« Relations professionnelles, une histoire sans fin ? » : aux origines de la déstabilisation des relations professionnelles

« Relations professionnelles, une histoire sans fin ? » : aux origines de la déstabilisation des relations professionnelles

Le livre. Que sont les relations professionnelles devenues ? C’est la question que se posent les contributeurs du 21e numéro de La Nouvelle Revue du travail (NRT) paru aux éditions Erès. Au fil des pages de cette publication spécialisée dans la sociologie du travail, « les auteurs scrutent les profondes transformations des relations professionnelles depuis trois décennies ». Elles sont nombreuses et conduisent, estiment-ils, à une « dérégulation généralisée ».

Pour la comprendre, il faut se pencher sur les mutations qui ont touché souvent violemment les entreprises, leur activité, leur organisation. « Globalisation de la production et des échanges (…), éloignement des centres décisionnels par rapport aux lieux de travail (…), modification du droit du travail par les Etats… » Les transformations à l’œuvre ont bouleversé le monde mis en place à l’après-guerre, signant « la fin du modèle du compromis fordiste ».

« Relation professionnelles, une histoire sans fin ? », ouvrage collectif, « La Nouvelle revue du travail », semestriel (n° 21), Erès, 272 pages, 21 euros.

L’entreprise est devenue une « nébuleuse », estiment Meike Brodersen et Esteban Martinez, sociologues de l’Université libre de Bruxelles. Elle fait intervenir fréquemment sous-traitants, agences de travail intérimaire ou travailleurs indépendants. « [Une] précarisation et [une] diversification de l’emploi à la source de l’affaiblissement de l’acteur syndical », expliquent-ils. Il s’agit là d’un facteur de fragilisation des systèmes de relations professionnelles. « La transformation des structures de pouvoir au sein de l’entreprise » en est un autre, selon les deux auteurs, à l’heure où « l’identification des centres de décision patronaux » devient plus incertaine.

Un « déficit démocratique »

Observés depuis plusieurs décennies, cet éclatement des collectifs de travail et cet éloignement de la figure de l’employeur ne sont pas nés avec l’économie de plate-forme, insistent les auteurs. Ils l’ont précédée. Mais l’ouvrage souligne que le développement des plates-formes numériques (transport, livraison de repas…) a notablement accentué les transformations à l’œuvre.

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De quoi engendrer un « déficit démocratique », lié à « la dissimulation des relations de pouvoir et [à] l’effacement de l’employeur dans son rôle d’interlocuteur patronal au sein d’entreprises repliées sur leur fonction d’intermédiation », expliquent les auteurs. Ils voient là une « gouvernance algorithmique », qui « obscurcit les relations de pouvoir réelles, désincarne le management et pose un défi considérable à l’organisation de résistances de la part des salariés ».

La revue montre comment le « centre des relations de pouvoir » s’est déplacé au fil du temps : il « n’est plus la relation d’emploi, mais la dépendance économique », indiquent les auteurs. Ils soulignent aussi combien ces évolutions mettent au défi les syndicats et rendent délicate « l’organisation de résistances ». Associées à des « réformes libérales », ces transformations ont une conséquence majeure : elles « génèrent une situation économique et sociale dans laquelle le pouvoir salarial est de moins en moins fort par rapport au pouvoir patronal », expose Camille Dupuy, sociologue de l’université de Rouen.

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