Réforme des retraites : la CFDT « se mobilisera » en cas de relèvement à 64 ou 65 ans de l’âge légal de départ
A une semaine de la présentation de la réforme des retraites, le projet-phare du second mandat d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne, la première ministre, doit recevoir, mardi 3 et mercredi 4 janvier, les partenaires sociaux pour les derniers entretiens concernant cette réforme controversée, à laquelle s’oppose une majorité de Français, dans le contexte inflammable d’un pouvoir d’achat rogné par l’inflation.
Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, défendu par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, « n’est pas un totem », a affirmé, mardi, la première ministre sur Franceinfo. « Je le redis, il y a d’autres solutions qui peuvent permettre aussi d’atteindre notre objectif d’équilibre de notre système de retraite à l’horizon 2030. »
« Nous n’irons pas au-delà des quarante-trois années de cotisation qui sont prévues dans la réforme Touraine pour avoir une retraite à taux plein (…). Personne ne devra travailler 47 ou 48 ans », a expliqué Elisabeth Borne. Elle a également exclu toute augmentation des cotisations salariales ou patronales. « Il y a clairement une ligne rouge pour nous : ne pas augmenter le coût du travail. »
La CFDT « déterminée » à appeler « les salariés à se mobiliser »
« La CFDT se mobilisera » en cas de relèvement à 64 ou 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite, a prévenu mardi le secrétaire général du premier syndicat français, Laurent Berger, à la sortie de son rendez-vous à Matignon. « On ressort déterminés à ne pas laisser passer une réforme qui va d’abord impacter les plus modestes », a souligné M. Berger, premier reçu par la première ministre.
La « CFDT ne sort pas en disant “on a fait plier la Première ministre” », a dit Laurent Berger après son entrevue avec elle. « Je le dis ici et je l’ai dit à la première ministre : s’il y a un report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ou 65 ans, la CFDT se mobilisera pour contester cette réforme », a martelé devant la presse le numéro un de la centrale réformiste.
Le responsable cédétiste a aussi déploré n’avoir « pas eu beaucoup d’éclaircissements » sur d’autres points de la réforme, comme l’emploi des seniors, les carrières longues, la pénibilité et le minimum contributif. Voyant les rencontres bilatérales avec les partenaires sociaux comme un « dernier tour de piste » avant la présentation de la réforme prévue pour le 10 janvier, Laurent Berger s’est dit « déterminé » à appeler « les salariés à se mobiliser » dans la rue, en lien avec les autres syndicats.
Reçus à sa suite, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, et le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, ont affiché la même détermination, dénonçant pour l’un une réforme « pas justifiée » et « injuste » pour certains, promettant pour l’autre une mobilisation « importante ». Elisabeth Borne « est en situation de quelqu’un qui vous vend une voiture sans moteur, quand vous lui faites remarquer qu’il n’y a pas de moteur dans la voiture elle vous dit “oui, mais j’ai mis les sièges en cuir” », a imagé le premier.
A contre-courant, le président de la Confédération des PME (CPME), François Asselin, a salué un projet de réforme des retraites « équilibré », à partir du moment où parallèlement au relèvement de l’âge du départ en retraite « on prend en compte les carrières longues, on prend en compte les métiers qui physiquement sont plus exposés que d’autres ». « La CPME, au moment où je vous parle, est plutôt favorable au projet porté par le gouvernement », a encore dit le président de la CPME.
La première ministre sous le feu des critiques
L’ensemble des syndicats et l’essentiel des oppositions contestent le projet de l’exécutif de reporter progressivement l’âge de départ de 62 à 65 ans, ou à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation.
La députée de La France insoumise (LFI) Clémentine Autain considère les propos de Mme Borne comme une « tentative d’enfumage » : « Le départ à 65 ans n’est pas un totem selon Elisabeth Borne. Pour mieux faire avaler un départ à 64-63 ans avec le soutien des LR [Les Républicains] ? Ils avaient fait la même diversion en 2019 en retirant l’âge pivot. Pour nous et la majorité des Français, c’est NON », a-t-elle tweeté. « C’est non » aussi pour le chef des députés socialistes à l’Assemblée, Boris Vallaud, pour qui c’est une « question de justice sociale ».
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Quant à la volonté de Mme Borne de consulter encore mardi et mercredi les partenaires sociaux, et parallèlement cette semaine les responsables des groupes parlementaires favorables à la réforme, dont celui, pivot, des Républicains, elle a été moquée sur Twitter par Manuel Bompard, coordinateur de LFI. « Elle croit tellement au travail parlementaire qu’elle a déjà 10 49.3 à son actif. Quelle mascarade ! » « Mme Borne fait l’éloge du dialogue et de la concertation. C’est beau. Question simple : s’engage-t-elle à ne pas recourir au 49.3 sur sa réforme des retraites ? Oui ou non ? », a, de son côté, observé le communiste Ian Brossat.
La réforme des retraites sera présentée le 23 janvier en conseil des ministres puis examinée à l’Assemblée nationale au début de février, a également précisé la cheffe du gouvernement, ajoutant que l’objectif était « une entrée en vigueur à la fin de cet été ». Cette réforme sera dévoilée publiquement le 10 janvier.
« Cette année sera celle d’une réforme des retraites »
Interrogée sur la place des seniors en entreprise, la première ministre a assuré que l’objectif du gouvernement était « que leur situation soit mieux prise en compte – qu’on se préoccupe davantage de les maintenir dans l’emploi ». « Je ne peux pas me satisfaire d’avoir des entreprises, souvent des grandes entreprises, qui font partir les seniors (…) avec l’idée que la personne pourra être au chômage pendant trois ans avant de prendre sa retraite (…). Ces pratiques-là doivent évoluer », a-t-elle martelé.
Le report de la présentation du projet de l’exécutif du 15 décembre au 10 janvier a, certes, permis à la cheffe du gouvernement d’entendre à nouveau, avant Noël, les groupes politiques, puis, cette semaine, les partenaires sociaux. Mais Emmanuel Macron reste déterminé : « Cette année sera celle d’une réforme des retraites », a-t-il répété samedi lors de ses vœux aux Français.
Le président de la République a évoqué un « allongement [des] carrières de travail progressif » sur « près de dix ans ». La réforme tiendra compte « des carrières longues, des carrières hachées, de la difficulté de certaines tâches », elle permettra d’« équilibrer le financement » du système et d’« améliorer la retraite minimale », a-t-il fait valoir. L’exécutif espère au moins, grâce aux mesures sur la pénibilité, une « absence d’opposition frontale » de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), explique un conseiller.
Tous les syndicats prêts à se mobiliser
Pour la première fois depuis douze ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l’âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble contre la réforme annoncée. Y compris la CFDT donc, sur une ligne plus ferme depuis son dernier congrès contre toute « mesure d’âge ».
Laurent Berger avait déjà fait part de sa colère en découvrant juste avant Noël, dans le projet de décret réformant l’assurance-chômage, un nouveau scenario prévoyant de réduire la durée d’indemnisation de 40 % si le chômage devait passer au-dessous de 6 %. Mardi, la première ministre a fait un geste d’apaisement, en annonçant revenir sur ce point qui « n’a peut-être pas suffisamment fait l’objet de discussions ».
C’est par la mobilisation « dans la rue » qu’il sera possible de « faire reculer » la réforme des retraites, a prévenu lundi la nouvelle patronne d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Marine Tondelier. « Ça va chauffer en janvier », a prédit samedi le fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Réformer les retraites en France « est toujours très compliqué », de surcroît dans un climat « marqué par de fortes tensions sur le pouvoir d’achat » et les salaires, insiste Jérôme Fourquet, directeur opinion à l’IFOP. Un exercice d’autant plus délicat au moment où le gouvernement présente d’autres textes contestés, notamment sur l’immigration et les énergies renouvelables.