Discriminations à l’embauche : des leçons ont été tirées du fichage « racial » par Adecco

Carnet de bureau. Un procès emblématique doit s’ouvrir jeudi 28 septembre devant la 31chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. La mise en cause du groupe d’intérim Adecco pour délit de discrimination à l’embauche et de fichage « en raison de l’origine, de la nationalité ou de l’ethnie » de cinq cents intérimaires entre 1997 et 2001 symbolise la difficile lutte contre les discriminations. « Il a fallu attendre vingt-deux années pour qu’enfin la société soit jugée de ces chefs d’inculpation », souligne Samuel Thomas, le président de la Maison des potes, qui a porté l’affaire devant la justice dès 2001 au nom de SOS-Racisme, dont il était alors vice-président.

Mais où sont aujourd’hui les cinq cents victimes de ce système de fichage « racial » (226-19 du code pénal) basé sur les codes BBR (bleu, blanc, rouge) et PR4 (pour les personnes de couleur), qui écartait de certains postes des candidats noirs ou originaires de banlieue ?

Sauront-elles que leur situation va être traitée par la justice ? « Sur les cinq cents personnes, 99 % ont changé de numéro de téléphone et sur les soixante-quinze adresses postales des victimes que nous avons contactées, soixante-dix enveloppes nous sont revenues avec la mention “inconnu à l’adresse indiquée”. Plusieurs sont décédées », reconnaît Samuel Thomas. Sur les cinq cents personnes, une vingtaine seulement s’étaient portées partie civile avant l’audience du 28 septembre.

Si ce procès est en soi « une victoire » après plus de vingt ans de bataille judiciaire, le bilan pour les victimes est maigre : la réparation du préjudice subi pourrait ne bénéficier qu’à une minorité d’entre elles, et il n’est pas prévu que les clients donneurs d’ordre soient poursuivis. Or, les salariés d’Adecco répercutaient les ordres de leurs entreprises clientes.

« Des progrès visibles »

La lutte n’est pas vaine pour autant. Si la discrimination à l’embauche reste une réalité en 2023, des leçons ont été tirées. « Les deux collaborateurs nommément mis en cause ne sont plus dans l’entreprise et, depuis 2001, on a un département spécifique qui forme tous les nouveaux collaborateurs. On fait également deux vagues de testing par an pour contrôler les pratiques réelles des recruteurs », explique un porte-parole d’Adecco.

Depuis le début des années 2000, de nombreuses organisations ont ainsi lancé des politiques pour se protéger des risques discriminatoires. L’Association française des managers de la diversité, créée en 2007 notamment pour renforcer la prévention en milieu professionnel, et ISM Corum, une autre association spécialisée dans le même domaine, viennent de publier à la mi-septembre un bilan des actions menées par les entreprises, dont il ressort que les discriminations ethnoraciales sont devenues une préoccupation majeure en matière de recrutement.

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« Il y a toujours la petite phrase de trop » : pour les jeunes diplômés issus de la diversité, l’éternelle référence aux « origines » supposées

Anouar Mhinat appelle ça « la petite phrase de trop ». A 24 ans, ce chef de publicité dans le secteur du luxe en a des exemples à la pelle. Comme lors de cet entretien avec la directrice des ressources humaines d’un institut de sondage : « Vu votre nom et votre visage, c’est quand même dommage que vous ne précisiez pas que vous êtes français sur votre CV. » Ou la remarque de cette manageuse lui reprochant d’avoir commis une faute d’orthographe. « Si tu as du mal avec la langue française, n’hésite pas à lire des livres ! », avait-elle conseillé à ce lecteur assidu.

Lire l’analyse : Article réservé à nos abonnés Les problèmes d’emploi, symptôme persistant de la relégation des banlieues

Elevé dans un quartier populaire de Chambéry, fils d’un ouvrier plaquiste et d’une femme au foyer originaires du Maroc, le jeune homme avait pourtant l’habitude des remarques déplacées. Son arrivée à Sciences Po Grenoble avait été un premier choc de classe. « Je ressentais bien la différence, j’étais le boursier – échelon 7, qui plus est ! –, mais je pensais que ce décalage disparaîtrait au travail. Or, c’est là qu’il est le plus violent », témoigne-t-il. Pour lui, de l’eau a, depuis, coulé sous les ponts. « Dans mon entreprise actuelle, les origines des salariés ne sont pas un sujet », souligne le jeune cadre.

Economiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques, à Paris, Marie-Anne Valfort confirme de « petites » avancées, ces dernières années, sur le terrain de la lutte contre les discriminations à l’embauche. Le lancement d’une vaste campagne de testing en direction des grandes entreprises, en 2016, à la demande du ministère du travail « a été un moment de prise de conscience pour ces grands groupes confrontés au risque de “name and shame” [dénonciation publique de mauvaises pratiques] ». S’y est ajoutée, en 2017, l’adoption de la loi « égalité et citoyenneté » obligeant les sociétés de plus de 300 salariés à former leurs recruteurs à la non-discrimination. « Malgré tout, et même si elles diminuent avec le niveau de qualification, les discriminations à l’encontre des minorités ethno-raciales sur le marché du travail restent fortes en France », souligne la chercheuse.

Petites humiliations répétées

Un testing sur CV de grande ampleur, réalisé entre décembre 2019 et avril 2021, sous l’égide de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (ministère du travail), a montré que les candidats avec un nom à consonance maghrébine – diplômés d’un CAP à un bac + 5 – ont 31,5 % de chances de moins d’être contactés par les recruteurs. C’est même en France que ces discriminations à l’embauche sont les plus marquées, selon une vaste enquête américaine de 2019 comparant la situation dans neuf pays (Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède).

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Morts au travail : une première campagne de prévention qui convainc à moitié

« Sécurité au travail : responsabilité de l’entreprise, vigilance de tous ». C’est le slogan de la campagne de communication lancée lundi 25 septembre par le gouvernement, sur la prévention des accidents du travail. Cette dernière s’articulera sur différents supports visuels et écrits, à destination des salariés, des entreprises mais aussi du grand public. Dans un clip vidéo diffusé le 25 septembre, d’une durée de 45 secondes, la caméra filme les regards des salariés d’une entreprise industrielle : sans montrer le drame, on comprend que quelque chose de grave vient de se produire. La fin du spot montre une femme éclatant en sanglots au téléphone, suivie du message : « chaque jour, deux personnes meurent au travail et plus de cent sont blessées gravement ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Morts au travail : les syndicats demandent des comptes au gouvernement

Cette initiative du ministère du travail est notamment le résultat de l’action d’un collectif de familles de victimes d’accidents mortels, que le cabinet du ministre du travail, Olivier Dussopt, a reçues plusieurs fois en début d’année. En juin, un nouveau décret avait déjà marqué un progrès, obligeant les employeurs d’informer l’inspection du travail dans les douze heures lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail mortel. Caroline Dilly, porte-parole du collectif (devenu aujourd’hui association) et mère de Benjamin, couvreur de 23 ans décédé d’une chute le 28 février 2022 à Chinon, se montre satisfaite : « je trouve le clip digne, on n’avait pas besoin d’images sanguinolentes. On comprend qu’il peut arriver n’importe quoi à n’importe qui au travail. Ce n’est qu’une petite goutte d’eau, mais enfin l’Etat reconnaît qu’il y a un problème. »

Ce « problème » s’exprime en chiffres : avec 640 000 accidents déclarés et 696 morts au travail parmi les salariés du régime général et du régime agricole en 2021, la France est le pays où l’on décède le plus au travail en Europe. « On n’avait jamais eu de campagne sur la prévention des risques depuis les années 1950, réagit Anthony Smith responsable syndical CGT au ministère du travail. L’enjeu porté par l’association de victimes commence à porter ses fruits. Mais il a fallu attendre que la France soit en pole position en Europe pour faire quelque chose. »

Pour le collectif de familles, il s’agit maintenant d’aller plus loin. « L’Etat met à disposition des fiches thématiques, mais on n’en voit aucune sur l’accompagnement des familles en deuil, alors que personne ne sait vraiment les premières démarches à faire en cas de drame, qui on doit appeler », remarque Caroline Dilly.

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« Un nouveau label suffira-t-il à réguler les établissements privés à but lucratif dans l’enseignement supérieur ? »

Proposé par la ministre de l’enseignement supérieur, le futur label octroyé aux établissements d’enseignement supérieur privé devra exiger le détail des frais d’inscription réels moyens et des taux de réussite et d’insertion sur le marché du travail, prévient Julien Jacqmin, professeur associé en économie à Neoma Business School.

Comment lancer une alerte en entreprise

Droit social. Un solide réalisme est de mise lorsque l’on réfléchit au statut du « lanceur d’alerte ». Car l’auto-revendication de cette qualité s’est banalisée, bien au-delà du courageux Bayard « sans peur et sans reproche » prenant d’immenses risques personnels et judiciaires (responsabilité civile et pénale) au nom de l’intérêt général : pour faire du bruit sur les réseaux sociaux en collectant des clics monétisables, ou pour avoir son quart d’heure de célébrité. En droit, n’est donc pas « lanceur d’alerte » qui veut.

Situation par ailleurs spécifique que celle du salarié, comme l’a noté la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg le 14 février 2023, qui repose sur : « D’une part, le devoir de loyauté, de réserve et de discrétion inhérent au lien de subordination. D’autre part, la position de vulnérabilité notamment économique vis-à-vis de l’entreprise dont il dépend, ainsi que le risque de subir des représailles de la part de celle-ci. »

Vu l’importance de la réputation et ses effets sur la collectivité de travail, il faut éviter d’encourager des comportements de salariés opportunistes décrédibilisant l’idée même d’une alerte dépassant leur personne. Issue de la loi du 21 mars 2022, l’absence de « contrepartie financière directe » n’est guère rassurante. Quant à la mauvaise foi, « elle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés, et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, 13 septembre 2023).

Deuxième spécificité : existent déjà deux « droits d’alerte » internes à destination de l’employeur. Celui ouvert aux membres du comité social et économique (CSE) en cas d’atteinte aux droits des personnes et à leur santé physique ou mentale. Idem en matière de santé publique ou d’environnement, « si le salarié estime que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement ». Mieux vaut résoudre ces questions sur place, et immédiatement.

Trois procédures possibles

Troisième spécificité : l’inspection du travail, chargée de contrôler l’application des textes (141 799 lettres d’observation et 4 709 procès-verbaux ont ainsi été transmis au parquet en 2022) ; le conseil de prud’hommes statuant sur les litiges individuels, qui ne relèvent pas de l’alerte ; sans oublier les représentants du personnel, spécialement protégés et susceptibles de dépasser le cas particulier.

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« Le grand sujet politique de cette rentrée concerne la capacité du travail à assurer une vie digne et un avenir meilleur à chacun »

Lorsque l’on interroge les membres de la majorité sur la finalité sociale du double quinquennat d’Emmanuel Macron, la réponse la mieux partagée est celle-ci : le retour au plein-emploi, autrement dit la fin du chômage de masse qui mine le pays depuis cinq décennies. En 2017, la France comptait 9,1 % de sa population active au chômage. En 2022, le pourcentage était tombé à 7,1 %. L’objectif affiché est d’atteindre 5 % en 2027 et de pouvoir dire qu’à force d’obstination, une révolution s’est opérée, qui ne touche pas qu’aux chiffres, mais concerne aussi le mental d’une société collectivement dépressive : si une source profonde d’angoisse parvient à être levée, tout pourrait aller mieux.

Le ralentissement de la croissance a beau fragiliser l’objectif, le gouvernement s’y accroche d’autant plus que de lui découle la cohérence d’une bonne partie de ce qui a été engagé depuis six ans : la politique de l’offre, la réforme de l’assurance-chômage, celles de l’apprentissage et du lycée professionnel.

Une angoisse chassant l’autre, ce n’est pourtant plus le niveau du chômage qui préoccupe les Français. Le grand sujet politique de cette rentrée concerne le travail, ou plus précisément la capacité du travail à assurer une vie digne et un avenir meilleur à chacun.

La ministre des Solidarites et des Familles, Aurore Berge, lors de la discussion du projet de loi pour le plein-emploi, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 25 septembre 2023.

Bombe politique

La revalorisation en catastrophe des salaires des enseignants et de ceux des métiers du soin, menacés par la même désaffection, l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires assortie de mesures spécifiques pour les bas et les moyens salaires, l’annonce d’une conférence sociale portant sur les bas salaires et les carrières n’épuisent pas le sujet.

Par un retournement de conjoncture que personne n’avait anticipé, la question du travail qui n’ouvre pas suffisamment de perspectives est en passe de se transformer en une bombe politique : l’inflation bien plus tenace que prévu ronge le pouvoir d’achat ; la hausse rapide des taux d’intérêt annihile pour beaucoup de ménages la perspective de devenir propriétaires de leur logement ; le marché locatif est hypertendu. Quant à l’Etat surendetté, il ne peut plus jouer autant que ces dernières années le rôle de pompier social. Comme les autres acteurs, il est touché par la hausse des taux d’intérêt, qui pèse sur le remboursement de sa dette.

La tentative maladroite et avortée d’Elisabeth Borne, la première ministre, de faire baisser les prix de l’essence en autorisant la vente à perte, la réponse négative des distributeurs sollicités sont révélatrices du changement de climat qui est en train de s’opérer entre le gouvernement et le patronat. Biberonnées pendant des années à la politique de l’offre, habituées à être choyées au nom de la restauration de la compétitivité, les entreprises ont du mal à admettre que le gouvernement puisse leur demander de « prendre leur part ». Elles rechignent à réduire leur marge pour limiter les effets de l’inflation ou à revoir le partage de la valeur ajoutée pour augmenter les salaires.

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« Que sait-on du travail ? » : les raisons qui continuent de freiner l’égalité femmes-hommes

29 % : tous temps de travail confondus, les hommes gagnaient en moyenne, en 2019, 29 % de plus que les femmes, et 17 % de plus en équivalent temps plein (à savoir le salaire converti à un temps plein pendant toute l’année, quel que soit le volume de travail effectif). Entre les deux sexes, le plafond de verre continue d’être une réalité au travail.

C’est ce que mettent en évidence les économistes Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet dans leur contribution pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Après un rappel historique des principales avancées législatives pour favoriser l’égalité femmes-hommes (principe « à travail de valeur égale, salaire égal » en 1972, index d’égalité professionnelle en 2019, loi Rixain en 2021), les autrices égrènent les chiffres récents qui prouvent la persistance de différences sur le salaire et la nature des postes occupés : les femmes occupent plus souvent que les hommes des emplois peu ou pas qualifiés (23 % sont employées ou ouvrières non qualifiées, contre 14 % des hommes) ; plus d’une personne sur deux (54 %) occupant un emploi à durée limitée (CDD, intérim) est une femme ; 28 % des femmes travaillent à temps partiel en France contre seulement 8 % des hommes.

Ce plafond de verre, défini comme « l’ensemble des obstacles visibles et invisibles qui séparent les femmes du sommet des hiérarchies professionnelles et organisationnelles », tient en premier lieu aux orientations scolaires, qui influencent nettement les parcours professionnels. Si les femmes ont aujourd’hui un niveau de diplôme supérieur à celui des hommes, elles sont toujours aussi rares en écoles d’ingénieurs, et plus présentes dans les secteurs moins rémunérateurs.

Un point de bascule symbolique

A cela s’ajoute une « ségrégation verticale », plus inquiétante : à poste égal, l’écart de rémunérations et de responsabilités demeure. Parmi les cadres, par exemple, les femmes accèdent moins aux responsabilités hiérarchiques que les hommes (35 % versus 43 %). « Elles ont une probabilité d’exercer une responsabilité hiérarchique de 30 % inférieure à celle des hommes », écrivent les chercheuses.

Ces dernières expliquent que la persistance de stéréotypes et normes de genre justifie ces schémas : malgré des améliorations, la fonction d’encadrement est toujours fortement associée au genre masculin, réputé plus autoritaire.

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« Pourquoi le plafond de verre résiste-t-il encore ? »

[Pourquoi l’égalité professionnelle n’est-elle toujours pas atteinte, à travail égal ? Vanessa di Paola est maîtresse de conférences à la faculté d’économie et de gestion d’Aix-Marseille Université. Elle est également chercheuse au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST, CNRS, Aix-en-Provence) et directrice du centre associé régional du Céreq. Elle mène des recherches sur les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail, en particulier sur le plafond de verre en Europe. Elle a coréalisé un film documentaire intitulé « Les Femmes et le top management. Quand les organisations résistent » pour sensibiliser le grand public sur les véritables enjeux de la lutte contre les discriminations dans le monde du travail. Stéphanie Moullet est maîtresse de conférences en sciences économiques à Aix-Marseille Université, chercheuse au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST, CNRS, Aix-en-Provence) et directrice de l’Institut régional du travail (IRT) d’Aix Marseille Université. Ses recherches en économie du travail et de l’éducation portent sur la relation formation initiale-emploi et sur les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, et plus spécifiquement sur les discriminations salariales.]

Introduction

L’objectif d’égalité professionnelle entre femmes et hommes est affiché par l’Europe depuis sa création en accordant une place centrale à la promotion de l’accès des femmes aux postes à responsabilités. En France, l’égalité femmes-hommes est un principe inscrit dès 1946 dans le Préambule de la Constitution. Dès 1972, la loi pose le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ». Depuis, de nombreuses lois sont venues la compléter.

En 2019, le décret d’application de l’Index d’égalité professionnelle fixe désormais une obligation de résultats aux entreprises et non plus seulement de moyens. Les entreprises d’au moins cinquante salariés doivent calculer et publier sur leur site Internet la note globale de l’Index de l’égalité femmes-hommes, ainsi que la note obtenue à chacun des cinq indicateurs le composant. En cas de non-publication de ses résultats et de non-mise en œuvre de mesures correctives ou d’inefficience de celles-ci, l’entreprise s’expose à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1 % de sa masse salariale annuelle.

La dernière loi de 2021, dite « loi Rixain », fixe des quotas de 40 % de femmes cadres dirigeantes de grandes entreprises d’ici à 2030. Pourtant, malgré cet arsenal législatif, les femmes ont toujours moins de chances d’occuper des postes à responsabilités, comme l’illustrent les travaux sur le plafond de verre défini comme « l’ensemble des obstacles visibles et invisibles qui séparent les femmes du sommet des hiérarchies professionnelles et organisationnelles »(Laufer, 2004, 2005 ; Buscatto et Marry, 2009). Elles y sont également moins rémunérées.

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L’argot de bureau : le « design résimercial » ou le bureau fait maison

Argot de bureau

Personne n’y avait pensé : et si l’achat d’un tatami de bureau était la solution pour mieux travailler ? Attention, n’y voyez pas l’occasion de placer discrètement un uchi-mata à votre chef. Il s’agit plutôt de « transformer les espaces de travail en expérience de convivialité », avec ce mobilier de bureau au ras du sol.

Peut-être cette innovation s’inscrit-elle dans la millionième « tendance » qui frappe l’immobilier de bureau : le « design résimercial ». Ce mot-valise difficile à déchiffrer est la contraction de « résidentiel » et de « commercial ». Il est apparu dans les magazines de design américains en 2017. Si vous n’en avez jamais entendu parler, c’est justement parce qu’il est resté bien au chaud dans l’entre-soi des designers.

« Depuis le Covid, les designers sont obligés de réinventer leur discours, et les consultants inventent des mots. On a toujours l’impression qu’un nouveau pseudo-concept va produire tel effet qu’on sait à l’avance », déplore Nicolas Cochard, directeur R&D du cabinet de conseil en bâtiment et en immobilier Kardham. C’est exactement le cas ici : pour nombre de DRH, il a fallu faire revenir les salariés au bureau.

Le salarié est un client

Il y avait déjà l’« hospitality management », qui consiste depuis une vingtaine d’années à appliquer les codes de l’hôtellerie aux espaces de travail. Le salarié est un client, qu’il faut persuader de venir : or on ne persuade personne avec des bureaux grisâtres et impersonnels.

En plus du service, il est question avec le « résimercial » de se sentir comme chez soi. C’est-à-dire mal assis dans un canapé, avec le bruit des voisins et des travaux, sur un ordinateur portable ? Non voyons, il s’agit de reproduire le confort du nid douillet.

Si l’on en croit les consultants qui tentent de pousser cette « tendance », cela s’illustre par la diversification des lieux au bureau : une kitchenette pour le midi, un lounge pour discuter, un espace extérieur pour prendre l’air. Et, évidemment, la salle de sieste, qui envoie un signal « cool ». Le tout est cosy, avec des tapis, des plantes à n’en plus finir, et des poufs de couleurs chaudes (jaune, rouge)… Mais pourquoi avait-on inventé les sièges ergonomiques, alors ?

Un retour massif des salariés

Comme dans une maison, il y a des espaces intimes et des espaces de discussion : si l’on revient au bureau pour retrouver la discussion et l’informel, il faut prévoir des espaces flexibles pour adapter ces échanges. Au 37e étage de la tour ALTO de la Défense, l’entreprise d’aménagement de bureaux Comet a créé une « oasis inattendue », qui comprend des espaces de convivialité, et en particulier un lieu réservé à la pratique des jeux vidéo. La légende dit que les salariés ont vu leur productivité chuter de 70 %, et que (surtout) certains de ses salariés ont intégré les classements mondiaux sur FIFA.

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Les salaires ont rattrapé l’inflation au deuxième trimestre

Les courbes se croisent enfin. Pour la première fois depuis le début de l’envolée des prix, en 2021, les salaires ont augmenté sur un an légèrement plus que l’inflation au deuxième trimestre 2023, selon les chiffres publiés par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, vendredi 22 septembre.

La Dares suit l’évolution du salaire de base, c’est-à-dire le salaire brut, hors primes et heures supplémentaires, dont le montant apparaît souvent à la première ligne du bulletin de paie. Dans le détail, l’indice du salaire horaire de base des ouvriers et des employés a progressé de 1,2 % au deuxième trimestre dans les entreprises de dix salariés ou plus du privé (hors agriculture et particuliers employeurs). Et le salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés a progressé de 1 % sur la même période.

Sur un an, ils avaient, à la fin du mois de juin, augmenté de 5,1 % pour le salaire horaire des ouvriers et des employés, et de 4,6 % pour le salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés (c’était + 5,2 % et + 4,7 % au trimestre précédent). Mais ces chiffres ne disent rien du pouvoir d’achat des salariés si on ne les rapporte pas à l’évolution des prix qui, après avoir touché un plus haut, à 6 % au quatrième trimestre 2022, a ralenti, en 2023, pour revenir à 4,4 % sur un an au deuxième trimestre.

Différences notables selon les secteurs d’activité

Ainsi, sur un an et en euros constants, le salaire horaire de base des ouvriers et des employés a augmenté de 0,7 %, et le salaire mensuel de base de l’ensemble des salariés de 0,2 %. Rien de spectaculaire, et encore moins de quoi nourrir une nouvelle crainte de boucle prix-salaires, dont tous les économistes attestent aujourd’hui qu’elle n’a pas eu lieu. Mais le signe que certains mécanismes finissent par fonctionner.

« On voit enfin une répercussion de l’inflation sur les hausses de salaire, avec un effet retardé lié aux délais nécessaires à la négociation dans les entreprises, souligne Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail, au Conservatoire national des arts et métiers. Cependant, il faut se rappeler que l’on est sur des moyennes. Ces chiffres ne reflètent donc pas forcément les situations particulières dans certains métiers. »

L’indexation du smic sur l’inflation (la méthode de calcul permet même au salaire minimum d’augmenter un peu plus vite) a joué à plein pour entraîner à sa suite une hausse des plus bas salaires, qui ont progressé plus que les autres. Le salaire mensuel de base des ouvriers a ainsi augmenté de 5,3 % sur un an, et celui des employés de 4,9 %. C’est + 4,3 % pour les professions intermédiaires, et + 3,8 % pour les cadres. Rapportés à l’inflation sur la période, seuls les salaires des ouvriers et des employés ont donc, en définitive, « rattrapé » l’évolution des prix.

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