Services à la personne, un secteur qui ne s’en sort pas sans l’immigration
« Avant, jusqu’en 2015 environ, lorsqu’on diffusait une offre d’emploi, nous recevions une centaine de candidatures, dont une vingtaine émanait de personnes diplômées, et à la fin nous pouvions signer environ six contrats. Aujourd’hui, nous n’avons même pas un retour », raconte Brice Alzon, président de la Maison des services à la personne (MDSAP) et de Coviva, une enseigne qui compte dix-sept agences et environ 850 intervenantes − le métier est massivement féminisé.
Dans le vaste secteur des services à la personne (des employés de maison aux nourrices, en passant par les auxiliaires de vie et le soutien scolaire), la question du recours à la main-d’œuvre étrangère « n’est même pas un sujet » tant la la difficulté à recruter est grande, insiste M. Alzon.
Plus l’agence est implantée dans une région riche en emplois, plus elle doit s’appuyer sur les candidatures de personnes étrangères pour fonctionner : à Argenteuil (Val-d’Oise), sur les trente-six salariés que compte cette agence, un tiers a un titre de séjour, tandis qu’à Mulhouse, où le marché du travail est moins tendu, le ratio est de 20 %, explique M. Alzon. La situation chez Coviva illustre ce qui se passe à l’échelle nationale : 25 % des travailleurs du secteur sont des immigrés.
Emplois du temps hachés
Et cette proportion est appelée à augmenter : entre les départs à la retraite et le vieillissement de la population, environ 800 000 postes seront à pourvoir d’ici à 2030, rapporte Catherine Lopez, directrice générale de la Fédération des entreprises de services à la personne : « Faute de quoi on ne pourra plus accompagner les personnes âgées chez elles. »
C’est déjà très souvent le cas, comme en témoigne Arnold Fauquette, fondateur de Vivat, une entreprise d’utilité sociale implantée dans le Nord et le Pas-de-Calais, qui emploie environ deux cents salariés, dont 95 % de femmes. « Aujourd’hui, nous ne parvenons à satisfaire que 64 % de la demande », explique-t-il. Autrement dit, une famille sur trois doit se débrouiller seule pour trouver son aide à domicile, sans garantie de trouver, quitte à faire travailler une personne sans papiers.
Les réseaux d’agences qui ont pignon sur rue, disent ne pas faire travailler de sans-papiers, sous peine de perdre leur agrément. « Environ de 20 % à 25 % de nos neuf cents intervenants salariés ont des titres de séjour, explique Frédéric Neymon, administrateur de la Fédération des services à la personne et de proximité (Fedesap) et dirigeant du réseau Age et Perspectives. Quand ces titres se périment, on a toutes les difficultés à les faire renouveler dans les délais. » Or impossible de se passer de ces personnes. « Il nous faudrait 30 % d’intervenants de plus pour satisfaire la demande », précise M. Neymon.
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