Espoir et réalisme

Des étudiants manifestent, vendredi 15 mars, à Paris, lors de la marche pour le climat.
Des étudiants manifestent, vendredi 15 mars, à Paris, lors de la marche pour le climat. GONZALO FUENTES / REUTERS

Brises européennes 3|5. Affectés de plein règlement par la crise de 2008, les jeunes ont la sensation que leurs espoirs ne sont pas assez pris en compte par le monde politique.

En cet après-midi illuminé de février, la foule se fait dense sur la place de l’Opéra, à Paris. Des centaines de lycéens se sont assemblés pour circuler en faveur du climat. « Où est-elle, où est-elle ? » Les badauds se pressent, des étudiants jouent des coudes pour l’apercevoir. Visage poupin encadré de longues nattes brunes, Greta Thunberg prend la parole : « Nous, les jeunes, ne devrions pas avoir à faire cela. Mais comme les adultes ne prennent pas leurs responsabilités, nous agissons. »

En quelques semaines, la Suédoise de 16 ans est transformée le symbole d’une jeunesse européenne qui, comme dans 120 pays dans le monde, bat le pavé pour additionner les dirigeants d’agir enfin pour l’environnement.

Cette appel en dit long sur le fossé entre les moins de 25 ans et la classe politique. « Le climat est un sujet majeur pour beaucoup de jeunes », note Vincent Cocquebert, auteur de Millennial burn-out (Arkhê, 216 pages, 17,90 euros), un essai sur la génération née entre 1980 et 2000. Avant de nuancer : « Mais il serait problématique d’oublier que ceux-ci forment un groupe hétérogène et éclaté, aux aspirations très différentes. »

Comment enfermer, en contrepartie, ce à quoi rêvent les jeunes des 28 pays membres ? Les idéaux des pères fondateurs de l’Europe les inspirent-ils encore ? Quel regard portent-ils sur l’Union européenne (UE) ? Les résultats des élections européennes de 2014, ainsi que les enquêtes faites par la Commission depuis, apportent quelques éléments de réponse : dans l’ensemble, ils se sentent plus européens que leurs aînés mais admettent moins à la politique. Il y a cinq ans, seuls 28 % des électeurs de moins de 25 ans sont allés voter, contre 42,5 % pour l’ensemble de la population.

Malgré tout, les moins de 25 ans conservent à l’Europe : d’après l’Eurobaromètre de mars 2018, 61 % se définissent comme attachés à l’Union européenne, contre 56 % pour l’ensemble de la population, et ils sont plus nombreux à concevoir que l’UE est une bonne chose pour leur pays. « La rejoindre a transformé la Slovénie : désormais, nous sommes libres de traverser les frontières et d’étudier à l’étranger », témoigne ainsi Patrik Bole, 22 ans, étudiant en sciences sociales à Ljubljana. Mais les institutions ne sont pas assez démocratiques, et cela nourrit la défiance des citoyens. »

 

Jean-Paul Delevoye augmente le ton contre l’Etat

Le haut-commissaire chargé de faire le changement a raconté qu’il négligerait son poste en cas de report de l’âge légal minimum de la retraite.
Il tient à ce que les choses soient claires : il ne fait pas de l’effort à la démission. Mais si la transformation des retraites, sur laquelle il œuvre en qualité de haut-commissaire, s’explique par un redressement de l’âge minimum pour acquitter les pensions, il abandonnera son poste. « Sa position est claire, il l’a déjà informée il y a une dizaine de jours à l’issue d’un colloque au Sénat », rappelle-t-on dans son voisinage, en appuyé sur le fait qu’« il ne s’agit pas d’un ultimatum ». Cette mise au point, réalisée mercredi 3 avril, participe alors même que plusieurs poids lourds de l’exécutif poursuivent de citer l’hypothèse d’un report de l’âge à partir duquel les personnes savent solliciter la rétribution de leur pension – ce qui ferait circuler ce paramètre de 62 à 63 ans, voire au-delà.

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a même affirmé, lundi, que le recul du curseur jusqu’à 65 ans aménage « une bonne idée ». Il faut « œuvrer plus longtemps pour rémunérer notre système de solidarité », a-t-il augmenté : « Il n’y a pas cinquante solutions vu les comptes publics. Soit vous dites aux gens “on ne vous indexe plus vos retraites”, soit vous dites aux gens “on va augmenter les impôts, les cotisations, pour payer notre système de retraite”, soit vous leur dites “vous travaillez un peu plus pour financer les retraites.” » Pour M. Darmanin, le changement de la borne d’âge peut être déterminé « indépendamment de la réforme Delevoye », c’est-à-dire du projet de système universel que le haut-commissaire est en train de construire dans le cadre d’une entente avec les associés sociaux, intelligente depuis un peu plus d’un an.

Matignon « n’a pas changé de ligne »

Bruno Le Maire regorge dans le même sens, mercredi, dans un entretien aux Echos, mais en protégeant un schéma différent : aux yeux du ministre de l’économie, il y a, en plus du chantier guidé par M. Delevoye, « un deuxième débat sur l’allongement de la durée de travail ».

« Ne le fermons pas, plaide M. Le Maire. Il a été ouvert et fait partie du grand débat. Il y a un vrai choix de société derrière, sur la rétribution de notre modèle social. »

Ces pistes présentent aussi présentes à l’esprit de proches assistants d’Emmanuel Macron. Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, en fait partie, selon nos informations.

Le sujet a-t-il été assemblé, mardi soir, lorsque Edouard Philippe a perçu M. Delevoye ? La réponse tombe sous la forme d’une ellipse : le premier ministre, argumente un de ses conseillers, « n’a pas changé de ligne » depuis son assistance à l’Assemblée nationale, le 20 mars. Il avait alors certifié que la règle des 62 ans serait préservée, tout en disant qu’il faut se demander sur la nécessité de « travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail plus long finance [les] besoins considérables d’investissement et de prise en charge », liés au affaiblissement de la population. Autrement dit, la question d’un report de l’âge n’est plus d’actualité, pour Matignon.

  1. Delevoye est, au contraire, persuadé qu’une telle idée n’a pas été abandonnée. D’où les rumeurs grossissantes, ces derniers jours, sur l’éventualité d’un départ du haut-commissaire, qui se doublerait, très possiblement, de la démission de tout ou partie de son équipe si ce scénario se matérialisait. L’atmosphère est pesante dans les bureaux que le haut-commissariat occupe, avenue Duquesne à Paris. « On voit bien que Delevoye est moins dans la discussion qu’avant », déclare une des personnalités qu’il a tirées récemment. « On est à la croisée des chemins », juge Frédéric Sève (CFDT). Toute la question, actuellement, est de savoir à quel instant et dans quel sens M. Macron coupera pour lever les incertitudes ambiantes.

Signaux faibles, la start-up d’Etat qui veut contrarier les faiblesses des sociétés

Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, dans le quartier de Bercy, à Paris, en octobre 2014.
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, dans le quartier de Bercy, à Paris, en octobre 2014. BERTRAND GUAY / AFP

Cet outil de veille généré par Bercy est présumé prévenir sur la mauvaise passe à parvenir d’une société. Il sera étalé graduellement dans l’ensemble des régions.

Cela peut être le départ d’un assistant, l’accroissement brusque du chômage partiel ou de premiers impayés… Bref, quelques signes savent avertir sur la mauvaise passe à venir d’une société. Et c’est en suivant ces dénonciateurs, très en amont, que Bercy a développé un nouvel outil de veille des sociétés, baptisé… Signaux faibles.

Le mercredi 3 avril, Thomas Courbe, le patron de la direction générale des entreprises (DGE), déclare le défilé accentué dans l’ensemble des régions de ce logiciel de veille, « afin d’améliorer la résilience des entreprises. Plus tôt nous sommes capables de pénétrer les problèmes, plus tôt nous pouvons les assister et, en retour, réduire le nombre de défaillances à venir ».

Cet outil est né en 2015, à Dijon, où célébrait Stéphanie Schaer, alors commissaire à la rectification productif. « Nous sommes partis d’un constat simple, explique la fonctionnaire. Quand les entreprises en besoin saisissent les services de l’Etat, il est fréquemment trop tard, car de nombreuses aides ne sont plus proposées. »

Afin de limiter de manière précoce les indices de faiblesse des entreprises, les statisticiens de la Direccte de Bourgogne-Franche-Comté, l’échelon régional de Bercy, se sont dirigés vers leurs collègues des Urssaf, chargées de la collecte des contributions sociales, avant d’être rejoints par la Banque de France. Avec une intuition : « En combinant les données des uns et des autres grâce à un algorithme développé en interne, nous étions capables de repérer de manière précoce les fragilités de certaines sociétés », développe Stéphanie Schaer. En 2018, dans sa région, une cinquantaine de PME (de 20 à 100 salariés) ont ainsi été localisées et assistées.

Programme d’incubation

Dans chaque région, seule quelques agents a accès à ce tableau de bord sécurisé, qui mélange données financières individuelles et macroéconomiques, chiffres sur l’emploi et sur les contributions sociales, et admet d’adopter les faiblesses. Ultérieurement, à chaque agent de proposer des solutions dans le panel d’aides existantes. Ainsi, la Direccte dijonnaise a pu épauler certaines PME dans leur recherche de financements. Elle peut aussi leur proposer un diagnostic financier, stratégique ou en ressources humaines, ou mettre en relation leurs patrons avec d’autres acteurs de leur filière industrielle…

Afin de modifier d’échelle et d’affiner les algorithmes, en assimilant spécialement les données des greffes et de la Banque de France, Signaux faibles est devenu en 2018 une « start-up d’Etat », un programme d’incubation. Et son ambition est claire : être capable, partout en France, de limiter dix-huit mois à l’avance d’éventuelles futures faiblesses d’entreprises.

 

«Plus on reste longtemps au chômage, plus il est pénible d’en sortir»

« Il faut voir le chômage comme un phénomène de file d’attente. Certains sont à la porte du marché du travail, d’autres en sont très éloignés, comme les chômeurs de longue durée », explique l’économiste Eric Heyer.

« Il faut voir le chômage comme un phénomène de file d’attente. Certains sont à la porte du marché du travail, d’autres en sont très éloignés, comme les chômeurs de longue durée », explique l’économiste Eric Heyer. REUTERS/Eric GaillardLe taux de chômage en Europe est revenu à son niveau d’avant-crise, mais les sans emploi de longue durée demeurent nombreux partout, inclus en France. L’économiste Eric Heyer explique ce phénomène.

Eric Heyer est économiste auprès de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

L’inactivité de longue durée est-il une succession de la crise ?

Plus on reste longtemps au chômage, plus il est pénible d’en sortir, et cela ne date pas de 2008. La crise a particulièrement augmenté le phénomène. Pendant huit ans, on a produit moins avec moins de gens. Le taux de chômage s’est augmenté, et celui de longue durée avec. La crise ayant tenu longtemps, des personnes qui étaient employables se sont retrouvées clôturées dans le repos.

Est-ce une spécificité française ?

Le marché du travail s’est concentré dans la plupart des pays développés ces dix dernières années. On a créé des fonctions très qualifiés et d’autres peu qualifiés, au dommage des emplois intermédiaires. Or, c’est uniquement ce type de postes qu’occupaient beaucoup de salariés affectés par la crise : des emplois assez habituels, avec parfois un peu d’évaluation. Ce n’est pas une spécificité française.

En contrepartie, nous sommes le pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) où le phénomène des NEET (not in education, employment or training, « ni étudiant, ni employé, ni stagiaire ») améliore le plus. Chaque année, environ 150 000 jeunes jaillissent du système scolaire. Selon des études du Collège de France, on saurait les pénétrer dès la maternelle dans 80 % des cas… Il y a une difficulté au niveau des dépenses d’éducation : plutôt hautes pour le secondaire et le supérieur, elles sont défectueuses dans le préprimaire et le primaire. Ça nourrit le décrochage, de même que les difficultés d’accès au logement.

Quelles politiques ont été mises en place pour diminuer le chômage de longue durée ?

Il faut voir le chômage comme un fait de file d’attente. Certains sont à la porte du marché du travail, d’autres en sont très écartés, comme les chômeurs de longue durée. Seule une forte croissance économique peut admettre à ces derniers d’accéder à l’emploi.

En France, faute d’augmentation, soit on sort les chômeurs de la file d’attente, comme à l’époque des préretraites ou des dispenses de recherche d’emploi pour les seniors, soit on la court-circuite, en créant des mécanismes de formation. Pour les jeunes, il existe depuis les années 1980 des contrats aidés, qui pointent en principe les chômeurs de longue durée. L’objectif est de leur admettre d’acheter une formation et des caractères attestées, particulièrement dans le secteur non marchand. Le problème, c’est que ces mécanismes font baisser les chiffres du chômage, mais ne sont pas continuellement bien ciblés.

Dans le Bade-Wurtemberg, les sociétés s’arrangent devant le plein-emploi

Deux tiers des petites et moyennes entreprises allemandes auront du mal à recruter dans les trois prochaines années, selon une étude de la banque publique d’investissement KfW.
Deux tiers des petites et moyennes entreprises allemandes auront du mal à recruter dans les trois prochaines années, selon une étude de la banque publique d’investissement KfW. Flickr

Profitant d’un chômage quasi chimérique, l’Allemagne, et surtout le « Mittelstand », est mesurée à une absence de personnel compétent dans l’industrie.

Böblingen est une ville typique de la « ceinture de gras » de Stuttgart, capitale du Bade-Wurtemberg (sud-ouest de l’Allemagne). Elle est éprouvée pour recouvrir l’une des plus grandes fabriques Mercedes de la région, mais aussi une quantité de sous-traitants de taille moyenne, le fameux « Mittelstand ». Ici, comme dans tout le Land, le chômage est approximativement inexistant (environ 3 %), ce qui signifie que les ouvriers compétents sont une denrée onéreuse et quasi introuvable, en particulier pour les entreprises de taille intermédiaire.

Frank Link est le bras droit du directeur de BVS Blechtechnik, une PME spécialisée dans l’usinage et le montage de pièces métalliques de précision en petite série grâce à de grosses machines-outils. Les commandes de cette société, qui ravitaille les industries électronique, médicale et aéronautique, ne manquent pas. La seule crainte quotidienne de M. Link est de trouver assez de personnel qualifié pour manœuvrer des engins complexes.

« C’est un souci continu. C’est bien simple, dans la région autour de Stuttgart, le marché des ouvriers qualifiés est ratissé. Ces trois dernières années, neuf salariés très compétents nous ont quittés pour aller chez Porsche. Sur les 160 membres que compte notre personnel, on l’a senti passer. » Quand ce n’est pas Porsche qui débauche les principaux assistants, c’est Bosch ou Daimler, qui mobilisent à des salaires et à des formalités sur lesquelles les PME ne peuvent pas se disposer.

Main-d’œuvre hongroise

Pour célébrer ses commandes, BVS Blechtechnik a déterminé depuis quelques années d’amoindrir à la main-d’œuvre étrangère : des ouvriers hongrois, incorporés à travers d’une agence d’intérim spécialisée. « Ils viennent six mois, repartent en Hongrie un mois ou deux pour estimer les limites légales, puis repartent. C’est très cher. Cela nous réintègre à près de 35 euros de l’heure. Mais les gens qui parviennent sont ultraqualifiés. Ils ont une très bonne formation théorique de base et une excellente maîtrise technique des machines », déclare Frank Link.

L’agence d’intérim à laquelle BVS Blechtechnik a fait appel est établie à quelques kilomètres de là, à Metzingen, au sud de Stuttgart. En Hongrie, Europakraft est implantée à Nagytarcsa, à l’ouest de Budapest. Ses activités d’investissement sont absolument taillées pour les besoins des PME du Bade-Wurtemberg : électronique, installations industrielles, réseaux de tuyauteries ou conduites, turbines et construction de machines.

Un mouvement des laborieux proportionnelle et toujours contestée en Europe

Mi-2017, la Commission européenne a proposé un train de législations pour limiter les abus du travail détaché dans le transport.
Mi-2017, la Commission européenne a proposé un train de législations pour limiter les abus du travail détaché dans le transport. REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Le mouvement des travailleurs a beau former l’un des sources créatrices de l’UE, elle poursuit de faire polémique sur le Vieux Continent, continuellement en proie à de fortes inégalités économiques.

La France a-t-elle essayé de contraindre la directive européenne sur le travail détaché, en sollicitant et en réussissant sa révision ? Ce fut en tout cas une des toutes premières batailles qu’Emmanuel Macron a choisi de mener à Bruxelles. Deux semaines après sa prise de fonction, il demandait déjà de revoir ce texte datant de 1996, conçu avant l’adhésion massive des pays de l’Est à l’Union.

Le toilettage de ce texte, très discuté en France, dénoncé par une partie de la gauche et par l’extrême droite d’être la porte ouverte au dumping social, avait déjà bien débuté. La commission Juncker y planchait depuis début 2017. Mais la France lui a arboré un soutien de poids, face à des capitales, à l’Est, arc-boutées contre une quelconque retouche, et accusant Paris de protectionnisme et d’entrave au marché unique.

Les règles avaient été initialement fixées pour faciliter, tout en l’encadrant, la mobilité des travailleurs et des services sur le marché unique. Un laborieux détaché est « un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre, en vue d’y pourvoir un service à titre temporaire », développe la Commission. Si ses apports sociales peuvent rester celles de son employeur, il doit, précisait déjà la directive de 1996, bénéficier des « conditions de travail et d’emploi » définies par « la législation et/ou la pratique nationale de l’Etat membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché ».

Renoncement limité à un an

Mais la loi européenne a été amplement détournée par des employeurs opportunistes (parfois occidentaux), plaisantant sur les différentiels de salaires considérables pour envoyer sur les chantiers ou les exploitations agricoles de l’Ouest et du Sud des laborieux hongrois, bulgares ou roumains.

Opté en 2018 au terme de longues négociations, le texte réparé introduit le principe d’un « même salaire sur un même lieu de travail, pour un même travail » et, sur insistance de la France, limite les missions de renoncement à un an. Les Etats membres ont jusqu’au 30 juillet 2020 pour le rectifier dans leur droit national.

La même agression binaire entre supposés « protectionnistes » et « adeptes du dumping » s’est rejoué durant toute la discussion sur le « paquet mobilité », et il est toujours en cours… Mi-2017, la Commission a présenté un train de législations pour borner les abus dans le transport : application du travail dégagé au cabotage, interdiction du temps de repos en cabine, etc. Si les capitales ont réussi à trouver un terrain d’entente fin 2018, au Parlement de Strasbourg, les élus continuent de se réduire au sein même de leurs familles politiques.

Instabilité, robotisation… Face aux transformations de l’emploi, l’Europe en ordre répandu

Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a mis en place un « plan de choc » pour limiter les CDD et augmenté le salaire minimal de 740 à 900 euros mensuels.
Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a mis en place un « plan de choc » pour limiter les CDD et augmenté le salaire minimal de 740 à 900 euros mensuels. REUTERS/Toby Melville

Le taux d’inactivité a recouvré son niveau d’avant-crise sur le Vieux Continent. Mais, sous la conséquence de l’universalisation et de la robotisation, le fossé se creuse entre les emplois très exercés et peu qualifiés.

Au début, il jugeait récupérer la chambre de son enfance pour quelques mois seulement. Il y dort depuis bientôt quatre ans. Quand Joao Ferreira a perdu son travail d’assistant comptable à Lisbonne, en 2015, il est rentré vivre chez ses parents, près de la capitale portugaise. « J’ai dû ravaler ma fierté, mais c’était encore la crise », ajoute le jeune homme, qui vient de fêter ses 37 ans. Après deux ans de chômage, il a recouvré une mission pour une PME. Puis une autre.

La plupart du temps, ses embaucheurs le payent avec des « recibos verdes » (« reçus verts »), des contrats à l’origine conçus pour les indépendants, et offrant aux salariés des droits – congés, indemnités chômage et maladie – limités. « Beaucoup d’entreprises en abusent pour ne pas embaucher », déclare-t-il. En janvier, le gouvernement a réformé ce régime, sous lequel travaillent 300 000 Portugais, pour le rendre plus protecteur. « C’est bien mieux, reconnaît Joao. Mais ma situation reste trop précaire pour que je puisse reprendre un studio à Lisbonne. »

Au-delà des « recibos verdes » portugais, que dire des « contrats zéro heure » britanniques, des mini-emplois allemands ou encore des autoentrepreneurs français ? « En Europe, comme dans les nations industrialisées, le déséquilibre se développe aux marges et la qualité de certains emplois se dégrade », constate Stefano Scarpetta, spécialiste du sujet à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De grandes mutations sont à l’œuvre au sein des marchés du travail européens, observe-t-il : « Elles se sont accentuées depuis la crise de 2008 mais, en vérité, elles ont commencé bien avant. »

Un jeune sur trois au chômage en Grèce

Douze ans après le choc des subprimes, le taux de chômage dans l’Union européenne (UE) est effondré à 6,5 %, selon Eurostat, soit son plus faible niveau depuis 2000. Mais ce bon chiffre masque des situations très disparates selon les Etats. « Les taux de chômage y varient de 2 % à 18,5 %, en fonction de la puissance plus ou moins forte de la reprise et des spécificités structurelles nationales », détaille Zsolt Darvas, économiste au centre de réflexion Bruegel, à Bruxelles (Belgique). L’Europe du Nord, les Pays-Bas, et surtout l’Autriche et l’Allemagne ont quasiment rattaché avec le plein-emploi. Outre-Rhin, le taux de chômage était de 3,2 % uniquement en janvier, d’après Eurostat.

Aux Etats-Unis, Le congé maladie va-t-il devenir caduc ?

« Un sondage de 2 000 employés, réalisé par l’institut de sondages Civic Science, montre que 54 % d’entre eux [Américains] poursuivent leur activité lorsqu’ils sont malades. »
« Un sondage de 2 000 employés, réalisé par l’institut de sondages Civic Science, montre que 54 % d’entre eux [Américains] poursuivent leur activité lorsqu’ils sont malades. » PHILIPPE TURPIN / Photononstop

Les travailleurs américains s’immobilisent de moins en moins pour raison de santé. Télétravail et smartphone leur acceptent de demeurer en contact avec le bureau.

L’Américaine Kit Warchol ne saisit pas ses jours de congé maladie à la légère. « La semaine dernière, j’ai été absente durant vingt-quatre heures », déclarant-elle. La jeune femme, âgée de 30 ans, se sentait vraiment mal. Mais lorsqu’elle supporte uniquement d’un gros rhume, pas question de disparaître. Kit Warchol reste à la maison, tout en étant active. Le matin elle avale son Dayquil, une marque américaine d’antalgique.

Elle se sent l’esprit clair, et écrit durant quelques heures. Quand les symptômes de la maladie rentrent, elle avertit ses collègues du département marketing de Skillcrush, une société de formation en ligne à la planification et au design. Elle va se mettre sous la couette. Puis Kit Warchol les recontacte, plus tard. L’entrepreneur en série Adam Toren, cofondateur de Youngentrepreneur.com, est encore plus radical. L’arrêt maladie ? Il ne connaît pas. La dernière fois qu’il en a profité, c’était en 2006.

Depuis, il dort bien, esquive le café, mange judicieusement et ne s’arrête plus. Les Américains prennent de moins en moins d’arrêts maladie. Et l’exemple vient d’en haut. On se souvient ainsi d’Hillary Clinton, en 2016, lors de la célébration du 11-Septembre à New York. A l’époque, la candidate à l’élection présidentielle, souffrant d’une pneumonie, avait refusé de suivre les conseils de son médecin. Elle ne voulait pas s’immobiliser quelques jours… et s’était donc écroulée d’épuisement, pendant la cérémonie.

Malade ou pas, on demeure connecté

Plus fraîchement, c’est Ruth Bader Ginsburg, la juge de la Cour suprême, qui a exposé à ses concitoyens de quel métal elle était faite. La frêle magistrate est demeurée quelque temps chez elle, juste après son opération d’un cancer. Mais très vite, elle a participé aux délibérations de ses collègues par téléconférence. Le jour de congé maladie se fait rare.

« Depuis que nous avons généralisé le travail à distance, nous avons tendance à travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, regrette Joan Wyly, la responsable des ressources humaines de 104 West Partners, une entreprise de relations publiques de Denver. Actuellement que l’on peut se connecter n’importe quand et n’importe où avec Google Drive, les employés continuent de travailler même lorsqu’ils sont malades. »

Au départ il y a ceux qui n’ont pas le choix. Les geeks contractuels et autres sous-traitants du high-tech ne sont pas payés tant que leur mission n’est pas terminée. Les serveuses et le petit personnel de la restauration perdent pareillement leur rétribution lorsqu’ils sont absents. Concrètement, 45 % des Américains n’ont pas droit aux congés maladie payés, selon les statistiques du consultant Health Services Research. Ils n’entreprennent pas de se faire porter pâles.

Les petites mesures sont plus efficaces que les grandes décisions

Réunis par le 26 mars, des responsables des ressources humaines ont fait le bilan de leurs politiques respectives.

« Pour être efficaces sur le long terme, les participants aux rencontres RH ont avancé dans le désordre : le mentorat, l’amélioration des conditions de travail dans les emplois à dominante féminine (...) et, à l’unanimité, « des politiques volontaristes ».

« Pour être efficaces sur le long terme, les participants aux rencontres RH ont avancé dans le désordre : le mentorat, l’amélioration des conditions de travail dans les emplois à dominante féminine (…) et, à l’unanimité, « des politiques volontaristes ». Josh McKible/Ikon Images / PhotononstopLes rencontres RH se sont tenues mardi 26 mars à la Maison de l’Amérique latine, à Paris. Ce nouveau temps de réflexion sur le management organisé, en collaboration avec Leboncoin, a réuni plusieurs responsables des ressources humaines de grandes entreprises qui, depuis plusieurs années, adopte une politique volontariste en termes d’égalité femmes-hommes.

Leurs expériences confrontées au regard académique de deux chercheuses, Dominique Meurs, codirectrice du projet Travail du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), et Florence Chappert, de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), ont mis au jour les petits pas de l’égalité en entreprise, les détails qui permettent de grandes avancées et les leviers efficaces sur le long terme.

« Au cours des dernières années, la prise de conscience d’une nécessaire parité s’est accélérée dans les entreprises, d’une part sur le constat que les femmes avaient aussitôt un niveau de formation plus élevé que celui des hommes tandis que leur salaire n’avait quasiment pas bougé, et d’autre part parce qu’il était important pour les entreprises de communiquer sur la parité pour ne pas se priver de « bons profils » », déclare Dominique Meurs.

« Le plafond de verre toujours là »

La mise en place au 1er mars de l’Index égalité femmes-hommes dans les grandes entreprises a initié le débat sur des derniers résultats concrets et les limites de ce type de dispositif. Toutes les entreprises représentées ont obtenu de bons résultats, avec de faibles écarts de salaires sur les mêmes fonctions dans un même secteur, malgré des inégalités existante, dans la mesure où certains métiers sont masculins et d’autres féminins.

« Il n’y a quasiment pas de femmes dans la banque d’investissement, elles sont plus dans la banque de détails, on n’a donc aucune femme dans les dix plus hauts salaires, a affirmé Caroline Guillaumin, DRH du groupe Société générale. La discrimination positive est utile, mais pour intégrer plus de femmes aux postes dirigeants, il faudrait que je bloque la promotion des hommes, ce qui crée d’autres problèmes », a-t-elle déclaré. La loi Coppé-Zimmermann qui a porté la part des femmes dans les conseils d’administration à 40 % n’a eu qu’un effet de ruissellement modéré au sein des entreprises. La part des femmes dans le comité exécutif des entreprises présentes le 26 mars varie de 10 % à 37 %.

Une grande inquiétude à l’usine General Electric de Belfort

Le pôle énergie du conglomérat américain en pénurie est en pleine rénovation dans un marché des grosses turbines à gaz déprimé et sans perspectives.

Des employés travaillent sur une turbine à l’usine General Electric de Belfort (Territoire de Belfort), en février 2017.
Des employés travaillent sur une turbine à l’usine General Electric de Belfort (Territoire de Belfort), en février 2017. Vincent Kessler / REUTERS

Est-ce la prochaine tourmente industrielle, après la clôture de Ford Blanquefort (Gironde) et des usines sarthoises du papetier Arjowiggins ? On n’en est pas là, mais le gouvernement observe un site comme le lait sur le feu : General Electric (GE) à Belfort (Territoire de Belfort), l’un des principaux actifs d’Alstom Power racheté en 2015 par le conglomérat américain.

C’est même devenu le dossier industriel important pour Bercy, alors que les syndicats redoutent l’annonce d’un plan de 800 à 900 élimination de poste en 2019, sur un total de 1 900 dans l’activité concernée. Depuis l’effondrement des commandes des plus puissantes turbines à gaz (60 hertz) pour centrales électriques, une partie de l’usine est en sursis. Sans nouvelles commandes ou réorientation de la production, c’est la clôture assurée.

La clôture des gros équipements pour centrales est le secteur malade du géant de Boston (Massachusetts), qui a deux autres « business » florissants – les moteurs d’avion et les équipements médicaux – et un domaine cyclique, mais porteur (les éoliennes), reconnaît son nouveau PDG, Larry Culp, arrivé à la direction en octobre 2018 après l’éviction brutale de John Flannery, son éphémère prédécesseur.

S’il dit croire à l’avenir du pôle « power », une activité historique de GE, il prévient dans un récent entretien à Bloomberg, que son redressement nécessitera « un effort de plusieurs années ». Celui-ci a commencé sur le site belfortin et dans d’autres entités du groupe, qui emploie 9 000 personnes dans le « power » en France sur un effectif total de 16 000 salariés.

Un premier accord a été signé, portant notamment sur 180 départs volontaires d’ici au 30 juin 2020 au sein d’Alstom Power Systems (APS) à Belfort, et 84 autres départs dans l’Hexagone. Cette branche produit surtout les turbines Arabelle qui équipent certaines centrales nucléaires françaises et les EPR de Flamanville (Manche), Taishan (Chine) et Hinkley Point C (Royaume-Uni).

Craintes de « saucissonnage »

L’accord, fait par la CFE-CGC et la CFDT, mais rejeté par la CGT, prévoit un « plan senior » et, pour 80 salariés, une rupture conventionnelle collective (RCC), procédure créée par les ordonnances Pénicaud votées à l’automne 2017. D’autres accords, portant sur 250 départs volontaires, ont été approuvé dans les pôles conversion d’électricité et réseaux (grid). Quant à la direction de GE Wind France (éolienne en mer), à Nantes, elle a annoncé un plan de rupture conventionnelle portant sur 80 postes.