiscalo-social » – l’écart entre le coût pour l’employeur et ce qui reste au salarié après cotisations et impôts – est plus élevé que dans tous les autres Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – 39,1 % en 2024, contre 25,7 % en moyenne.

Le retour de la corvée prévu dans le « plan Bayrou » – la suppression de deux jours fériés sans rémunération supplémentaire, et dont l’Etat aurait été le principal bénéficiaire – revenait à alourdir encore ce prélèvement. Faut-il s’étonner de l’hostilité qui a accueilli cette proposition ? Les salariés n’ont pas réservé un meilleur accueil à une réforme des retraites qui dégradait le taux de rendement déjà presque nul de leurs cotisations, sans introduire une dose de capitalisation pour améliorer ce rendement, ni augmenter les salaires, ni demander le moindre effort aux retraités actuels.

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« A CV égal, celui qui contient des fautes d’orthographe a deux fois plus de risques d’être écarté »

Enseignante-chercheuse en sciences de gestion à l’université Grenoble-Alpes, Christelle Martin-Lacroux a consacré sa thèse, en 2015, à « l’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature » –, à ce jour la seule publiée en France dans le domaine des ressources humaines.

Quels sont les préjugés derrière un CV truffé de fautes ?

Les trois quarts des recruteurs y voient un manque de rigueur, de la légèreté et de la négligence, et presque le tiers d’entre eux y voient un défaut de politesse, de correction et de professionnalisme. Certains vont jusqu’à l’associer à un manque d’intelligence et de compétences qui peut augurer d’une incapacité à tenir un poste.

Ce n’est pas seulement une compétence technique, mais aussi une compétence sociale, autrement dit, avoir des codes. Derrière la maîtrise de l’orthographe, de la conjugaison et de la grammaire, les recruteurs interrogés dans le cadre de ma thèse anticipaient une incapacité du candidat à s’adapter aux exigences de la situation. Avec cette idée : « Il peut faire des fautes dans un SMS envoyé à un copain, mais s’il en fait dans son CV il en fera face à mes clients. »

Par ailleurs, le niveau d’orthographe du recruteur modère sa sévérité par rapport aux fautes. S’il a lui-même des lacunes, il va moins rejeter la candidature. En revanche, plus on est bon en orthographe, moins on laisse passer les fautes et plus on les trouve « impardonnables ». Dans l’étude, à CV égal en matière d’expérience, celui qui contenait des fautes d’orthographe avait deux fois plus de risques d’être écarté.

Quels sont les préjudices que veulent éviter les employeurs ?

Il y a vraiment l’idée d’entacher l’image véhiculée auprès des clients. La crédibilité de l’entreprise est en jeu, les fautes d’orthographe sont, par ailleurs, des coûts cachés pour l’entreprise. Pourquoi ? Parce que c’est de la perte de temps. Il faut relire les documents des collaborateurs. Un salarié passera du temps à les soumettre à un logiciel de correction, par exemple, et derrière il y a une question de productivité. Mais, au moment où j’ai fait ma thèse, il n’y avait pas d’intelligence artificielle (IA) générative, les cartes sont sans doute un peu rebattues aujourd’hui…

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