Woury, 29 ans, se rêve en « Thierry Marx africaine »

Woury, 29 ans, se rêve en « Thierry Marx africaine »

Deuxième chance (4/6). Sénégalaise installée en France, la jeune femme a transformé sur le tard sa passion pour la cuisine en métier, grâce à Cuisine mode d’emploi(s), l’école gratuite créée à Paris par le chef étoilé.

Par Publié le 15 août 2019 à 00h15

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Woury Niang, au 58 Tour Eiffel, un restaurant dirigé par Thierry Marx, à Paris, le 7 juin.
Woury Niang, au 58 Tour Eiffel, un restaurant dirigé par Thierry Marx, à Paris, le 7 juin. FREDERIC STUCIN POUR « LE MONDE »

Au Sénégal, on a toujours deux prénoms. Celui que vous donne votre père et celui que choisit votre mère. Woury Niang – à l’état civil – n’est connue de ses proches que sous le nom de Binette, son prénom maternel. Ce dimanche de début juin, c’est donc la lumineuse Binette que nous rencontrons. Longue, l’œil noir comme le charbon, une grâce naturelle, enjouée, drôle, elle cuisine pour ses amis un tiep, le plat national sénégalais, ragoût de légumes et de poisson. « Ma touche, c’est d’apporter de la modernité dans la tradition, un tiep façon bistronomie », explique la jeune femme.

Les produits, tous frais, viennent du quartier de Belleville, dans l’est parisien, le mérou et les gambas fraîches du marché de Bagneux (Hauts-de-Seine). Le lieu a aussi été attentivement choisi. « On ira chez mon ami Bertrand, qui a un appartement très confortable », nous a-t-elle écrit par texto, en nous donnant une adresse à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Très confortable et moins collectif que la résidence pour femmes isolées du 19e arrondissement dans laquelle Woury vit depuis un an.

A Noisy-le-Sec, l’appartement baigne dans des effluves épicés et une certaine moiteur estivale. Dans la petite cuisine, les deux meilleurs amis de Woury, Bertrand et Lise, observent les gestes précis, rapides et techniques de leur amie.

Un monde dur

Les discussions s’animent. Lise, chanteuse soprano, récite quelques mots de peul et de wolof qu’elle connaît par cœur. Bertrand, directeur de la voirie d’une commune du sud de Paris, s’émeut de l’évolution de son quartier, du jardin de la copropriété qui a dû fermer pour éviter les entraînements de pitbulls et les petits trafics. En aparté, il s’interroge encore sur le parcours de son amie Binette : « Comment arrive-t-elle à se fondre dans l’environnement quasi-militaire des cuisines des grands restaurants avec cette fierté absolue ? »

C’est que son amie, à 29 ans, s’est « convertie » sur le tard à la cuisine et qu’elle travaille depuis plus d’un an dans les brigades des restaurants du chef étoilé Thierry Marx après avoir suivi sa formation de commis de cuisine. Le chef parisien a imaginé, en 2012, une école de la deuxième chance pour ceux qui, comme lui, ont été en « échec scolaire ».

« La cuisine est un monde dur, les salaires sont faibles et vous commencerez au bas de l’échelle. Mais si vous êtes sérieux et que vous travaillez, vous sortirez avec un emploi », le chef Aurélien Houtel

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LJD

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