Pourquoi des salariés ne déclarent pas leurs accidents de travail
Chute chez les couvreurs, coupure et brûlure en cuisine, allergies et tendinites chez les coiffeurs, jusqu’aux naufrages chez les marins… « Ce sont les risques du métier » est une phrase qui revient souvent pour justifier les accidents du travail des professions très exposées. « De toute façon, on est obligé de le faire, le travail, si on a une douleur on fait avec, ça passe et puis c’est tout », résume un cuisinier de 27 ans interrogé dans le cadre de l’enquête sociologique SANTPE.
Publié en août 2022, le rapport d’études reprenant cette enquête met en évidence que dans la coiffure, la restauration et le bâtiment les travailleurs des entreprises de moins de dix salariés vont plus mal que ce qu’en disent les données officielles. « On a très vite vu qu’il y avait moins d’accidents du travail déclarés dans les TPE, que la santé y était déclarée bonne, alors que paradoxalement on y trouve davantage de risques professionnels, et la prévention est très mal développée », soulève Emilie Legrand, maîtresse de conférences en sociologie et responsable scientifique de SANTPE. Un décalage qui s’explique par le fait que les salariés choisissent souvent eux-mêmes de cacher leurs problèmes de santé.
La commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, a estimé dans son rapport 2021 que près de la moitié des accidents du travail n’étaient pas déclarés dans le secteur privé, du fait de dysfonctionnements de l’Assurance-maladie, et parfois à cause des stratégies de camouflage par les employeurs.
Elle relève aussi un déficit d’information des salariés sur la santé et la sécurité au travail, et pas seulement dans les très petites entreprises. Par manque de culture de prévention dans leur entreprise, de nombreux salariés ne sont pas au courant des risques auxquels ils sont exposés, ou ignorent que toute lésion survenue dans le cadre du travail est un accident du travail qui doit être déclaré à l’employeur sous vingt-quatre heures.
La crainte de déclarer un AT
« En 2022, on compte 37 déclarations d’accident du travail sur 2 800 agents [de Pôle emploi] en Normandie », note Florence Lépine, conseillère et déléguée CGT de l’opérateur public à Rouen. Elle met en regard ce chiffre avec le nombre d’agressions, qui a augmenté, entre 2019 et 2021, de 72 % par téléphone et de 13 % dans les zones d’accueil. « C’est très peu, ce ne sont pratiquement que des accidents physiques et malaises, et aucun pour burn-out ou crise d’angoisse, car les conseillers ne pensent pas qu’une agression verbale est un accident. Alors que cela peut aller jusqu’à des menaces de mort. »
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