TechnipFMC face à un grand problème social

La Tour TechnipFMC, dans le quartier d’affaires de la Défense, près de Paris, en janvier 2018.
La Tour TechnipFMC, dans le quartier d’affaires de la Défense, près de Paris, en janvier 2018. ERIC PIERMONT / AFP

Le groupe a vécu quatre suicides en quatre ans, sur fond de problème essentiellement aigu du secteur lié à l’effondrement du prix du baril.

L’environnement social a été dur chez TechnipFMC en Hexagone, depuis la chute des cours du pétrole en 2015 et l’union du groupe parapétrolier Technip avec le texan FMC Technologies en 2017. « L’entreprise fait face depuis plusieurs années à une crise sociale majeure, avec des burn-out, des risques psychosociaux et plusieurs cas de suicide », compte Irina Azema, secrétaire adjointe CFDT du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).

En quatre ans, quatre suicides et un essai ont été classés par les syndicats, qui révoquent une atmosphère toxique. La CFDT et la CGT, majoritaires, ont fait condamner l’entreprise en justice, le 23 mai, pour qu’elle respecte ses engagements en matière de assurance des salariés et de prévention des risques psychosociaux.

Le tribunal de Nanterre a cependant noté les nettes améliorations accomplies par la société dans ce domaine. La direction de TechnipFMC déclare que la condamnation à 5 000 euros d’amende est à mettre en regard des 600 000 euros d’atteintes et intérêts sollicités par les syndicats, preuve, selon elle, que l’entreprise ne manque pas à ses engagements.

Le 20 mai, le parquet de Nanterre a par ailleurs initié une information judiciaire sur les trois suicides qui ont eu lieu entre 2015 et 2017 sur des faits d’homicide involontaire et de harcèlement moral. Les premières auditions devant le juge d’instruction vont avoir lieu aujourd’hui.

« Il est normal de travailler plus que de raison »

Il faut dire que la crise qui a touché le secteur à la suite de la chute du prix du baril en 2015 a été très violente. Surtout dans une entreprise de cadres et d’ingénieurs où les travailleurs ne comptent pas leurs heures. « On fait tous plus de 45 heures par semaine, voire plus en période de gros projets », déclare Christophe Héraud, délégué syndical central CFDT. Il révoque un climat de « réorganisation permanente » qui a débuté bien avant la fusion.

Comme l’a révélé L’Obs en janvier, un travailleur expatrié en Chine qui s’est suicidé en juillet 2015 a posé une missive explicite. « Je ne me sens pas capable de faire tout le travail. Je subis une pression pour tout ce que j’ai à faire et je n’ai pas la capacité qu’il faut pour gérer cette pression », mentionne-il. En juillet 2016, un cadre de l’entreprise se pend dans l’escalier de service de la tour Technip, à la Défense. Son acte est vite reconnu comme un accident du travail. Quelques mois plus tard, au printemps 2017, l’un de ses collègues – qui fut son chef de service – se pend pareillement. Un quatrième suicide est arrivé en mars 2019.

Augmentation de la durée du congé maternité pour les indépendantes : et les compensations ?

« Certaines catégories de travailleuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) pouvaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées. »
« Certaines catégories de travailleuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) pouvaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées. » Ingram / Photononstop

Un décret proclamé le 29 mai rend effectif l’augmentation de la durée du congé maternité pour les laborieuses indépendantes. Porté à seize semaines, il est dorénavant aligné sur celui des salariées. Mais comment sont-elles indemnisées ?

Du nouveau pour les laborieuses indépendantes qui vont avoir un enfant : le 29 mai, un décret publié au Journal officiel concrétise le prolongement de la durée du congé maternité à l’ensemble des non-salariées. Résultante à la fusion du régime social des indépendants (RSI) avec le régime général depuis le 1er janvier 2018, cette mesure promise depuis belle lurette par Emmanuel Macron incarne aussi un début d’approche entre les statuts des travailleurs indépendants et salariés.

Elle s’appose rétroactivement aux congés ayant débuté au 1er janvier 2019. Certaines catégories de laborieuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) dominaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées.

En clair, les indépendantes intéressées par cette mesure – entrepreneuses, travailleuses libérales… – ont la possibilité de prolonger leur congé jusqu’à seize semaines, au lieu de presque onze auparavant. L’allongement de ce congé a toutefois pu paraître « une fausse bonne idée » aux yeux de certaines de ces femmes, qui ne peuvent s’accepter d’interrompre leur activité aussi longtemps sans risquer une baisse durable de leur chiffre d’affaires. Se pose, surtout, la question du montant des indemnités. L’exécutif est amplement resté évasif sur ce point.

Comme les employées, les travailleuses indépendantes peuvent profiter d’indemnités journalières. Mais leur mode de calcul est distinct. Pour les employées, ce montant (plafonné à 87,71 euros par jour) varie en fonction du salaire ; par exemple, une salariée qui touche environ 2 000 euros bruts par mois aura droit à 48,46 euros de compensations journalières, selon le simulateur de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).

Le nœud du problème demeure

Pour leurs consœurs indépendantes, les compensations sont forfaitaires et fixées à 55,51 euros par jour. « Celles-ci ne changent pas », déclare Stéphanie Deschaumes, directrice annexée de la mission de pilotage de l’intégration à l’Assurance-maladie (PIAM) de la CNAM, mais la durée durant laquelle elles sont expérimentées se poursuit avec l’augmentation de la durée du congé, jusqu’à seize semaines maximum.

L’Equateur, un pays où les français préfèrent pour travailler… et pour sa qualité de vie

Entre la douceur de la côte et la fraîcheur des Andes, l’Equateur offre un cadre de vie appréciable.
Entre la douceur de la côte et la fraîcheur des Andes, l’Equateur offre un cadre de vie appréciable. JUAN CEVALLOS / AFP

Marie Missud, 26 ans, vit sur l’île de Muisne, sur la côte Pacifique, à 50 mètres de la plage. Chaque jour, elle va à son bureau en moto-taxi, en saluant en route ses amis équatoriens. Depuis deux ans, elle combine ici les projets de l’ONG espagnole Paz y Desarrollo (Paix et Développement). Une activité de terrain qui lui plaît. « Ici, j’ai un rapport direct avec les bénéficiaires, alors que, si je travaillais en France ou même à Quito, la capitale, ce serait plus un travail de coordination », déclare la jeune femme. A midi, Marie déjeune au bord du fleuve qui partage l’île de Muisne du continent. « Comme c’est une ville de pêcheurs, il y a continuellement du poisson ou des fruits de mer frais. » Le soir, elle se baigne souvent dans l’eau modérée de l’océan Pacifique avant de passer une soirée avec ses amis, sur la plage, autour d’un feu de bois. « J’aime l’ambiance qu’il y a ici, c’est toujours animé, les gens sont chaleureux, tout le monde se connaît. »

Comme elle, 2 830 Français vivant en Equateur sont inscrits au registre des Français confirmés hors de France. Dans ce petit pays de 16,6 millions d’habitants, établi entre le Pérou et la Colombie, la plupart des émigrés s’établissent dans l’une des trois principales villes du pays, Quito, la capitale, Guayaquil, le cœur économique, ou Cuenca, ville coloniale célèbre pour son développement culturel. « L’Equateur est un pays d’entrepreneurs où chacun peut créer son business avec son réseau », assure Charlène Le Falher, chargée de développement économique à la chambre de commerce et d’industrie franco-équatorienne.

Se lancer sans trop investir

Si Marie Missud a privilégié le climat modéré de la côte, Sabine Million, elle, a privilégié Quito et la fraîcheur des Andes pour créer une agence de tourisme. « Ici, les démarches pour entreprendre sont beaucoup plus simples qu’en France, et il est possible de commencer sans avoir à investir énormément », évoque la jeune entrepreneuse de 26 ans. Son premier investissement de 500 dollars a vite été rétribué, et Sabine s’est formée une petite clientèle. « Je sais maintenant que je suis capable de développer un business à l’étranger et de le rentabiliser », dit Sabine, qui a ainsi additionné une belle expérience professionnelle à son CV. Mais « ce n’est pas toujours simple de travailler en indépendant, il y a toujours un petit quelque chose qui ne va pas, et les gens ne sont pas toujours fiables », déclare-elle.

Septième économie d’Amérique latine, l’Equateur est économiquement stable, avec un taux d’augmentation de 3 % du PIB. Le pays offre donc aux expatriés français des conditions de vie plus ou moins commodes, selon leur mode de travail. Pour Sabine Million, qui est indépendante, « il y a de bons mois et d’autres plus compliqués ». Loïc Stalin, 25 ans, accomplit quant à lui un volontariat international en entreprise (VIE) à Guayaquil, dans une entreprise américaine spécialiste des matières premières. Un contrat rentable puisqu’il donne droit à une exonération d’impôts dans le pays et que l’entreprise prend en charge son logement.

Le travail demeure en effet la principale raison de l’expatriation des Français en Equateur. C’est en tout cas ce qui a conduit Serge Maller dans la capitale. Après avoir vécu en Espagne, en Argentine, en Bolivie et au Salvador, il est président de l’Alliance française à Quito depuis bientôt trois ans. Un travail qu’il estime notamment et qui n’a, selon lui, pas d’équivalent en France. « C’est un très beau poste, car nous gérons à la fois un centre de langue et un centre culturel à la programmation riche et intéressante. C’est vraiment grisant », déclare-t-il. Malheureusement, dans un an, sa mission saisira fin. Mais pas de quoi supplicier cet expatrié au long cours. « J’aime bien ce côté mission à durée définie. Ça donne une certaine énergie pour mettre en place des choses qu’on a envie de voir aboutir. C’est stimulant. »

Des paysages surprenants

Même s’ils arrivent pour le travail, les expatriés bénéficient surtout des paysages incroyables, entre l’Amazonie, la cordillère des Andes, la côte Pacifique et les îles Galapagos. « Le week-end, on a le choix, on peut aller se baigner dans une eau à 30 °C ou aller randonner à la montagne, où il fait 0 °C. Du coup, nous sommes prêts à faire quatre heures de bus le vendredi soir après le travail pour aller découvrir de nouveaux endroits », ajoute Loïc Stalin. Marie Missud, elle, n’oubliera jamais le jour où elle a appris à pêcher des crabes dans la mangrove avec ses amis de Muisne, ni celui où elle a passé neuf heures en haute mer pour collaborer à un concours de pêche.

La majorité des émigrés français demeure en moyenne deux ans en Equateur. Philippe Rabaix, lui, a déterminé de passer sa retraite dans le sud du pays, où le climat modéré attire de nombreux étrangers. Car selon la distribution publiée par le site Internationalliving.com, l’Equateur est le quatrième meilleur pays du monde où passer sa retraite, devant le Portugal ou la Colombie. Avec sa petite retraite, cet ancien professionnel de la restauration peut vivre confortablement sur le terrain qu’il a acheté « avec vue sur les montagnes », dans cette vallée connue pour la longévité de ses habitants. De son côté, Sabine Million envisage de rétablir en France rapidement, mais elle garde dans un coin de sa tête l’idée de revenir en Equateur pour finir ses vieux jours au soleil.

Une malade morte à l’hôpital Lariboisière : des problèmes aux urgences confirmés

L’entrée de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris.
L’entrée de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris. THOMAS SAMSON / AFP

Micheline M. avait été retrouvée décédée douze heures après son arrivée à l’hôpital. Une information judiciaire a été ouverte le 18 mars. L’autopsie révèle que la victime est morte d’une méningite.

L’enquête judiciaire ouverte suite à la mort de Micheline M., 55 ans, une malade découverte après douze heures d’attente sur un brancard, fin 2018, à l’hôpital Lariboisière à Paris, rentrent en retentissement avec la crise qui secoue les services d’urgence.

Cette enquête met au jour un ensemble de difficultés : la « saturation » des obligations ce jour-là, incluant « une charge de travail très importante », aurait conduit au non-respect du protocole de prise en charge de la malade décédée, déplient aux enquêteurs les personnels hospitaliers.

La famille a déposé plainte

Cette enquête permet de rétablir précisément la succession des faits qui a conduit à la mort de cette employée de la police municipale, originaire de Martinique.

Selon l’expertise d’autopsie, les causes de la mort de Micheline M. sont « compatibles » avec une méningite. « Cette infection bactérienne, rare et alarmante, est fatale dans 10 % des cas », déclare un médecin. S’agissant de la victime, cette infection a atteint les poumons, soutenant un œdème pulmonaire, corollaire de son oppression, définit le rapport d’autopsie.

La famille de la disparue a déposé plainte, le 14 janvier, pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours à personne en danger », et une information judiciaire a été initier le 18 mars. Les proches de la disparue se sont formés partie civile le 16 avril.

Mauvaise identité

Le 17 décembre 2018, Micheline M. souffrant depuis la veille de malaises aux mollets et de maux de tête, décide d’aller au centre médical de Stalingrad, non loin de chez elle, dans le 19e arrondissement de Paris. Il est 18 heures quand elle fait un malaise devant l’hôpital, sur le point de fermer. S’appuyant à un tabouret, elle réclame, « tremblante », d’être reçue par un médecin, en vain. Alors qu’elle souhaite rentrer se reposer chez elle, un agent de sécurité appelle les pompiers, qui arrivent sur place vers 18 h 20. A ce moment, Micheline M., qui n’avait pas consulté de médecin depuis février 2017, « semble souffrante mais pas plus que cela », explique aux enquêteurs le pompier qui l’a prise en charge.

Pétrole : les perdants de l’union entre Technip et FMC

L’ancien patron de Technip, Thierry Pilenko (à droite), et l’actuel PDG de TechnipFMC, Doug Pferdehirt (ici en mai 2016, à Paris).
L’ancien patron de Technip, Thierry Pilenko (à droite), et l’actuel PDG de TechnipFMC, Doug Pferdehirt (ici en mai 2016, à Paris). Charles Platiau / REUTERS

En moins de deux ans, Technip, fleuron français de l’ingénierie pétrolière, est passé sous pavillon américain. Une condition qui éveille la glaire de nombre de travailleurs.

« C’est le petit poisson qui a pris le contrôle du gros. Pour dire les choses simplement : on s’est fait rouler dans la farine par les Américains ! » Deux ans après l’union entre la société française d’ingénierie pétrolière Technip et l’équipementier texan FMC Technologies, cet affaire amer d’un ancien cadre dirigeant est le sentiment de plusieurs travailleurs.

L’assemblage entre les deux entités était exposé en 2017 comme « un mariage entre égaux » par le estimé PDG de Technip, Thierry Pilenko. Plusieurs hauts responsables et ex-salariés français du groupe ont autorisé de partager, de manière anonyme, leur pratique de cette union. Ils racontent comment une PME texane a graduellement avalé un fleuron français deux fois plus gros qu’elle.

Malgré cela, l’histoire n’était pas écrite à l’avance. Lors de l’union, Technip a un chiffre d’affaires de 13,5 milliards d’euros, contre 6,6 milliards pour FMC. Son carnet de commandes est quatre fois plus important. Uniquement le produit du texan est plus dominant.

Une société à part

Pour concevoir ce changement, il faut affermir à la crise pétrolière de 2015. Après des années de pétrole cher, qui ont vu les décisions géantes se multiplier, les cours diminuent cruellement. Les sociétés du secteur demandent de leurs fournisseurs des diminutions de coût colossales et réduisent la voilure sur les projets.

A la tour Technip, à la Défense, l’avenir s’écrit en noir : 6 000 postes sont effacés sur un effectif de 38 000 travailleurs dans le monde. Thierry Pilenko craint que la société termine par être avalée par une entreprise plus forte. Il se rapproche alors de FMC Technologies, avec lequel le groupe est déjà associé, et va porter le sujet au ministre de l’économie de l’époque, un certain… Emmanuel Macron. L’Etat est en effet encore actionnaire de Technip dans les 5,3 % par le biais de la Banque publique d’investissement.

« Personne n’a cru à la fusion entre égaux (…) Personne n’était dupe. On savait que ça allait dériver vers une absorption », se rappelle un ancien dirigeant ministériel

Il faut dire qu’il s’agit d’une société à part : Technip a été conçu comme un monopole en 1958 sous l’élan directe du général de Gaulle, avec l’appui de l’Institut français du pétrole (IFP). Moquerie de l’histoire : l’entreprise avait été créée dans le but accepté de rejoindre les Etats-Unis sur le plan technologique.

L’international, très estimée par les professionnels du digital

Guillaume Santacruz, un jeune entrepreneur français, a rejoint Campus London, un espace de coworking destiné aux start-up.
Guillaume Santacruz, un jeune entrepreneur français, a rejoint Campus London, un espace de coworking destiné aux start-up. ANDREW TESTA/The New York Times-REDUX-REA

A l’occasion du Forum Expat, un regard sur la vie et les souhaits des Français de l’étranger. Près de 20 % des Français consultés dans une récente étude d’ADP envisagent d’aller œuvrer à l’étranger au cours des deux prochaines années. Mais les circonstances n’y sont nombreuses que dans quelques secteurs, comme l’IA la robotique ou le marketing digital.

L’émigration se porte bien. Le nombre des français à l’étranger n’a cessé de croître, de 3,24 % par an en moyenne sur dix ans. En 2018, elle marque le pas, en diminution de 1,05 %, mais c’est un repli souvent remarqué après une année électorale. Quelque 3 millions de Français sont installés, dont 1,8 million étaient inscrits au 31 décembre 2018 au registre des Français de l’étranger (tous les Français ne s’affirment pas au consulat). Un tiers sont âgés de moins de 25 ans.

Près de la moitié des expatriés français sont introduits en Europe et plus de 20 % en Amérique. Les pays où la présence française conformément consignée par le ministère des Affaires étrangères est la plus forte sont, dans l’ordre, la Suisse, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et le Canada.

On remarque une partie de ces pays parmi les buts les plus estimés par les émigrés de toutes nationalités qui désirent activer leur évolution professionnelle. Selon la 11e édition de l’étude Expat Explorer, faite par HSBC et diffusée en janvier, l’Allemagne, le Bahreïn et le Royaume-Uni sont le top 3 des destinations mondiales où fonder une carrière internationale. En France, ce que les expatriés plébiscitent, c’est plutôt l’équilibre vie privée-vie professionnelle.

Hors zones frontalières, peu d’offres

Selon la dernière étude ADP sur le marché du travail en Europe (The Workforce View in Europe 2019, effectuée en octobre 2018 auprès de 10 585 salariés en Europe, dont 1 410 en France), près de 20 % des Français consultés voient de déménager à l’étranger pour travailler au cours des deux prochaines années, et, parmi eux, 4,9 % y songent très fortement. Les plus nombreux étant les 25-34 ans.

Sur le marché de l’emploi, « l’international est une niche. Le recrutement comme la recherche d’emploi à l’étranger concernent une toute petite partie des Français », déclare Jérôme Armbruster, créateur et PDG d’HelloWork, un site d’emploi qui vient de s’ouvrir à l’international avec le rachat, en 2018, de la start-up Jobijoba. « A l’international, il n’y a pas un volume considérable d’offres d’emploi de cadre, et on ne voit pas réellement d’augmentation, sauf sur les zones frontalières. L’expatriation est encore un marché de niche », ajoute Bertrand Hébert, le DG de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC).

Mais, pour quelques jobs, l’international est devenu un nouveau terrain de recherche. Soixante-seize pour cent des experts digitaux français – IA, marketing digital, robotique– seraient ainsi prêts à s’écarter pour étendre leur carrière, publie une étude du Boston Consulting Group (BCG) diffusée en mai. La tendance est mondiale pour les compétences digitales : 67 % des 26 806 salariés de 180 pays qui ont répondu à l’étude Decoding Digital Talent seraient ainsi prêts à s’expatrier. Une exception de taille, toutefois : « En Chine, moins d’un expert digital sur quatre envisagerait une telle démarche », déclare le BCG.

 

Les candidats font « jouer la concurrence »

Les distances de taux de chômage d’un pays à l’autre, bien qu’importants – 8,8 % de chômage en France, 3,6 % aux Etats-Unis, 3,9 % au Royaume-Uni – ne développent pas grand-chose. Les volontaires au départ, qui sont majoritairement des hommes (68 %) diplômés (80 %), accordent davantage d’importance au contenu de la mission et au développement de leurs compétences qu’à la sécurité de l’emploi.

« Conscients de l’obsolescence de leurs compétences, les experts digitaux attendent de l’entreprise qu’elle leur offre un terrain d’expérimentation et les moyens de continuer à apprendre. Ces talents sont une population très mobile, qui n’hésite pas à faire jouer la concurrence entre employeurs ou territoires, explique Vinciane Beauchene, directrice adjointe au BCG. Actuellement, il est essentiel pour les entreprises et les gouvernements de se pencher sur la question de leur attractivité vis-à-vis de ces talents du numérique », assène-t-elle. Dans ces métiers numériques, les Français qui s’expatrient gardent une préférence pour les pays francophones, la Suisse restant leur destination favorite.

Plus de 5 000 personnes considérées au Forum Expat 2019

Le Forum Expat aura lieu les 12 et 13 juin au Carreau du Temple, à Paris. Cet événement créé par Le Monde en 2013 réunit des acteurs économiques, universitaires et diplomatiques pour répondre aux enjeux de la mobilité internationale : comment arranger son départ et surtout son retour ? A quelle protection sociale se vouer ? Comment construire son patrimoine ?

Cette  édition structurée autour de trois thématiques – mobilité professionnelle, gestion de patrimoine et vivre au quotidien – déchiffrera l’expatriation selon les motivations de départ : pour se former en Allemagne, pour travailler au Canada, pour investir à l’île Maurice.

Le Forum fera deux focus sur l’Europe, destination favorisée pour plus de 50 % des expatriés français : l’un sur la République tchèque et l’autre sur l’impact du Brexit. Une dizaine de destinations seront dûment représentées : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, la République tchèque, le Royaume-Uni, l’île Maurice, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

Le mercredi 12 juin de 10 heures à 21 heures et le jeudi 13 juin de 10 heures à 18 heures. Au Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com

La lente destruction de l’attractivité anglaise

En 2018, 201 000 Européens se sont installés au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis.
En 2018, 201 000 Européens se sont installés au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis. JUSTIN TALLIS / AFP
A l‘occasion du Forum Expat, les 12 et 13 juin à Paris, voici un regard sur la vie et les aspirations des Français de l’étranger. Le Royaume-Uni, éternellement dans le top 3 des candidats au départ dans les enquêtes d’opinion, saisit de plus en plus d’expatriés rentré au pays.

Lors d’un cocktail à l’ambassade de France à Londres, début juin, après une remise de décoration. Un groupe d’expatriés de longue date parle. Brusquement, la conversation détourne vers les départs que chacun aperçoit autour de soi. « Ceux qui sont dans de grandes entreprises ne bougent pas vraiment, mais ceux qui sont à leur compte, ou qui peuvent se le permettre, commencent à partir, témoigne une Française installée à Londres depuis trente ans. Avec le Brexit, tout le monde se pose la question. »

Depuis le suffrage sur la sortie de l’Union européenne, en juin 2016, le Royaume-Uni captive moins. S’il n’y a pas eu d’émigration, des émigrés débutent à quitter le pays au compte-gouttes. Aujourd’hui, pour eux, c’est un fait de verre à moitié plein ou à moitié vide. Avec ses salaires captivants, son cadre de vie plaisante, son chômage au plus bas et sa langue anglaise, le pays reste l’un des plus séduisants au monde. Mais il l’est beaucoup moins qu’autrefois.

Les chiffres sur Indeed.fr, un site de recherche d’emploi, sont parlants. L’année dernière, 10,9 % des recherches accomplies en France pour un poste à l’étranger s’orientaient vers le Royaume-Uni, installant le pays en troisième position (loin derrière la Suisse, à 32 %, et juste derrière les Etats-Unis, 11,9 %). Il s’agit cependant d’un recul d’un demi-point par rapport à l’année précédente. « Le Royaume-Uni voit son attractivité se réduire et les recherches sont de plus en plus limitées au domaine de la finance et aux contrats de stage », déclare Alexandre Judes, d’Indeed.

Le Bureau britannique des statistiques réaffirme cette tendance de fond. En 2018, 201 000 Européens se sont établis au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis. Le solde net, soit 74 000 personnes, est deux fois et demie moindre qu’au moment du scrutin et atteint son plus bas niveau depuis 2012, quand le pays se restituait à peine de la crise financière.

Un solde migratoire historiquement dominant

La prédisposition est donc à un fort retard. Il s’agit cependant d’un flux positif vers le Royaume-Uni. En additionnant les non-Européens, le solde migratoire du pays était de 258 000 personnes en 2018, ce qui reste un niveau historiquement élevé et… quatre fois et demi plus haut qu’en France.

Le réseau social LinkedIn fait la même remarque. Depuis mi-2017, le nombre d’Européens membres du réseau qui ont renoncé le Royaume-Uni stabilise le nombre d’arrivées. Au contraire, il reste un flux positif de non-Européens. « Notre analyse est que le Royaume-Uni est devenu un endroit moins attirant qu’autrefois pour les chercheurs d’emploi qui habitent dans les autres pays de l’Union européenne », selon LinkedIn.

La dessiccation des émigrés européens ne vient exclusivement pas d’un quelconque retard du marché de l’emploi. Outre-Manche, le chômage n’a jamais été aussi bas depuis quarante ans, désormais à 3,8 %, un point de moins qu’au moment du référendum.

Par contre, la chute de la livre sterling, de 15 % par rapport à l’euro depuis trois ans, rend les salaires beaucoup moins concurrentiels. L’impact est particulièrement fort pour les Européens de l’Est, arrivés en très grand nombre depuis l’entrée de huit pays de cette zone dans l’UE, en 2004. Pour les Polonais particulièrement, qui œuvrent en grand nombre dans les exploitations agricoles, les usines et les maisons de retraite, le Royaume-Uni est désormais moins intéressant.

Des anxiétés sur le statut des travailleurs européens

L’anxiété qui entoure le statut des Européens post-Brexit pèse aussi lourdement. Tous les citoyens des Vingt-Sept membres de l’UE résidant maintenant au Royaume-Uni conserveront en principe les mêmes droits. Mais les incertitudes à répétition du gouvernement britannique sur le sujet, qui a soufflé le chaud et le froid, n’ont pas aidé à tranquilliser.

Ces aléas sauraient malgré cela n’être que temporaires. Le Brexit n’est pas encore effectif (son entrée en vigueur, déjà repoussée deux fois, doit en principe avoir lieu le 31 octobre) et sa forme reste à amener. S’il se passe bien, le pays pourrait brusquement redevenir captivant. Une étude de HSBC proclamée en janvier installait même le Royaume-Uni en troisième position des pays les plus plébiscités par les expatriés en quête de nouveaux défis professionnels, derrière l’Allemagne et le Bahreïn. Etrangement, il s’agissait d’une forte amélioration par rapport à la neuvième place des années 2016 et 2017. Si le résultat de ce genre d’enquête (auprès de 22 000 expatriés dans 168 pays) est à prendre avec des pincettes, il prouve que les forces du Royaume-Uni dépassent amplement la condition politique actuelle.

Plus de 5 000 personnes espérées au Forum Expat 2019

Le Forum Expat aura lieu les 12 et 13 juin au Carreau du Temple, à Paris. Cet événement réunit des acteurs économiques, universitaires et diplomatiques pour répondre aux défis de la mobilité internationale : comment organiser son départ et surtout son retour ? A quelle protection sociale se vouer ? Comment bâtir son patrimoine ?

Cette 7e édition structurée autour de trois thématiques – mobilité professionnelle, gestion de patrimoine et vivre au quotidien – décryptera la migration selon les motivations de départ : pour se former en Allemagne, pour travailler au Canada, pour investir à l’île Maurice.

Le Forum fera deux focus sur l’Europe, destination favorisée pour plus de 50 % des émigrés français : l’un sur la République tchèque et l’autre sur l’impact du Brexit. Une dizaine de destinations seront conformément représentées : le Portugal, l’Allemagne, la  Nouvelle-Zélande, l’Espagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la République tchèque, l’île Maurice et le Canada

Le mercredi 12 juin de 10 heures à 21 heures et le jeudi 13 juin de 10 heures à 18 heures. Au Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com

 

L’importance de la maîtrise de l’anglais au travail

Je suis une quiche en anglais.

Je suis une quiche en anglais.Plusieurs jeunes actifs sont bloqués par leur faible niveau d’anglais. Des manques pénibles à garantir dans plusieurs secteurs, où la maîtrise de la langue de Shakespeare est devenue nécessaire. Heureusement, il y a Google Trad.

Noémie, 26 ans, avec son bac + 5 issue d’une école de communication, travaille dans la tech, et excelle dans l’art de parler vite et bien. Mais lorsqu’il faut « switcher » en anglais, elle adapte plutôt l’art de l’échappe, voire du sourire béat quand l’accident approche. « L’anglais, c’est comme le bac, faut l’avoir. Si tu l’as pas, c’est la honte, et tu te sens exclu. »

Exprimée par son expérience à la Walt Disney Company, en région parisienne, elle rit aussi de son espacement face à la «pensée out of the box» de ­l’entreprise américaine. « Moi, j’étais out tout court ! Je me souviendrai toute ma vie d’une réunion marketing à laquelle je n’ai strictement rien compris. Je me suis trouvée bête. On m’avait recrutée comme si parler anglais coulait de source, alors qu’il m’était impossible d’arriver à la cheville de mes collègues. »

Stress récurrent

Comme Noémie dans l’univers de Mickey Mouse, plusieurs jeunes ­actifs font de l’anglais un complexe qu’ils tentent de dissimuler. Et si le phénomène est péniblement quantifiable – les passionnés préférant ne pas trop se présenter –, il n’en est pas moins universel. Si les anglicismes squattent nos mails et nos réunions parfois jusqu’à l’absurde, ils ne sont en rien comparables à la nécessité de dialoguer en anglais, source réelle de souffrance au travail pour celui qui n’a pas le niveau attendu. Du simple échoué au quiproquo, certaines situations peuvent générer un stress récurrent.

La loi Toubon de 1994, proportionnelle à l’emploi de la langue française, a pris quelques rides, comme le développe Jérôme Saulière, polytechnicien, qui a soutenu sa thèse de doctorat en 2014, intitulée « Anglais correct exigé : dynamiques et enjeux de l’anglicisation dans les entreprises françaises ». « Actuellement, elle n’est ni appliquée ni applicable, dit-il. Au lieu de fermer les yeux, on devrait se ­concentrer sur une gestion plus fine de l’utilisation des langues en entreprise. Cela serait salutaire pour tout le monde : pour la performance de la boîte et pour le bien-être des salariés. »

« Je participe à un jeu d’acteurs, mes chefs ne pourraient jamais imaginer que je suis une bille en anglais ! », Noémie, employée dans une start-up

Juste avant notre entretien, Noémie a été sollicitée pour « inviter un speaker à un meet-up ». En anglais, forcément. « Je n’ai rien dit mais ça va me demander le double de boulot », déclare-t-elle. Une charge pèse sur le quotidien de ces jeunes : l’anglais évoque un « must have », une évidence ; « le sens de l’histoire », diront certains. « C’est super dur à assumer, surtout quand on est issu de cette génération censée être bilingue, continue Noémie. Je collabore à un jeu d’acteurs, mes chefs ne pourraient jamais imaginer que je suis une bille en anglais ! » Le plus fréquemment, la jeune femme ruse grâce à deux astuces, classiques mais efficaces : Google Trad et l’appel à un ami. « J’en rigole mais quand tu n’as pas le bon logiciel, tu te sens moins crédible, moins légitime. Ça crée un sentiment d’infériorité. »

« Changement » au sein des dispositions, publiques comme privées.

« Les organisations, comme les individus, privilégient des choix qui maintiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui annoncent un saut vers l’inconnu » (Représentants syndicaux lors de l’affaire France Télécom au tribunal, à Paris, le 6 mai).
« Les organisations, comme les individus, privilégient des choix qui maintiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui annoncent un saut vers l’inconnu » (Représentants syndicaux lors de l’affaire France Télécom au tribunal, à Paris, le 6 mai). LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le professeur de management à ESCP-Europe Jean-Michel Saussois met en garde contre les visions réductrices de la « conduite de changement » encore en vigueur dans les entreprises, et dont la crise sociale à France Télécom a été une image

Le procès France Télécom est un appel à s’arrêter sur ce qu’il faut concevoir par « changement » au sein des dispositions, publiques comme privées.

Tout d’abord, deux constats. Le premier, vérité de La Palice en attitude, est de dire que les organisations, comme les individus, favorisent des collections qui soutiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui avisent un saut vers l’inconnu. Herbert Simon [économiste américain (1916-2001), Prix Nobel en 1978], théoricien des organisations, a présenté la notion de « répertoire d’action » pour caractériser la façon dont les acteurs ont l’habitude d’agir dans telle ou telle situation de travail.

Pénuries prévisibles

Or ce sont ces recueils qui sont l’objet du changement organisationnel. En fait, c’est sous la contrainte que l’on change, dans la mesure où poursuivre à faire ce que l’on sait faire ou changer pour faire quelque chose de nouveau est une alternative dont les termes sont de fait divers. Rares sont donc les changements à froid.

D’où le deuxième constat. Machiavel, consultant avant la lettre, avait averti son prince qu’« il faut savoir qu’il n’y a rien de plus difficile, de plus risqué, de plus dangereux à conduire que d’initier un nouvel ordre des choses » ; car c’est bien d’un nouvel ordre des choses dont il s’agit quand on introduit de récentes règles du jeu, de nouvelles capacités à procurer. Un changement technique peut être visualisé dans un objet, mais le changement organisationnel, lui, est affaire de perceptions par les acteurs qui évaluent s’ils peuvent ou non sortir du jeu et dans quelles conditions, qui anticipent les suites sur leur propre devenir professionnel, sur leur vie familiale.

Face à la montagne de embarrasses probables à arranger, les approches simplistes, qui se veulent avant tout pragmatiques, sont en réalité là pour adoucir les craintes de ceux qui hésitent à conduire une mutation organisationnel, ou alors pour conforter ceux qui ne voient pas où est le problème.

Il est en effet engageant de se montrer une organisation comme une machine à engendrer de l’efficience. Transformer la machine serait alors une affaire proportionnellement simple et ne solliciterait guère la lecture de livres de théoriciens de la transformation qui ne font que « pipoter » (le café en face des anciens locaux parisiens de l’Ecole Polytechnique se nomme d’ailleurs constamment Les Pipots…).

« Faut-il punir l’incapacité managériale ? »

Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs.
Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs. ERWAN FAGES

Le procès France Télécom qui s’organise depuis le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), pourrait pointer une phase capitale dans la responsabilisation juridique des managers d’entreprise, explique le professeur de gestion Jean-Philippe.

A aucun moment, il y a dix ans, les responsables de l’entreprise France Télécom n’avaient entendu que leur implication pénale puisse être engagée pour le motif de « harcèlement moral ». Après tout, qui peut donc être gardé pour coupable d’une « mode », pour reprendre la formule – malheureuse – du PDG de l’époque ? En ce sens, le procès en cours illustre bien les relations qui unissent sitôt le management et le judiciaire (« Le management face au judiciaire. Un nouveau domaine d’enseignement et de recherche », Romain Laufer et Yvonne Muller-Lagarde, Revue française de gestion, vol. 269, no 8, 2017).

« Quelle peine pour le chauffeur du véhicule sans lequel le hold-up n’aurait pu être défini, même si celui-ci n’a pas remué de ce véhicule ayant permis aux acteurs de prendre la fuite ? »

Un sujet surtout a été jusqu’à présent légèrement travaillé et discuté par les chercheurs en droit comme en management : la responsabilité pénale susceptible d’être associée à l’exercice de l’activité managériale. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de examiner qu’il s’agit d’un véritable trou noir. On voit en effet instantanément la difficulté : la mission du conduite étant largement de « faire en sorte que les autres fassent », comment pourrait-il être possible de prouver la chaîne des causes et des conséquences qui étalerait qu’un battement de cil d’un PDG ou qu’un plan stratégique voté en conseil d’administration puisse in fine déclencher une série de suicides ?

Ce « trou noir » de l’implication pénale est d’ailleurs le meilleur bouclier de protection juridique pour les dirigeants. Sans ce dernier, la financiarisation des stratégies des entreprises depuis le début des années 1990 aurait été très possiblement moins « efficace ». L’un des plus puissants leviers de cette financiarisation a été l’alignement incitatif des intérêts des dirigeants de l’entreprise sur ceux des actionnaires. On voit alors la logique qui conduit presque mécaniquement au sacrifice d’emplois sédentaires sur l’autel de l’explosion des rétributions de dirigeants, eux, amplement nomades. Et cette logique juridico-financière discriminant l’argent et la morale conduit à la formule qui a fait florès dans tous les tribunaux où des responsables ont pu être mis en cause : « Faute morale n’est pas faute pénale ». Il apaisait d’y penser…