La nounou a-t-elle commis une faute grave ?

La nounou a-t-elle commis une faute grave ?

Des particuliers peuvent se séparer d’une assistante maternelle sans lui payer d’indemnités. Mais ils devront prouver au juge qu’elle a commis une faute dont l’importance rendait impossible l’exécution du préavis.

Publié le 28 septembre 2019 à 06h00, mis à jour à 17h33 Temps de Lecture 6 min.

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SOS CONSO A la rentrée, un million de parents ont confié la garde de leur enfant à quelque 300 000 assistantes maternelles agréées. La plupart sont satisfaits du travail de ces nourrices. Mais certains peuvent déplorer une « faute grave », justifiant selon eux le « retrait » immédiat du bambin, sans exécution d’un préavis, ni versement d’une indemnité « de rupture », – une procédure autorisée par le code de l’action sociale et des familles (article L423-24) ainsi que par la convention collective de la profession (article 18).

L’assistante maternelle qui conteste avoir commis une telle faute peut saisir les prud’hommes, afin de faire juger que le retrait était « abusif », et que l’employeur a cherché à se débarrasser d’elle à moindres frais. C’est alors à lui d’apporter la preuve de la faute grave ; celle-ci désigne, selon la jurisprudence, un fait ou un ensemble de faits, imputables à la salariée, qui constituent une violation des obligations du contrat de travail, et dont l’importance rend impossible l’exécution du préavis.

Tabagisme et extincteurs

Pour prouver la faute grave, l’employeur doit d’abord démontrer la véracité des faits qu’il allègue, ce qui n’est pas toujours simple : des parents assignés par une nourrice devant le conseil des prud’hommes de Mâcon (Saône-et-Loire) affirment ainsi qu’ils ont procédé au retrait de leurs enfants pour les protéger de son tabagisme. Ils produisent la lettre par laquelle ils ont notifié le retrait, qui indique : « Les bronchiolites répétées de [Y] ainsi que sa toute dernière hospitalisation en date du 24 janvier 2015 pour une crise d’asthme aiguë, au cours de laquelle les professionnels du service pédiatrie n’ont pu que constater avec effroi les odeurs de cigarettes dégagées par le sac à langer, tout comme son contenu, les nombreuses séances de kinésithérapie respiratoire et son besoin systématique d’un traitement sous ventoline sont autant d’éléments qui rendaient la poursuite du contrat manifestement impossible. »

Or, l’assistante maternelle nie fumer. Elle assure que si c’était le cas, ses détecteurs de fumée se déclencheraient. Le doute lui profitant, le conseil des prud’hommes juge, le 2 mars 2017, que le retrait était abusif. Les parents sont condamnés à payer à leur ex-salariée 4 000 euros de dommages et intérêts, en plus des indemnités légales. Ils font appel et produisent les certificats des médecins qui les ont mis en garde contre les « symptômes du tabagisme passif », ainsi les attestations d’autres mères, qui ont vu la nounou fumer en présence de leurs enfants. L’une d’elles écrit ainsi : « Depuis que mon enfant est gardé par Mme A, j’ai senti une odeur de cigarette sur ses vêtements, ses cheveux et son doudou, mais je n’ai jamais osé lui dire. » La cour d’appel de Dijon juge, le 11 avril 2019, que l’assistante maternelle a commis une faute grave en exposant les enfants au tabagisme passif.

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LJD

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