La grève crintif des sous-traitants du nucléaire

La grève crintif des sous-traitants du nucléaire

Le syndicat SUD-énergie a appelé à une grève nationale, le 18 septembre, pour appeler contre la détérioration des conditions de travail.

La centrale nucléaire du Tricastin, située à cheval entre la Drôme et le Vaucluse, en octobre 2017.
La centrale nucléaire du Tricastin, située à cheval entre la Drôme et le Vaucluse, en octobre 2017. PHILIPPE DESMAZES / AFP

A l’entrée du site nucléaire du Tricastin, (il regroupe des installations du cycle du combustible et quatre réacteurs nucléaires), le barrage filtrant d’une dizaine de grévistes invite les automobilistes à quitter leurs voitures. « Nous ne voulons empêcher personne de travailler. On comprend qu’il est difficile de prendre sa journée, sous la pression des employeurs », déclare Cyril Lataillade, salarié chez Orano Démantèlement et Services, une filiale du groupe Orano qui réalise des travaux d’assainissement nucléaire et de conditionnement de déchets.

Les sous-traitants des grands groupes du nucléaire étaient appelés, mercredi 18 septembre, à une mobilisation nationale. La fin de cette initiative lancée par le syndicat SUD-énergie, non représentatif au sein de la filière ? Inculper la détérioration des conditions de travail. La filière nucléaire, dans son ensemble, englobe 2 500 entreprises qui emploient près de 220 000 salariés, dont 160 000 sous-traitants, note le rapport sur le sûreté du nucléaire paru en juin 2018.

Les travailleurs de la sous-traitance du nucléaire manipulent, nettoient ou recyclent des combustibles nucléaires abîmés comme l’uranium et le plutonium, des énergies nécessaires aux réacteurs des centrales. Dans le cadre de leur fonction, ils peuvent absorber de plusieurs doses de radioactivité, mais leur métier est essentiel au fonctionnement desdites centrales.

Rassemblé pour bloquer l’accès au site, Jean-Marie Boyer et Dominique Combe sont décontamineurs depuis quarante ans au Tricastin. « On a vu nos conditions de travail se dégrader. Je plains les jeunes qui commencent maintenant. Pour une tâche qui nécessite deux personnes, on est désormais seul. On doit exécuter notre travail de plus en plus vite et c’est dur à gérer. Avec notre expérience, on a déjà du mal à le faire, mais les nouveaux sont désemparés », déclarent-ils. Malgré leur ancienneté, ces salariés touchent chacun 1 600 euros par mois. « Notre salaire a stagné avec les changements successifs de propriétaires à la tête de l’entreprise. On ne sait pas comment ça s’est décidé ».

Cette précarité est dénoncée par tous les grévistes présents. « J’ai subi trois licenciements économiques. A chaque fois, c’est un coup dur. Aujourd’hui, avec mon revenu, il est difficile de joindre les deux bouts », déclare Gilbert Domain, décontamineur.

« On a l’impression de ne pas être écoutés »

Ce qui inquiète surtout les travailleurs en contact direct avec les zones contaminées est la baisse des visites médicales. « Nous en avions une par an, mais, actuellement, c’est un rendez-vous expédié chez un médecin tous les deux ans. Sans ça, la contamination est invisible, donc c’est angoissant », ajoute Jean-Marie Boyer.

Selon leur activité, ces travailleurs sont exposés à des risques importants liés à la radioactivité, sans que cela soit considéré comme de la pénibilité

Un constat partagé par Patrice Brock. « On voit régulièrement nos encadrants. On leur fait remonter les problèmes que rencontrent les travailleurs sur le terrain, mais on a l’impression de ne pas être écoutés. Les risques que nous prenons pour notre métier ne sont pas reconnus à leur juste valeur », déclare ce chef d’équipe de 58 ans, qui travaille pour un sous-traitant.

Selon leur activité, ces travailleurs sont face à des risques dangereux liés à la radioactivité, sans que cela soit considéré comme de la difficulté. « Une convention collective propre aux salariés du nucléaire changerait la vie des travailleurs sous-traitants. Avoir un statut équivalent à celui d’EDF garantirait des possibilités d’évolution dans notre branche et une reconnaissance de notre expertise », assène Gilles Reynaud, représentant du syndicat SUD-Énergie et président de « Ma Zone contrôlée », un collectif de sous-traitants de l’industrie nucléaire française.

« Nombreuses contraintes »

Des revendications appuyées par Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne et partisane de la sortie du nucléaire, présente au Tricastin. En juin 2018, déjà, une commission d’enquête parlementaire sur la sûreté nucléaire, portée par la députée LRM Barbara Pompili, avait mis en lumière ces conditions de travail difficiles.

Son rapport préconisait la création d’un statut spécifique à ces salariés fortement exposés à divers risques et « pas assez protégés socialement ». Mais aucune réponse n’a été donnée par les pouvoirs publics. « Le rapport est resté lettre morte, et c’est inadmissible. Je fais un vrai reproche à EDF et aux pouvoirs publics qui n’ont pas pris en considération nos conclusions établies après six mois d’enquête parlementaire », relate Mme Pompili.

Une situation que conteste Lionel Boudrit, directeur d’agence chez Ineo nucléaire – une entité du groupe Engie sous-traitant dans le nucléaire – rencontré sur le site du Tricastin. « Les conditions de travail ne sont pas plus difficiles qu’avant. Le secteur du nucléaire est soumis à de nombreuses contraintes, donc nous sommes attentifs au bien-être de nos salariés, essentiel pour garantir la sûreté des installations nucléaires. »

Mathilde Panot a proposé, mercredi, à ses collègues de proposer une proposition de loi pour mieux protéger les travailleurs sous-traitants. Le texte propose surtout la création d’une convention collective commune à tous les salariés du nucléaire. Elle permettrait aux sous-sous-traitants de bénéficier de conditions de travail équivalentes à celle des salariés d’EDF. Une des revendications principales des grévistes rassemblés mercredi.

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LJD

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