« Que sait-on du travail ? » : l’absentéisme des conducteurs de bus, conséquence d’un « travail maltraité »

« Que sait-on du travail ? » : l’absentéisme des conducteurs de bus, conséquence d’un « travail maltraité »

11,9 % : c’est l’augmentation du volume d’indemnités journalières maladie par salarié (du régime général, hors maternité), entre le premier trimestre 2010 et le quatrième trimestre 2019. Les indemnités versées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (ATMP) ont de leur côté grimpé de 16,5 % sur la même période.

Sujet de crispation au niveau politique comme dans le dialogue social au sein des entreprises, l’absentéisme fait débat quant à ses causes profondes.

Le métier de conducteur de bus fait partie de ceux qui souffrent le plus durement de cette hausse des absences, et des stéréotypes sur leurs raisons. C’est ce que souligne la contribution de Damien Cartron et de Philippe Askenazy pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Pour les chercheurs, l’absentéisme des chauffeurs de transports (urbains en particulier) et la perte d’attractivité du secteur sont avant tout dus à une dégradation continue des conditions de travail : malgré des améliorations du confort, le trafic s’est complexifié (vélos, dos d’âne, véhicules de livraison garés de manière anarchique), et demande des mouvements permanents, qui engendrent des troubles musculosquelettiques. Les risques psychosociaux explosent aussi : devant rendre des comptes à la fois à leur employeur, au donneur d’ordre (souvent une collectivité) et aux clients, ils font face à des prescriptions contradictoires.

A la gestion des clients s’ajoute celle des usagers de la route. Les deux populations peuvent être sources d’incivilités et de pertes de temps par rapport au planning que le chauffeur doit scrupuleusement respecter.

En effet, les exigences sont fortes : le respect de l’heure de départ est l’un des nombreux critères de qualité contrôlés par les collectivités contractantes, et les nouvelles technologies favorisent le suivi des engins en temps réel. En résultent notamment des pauses (notamment repas) écourtées et dégradées.

Une organisation du travail défaillante

Dans un deuxième temps, Philippe Askenazy et Damien Cartron se penchent sur la réponse managériale à l’absentéisme en hausse, qu’ils ne jugent pas appropriée. En effet, les directions tendent à pointer du doigt les comportements individuels, sans interroger une organisation du travail défaillante : les auteurs citent notamment l’introduction à l’automne 2022 de primes pour les conducteurs RATP qui n’auraient pas eu d’absence.

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LJD

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