Réforme des retraites : aménager les fins de carrière est impératif
Analyse. C’est un mal français déclaré de longue date, dont les symptômes réapparaissent en pleine lumière chaque fois qu’une réforme des retraites est inscrite à l’ordre du jour. Convaincu de la nécessité de « travailler plus longtemps », Emmanuel Macron veut repousser à 64 ou 65 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension. Mais encore faut-il que les femmes et les hommes soient capables d’exercer une activité jusqu’à ce moment de leur existence. Un enjeu central dans le projet qui doit être dévoilé, mardi 10 janvier, par le gouvernement.
Les statistiques montrent que notre pays fait figure de contre-modèle. Fin 2021, la proportion des 55-64 ans qui occupaient un poste s’élevait à 56 %, soit trois points au-dessous de la moyenne de l’Union européenne. L’écart était encore plus marqué s’agissant des 60-64 ans, avec un taux d’emploi de 33,1 % en France alors que ce ratio dépassait 60 % en Allemagne et culminait à 69 % en Suède.
Les plus de 55 ans sont moins concernés par le chômage que l’ensemble des actifs (6 % contre 7,4 %), mais ceux qui se situent dans cette tranche d’âge et qui cherchent du travail ont beaucoup plus de peine à en retrouver un que les autres. En outre, de nombreux individus quittent le marché de l’emploi, une fois franchi le cap de la soixantaine, mais doivent patienter de longs mois avant de pouvoir réclamer le versement de leur pension : dans l’intervalle, l’Etat-providence les prend en charge.
Un « index senior »
La France reste sous l’influence d’une « culture de la sortie précoce » du monde du travail, pour reprendre une notion chère à la sociologue Anne-Marie Guillemard. Les causes de ce phénomène ont été documentées dans une multitude d’ouvrages savants et de rapports officiels : discriminations à l’encontre d’une main-d’œuvre jugée trop coûteuse et pas assez productive, manque d’ambition dans les politiques visant à réduire la pénibilité de certains métiers – ce qui pousse des travailleurs vers l’inaptitude –, insuffisance des actions de formation destinées à prévenir les pertes de compétences chez les plus de 50 ans, pratiques managériales contribuant à évincer les salariés vieillissants pour réduire les effectifs des entreprises, etc.
D’après les données fournies par l’administration, l’âge moyen de sortie du marché du travail était de 62,3 ans en 2019 dans notre pays (contre environ 64 ans et demi en Allemagne et 65 en Suède). Ce chiffre a augmenté au cours de la décennie écoulée, du fait – en grande partie – de la réforme de 2010, qui avait porté l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Mais ce changement de paramètre a aussi eu pour conséquence d’augmenter « les proportions de personnes au chômage, en invalidité, en congé maladie ou en inactivité », rappelle l’économiste Hippolyte d’Albis, dans Les Seniors et l’emploi (Presses de Sciences Po, 132 pages, 9 euros). Le risque est donc grand qu’il y ait de nouveau des sexagénaires laissés-pour-compte si les parcours professionnels devaient s’allonger.
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