Blocages à nouveau reconduits à l’université de Paris-Nanterre et à Tolbiac

A Paris, des centaines d’étudiants protestent depuis plus d’une semaine contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens en 2019.

 

Plusieurs centaines d’étudiants de Paris-Nanterre mobilisés en assemblée générale mardi 18 décembre ont reconduit le blocage de leur université jusqu’à jeudi. Comme sur le campus de Tolbiac (université Paris-I-Panthéon-Sorbonne), ils protestent notamment contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens en 2019.

A Nanterre, les votants se sont largement exprimés à main levée pour la reconduction, lors de cette AG un peu moins massive et tendue que celle de la semaine précédente, réunissant 900 étudiants selon l’université et un millier selon une des organisatrices.

« Le blocage, c’est notre préavis de grève à nous pour faire plier le gouvernement », a lancé à la tribune Mickaël, un étudiant. Si l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires devait entrer en vigueur, le président de Paris-Nanterre, Jean-François Balaudé, s’est engagé la semaine dernière à ne pas l’appliquer dans son établissement.

L’atmosphère s’est fortement tendue en fin d’AG lorsque les participants ont dû voter pour ou contre le report en janvier des partiels non tenus en décembre. Ce report a finalement été adopté par une majorité des étudiants présents. Les plus mobilisés étaient appelés à se rendre dans la foulée à l’université parisienne de Tolbiac avant de manifester à 14 h 30 devant le ministère de l’enseignement supérieur.

La veille, un huissier était venu constater le blocage des bâtiments par quelques dizaines d’étudiants. La plupart avaient été rouverts dans la journée avec l’appui de vigiles privés. Une partie des partiels avait ainsi pu se tenir. Une dizaine de cars de CRS ont été postés lundi aux abords de l’université « pour le cas où il y aurait des violences », avait indiqué le président Jean-François Balaudé.

Altercation lors d’une AG à Tolbiac

Réunis en assemblée générale, environ 300 étudiants du site de Tolbiac (Paris-I) ont aussi voté mardi matin la poursuite du blocage de la fac. « Le centre Pierre-Mendès-France était bloqué ce matin et la plupart des cours n’ont pas pu se tenir aujourd’hui », a précisé l’université, précisant que la reconduction du blocage avait été votée pour mercredi.

Pendant l’AG, une altercation a opposé un professeur de mathématiques à des étudiants, a ajouté Paris-I. « La sécurité est intervenue pour les séparer », a précisé un membre de l’université.

« Tolbiac a une fois encore été la scène de débordements ce midi en marge d’une assemblée générale », a tweeté la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal

La semaine dernière, la faculté avait indiqué que les examens de langue qui devaient se dérouler cette semaine au centre Pierre-Mendès-France, situé dans le 13e arrondissement de Paris, étaient reportés à la première semaine du second semestre, du 21 au 26 janvier.

Après l’incendie dans l’usine SGI de Plaisir, la fermeture et la délocalisation

Presque six mois après l’incendie qui a ravagé près de la moitié de leur usine, le 29 juin, les 87 salariés de l’entreprise SGI (Société de galvanoplastie industrielle), à Plaisir (Yvelines), sont encore sous le choc de l’annonce, le 6 décembre, de la fermeture définitive de ce site de traitement de surface de pièces pour l’aéronautique. Une décision qu’ils ne comprennent pas, d’autant que « la communication avec la direction est quasi inexistante », selon un technicien.

SGI est une filiale du florissant groupe hollandais Aalberts, qui emploie plus de 12 000 salariés dans le monde. Le 6 décembre, la réunion du comité d’entreprise a tourné à l’assemblée générale du personnel, très en colère. Le directeur des affaires juridiques et sociales, Manuel Isely, a confirmé la fermeture du site, qu’il avait annoncée trois jours auparavant par un SMS adressé à un délégué.

La procédure d’information/consultation des représentants du personnel devrait commencer en janvier. Des reclassements en interne devraient être proposés notamment à l’usine de Villers-Cotterêts (Aisne), distante de 120 kilomètres de Plaisir et où la production serait délocalisée. « Je pense qu’une dizaine de personnes serait intéressée par une mutation », estime Yannick Morel, délégué syndical central CGT. Les autres seront donc licenciés. Des salariés qui ont, en moyenne, 48 ans et 22 années d’ancienneté.

Situation tendue

M. Isely aurait aussi indiqué que les assurances ont versé 20 millions d’euros d’indemnités à SGI, qui est propriétaire du terrain. « La reconstruction coûterait entre 8 et 12 millions d’euros, précise M. Morel. Mais la direction préfère toucher l’argent et nous jeter dehors ! » Sollicitée, cette dernière ne veut pas s’exprimer pour le moment.

La situation est tendue. L’ancien directeur du site, « qui était à fond pour la reconstruction, a été écarté », déplore M. Morel. Les délégués demandent en vain le rapport d’expertise sur les causes de l’incendie et celui de l’assureur. Joséphine Kollmannsberger, maire LR de Plaisir, a, quant à elle, été mise hors circuit. « J’avais reçu la direction après l’incendie, car elle cherchait un emplacement plus important. Je l’avais mise en contact avec un porteur de foncier. » Elle n’a plus eu de nouvelles jusqu’à ce qu’elle apprenne, « il y a quelques jours, par un salarié », la décision de la fermeture.

Uber : des chauffeurs VTC aux prud’hommes pour se faire reconnaître comme salariés

Manifestation de chauffeurs de VTC, à Paris, en décembre 2016.
Manifestation de chauffeurs de VTC, à Paris, en décembre 2016. ALAIN JOCARD / AFP

Ils sont neuf et vont tenter d’arracher une requalification de leur statut d’indépendant en salariés. Mardi 18 décembre, des chauffeurs et anciens chauffeurs VTC attaquent devant le conseil des prud’hommes de Paris la plate-forme Uber. « Cela fait un an et demi que la procédure est enclenchée, mais nous arrivons enfin au tribunal, une première étape très importante, assure Sayah Baaroun, du syndicat SCP VTC, qui accompagne ces chauffeurs dans leur démarche depuis des mois. Derrière, il y en aura d’autres. L’appel, voire la Cour de cassation. Mais nous sommes en train de faire bouger les lignes. »

Jusqu’à présent la quasi-totalité des chauffeurs « indépendants » travaillant pour des plates-formes VTC de mise en relation avec des clients ont toujours été déboutés de leur demande de requalification en salariés par la justice. Cependant, les conditions ont changé.

« L’environnement juridique a été modifié, confirme Maître Teissonnière, qui assure la défense des neuf chauffeurs. Dans son arrêt du 28 novembre, la Cour de cassation a modifié les critères définissant les liens de subordination entre un travailleur indépendant et une plate-forme, et cela nous donne des arguments supplémentaires. »

La Cour de cassation a tapé du poing sur la table

En novembre, la Cour de cassation a tapé du poing sur la table en requalifiant comme salarié un coursier à vélo, qui travaillait pour la plate-forme, aujourd’hui liquidée, Take Eat Easy. Les juges estiment que « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », au moyen d’un système de géolocalisation et d’un régime de sanctions.

De fait, Uber, comme toutes les autres plates-formes sont potentiellement impactées par cette jurisprudence, ce que souhaite démontrer Me Teissonnière. « Avec le numérique, les plates-formes ont réinventé le système du travail à la tâche que vivaient les canuts au XIXe siècle, juge Me Teissonnière. Comme aujourd’hui, ces travailleurs détenaient leur outil de travail, mais étaient totalement soumis à leurs donneurs d’ordre. Aujourd’hui, nous avons les moyens juridiques de le démontrer pour les chauffeurs VTC. »

Chez Uber, on reste néanmoins serein. « Le conseil de prud’hommes de Paris a confirmé à deux reprises cette année que les chauffeurs utilisant l’application Uber sont des indépendants », rappelle-t-on au sein de la société américaine. Ils s’appuyaient sur l’ancienne jurisprudence qui prenait en compte quatre critères principaux pour définir un contrat de travail : l’existence d’un contrôle horaire de la part de la plate-forme, l’existence d’un lien de subordination, d’un lien d’exclusivité ou de non-concurrence et d’une dépendance économique.

« Une relation commerciale »

Dans deux arrêts récents, les prud’hommes de Paris estimaient que ces critères n’étaient pas réunis et que les chauffeurs requérants devaient s’en remettre au tribunal de commerce, en charge des relations commerciales. Aujourd’hui, deux nouveaux critères apparaissent donc. Cela peut-il changer la donne ? « On l’espère, indique M. Baaroun. La question du contrôle, via la géolocalisation, et le régime de sanctions, dont les déconnexions, sont largement utilisées par Uber. »

L’interprétation diffère chez Uber. « Aujourd’hui, nous avons une relation commerciale avec les chauffeurs qui utilisent la plate-forme, explique-t-on dans l’entreprise. Or, dans toute relation commerciale, il existe des obligations pour les deux parties. Un régime de sanctions, qui inclut la déconnexion, est appliqué par la société quand certaines clauses ne sont pas respectées par les chauffeurs. »

Un jugement du tribunal des prud’hommes de Paris est attendu au plus tôt en février.

RATP : une prime exceptionnelle à plus de 30 500 salariés

La RATP a annoncé lundi 17 décembre le versement d’une prime exceptionnelle en janvier à « plus de 30 500 salariés » percevant un salaire annuel brut inférieur à deux smic.

Elle s’élèvera à 400 euros pour ceux touchant un salaire annuel inférieur à 1,5 smic (soit 26 644,66 euros bruts hors primes) et à 200 euros pour les employés percevant un salaire annuel compris entre 1,5 et 2 smic (35 526,48 euros bruts hors primes), a précisé la direction à l’Agence France-Presse (AFP).

« Par cette mesure exceptionnelle, la RATP tient à s’associer pleinement à l’effort national engagé au bénéfice d’une meilleure qualité de vie », a déclaré la direction, faisant référence à « l’appel au volontarisme des entreprises » lancé par Emmanuel Macron en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Rachel Picard, la « Mme Oui » du TGV

Rachel Picard, patronne de Voyages SNCF, au technicentre du Landy, en Seine-Saint-Denis, le 7 décembre.
Rachel Picard, patronne de Voyages SNCF, au technicentre du Landy, en Seine-Saint-Denis, le 7 décembre. BRUNO LEVY pour le Monde

« Oui au confort », « Oui à l’avenir », « Oui à la performance », « Oui à InOui »… Les slogans s’affichent en format XXL, accompagnés d’immenses photos de cheminots face aux TGV en révision. Nous sommes au centre technique SNCF du Landy, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris. Suivie par une poignée de cadres – les dirigeants du lieu –, une manageuse en tenue de sécurité découvre, avec une évidente satisfaction, la campagne de communication interne. Elle se tourne vers son voisin, visiteur, pour la première fois, du technicentre. Petit clin d’œil. Vif éclat de rire. « Pas mal, non ? »

Cette femme, c’est Rachel Picard, 52 ans. C’est elle qui a mis du « oui » partout dans la vie de la SNCF, de ses agents, de ses clients. La directrice générale de la branche Voyages a la haute main sur les TGV haut de gamme InOui (elle a créé le concept). Mais aussi sur les Ouigo à petit prix, qui sont désormais au départ de la gare de Lyon, depuis le 9 décembre. C’est encore elle qui dirige le site Oui.sncf, l’ancien Voyages-sncf.com, dont elle a changé le nom en 2017. C’est elle – toujours – qui, le 12 novembre, vient de vendre Ouibus, la filiale « cars Macron »  de la SNCF, à Blablacar. Ouibus, ancien iDBUS, qu’elle avait rebaptisé – on serait tenté d’inventer le mot « ouisé » –, en 2015.

Surprenante « Mme Oui », dotée d’une personnalité bien à elle. Car il y a un « style Rachel » (tout le monde l’appelle comme cela à la SNCF) : une propension aux clins d’œil complices et aux rires sonores, des tenues colorées qui font un peu jaser, une apparence « décontractée ». Mais qu’on ne s’y trompe pas : Rachel Picard est bien une patronne dotée d’une détermination sans failles. « Il y a en elle un alliage entre une extrême sensibilité et une énorme rigueur, ajoute le président de la SNCF, Guillaume Pepy. Avec Rachel, les chiffres sont les chiffres. »

Les chiffres, justement, Mme Picard va les scruter attentivement dans les jours qui viennent. A partir de la fin de la semaine du 17 au 23 décembre, Voyages SNCF – autrement dit, les trains longue distance, TGV et Intercités – va connaître l’un de ses pics critiques. C’est même le branle-bas de combat. Du 21 décembre au 6 janvier 2019, la branche Voyages va transporter 7,6 millions de personnes, soit 3 % de plus qu’en 2017,et faire circuler quelque 15 700 trains.

« La gouvernance de Renault-Nissan est si mal ficelée que les deux entreprises sont paralysées »

Carlos Ghosn, au CES de Las Vegas, en janvier 2017.
Carlos Ghosn, au CES de Las Vegas, en janvier 2017. David Becker / AFP

Personnage haut en couleur, Albert Frère, le marchand de clous de Charleroi, en Belgique, devenu milliardaire et décédé le 3 décembre, n’avait pas son pareil pour parler simplement du monde des affaires. Il avait coutume de répéter « petit minoritaire, petit con, gros minoritaire, gros con ». Sous-entendu, si vous avez beaucoup d’argent investi dans une entreprise et pas le droit de décision, vous avez toutes les chances de finir, un jour, en dinde de Noël. L’affaire Renault-Nissan illustre à merveille cet adage et les conséquences d’une gouvernance si mal ficelée que l’on voit mal comment Renault pourrait en sortir indemne.

Le constructeur automobile vient de prendre sa plus belle plume pour demander poliment à la société Nissan – dont elle est le plus gros actionnaire, avec 43,4 % du capital, et qui réunit son conseil d’administration, lundi 17 décembre – de convoquer, d’urgence, une assemblée générale pour statuer sur l’avenir de leur alliance et la composition de ses instances dirigeantes. Plutôt une bonne idée, compte tenu de la crise aiguë que traverse cette union franco-japonaise unique au monde par son ampleur et son organisation. Depuis que Carlos Ghosn, qui tenait seul tous les fils de cette union, médite en prison sur la vanité du pouvoir, l’ambiance est glaciale entre les deux entreprises.

Mais voilà : Renault n’a pas la possibilité d’imposer la tenue d’une telle assemblée ni de proposer la moindre résolution, sans l’accord du conseil de Nissan, où elle n’a pas voix au chapitre. Car la participation pourtant proche des 50 % de Renault dans Nissan ne lui donne aucun droit. Et comme Nissan, de son coté, est propriétaire de 15 % de Renault sans droits de vote, les deux entreprises sont paralysées. Gros minoritaires, gros…

Equilibre précaire

Cette situation ubuesque est le fruit d’une construction complexe tentant de ménager les susceptibilités de l’entreprise japonaise et celles de l’Etat français. Trois ans après l’investissement de 5 milliards d’euros de Renault dans Nissan, le pacte fondateur de l’alliance, appelé « Ama » (Alliance Master Agreement), est signé en 2002. Celui-ci laisse une large autonomie au japonais, afin de préserver sa culture, aux antipodes de celle du français. Ce qui ne posait pas de problème, puisque le patron de Nissan était le même que celui de Renault : Carlos Ghosn. En 2015, la France accroît par surprise sa participation dans Renault pour bénéficier de droits de vote double. Pour faire passer la pilule auprès des Japonais, furieux du procédé, l’Ama est amendé, et Renault abdique de la plupart de ses droits sur Nissan, y compris la nomination de ses dirigeants et membres du conseil d’administration.

Le plafonnement des indemnités prud’homales jugé contraire au droit international

Le débat sur la réforme du code du travail, qui fit rage en 2017, vient de rebondir devant le conseil de prud’hommes de Troyes. Dans cinq litiges, cette juridiction vient de juger contraire aux engagements internationaux de la France une des mesures les plus importantes adoptées l’an passé : le plafonnement des dommages-intérêts qu’un tribunal accorde à un salarié victime d’un licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Cette disposition, Emmanuel Macron y tient beaucoup, puisqu’il l’avait inscrite dans son programme de campagne après avoir – vainement – tenté de la mettre en place quand il était ministre de l’économie, sous le quinquennat de François Hollande.

Les jugements rendus jeudi 13 décembre constituent une première. L’un d’eux fait suite à un différend entre un homme et l’ancienne entreprise où il travaillait. Jean-Paul G. avait saisi les prud’hommes de Troyes, courant février, quelques jours après avoir appris que son employeur voulait le congédier, en raison de difficultés économiques. Dans sa demande, le salarié avait – notamment – exprimé le souhait que soit écarté le barème obligatoire instauré en 2017, au motif que celui-ci ne respecte pas deux textes : la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne. Celles-ci prévoient qu’une juridiction, en cas de licenciement infondé, doit pouvoir ordonner le versement au salarié d’une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de réparation « appropriée ».

« Marge d’appréciation »

Les prud’hommes ont donné gain de cause à Jean-Paul G. Pour eux, la réforme de 2017 a eu comme effet d’introduire « un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales [qui] ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi ». En outre, les montants maximaux fixés dans le barème « ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse » : ils « sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ». Une précision importante : la décision de jeudi a été rendue par une formation collégiale, composée de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs, ce qui signifie que l’un de ces derniers, au moins, était favorable à l’analyse juridique développée dans le jugement.

Etudiants étrangers : « #BienvenueEnFrance marque le désengagement de l’Etat dans l’enseignement supérieur »

Dans une tribune au « Monde », un collectif de doctorants de l’Ecole polytechnique exprime son opposition à l’augmentation des frais universitaires des étudiants extracommunautaires. Cette mesure qu’il juge discriminatoire risque de dégrader fortement leur condition de travail et dévalorise le doctorat.

« Dans le périmètre de Paris-Saclay, nous sommes par exemple co-auteurs d’environ 70 % des publications scientifiques »
« Dans le périmètre de Paris-Saclay, nous sommes par exemple co-auteurs d’environ 70 % des publications scientifiques » François Renault / Photononstop

Tribune. Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé une nouvelle stratégie concernant l’attractivité de l’enseignement supérieur français auprès des étudiants internationaux intitulée  #BienvenueEnFrance. Cette réforme se matérialise par une forte augmentation des frais universitaires pour l’intégralité des étudiants non-européens. Spécifiquement, les frais augmentent de 170 euros à 2 770 euros annuels pour les licences, et de 243 euros et 380 euros à 3770 euros pour les masters et doctorats respectivement. En contrepartie, le gouvernement propose d’introduire seulement 14 000 bourses d’excellence pour l’ensemble des étudiants (320 000 étudiants étrangers actuellement).

Cette annonce a déjà suscité de nombreuses et légitimes réactions, notamment portées sur les étudiants en licence ou en master : ce plan remet, en effet, en cause une valeur cardinale de notre système universitaire, son accès égalitaire car peu onéreux. Mais nous voulons quant à nous approfondir spécifiquement le sujet rarement discuté des doctorants, dont le statut de salarié est trop souvent occulté dans ces réformes. Nous, doctorantes et doctorants à l’Ecole polytechnique, nous opposons au projet de réforme qui dégrade sévèrement nos conditions de vie, dévalorise dangereusement la vision du doctorat et nous paraît discriminatoire vis-à-vis des lois du travail.

Nous sommes avant tout de jeunes travailleurs en début de carrière, avec au moins cinq ans d’études supérieures à notre actif. Nous avons réussi à obtenir un financement pour notre thèse sur la base d’un concours et la plupart d’entre nous ont un contrat de travail de trois ans afin d’accomplir notre mission de recherche. La réalité du travail en thèse est telle que le laboratoire devient notre seconde maison pour cette période, avec des horaires « hors forfait » et une pression grandissante pour publier.

Membres à part entière

Nous fournissons une partie très importante du travail de recherche : dans le périmètre de Paris-Saclay, nous sommes par exemple co-auteurs d’environ 70 % des publications scientifiques qui produisent le rayonnement de nos laboratoires sur la scène nationale et internationale.

Nos travaux de recherche peuvent également donner lieu à la création de start-up, si attendues aujourd’hui pour la croissance économique du pays, et nous encourageons de fait la création d’incubateurs dans les universités et les écoles, et l’accompagnement de la recherche par des cellules de valorisation dans les organismes comme le CNRS. En parallèle, nous sommes régulièrement impliqués dans des activités d’enseignement, en encadrant des stagiaires ou des travaux dirigés.

« Une hausse du smic n’est pas le bon instrument pour lutter contre la pauvreté »

La question du salaire minimum est totémique en France. L’intuition première est qu’augmenter le smic est le meilleur moyen d’accroître le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres. Une littérature économique maintenant abondante a montré que cette intuition n’est pas toujours vraie. Depuis sa création, en 2008, le Groupe des experts sur le smic s’appuie sur ce constat pour recommander d’utiliser des dispositifs comme la prime d’activité afin d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres, plutôt que des coups de pouce au smic. Ces analyses, épaulées par les contributions des services de l’Etat (Insee, ministère du travail, Direction du Trésor), dont la compétence et le professionnalisme sont reconnus par tous, sont présentées chaque année dans un rapport accessible à tous.

Dans ce contexte, on ne peut que regretter que soient encore énoncées des contre-vérités pour fustiger les analyses des experts sur le smic, accusés d’appartenir à une même école de pensée et de délibérer dans un suspect entre-soi.

Lire aussi Smic et prime d’activité : les annonces d’Emmanuel Macron en 8 questions

Certains affirment qu’une augmentation du smic pourrait accroître l’emploi, en citant des travaux portant sur les Etats-Unis. Ces études ont certes montré qu’une hausse du salaire minimum pouvait créer des emplois, mais ce salaire était, dans ces cas précis, particulièrement faible, et ce qui peut être vrai là-bas ne l’est pas nécessairement ici. Le salaire minimum, dans notre pays, est un des plus élevés de l’OCDE et les études examinant spécifiquement les conséquences d’une hausse du smic sur l’économie française ont toutes conclu à un effet défavorable sur l’emploi, en particulier non qualifié.

Cibler les plus vulnérables

Il est aussi affirmé que le coût du travail des personnes peu qualifiées n’aurait aucune influence sur leur emploi dans notre pays, et que les politiques de baisse des cotisations sociales sur les bas salaires pratiquées dans l’Hexagone depuis les années 1990 par des gouvernements de tout bord seraient inefficaces. Cette affirmation est proprement ahurissante : les études qui ont examiné les effets des allégements de cotisations sociales ont toutes conclu qu’elles permettaient de sauvegarder ou de créer des emplois peu qualifiés.

Autre affirmation inexacte, appuyée là encore sur quelques indications éparses en provenance des Etats-Unis, le salaire minimum réduirait les inégalités. Pour ce qui concerne notre pays, cette assertion n’est pas démontrée. En France comme ailleurs, les deux principaux facteurs de pauvreté d’un ménage sont un faible temps de travail et la taille du foyer. Plus de 80 % des ménages dont au moins un des membres est rémunéré au smic ne font pas partie des ménages pauvres. Une hausse du smic n’est donc pas le bon instrument pour lutter contre la pauvreté, car il est peu ciblé sur les pauvres. Les études chiffrées menées par le Groupe des experts sur le smic indiquent sans ambiguïté qu’une hausse de la prime d’activité est bien plus efficace qu’un « coup de pouce » sur le smic, car elle permet de cibler les ménages les plus vulnérables, en particulier les ménages monoparentaux.