Le secteur de l’IA face à une carence de main-d’œuvre
Chanceux les jeunes diplômés qui maîtrisent les énigmes de l’IA, car les entreprises viendront à eux. « C’est à nous, employeurs, de convaincre les plus qualifiés d’entre eux de nous rejoindre », déclare Romain Lerallut, directeur de la recherche et développement de la société française de reciblage publicitaire sur Internet Criteo. Ce n’est pas donné à tous les personnes.
Avec l’enthousiasme actuel pour cette branche, la cote des professionnels a éclaté. La création, en France, de laboratoires par des géants internationaux tels que Facebook a encore avivé la lutte entre entreprises pour captiver ces talents rares.
Le 21 février dernier, Microsoft a officialisé l’ouverture, à Paris, d’un centre mondial de développement dévolu à l’IA accueillant une centaine d’ingénieurs. En 2018, IBM a annoncé vouloir réaliser 400 embauches dans cette branche en France. Samsung a ouvert un centre d’innovation au cœur de Paris destiné à accueillir une centaine de spécialistes, et Facebook a promis un investissement de 10 millions dans son laboratoire parisien d’ici à 2022…
Pour avoir les meilleurs profils, ces géants de la tech ont attaché des liens forts avec la recherche, à l’image de Google, qui a pris part à l’ouvrage d’une chaire d’IA à Polytechnique. « On a des partenariats avec les écoles pour permettre à des étudiants de travailler sur des projets », déclare pareillement Nicolas Sekkaki, le président d’IBM France. Les étudiants n’ont parfois même pas fini leur cursus quand ils incorporent ces sociétés en stage ou pour y finir leur thèse. « Les chercheurs qui publient beaucoup sont les plus courtisés par les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon], avec des offres de salaires qu’eux seuls peuvent formuler », mentionne Romain Fouache, directeur des opérations de Dataiku – une start-up française qui a pourtant réalisé, en décembre 2018, une levée de fonds de plus de 100 millions de dollars (89 millions d’euros).
Compétition truquée au niveau des revenus
Tous les acteurs font l’acte d’une compétition dissimulée au niveau des revenus. « Dès qu’un grand groupe veut monter une grosse équipe, il lui suffit de gonfler de 20 % les propositions salariales », observe Fred Raynal, PDG de Quarkslab, une société spécialisée en cybersécurité. « Ils ont importé le modèle de rétribution de la Silicon Valley, avec des stock-options ou des actions gratuites », ajoute Romain Lerallut.
Le tribunal de commerce de Nanterre a exprimé vendredi 29 mars la liquidation judiciaire d’Arjowiggins Papiers Couchés et l’abandon partielle d’une autre usine, ce qui menace 800 travailleurs pour ces deux sites de la Sarthe, a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat des salariés, Thomas Hollande.
Les sites affectés sont ceux de Bessé-sur-Braye (Sarthe), qui emploie 580 personnes, et du Bourray, près du Mans (270 emplois). « C’est une catastrophe pour le département de la Sarthe », a-t-il assuré, faisant part de sa « colère » vis-à-vis de l’État.
« Il y a 800 travailleurs touchés directement, sans établir les emplois indirects. Il y a eu des ventes qui ont affecté autant de salariés, mais autant dans un même département et une même zone géographique, c’est vraiment inédit. »
Pour Bessé-sur-Braye, « c’est la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité », a étalé l’avocat. Pour le site du Bourray, à Saint-Mars-la-Brière, près du Mans, « c’est une cession partielle (…) avec le licenciement de plus de 150 salariés », a additionné Me Hollande. Quant à la troisième société de Greenfield, à Château-Thierry (Aisne, 75 salariés), elle est totalement reprise.
« C’est plié »
« La première réaction, c’est la colère face à l’Etat, à la BPI (Banque publique d’investissement, ndlr) et aux gouvernants du groupe, qui sont imputés de cette situation alors qu’il y avait un projet de reprise viable présenté et qu’ils ont refusé de le financer intégralement », a estimé Me Hollande.
Abraham Philippe, messager CGT à Bessé-sur-Braye, a raconté à l’AFP : « Notre directeur (de site) a pris la parole ce matin. Il n’y a pas d’issue, pas d’investisseur privé, c’est fini. On s’y attendait, mais là, c’est cuit. C’est plié, plus personne n’y croit. »
« On se rejoint, on est tous ensemble. Je pense qu’on va bloquer l’usine pour préserver les machines, l’outil de travail et le stock. Y a plus qu’à chercher du boulot… »
« C’est un issue rude pour le territoire (…). Malheureusement, les financements privés nécessaires pour équilibrer l’offre n’ont pu être réunis », a répercuté le ministère de l’économie dans un communiqué.
Les trois usines, qui appartenaient au groupe Sequana, ont été placées en redressement judiciaire le 8 janvier. Bpifrance est actionnaire de Sequana à hauteur de 15,4 % du capital et dispose 17,2 % des droits de vote.