« Sortir du déni managérial sur les conditions de travail et l’absentéisme : le cas emblématique des conducteurs et conductrices de bus »

« Sortir du déni managérial sur les conditions de travail et l’absentéisme : le cas emblématique des conducteurs et conductrices de bus »

[Accidents dans le cadre privé, hypersensibilité, « flemme »… Les poncifs sont nombreux pour justifier l’absentéisme des conducteurs de bus. Damien Cartron est ingénieur de recherche au CNRS-Centre Maurice Halbwachs et codirecteur du parcours de master Quantifier en sciences sociales. Ses travaux s’articulent autour de deux axes : les effets des formes d’organisation du travail sur l’intensité de celui-ci et sur les conditions de travail des salariés, et comment la perception du dérèglement climatique par les chercheurs modifie leurs activités et comportements. Philippe Askenazy – par ailleurs chroniqueur du Monde – est directeur de recherche au CNRS-Centre Maurice Halbwachs et professeur attaché au département d’économie de l’ENS. Ses travaux portent sur les mutations du travail tant du point de vue technologique qu’institutionnel, et leurs conséquences en termes de performances économiques, environnementales et sociales, notamment sur la santé et la sécurité au travail, en interaction avec l’affirmation d’un capitalisme de rentes. Dans cette contribution, les chercheurs analysent les conditions de travail réelles des chauffeurs.]

Depuis la rentrée 2022, le manque de chauffeurs de bus est devenu l’illustration médiatique et politique des difficultés de recrutement d’un secteur qui pourtant offre souvent une stabilité de l’emploi et des salaires certes limités mais bien plus attractifs que l’hôtellerie-restauration par exemple.

La principale organisation professionnelle, l’Union des transports publics et ferroviaires, dans la dernière édition de l’observatoire de la mobilité, y voit deux causes : les départs à la retraite massifs et l’absentéisme post-pandémie. Il s’agirait donc de facteurs conjoncturels, externes ou de manque d’anticipation. D’où des solutions rustines, comme la possibilité ouverte aux fonctionnaires de cumuler leurs fonctions avec un emploi de conducteur de bus scolaire, ou de vastes campagnes de publicité pour le métier par des acteurs des transports urbains.

En fait, la montée de l’absentéisme des conducteurs est apparue bien avant la crise sanitaire (voir Philippe Askenazy et Damien Cartron, 2020, sur lequel s’appuie cette courte contribution), s’inscrivant dans une dynamique globale : tous secteurs confondus, entre le premier trimestre 2010 et le quatrième trimestre 2019, le volume d’indemnités journalières maladie par salarié (du régime général, hors maternité) a augmenté de 12 %, et même de 16 % pour les indemnités ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles). Si les statistiques ultérieures ont été brouillées par la pandémie et la fluctuation de la prise en charge des arrêts maladie, cette tendance ne semble pas se démentir. D’ailleurs, selon Les Echos du 12 mai 2023, « les indemnités journalières font partie des pistes identifiées par le ministère du Budget pour réduire les dépenses publiques ».

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LJD

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