Rébellion au sein des prud’hommes
Depuis un peu plus de trois mois, des tribunaux réfutent le sommet des compensations en cas de licenciement abusif.
Ce sont des conseillers prud’homaux de Troyes (Aube) qui ont ajusté les premiers, le 13 décembre 2018. Ils ont vite été suivis par plusieurs de leurs pairs, demeurant ailleurs dans l’Hexagone : Amiens, Lyon, Grenoble… Depuis un peu plus de trois mois, un parfum de rébellion flotte au-dessus de la prud’homie, vaste archipel de près de 210 tribunaux paritaires composés de juges non professionnels, issus des syndicats et du patronat.
Ce mécanisme, qui se présente sous la forme d’un barème, a été tranché contraire aux engagements internationaux de la France
Certains d’entre eux précipitent contre une mesure emblématique des « ordonnances Macron » sur le code du travail : le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Entré en vigueur fin septembre 2017, ce dispositif, qui se présente sous la forme d’un barème, a été jugé contraire aux engagements internationaux de la France, à l’occasion de contentieux portés devant les prud’hommes. Combien ? La chancellerie dit avoir « eu connaissance d’environ quatorze décisions », tout en précisant que cette recension peut être incomplète.
Dans ces jugements, la motivation est souvent la même : le « barème Macron » contrevient à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne. Deux textes qui envisagent qu’une juridiction nationale doit être en capacité d’ordonner le paiement d’une « réparation appropriée » au salarié injustement congédié. Or, la grille de dommages-intérêts inscrite dans les ordonnances de 2017 ne remplit pas cette condition, aux yeux des conseillers prud’homaux rebelles. Ils l’ont donc reculée – du fait de son « inconventionnalité » – et ont accordé des montants supérieurs à ceux qu’elle fixe.
Le gouvernement a tout d’abord vu dans ces jugements « dissidentes » le fruit d’une méconnaissance de la jurisprudence : la décision formulée à Troyes pose « la question de la formation juridique des conseillers prud’homaux », a déclenché, à la mi-décembre 2018, le ministère du travail, en faisant valoir que le dispositif avait été validé par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat.
Le problème, c’est que les « insurgés » de Troyes peuvent péniblement être assimilés à un serrement de francs-tireurs incompétents. Et ce, parce qu’ils ne sont pas tout à fait seuls, plusieurs de leurs collègues ayant tranché dans le même sens qu’eux. Aux prud’hommes de Pau, c’est une formation de jugement dirigée par un magistrat professionnel qui a rendu un délibéré de ce type.
« Depuis la rentrée 2018, je suis professeur à Weil am Rhein, dans le Bade-Wurtemberg. C’est près de la Forêt-Noire, où je vais skier. Je faillais y rester jusqu’à l’été, mais j’ai sollicité un an de plus. Au-delà de l’expérience professionnelle, de la découverte d’un autre système éducatif, je voulais concevoir le fait d’être étrangère quelque part. J’ai beaucoup voyagé, mais je n’avais jamais été émigrée. Partir n’est pas simple. Il y a peu d’information sur ces échanges. Je suis passée par l’Office franco-allemand pour la jeunesse, dont j’ai eu l’intuition par une amie. J’enseigne le français, pour une vingtaine d’heures par semaine, et le sport, car j’ai fait Staps. En Allemagne, à l’école primaire, les enseignants se suppléent dans la classe. Lorsqu’on change de classe, et quand les parents quittent leurs enfants le matin, on se dit “viel Spass”, ce qui signifie “amuse-toi bien”. Ici, le directeur ou la directrice est le supérieur hiérarchique des enseignants. L’élève est un partenaire, inclus dans l’école, qui donne son avis, argumente, vote les sorties. L’apprentissage passe beaucoup par le jeu. Pour participer à ce genre d’échange, il n’est pas obligatoire de parler allemand, mais cela assiste les relations avec les collègues et les parents. En mai, la promotion précédente donne des conseils à ceux qui vont partir. En août, Français et Allemands se perçoivent pour un stage de pédagogie et des cours de la langue du pays d’accueil. On a aussi un bilan à mi-parcours et un autre à la fin, avec nos successeurs. Avec ce système, on encaisse et on donne. »