Revitaliser le territoire : à Saint-Omer, les vertus d’un pôle numérique

Article réservé aux abonnés

« Cette collectivité a délibérément choisi d’appuyer le développement de son tiers-lieu sur une « gouvernance partagée » avec les entreprises et industriels locaux. »
« Cette collectivité a délibérément choisi d’appuyer le développement de son tiers-lieu sur une « gouvernance partagée » avec les entreprises et industriels locaux. » Nick Lowndes/Ikon Images / Photononstop

A l’été 2018, la PME familiale centenaire Cathelain, à Bavinchove (Nord), spécialisée depuis une dizaine d’années dans la visserie-boulonnerie très haut de gamme high tech, dévoilait sa toute dernière innovation : le boulon connecté ou C-Bolt. Une pépite d’innovation pas encore commercialisée, qui va permettre de détecter à distance le moindre desserrage intempestif pouvant mettre en danger une installation.

Mais pas question pour le PDG, Christophe Cathelain, de « s’endormir sur cette avancée ». L’entreprise doit rester en éveil, à l’affût de nouvelles idées. Et pour cela, il compte sur La Station, le tiers-lieu ouvert, il y a deux ans, à moins d’une vingtaine de kilomètres, à Saint-Omer (Pas-de-Calais), dans un espace provisoire en attendant son installation définitive en 2019 dans la gare rénovée.

Devant sa gare bientôt réhabilitée, la Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer (Capso) a ainsi installé en juin 2016 un pôle éconumérique de 140 m2. Celui-ci comprend un espace de cotravail, un FabLab (avec découpe laser, imprimante 3D, brodeuse numérique…), un espace de prototypage et d’initiation aux outils numériques. En deux ans, ce lieu éphémère a enregistré près de 20 000 visites de particuliers, élèves, étudiants, indépendants, entrepreneurs, salariés, venus selon, travailler, tenir une réunion, suivre un des ateliers organisés ou tout simplement se faire la main aux outils numériques.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La formation interne, une réponse au manque de main-d’œuvre qualifiée

« Ce véritable laboratoire, lieu de brassage de cultures, permet à nos salariés, en allant de temps à autre y travailler, de voir ce qui se fait dans la connectique, l’informatique, le numérique. C’est aussi un lieu où ils peuvent se familiariser avec des outils auxquels ils sont encore réticents, comme une imprimante 3D, dont on finira par s’équiper pour faire des prototypes », relève Christophe Cathelain. Et celui-ci d’insister : « C’est en partageant les expériences, en confrontant les idées, que l’on ose ! »

Salariés stimulés

Une conviction pleinement partagée par Henry Bréban, un entrepreneur local qui a créé la société Wizpaper pour reprendre, en septembre, le site papetier d’ArjoWiggins fermé depuis 2015. M. Bréban, qui a relancé l’usine dans l’emballage, voit dans La Station un tiers-lieu pour stimuler ses futurs salariés, ainsi qu’un « lieu de ressources où puiser ponctuellement des compétences complémentaires pour développer tel ou tel projet ».

Les mécanismes pour récupérer une entreprise en SCOP

Adieux au patronat. Lutte et gestion ouvrières dans une usine reprise en coopérative. de Maxime Quijoux, aux Editions du Croquant, 318 pages, 20 euros.
Adieux au patronat. Lutte et gestion ouvrières dans une usine reprise en coopérative. de Maxime Quijoux, aux Editions du Croquant, 318 pages, 20 euros.

Le Livre : Devant la financiarisation de l’économie, le salut du monde ouvrier passerait-il par la conquête du pouvoir dans l’entreprise ? Les sociétés coopératives et participatives (SCOP) montrent « des effets de résilience singuliers face aux variations du capitalisme contemporain », affirme Maxime Quijoux dans Adieux au patronat.

Voilà un modèle qui connaît un épanouissement quasi continue : selon la Confédération générale des SCOP de France, le nombre de coopératives a été multiplié par près de six en vingt ans, passant de 494 unités à 2 991, entre 1996 et 2016. Caractérisées par une gouvernance particulière, où les dirigeants sont élus et les bénéfices redistribués vers les salariés et les investissements, les SCOP représentent aujourd’hui plus de 53 000 salariés. Elles sont aussi plus pérennes que les entreprises conventionnelles : près des deux tiers des coopératives créées de 2005 à 2009 existent encore, alors qu’elles ne sont que la moitié pour l’ensemble des sociétés françaises.

Dans son essai Adieux au patronat, le sociologue, chercheur au CNRS et membre du laboratoire Printemps (professions, institutions, temporalités) à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines tente de saisir les origines d’un mouvement de reprise d’une entreprise et les conditions de la mise en place d’une SCOP.

L’ouvrage s’appuie sur une enquête menée au sein d’Hélio Corbeil, une imprimerie d’une centaine de salariés située à Corbeil-Essonnes et confrontée à des restructurations successives sur fond de financiarisation de l’économie. Lors de son redressement judiciaire en 2011, l’entreprise en est à sa quatrième restructuration en dix ans. Sur la même période, le nombre est divisé par quatre et atteignent 80 salariés. La liquidation de l’entreprise semble inéluctable, du moins jusqu’à la réalisation d’un projet de reprise en société coopérative et participative.

Dans la première partie de l’ouvrage, le membre associé du Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique (LISE) au Conservatoire national des arts et métiers revient sur les conditions sociales qui ont conduit ce groupe d’ouvriers à reprendre leur imprimerie en SCOP.

L’auteur ne partage pas le même présupposé sur lequel se fondent les principales études sur les SCOP en France, à savoir que les salariés seraient par nature enclins à participer à la gérance de l’entreprise. Il s’agit moins de faire une histoire de l’entreprise que d’examiner « la manière dont le répertoire d’action collective d’un syndicat et les représentations qui en sont solidaires se sont progressivement transformés dans un contexte socio-économique particulier ».

La paye variable mise à l’index

« La sophistication des calculs contenus dans les PRV rend leur compréhension parfois malaisée et la décision claire de la cour de Versailles illustre bien les problématiques relatives à la détermination de la rémunération variable. »

« La complexité excessive  des calculs contenus dans les PRV rend leur compréhension parfois difficile et la décision claire de la cour de Versailles illustre bien les problématiques relatives à la détermination de la rémunération variable. » Donald Iain Smith/Blend Images / Photononstop

Question de droit social. Les critères déterminant la valeur de la rémunération variable peuvent sembler obscurs pour de nombreux salariés. Les règles du jeu doivent pourtant être clairement exposées en début d’exercice, comme l’a récemment rappelé la cour d’appel de Versailles. Si le salarié peut démontrer que les objectifs n’ont pas été clairement formulés, la Cour de cassation estime même qu’il est en droit de réclamer le paiement de sa part variable comme si ces derniers avaient été atteints.

Alors que deux tiers des salariés d’une entreprise étaient payés avec une partie fixe et une partie variable, les organisations syndicales ont constaté que le plan de rémunération variable (PRV) contenait, d’une part des éléments de calcul laissés à la discrétion de l’employeur, et d’autre part, des règles non communiquées aux salariés en début d’exercice. A la demande d’un syndicat, la cour d’appel de Versailles, analysant le PRV, en a déclaré illicites plusieurs dispositions dans un arrêt du 26 juillet 2018 (affaire Symetal/SA Technicolor).

La complexité excessive des calculs contenus dans les PRV rend leur compréhension parfois malaisée et la décision claire de la cour de Versailles illustre bien les problématiques relatives à la détermination de la rémunération variable, certaines modalités du PRV analysé étant tout à fait topiques de ce qui se pratique couramment dans les entreprises.

Notation arbitraire

La grille de valorisation de la performance individuelle prévoyait des pourcentages de bénéfices différents selon quatre tranches : objectif partiellement atteint, objectif atteint, objectif dépassé et objectif très dépassé.

Or, le classement du salarié dans l’une de ces quatre tranches dépendait de la note donnée par son manageur, sans que l’on puisse savoir quels étaient les critères objectifs de notation. Estimant que ceci rendait possible une notation arbitraire, la grille de valorisation de la performance individuelle a été jugée illicite.

Tout comme le coefficient de souplesse applicable à chacun des pourcentages des performances du groupe, de la division et l’individuel, et compris entre 0 et 1,5. Là encore, la cour a relevé que les chiffres utilisés pour déterminer le coefficient de souplesse étant inconnus des salariés, ces derniers ne pouvaient pas avoir de vision sur le montant de leur part variable, ni au moment de la fixation des objectifs ni lors du calcul de leur prime.

Législation constante

Enfin, troisième point jugé illicite : un facteur de performance éventuellement applicable au gré du chef d’entreprise. La cour relève que ce facteur, amené à modifier la part variable finale de plus ou moins 20 %, ne peut être opposé aux salariés faute d’insertion de ce mécanisme dans le contrat de travail ou dans un avenant. « L’employeur est tenu de déterminer par avance de manière claire et précise le contenu de la rémunération du salarié et notamment les bases de calcul et les conditions éventuelles de la partie variable de cette rémunération », rappelle l’arrêt de la cour de Versailles.

Un rapport d’experts met en évidence les risques de rester longtemps au salaire minimum

A Lille, en 2015.
A Lille, en 2015. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Voilà un rapport qui a tout pour retenir l’attention : élaboré par un groupe d’experts, il porte sur le smic et sur sa majoration. Une thématique au cœur de la crise actuelle, puisque le pouvoir d’achat des plus modestes en constitue la toile de fond. Mais ce document de quelque 213 pages, transmis lundi 3 décembre aux partenaires sociaux, a peu de chances d’être repris par le gouvernement, du moins pour l’instant : il va à rebours d’une de revendications portées par les « gilets jaunes » – la hausse du salaire minimum (pour le porter à 1 300 euros nets par mois pour un temps plein, contre un peu plus de 1 150 euros aujourd’hui).

Chaque fin d’année, le gouvernement doit décider à quelle hauteur il relève le smic, à partir du 1er janvier suivant. Pour éclairer ses choix, il dispose d’un comité de « sachants », présidé par l’économiste Gilbert Cette.

L’un des points important à supprimé est le suivant : faut-il accorder un coup de pouce au smic, en plus de l’augmentation automatique à laquelle il est soumis ? Les textes prévoient en effet que ce minimum salarial doit progresser, tous les douze mois, en fonction de deux paramètres : l’inflation (mesurée pour les 20 % de ménages situés en bas de l’échelle des revenus) et la moitié de la hausse annuelle du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et des employés (SHBOE). Outre cet accroissement, qui est de droit, le gouvernement a donc aussi la faculté d’octroyer un « bonus » – ce qui s’est produit, pour la dernière fois, au début du mondât de François Hollande.

Pas de coup de pouce en 2019

Dans son rapport annuel, le comité d’experts formule diverses consignes – dont l’une concerne, en temps ordinaire, la question du « coup de pouce » : en donner un ou pas ? Non, avait préconisé, ces dernières années, le groupe d’experts. Cette fois, il « ne juge pas utile » de prendre position, puisque Edouard Philippe a déjà statué, le 28 novembre : il n’y aura pas « petit cadeau » pour les smicards en 2019. Leur rémunération n’est rehaussée qu’en vertu de la formule de calcul automatique. Le premier ministre a justifié cette annonce en rappelant que les salaires se sont améliorés grâce aux baisses de cotisations. Une décision critiquée par plusieurs centrales syndicales.

Pour « réduire » les inégalités et la pauvreté, il vaut mieux augmenter la prime d’activité qu’augmenter le salaire minimum, selon le comité

Accord à Bruxelles sur les conditions de travail des chauffeurs routiers

Sur l’A1, à Templemars (Nord), fin 2017.
Sur l’A1, à Templemars (Nord), fin 2017. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Le lundi 3 décembre, les 28 ministres des transports de l’Union européenne (UE) ont arrivé à un compromis sur un texte aussi abscons qu’important : le « volet social » du « paquet mobilité ». Il s’agissait de dépoussiérer les règles européennes encadrant les conditions de travail des chauffeurs routiers, notamment de mieux faire respecter le principe du détachement à ces travailleurs très mobiles, et à un secteur connu pour ses abus.

Huit pays, d’Europe de l’Est essentiellement, n’ont pas ont accepté d’endosser le compromis, qui a été adopté à la majorité des 28 : parmi eux, la Bulgarie, l’Irlande, la Hongrie, la Pologne, la Lituanie ou la Lettonie… La Roumanie a préféré s’abstenir, alors qu’elle s’apprête à prendre, pour six mois, la présidence tournante de l’UE, le 1er janvier 2019.

La France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et les Pays-Bas ont réussi à convaincre l’Espagne et le Portugal, aux intérêts pourtant très éloignés, de se désolidariser du « bloc » des « antis ». Après l’acceptation de la révision de la directive sur le travail détaché au début de 2018, c’est la deuxième fois, en quelques mois, que l’Ouest remporte une victoire – relative – face aux capitales de l’Est, au nom de la lutte contre le dumping social.

Huit pays, d’Europe de l’Est essentiellement, ont refusé d’endosser le compromis

La ministre française, Elisabeth Borne, était très déterminée en arrivant au Conseil, lundi matin, insistant sur les « lignes rouges françaises ». Un effet des « gilets jaunes » ? Il aurait été particulièrement délicat pour Paris d’admettre un compromis au rabais, pour une profession très affectée, en France, par la concurrence des transporteurs internationaux.

« Une avancée majeure »

« Au terme de dix-huit mois de négociations, cet accord constitue une avancée majeure pour harmoniser par le haut les droits sociaux des salariés du secteur, pour créer les conditions d’une concurrence plus équitable au sein du marché européen et pour s’assurer, enfin, du bon respect des règles, s’est félicitée Mme Borne, lundi soir. C’est la traduction concrète du combat porté par la France depuis de longs mois pour que le droit du détachement s’applique pleinement au transport routier. »

Cet accord satisfera-t-il pour autant la profession? Par définition, c’est un compromis, et la France – comme d’autres – a dû lâcher du lest. Parmi les principales avancées, Paris, Berlin et la Commission, qui est à l’origine de la proposition législative (en mai 2017), se félicitent d’avoir obtenu l’interdiction du temps de repos en cabine pour les conducteurs, pour leurs périodes de repos hebdomadaires : les transporteurs devront leur payer l’hôtel.

Les compagnies de transport devront aussi leur permettre de revenir dans leur famille et pays d’établissement toutes les quatre semaines, sauf à ce qu’ils prennent deux temps de repos hebdomadaires courts d’affilée : dans ce cas, les conducteurs pourront rentrer chez eux au bout de trois semaines.

Il reste à trouver un arrangement avec le Parlement européen

La France a obtenu l’application des conditions du détachement (même paie pour un même travail sur un même lieu de travail) pour toutes les opérations de cabotage (livraison d’un point à un autre au sein du même pays, pour une compagnie étrangère). Elle a aussi obtenu l’instauration de cinq jours de carence pour le cabotage (si un camion bulgare part de Berlin pour Madrid pour un aller-retour et effectue des opérations de cabotage en France sur sa route, il ne peut en effectuer d’autres dans l’Hexagone qu’au bout de cinq jours).

Enfin, les camions devront être équipés, d’ici à 2024, de tachygraphes de dernière génération (avec GPS et pouvant tracer les livraisons au plus près). Et non d’ici à 2034, comme initialement proposé par Bruxelles. En revanche, les pays de l’Est ont obtenu que les livraisons de type « bilatéral » (d’un pays à l’autre, et retour) soient exemptées du travail détaché, le chauffeur pouvant faire une opération de chargement-déchargement supplémentaire à l’aller et une autre au retour. Ou aucune à l’aller et deux au retour. Et ce, à condition que les camions soient dotés des tachygraphes dernier cri.

Il reste à trouver un arrangement avec le Parlement européen, ce qui n’a rien d’évident. Un compromis en commission Transport avait été élaboré, à la fin du printemps, à Strasbourg, qui allait davantage dans le sens des intérêts de l’Est. Mais il a été remis en question en plénière.

« Le Monde des lecteurs » : « L’allocation adulte handicapé et le revenu de solidarité active ne sont pas cumulables »

« Pour que l’AAH et le RSA soient cumulables en couple, que la personne handicapée ne soit obligée de couper en deux ces 820 euros qui normalement sont conçus dans le cadre du handicap d’une personne, ou de vivre seule, il faut que la loi change. »

Sur le blog « Le Monde des lecteurs », les lectrices et lecteurs du « Monde » peuvent commenter l’actualité. Vous pouvez contacter la rédaction par courriel : courrier-des-lecteurs@lemonde.fr.

J’ai appris que le 3 décembre était la journée internationale des personnes handicapées. Je l’ignorais, et pourtant, je suis concernée, car étant moi-même handicapée, atteinte d’une sclérose en plaques, de quatre hernies aux cervicales, deux hernies aux lombaires, ainsi que du syndrome d’asperger [forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage N.D.L.R].

L’Allocation adulte handicapé (AAH) et le revenu de solidarité active (RSA) ne sont pas cumulables, même dans le cadre d’une vie de couple. C’est inscrit dans le code de la Sécurité sociale. Lorsque l’une des personnes du couple est handicapée et perçoit l’AAH soit 820 euros en octobre 2018, 860 euros à partir de novembre 2018, et 900 euros dès novembre 2019), si l’autre personne passe au RSA, son RSA est alors supprimé (avec des enfants également…). Le couple doit alors vivre à deux sur l’allocation de la personne handicapée. Il arrive que le couple n’ait pas le droit à la Couverture universelle médicale (CMU), et doive en plus payer une mutuelle !

Cela n’est pas pour cette raison que les services sociaux les aideront plus, le chômeur sans chômage devenant un bouc émissaire, le pauvre victime du système, un assisté. La santé de l’individu handicapé est fortement touchée, et aggravée au vu du peu de moyens que cette personne a pour vivre dignement. Alimentation médiocre, difficultés de logement, difficultés à l’achat de matériel [réellement] adapté à sa problématique de santé (literie, fauteuils/canapés d’un prix exorbitant…

Coupes budgétaires

Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et Les Maisons départementales des personnes en situation de handicap (MDPSH) n’accordent pas facilement des aides techniques et humaines. Selon les régions, ces aides sont acceptées, mais de plus en plus rarement, le pourcentage du handicap diminuant étrangement sur le papier. Dans les régions à l’économie rétrécie, depuis la loi obligeant les départements à être autonomes financièrement, les coupes budgétaires en sont ressenties drastiquement dans l’univers du handicap.

Selon les régions, l’individu est considéré ayant un besoin légitime de recevoir une aide technique, humaine, aux transports… ou non. Partager à deux une AAH, c’est forcément mettre la santé de la personne handicapée en danger et avoir là les conditions pour que son handicap augmente. Alors, il nécessite plus de frais médicaux, et possiblement un jour des frais relatifs à la perte d’autonomie. Imaginez le coût exorbitant d’une aide aux transports en Véhicule sanitaire léger (VSL), des Imageries par résonance magnétique (IRM) en plus, des séances de kiné quotidiennes, des séjours en instituts spécialisés, des hospitalisations supplémentaires, des traitements lourds ajoutés, () pouvant se rajouter suite à cette carence financière pour une personne handicapée.

Coûts revenant à la charge de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), cette dernière pourtant essayant à tout prix de faire des économies… Cette loi, ce vide juridique est de plus symbolique d’un refus du handicap, un mépris de cette minorité. Handicapé, cet humain là doit prendre financièrement en charge un individu alors que c’est la société à laquelle devrait incomber cette tâche ! Alors, la seule solution tant que celui en bonne santé n’a pas un travail stable, durable, est de se séparer. Les contrats étant de plus en plus précaires et en CDD, la vie chère, la séparation devient indispensable pour raisons économiques, afin que l’individu handicapé puisse bénéficier seul de l’AAH et vivre avec ces 820 euros, sans aggraver en plus sa santé.

Injustice

Chacun doit avoir un logement différent : la séparation devient indispensable, même si l’amour reste et que le couple a encore une relation amoureuse, tout en vivant chacun chez soit. Vivre seul pour une personne handicapée, c’est devoir assumer l’injustice et le poids moral du handicap. Le handicap vécu seul, sans pouvoir vivre avec l’être aimé, ajoute à l’injustice. Des gestes quotidiens difficiles et/ou impossibles, sont d’autant une problématique lorsque l’on n’est qu’un, sans le compagnon aidant et aimant.
Pourtant, le/la compagne devrait être remercié(e) et rémunéré(e) pour l’aide qu’elle amène à l’être aimé peu autonome, handicapé.

Elle devrait être considérée comme un être utile qu’elle est à l’autre, donc à la société, recevoir quelque chose systématiquement, ne serait-ce qu’un RSA, le strict minimum au moins. Ne souhaitons pas que la personne handicapée devienne apte à percevoir l’aide humaine trop tôt, celle-ci étant accordée lorsque la pathologie de l’individu diminue drastiquement l’autonomie de cet être différent.

Si l’impossibilité d’accéder à la propriété, celui qui devra louer, déménager, bénéficiera d’une
allocation logement, 250 euros, un peu plus d’argent sorti des caisses de la Sécurité sociale.
Car alors, si absence d’emploi durable (au moins CDI), obligation de séparation, chacun devant vivre séparément du moins, et alors et seulement là, la personne handicapée pourra bénéficier seule de l’AAH.

Changer la loi

Pour que l’AAH et le RSA soient cumulables en couple, que la personne handicapée ne soit obligée de couper en deux ces 820 euros qui normalement sont conçus dans le cadre du handicap d’une personne, ou de vivre seule, il faut que la loi change. Je constate que les politiques entendent rarement la minorité, et que lors d’interventions de grosses associations, et mieux encore, de journalistes, ils deviennent obligés d’agir et de modifier les lois. L’Etat fait la sourde oreille lorsqu’il reçoit la demande de changer les choses en notre faveur… En tous les cas sous le gouvernement Hollande, oui. Sous celui d’Emmanuel Macron, je l’ignore pour l’instant.

Emmanuel Macron promettait de faire du handicap une priorité de son quinquennat. Bien possible que lui ou la secrétaire au handicap ignorent cette loi, ce vide juridique. Si vous en avez le temps et le pouvez, la communauté du handicap vous sera extrêmement reconnaissante d’écrire un article révélant cette injustice. J’adorerais que cela fasse effet boule de neige et que d’autres médias, en plus de vous, s’emparent du sujet et dévoilent ce vide juridique cynique. Pourrez-vous profiter de cette journée du 3 décembre, journée du handicap, afin de dénoncer cet oubli curieusement refusé d’être étudié par nos politiques ?

Aurore Simonetta, La Bastide-de-Sérou (Ariège)

L’attractivité par le prix, une hypothèse risquée pour attirer les étudiants étrangers

Le but du gouvernement d’avoir plus d’étudiants étrangers en augmentant les frais d’inscription relève d’une approche « marketing » qui pourrait entraîner « un désastre scientifique, culturel et diplomatique », analyse Matthieu Gallou, président de l’université de Bretagne occidentale.

Il faut reconnaître au gouvernement actuel le souci digne de se pencher sur des questions qui préoccupent depuis des années le monde de l’enseignement supérieur. Ainsi la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a-t-elle opportunément mis fin, en 2017, au dramatique et peu glorieux casse-tête du tirage au sort à l’entrée des licences. De même, le débat sur les droits d’inscription des étudiants extracommunautaires occupait depuis des années les cercles universitaires. Le gouvernement prétend aujourd’hui le trancher d’autorité, sans avoir apparemment consulté qui que ce soit.

Le programme Bienvenue en France comporte diverses dispositions, dont certaines, réclamées depuis longtemps, faciliteront sans doute en pratique l’accueil des étudiants étrangers. C’est cependant la spectaculaire augmentation du montant réglementaire des droits d’inscription qui en constitue l’aspect le plus significatif et aussi le plus problématique.
Le but affichée par le gouvernement – passer de 343 000 à 500 000 étudiants internationaux en huit ans – est tout à fait estimable : elle correspond à l’objectif de rayonnement de la science et de la culture françaises à travers le monde. Cette ambition consiste cependant sur une approche « marketing » très particulière, qui, pour avoir été essayée dans d’autres pays avec des fortunes diverses, ne présente ni toutes les garanties d’efficacité ni tous les gages de conformité avec les valeurs de l’enseignement supérieur français.

Nouvelle politique

La France risque en effet de perdre, au bénéfice de l’Allemagne ou de la Russie, son actuelle quatrième place mondiale parmi les pays « importateurs d’étudiants », et ce en raison de son déficit d’attractivité par rapport aux pays d’Asie, dont on connaît le dynamisme aussi bien démographique qu’économique. C’est donc en vertu de cette seule cible que semble construite la nouvelle politique, qui trouve là argument à la hausse très remarquable du montant des droits. En effet, habitués à mesurer la valeur d’une formation à l’aune du tarif qu’elle pratique, les étudiants asiatiques jugeraient fort mal aujourd’hui les diplômes français, trop bon marché pour paraître de bonne qualité. Il suffirait ainsi de multiplier les droits par quinze ou vingt pour redorer d’un coup l’image des formations françaises : c’est facile, et en plus ça peut rapporter gros.

« L’étiolement programmé du CNRS est un symptôme du dédain pour la recherche publique »

Article réservé aux abonnés

Tribune. La campagne annuelle de recrutement de chercheurs et chercheuses au CNRS est lancée ce mardi 4 décembre. Le nombre de recrutements proposés est en net recul : 250 postes au lieu de 300 lors des campagnes précédentes. L’année même où l’on entend célébrer les 80 ans du CNRS, c’est un bien funeste signal qui est adressé aux jeunes scientifiques, à la nation et au reste du monde sur l’importance accordée en France, aujourd’hui, à la recherche ; et le traitement réservé par le gouvernement aux universités et autres établissements de recherche n’est pas plus favorable.

Cette diminution des recrutements est calibrée, nous dit-on, pour assurer un strict remplacement des départs en retraite prévus. Compte tenu des autres départs permanents de l’organisme (notamment du fait de recrutements par des universités ou d’autres employeurs académiques en France ou à l’étranger), elle conduira à une diminution des effectifs de chercheurs et chercheuses au CNRS de l’ordre de 80 par an, comme l’a d’ailleurs admis Antoine Petit, PDG de l’organisme, lors d’une rencontre récente avec les présidentes et présidents des instances d’évaluation.

Chaque année, un quart des départs (80 sur 330 environ) ne seraient donc pas compensés par l’arrivée de nouvelles recrues. Or, depuis dix ans, les effectifs du CNRS ont déjà diminué de plus de 1 200 (– 5 %). Les directions précédentes de l’organisme avaient limité la baisse des effectifs de chercheurs et chercheuses à 350 personnes « seulement » au cours de cette période, mais au détriment des emplois d’accompagnement et d’appui à la recherche (–850 personnes) et des autres domaines d’action de l’organisme : soutien aux laboratoires, programmes de recherche, grands équipements, ou encore financements de thèses et de postdoctorats. Et ce qui est proposé au CNRS, dans ce contexte, c’est de réduire ses effectifs de chercheurs et chercheuses à un rythme deux fois plus rapide.

« Le gouvernement prétend considérer la recherche comme un investissement d’avenir. Pourtant, il la traite exclusivement comme une source de dépenses à optimiser »

Cette politique désastreuse organise l’étiolement progressif de la recherche publique française. Pire : en pénalisant de manière ciblée les jeunes chercheuses et chercheurs, elle entame d’autant plus fortement la capacité de la communauté scientifique nationale à explorer des domaines de recherche nouveaux, à « dépasser les frontières » des savoirs établis — comme le proclame avec enthousiasme le logo du CNRS ! — et à apporter sa pleine contribution aux défis de connaissance auxquels sont confrontées les sociétés contemporaines en matière technologique, environnementale, politique ou sanitaire… Ajoutons qu’à l’ère de la « post-vérité » et de la prolifération des « faits alternatifs » et autre fake news, le moins que l’on puisse dire est que l’Etat pourrait être mieux inspiré que de persister à affaiblir la recherche publique.

Air France devrait bientôt sceller le sort de sa jeune filiale Joon

Joon avait été lancée par Jean-Marc Janaillac, ancien patron d’Air France, pour rentabiliser les lignes déficitaires de la compagnie.
Joon avait été lancée par Jean-Marc Janaillac, ancien patron d’Air France, pour rentabiliser les lignes déficitaires de la compagnie. TIZIANA FABI / AFP

C’est la bouteille à l’encre autour du sort réservé à Joon, la filiale mi-low cost mi-compagnie classique d’Air France. Annoncé, jeudi 29 novembre par le Figaro, l’arrêt de Joon a été nié, vendredi 30 novembre, par Air France. Par un communiqué de deux phrases, Air France a tenu à démentir « les informations selon lesquelles il aurait été décidé d’arrêter l’activité de la compagnie Joon ».

Selon nos sources, la situation de la filiale devrait pourtant évoluer à court terme. Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM et aussi patron d’Air France a annoncé, jeudi, au cours d’une réunion, des changements à venir pour Joon. En interne, il est de notoriété publique que M. Smith n’est pas, loin s’en faut, un fan du nom de la compagnie. Il la verrait comme « une verrue », plaide un administrateur. Il trouverait le nom trop éloigné d’Air France, confie un cadre de la compagnie.

En pratique, le patron n’apprécie pas la multiplication des marques au sein du groupe. Autour du navire amiral Air France gravitent désormais Transavia, Hop ! Air France et Joon. C’est beaucoup trop pour le Canadien, qui plaiderait « pour une simplification des marques ». In fine, Hop !, la marque ombrelle qui réunit les anciennes compagnies Airlinair, Brit Air et Regional, et Joon devraient disparaître.

Hésitations de la direction

Le futur de cette dernière n’est pas encore fixé. Elle avait été lancée par son prédécesseur, Jean-Marc Janaillac, pour rentabiliser les lignes déficitaires d’Air France. A l’époque, ce sont les personnels navigants commerciaux (PNC), les hôtesses et les stewards, qui avaient servi de variables d’ajustement. Joon, filiale d’Air France, peut recruter des PNC avec des contrats bien moins intéressants que ceux proposés par sa maison mère. A l’heure, une hôtesse de Joon coûte 40 % moins cher qu’un PNC d’Air France. Une aubaine pour la compagnie, qui s’était fixée de parvenir à des coûts de fonctionnement inférieurs de 14 % à 18 % à ceux d’Air France. La méthode a porté ses fruits. « Joon rapporte beaucoup d’argent sur les routes sur lesquelles elle a été lancée », indique-t-on chez Air France. Ce succès explique les hésitations de la direction à mettre un terme brutal à Joon. De plus, la compagnie continue à recruter des PNC pour assurer son développement. Les 500 hôtesses et stewards seront bientôt 700.

Lire aussi Avec Joon, Air France part à l’assaut des compagnies du Golfe

Outre son poids économique, Joon pourrait aussi jouer un rôle dans les négociations catégorielles menées par la direction avec les représentants syndicaux des PNC d’Air France. Ces derniers n’avaient pas apprécié le lancement de cette compagnie hybride qui réduisait le périmètre d’activité d’Air France et donc les perspectives d’évolution de ses hôtesses et stewards. Pour parvenir à un accord avec les syndicats, M. Smith pourrait proposer d’en finir avec Joon. Plusieurs hypothèses sont sur la table. L’une d’elles verrait Joon retourner dans le giron d’Air France mais elle coûterait cher car la compagnie ne pourrait pas faire cohabiter des personnels embauchés avec des contrats différents. Un autre scénario, moins onéreux, inviterait à reverser Joon dans Transavia, la filiale low cost d’Air France. Rien n’est encore tranché.

« Tout le monde espère qu’il détruit pour tout reconstruire »

Avec la remise en cause de Joon, « Benjamin Smith solde l’époque [Jean-Marc] Janaillac », pointe Philippe Evain, président du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Nommé en août à la tête d’Air France-KLM, le Canadien, ex-numéro deux d’Air Canada, n’aura pas tardé à faire le ménage. A peine arrivé, il a fait partir deux des figures emblématiques décriées du temps de son prédécesseur. Coup sur coup, il a ainsi débarqué, à la rentrée, Franck Terner et Gilles Gateau, respectivement directeur général et directeur des ressources humaines d’Air France. « Tout le monde espère qu’il détruit pour tout reconstruire », indique M. Evain. Toutefois, « nous attendons encore qu’il présente son projet », regrette le président du SNPL.

S’il n’a pas encore détaillé son plan de développement d’Air France, M. Smith a déjà posé sa marque sur la compagnie. Il a décidé de réduire progressivement de moitié la flotte d’A380, pourtant le navire amiral de la compagnie et l’avion préféré des passagers du monde entier. Les pilotes redoutent d’autres décisions de cette nature. Ils craignent que leur nouveau patron décide une rationalisation des flottes d’Air France et de KLM. Dans cette optique, les futurs A350 commandés chez Airbus seraient réservés à Air France tandis que les long-courriers 787 de Boeing iraient chez KLM. Une manière pour la compagnie franco-néerlandaise de faire des économies dans la gestion de ses appareils et de ses équipages.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Air France : le départ de Janaillac laisse le groupe sans plan de vol

Guy Dutheil