A Pantin, émotion et colère après le suicide d’une directrice d’école maternelle

L’enseignante, retrouvée morte, lundi matin, dans son école, avait adressé une lettre aux autres directeurs de Pantin, ainsi qu’à la direction d’académie. Elle y évoque des conditions de travail dégradées.

Publié le 26 septembre 2019 à 12h47, mis à jour à 09h50

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Dessins, bougies et fleurs déposés en hommage à la directrice de l’école Méhul, à Pantin (Seine-Saint-Denis), qui s’est suicidé dans l’enceinte de son établissement le 21 septembre.
Dessins, bougies et fleurs déposés en hommage à la directrice de l’école Méhul, à Pantin (Seine-Saint-Denis), qui s’est suicidé dans l’enceinte de son établissement le 21 septembre. Sandrine Berthaud / Le Monde

Sur le parvis de l’école maternelle Méhul, à Pantin (Seine-Saint-Denis), la foule est nombreuse et l’émotion palpable, jeudi 26 septembre. Plusieurs centaines de personnes sont venues, vers 18 heures, pour rendre hommage à la directrice de l’école, retrouvée morte lundi dans l’établissement. Assez vite, le recueillement fait place à la colère et les mots deviennent durs. « L’institution est responsable », tonne une militante syndicale au micro. « On aimerait que la mairie nous dise ce qu’elle compte faire au sujet des rythmes scolaires ! », enchaîne une enseignante, sous des applaudissements nourris. Nombreux sont ceux qui appellent à ce que la directrice ne soit « pas morte en vain ».

Avant son suicide, la directrice de l’école Méhul avait rédigé une lettre, adressée par la poste à tous les directeurs d’école de Pantin, ainsi qu’à la direction d’académie de Seine-Saint-Denis. Mercredi soir et jeudi, la lettre a circulé sur les réseaux sociaux, diffusée par les syndicats avec l’accord de la famille.

Dans ce courrier posté samedi, soit le jour présumé de sa mort, l’enseignante, âgée de 58 ans, évoque la solitude des directeurs d’école face au manque de soutien de la part de l’Etat, au manque d’outils de travail ou encore aux pratiques « chronophages ». Elle explique que les directeurs sont « seuls pour apprécier les situations » face à des parents qui ne « veulent pas de réponses différées ». La directrice se dit « épouvantablement fatiguée » et ajoute que les enseignants sont « épuisés » par les rythmes scolaires. Les écoles de Pantin ont conservé la semaine de quatre jours et demi après une consultation des habitants, une situation devenue rare dans le département.

« Ce qu’elle décrit, c’est ce qu’on vit »

La ville a vu de nombreux enseignants – dont plusieurs de l’école Méhul – demander leur mutation vers des communes voisines repassées à la semaine de quatre jours. Selon plusieurs proches de la directrice, elle-même souhaitait partir. Une amie enseignante (tous les fonctionnaires interrogés ont souhaité garder l’anonymat) précise qu’elle n’a pas pu, ce printemps, « consacrer suffisamment de temps » à sa demande de mutation. Un décès survenu à ce moment-là dans sa famille aurait suspendu ce projet.

La limite des compensation prud’homales peut être écarté d’après la cour d’appel de Reims

En décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Troyes avait été la première juridiction à juger le barème Macron.

Voilà des décisions qui écornent un des piliers de la réforme du code du travail, adoptée au début du quinquennat. Mercredi 25 septembre, la cour d’appel de Reims a rendu trois arrêts concernant l’une des mesures phares portées par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle : le plafonnement des dédommagement prud’homales en cas d’expulsion injustifié.

Un dispositif attaqué depuis des mois devant les tribunaux au motif qu’il violerait des engagements internationaux de la France. Les magistrats rémois ont estimé, mercredi, qu’il était, dans son principe, valide, mais qu’il pouvait, dans quelques cas d’espèce, être écarté, après une analyse minutieuse des faits.

Les décisions de mercredi interviennent à la suite des jugements du conseil de prud’hommes de Troyes, dans des contentieux entre salariés et employeurs. Cette juridiction avait été la première, en décembre 2018, à considérer que l’encadrement des dédommagements pour expulsion abusif ne respecte pas des textes internationaux : en l’occurrence la Charte sociale européenne et la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.

« Réparation appropriée »

Celles-ci prévoient que tout travailleurs congédié sans motif valable a droit à une « réparation appropriée ». Or, pour les juges prud’homaux de Troyes, cette règle ne serait pas respectée par les « Ordonnances Macron » de septembre 2017 qui ont instauré un barème, avec des sommes plancher et plafond. Ils avaient donc conclu que cette grille d’indemnisation était « inconventionnelle » (contraire à des normes internationales) et s’en étaient affranchis, en accordant des montants supérieurs à ceux inscrits dans les ordonnances de 2017.

Ce sont ces jugements dont les magistrats rémois ont été saisis. Leur décision était très attendue car pour la première fois, une cour d’appel avait à se prononcer sur la conformité du « barème Macron » à des textes internationaux. Elle était guettée avec d’autant plus de curiosité que la Cour de cassation s’était exprimée sur le sujet, en juillet, par le biais d’un avis : la haute juridiction avait alors indiqué que le plafonnement des compensations prud’homales était conventionnel.

« Porte ouverte »

Une arbitrage que la cour d’appel de Reims partage, mais avec plusieurs bémols. Dans son arrêt, elle explique avoir procédé à un premier « contrôle, (…) de façon objective et abstraite, sur l’ensemble du dispositif, pris dans sa globalité ». Et elle conclut « à la conventionnalité de celui-ci ». Mais la cour déclare qu’il est tout à fait possible de regarder si le barème « ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné ». Cette recherche, « entendue cette fois “in concreto” et non “in abstracto”, doit toutefois avoir été demandée » par la personne qui s’estime victime d’une expulsion abusif.

Une sociologue parmi les marins

Si la majorité des vacanciers ont déserté les plages depuis quelques semaines, l’espace maritime reste parsemé de grands porte-conteneurs, pétroliers et autres navires de commerce. Ceux-ci sont au cœur des flux marchands sur lesquels repose la mondialisation des échanges. Le sentiment d’une dématérialisation croissante de l’économie ne doit pas faire oublier le travail maritime bien concret qui permet d’acheminer 90 % des marchandises produites et utilisés dans le monde. Ce travail se devine depuis le rivage, soit lors de crises spectaculaires – accidents, marées noires –, soit, plus prosaïquement, dans les villes portuaires.

C’est pour étudier en actes ce travail méconnu que la sociologue Claire Flécher s’est embarquée sur des navires de commerce transportant des produits soumis à spéculation (blé, pétrole, minerais). Dans ce cadre, la cargaison peut changer de client et de destination en cours de route. La vie à bord s’organise ainsi intégralement autour de l’entretien du flux : la chasse est faite au temps perdu, tant en mer qu’à terre, car ici plus encore que dans d’autres secteurs de l’économie, le temps, c’est de l’argent. En sus d’une analyse fine des effets de ce primat du flux sur les gestes du travail et les enjeux de sécurité, la sociologue s’est attachée à montrer comment ce travail internationalisé reste enserré dans des cadres nationaux.

Des relations structurées par les nationalités

Dans son article paru dans Critique internationale (n° 81, 2018), Claire Flécher déclare le paradoxe entre, d’un côté, des collectifs de travail et des donneurs d’ordre multinationaux, des bateaux parcourant le monde, des prescriptions pour l’essentiel internationales ; et, de l’autre, des relations à bord structurées par la nationalité des uns et des autres. Sur ces navires appartenant à des armateurs français, son statut de femme, diplômée d’université, française, blanche, la séparait de bien des manières de la majorité des officiers inférieurs est-européens et des marins – travailleurs manuels malgaches, philippins ou indiens. Bien que socialement plus proche des officiers supérieurs, tous français, la sociologue a pu saisir les principes de la division du travail à bord en alternant les rôles de main-d’œuvre d’appoint, de stagiaire ou de simple observatrice.

Salaire, pérennité de l’emploi, durée d’embarquement : tous les éléments du contrat de travail dépendent directement de la nationalité de son titulaire, quelle que soit celle de l’armateur ou du pavillon. Les officiers, tous européens, sont ainsi employés directement par les armateurs, alors que les marins sont embauchés par le biais des agences de recrutement, selon des contrats ajustés au coût de la vie dans le pays d’origine, et sous condition d’une disponibilité permanente. La composition nationale de l’équipage influe ainsi étroitement sur son coût pour l’armateur, et sur la stabilité du collectif de travail. Les marins, issus de pays à plus faible niveau de vie, embarqués pour des durées beaucoup plus longues et sans droit aux congés, voient ainsi défiler plusieurs équipes d’officiers.

trouver la mort en trompant sa femme : est-il un accident du travail ?

Durant un déplacement professionnel, un technicien est mort d’une crise cardiaque dans les bras d’une maîtresse. Le tribunal de Paris confirme qu’il a eu un accident du travail devant être indemnisé.

« En cas d’accident du travail, la CPAM verse une rente aux ayants droit du défunt : 25 % du salaire brut annuel, pour les deux premiers enfants, jusqu’à l’âge de 20 ans ; 20 % pour les suivants ; 40 % du salaire annuel brut pour le conjoint survivant jusqu’à 54 ans. »
« En cas d’accident du travail, la CPAM verse une rente aux ayants droit du défunt : 25 % du salaire brut annuel, pour les deux premiers enfants, jusqu’à l’âge de 20 ans ; 20 % pour les suivants ; 40 % du salaire annuel brut pour le conjoint survivant jusqu’à 54 ans. » Dorothea Renault / Photononstop

Le travailleur reste-t-il sous l’autorité de son responsable, lorsque, au cours d’une mission, il trompe sa femme avec une inconnue ? La cour d’appel de Paris, en confirmant le 17 mai 2019 la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux, déclare que oui, dans les circonstances suivantes : le 21 février 2013, Xavier X, technicien de l’entreprise TSO, spécialisée dans l’entretien des voies ferrées, se trouve en déplacement dans le Loiret.

Le soir, au lieu de rentrer à l’hôtel qui lui a été réservé, il va avec une femme à son domicile. En plein acte sexuel, il meurt d’une crise cardiaque. La dame appelle la gendarmerie, qui prévient l’entreprise, basée à Chelles (Seine-et-Marne),

TSO signale le décès à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). En cas d’accident du travail, la CPAM verse une rente aux ayants droit du défunt : 25 % du salaire brut annuel, pour les deux premiers enfants, jusqu’à l’âge de 20 ans ; 20 % pour les suivants ; 40 % du salaire annuel brut pour le conjoint survivant jusqu’à 54 ans. Or, cette rente est financée par les cotisations des entreprises à l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles. Et le taux de cotisation des grosses sociétés (plus de 150 salariés), comme TSO, dépend de leur sinistralité. TSO n’a donc pas intérêt à ce que le sinistre soit considéré comme un accident du travail.

Accident de mission

La CPAM du Hainaut considère malgré cela , le 4 juillet 2013, que Xavier X a été victime d’un « accident du travail », ou plus certainnement, d’un « accident de mission ». Selon une jurisprudence constante, le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, « pendant tout le temps de sa mission », et « peu importe que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante ».

Conditions de travail dans le numérique 

Presque 90 % des personnes consultés ne veulent pas redevenir salariés à temps plein, selon une étude de Malt.

« Les free-lances sont 58 % à estimer que les conditions de collaboration avec les entreprises se sont améliorées. »
« Les free-lances sont 58 % à estimer que les conditions de collaboration avec les entreprises se sont améliorées. » MDANYS / CC BY 2.0

Et si les free-lances, souvent observés comme des « travailleurs invisibles » œuvrant dans l’ombre des organisations, prenaient enfin la lumière et suscitaient l’intérêt des services de ressources humaines ? C’est ce que suggère une étude de Malt, espèrent que « les entreprises ont commencé à s’ajuster aux free-lances ».

Par cette enquête sur « Le freelancing en France en 2019 », cette plate-forme qui met en relation free-lances et entreprises s’est intéressée aux indépendants évoluant dans son écosystème, où l’on trouve une grande partie de profils du numérique – on compte ainsi 25 % de développeurs parmi les répondants. C’est donc avant tout l’évolution de la condition de free-lance dans les métiers digitaux que nous décrit cette étude.

Premier constat : ces free-lances ont la sensation que les choses évoluent positivement. Interrogés sur leurs relations avec les organisations, ils sont 58 % à estimer que « les conditions de collaboration avec les entreprises se sont améliorées », les jugeant « plus flexibles qu’auparavant ». « On observe, toutes proportions gardées, une prise de conscience de l’enjeu RH de la collaboration avec les free-lances », déclare Laëtitia Vitaud, auteure de l’étude et enseignante à Sciences Po et Paris-Dauphine.

Intégration aux équipes

L’étude cite différentes initiatives prises par les employeurs, telles que « la possibilité de télétravail » ou « l’intégration avec les équipes en interne ». « Certaines entreprises réfléchissent désormais à la façon d’intégrer un free-lance au début d’une mission. Comment lui transmettre les informations sur les outils, l’équipe, l’entreprise et ses valeurs, ses objectifs ? », poursuit Mme Vitaud. Les solutions de travail collaboratif (messageries comme Slack, outils de gestion de projet comme Trello…) facilitent cette intégration. « L’espace virtuel est partagé là où, parfois, l’espace réel reste encore divisé », constate-t-elle.

Autre secteur où des progrès dans la gestion des indépendants sont observés : le paiement des prestations. « Les conditions sont traditionnellement dures pour les free-lances, avec des délais de paiement parfois très longs et l’impression d’être peu considéré, déclare Mme Vitaud. Mais on constate actuellement que des entreprises, surtout de taille moyenne, ont décidé d’humaniser ces processus et de mieux traiter leurs fournisseurs free-lances. »

Polémique sur les salaires des patrons du tour-opérateur anglais Thomas Cook

Devant une boutique Thomas Cook, à Londres, le 23 septembre.
Devant une boutique Thomas Cook, à Londres, le 23 septembre. Henry Nicholls / REUTERS

Alors que le rapatriement de plus de 150 000 touristes a commencé, et que plus de 20 000 emplois sont suspendus, la controverse enfle outre-Manche sur les salaires des patrons de Thomas Cook. Les dirigeants du tour-opérateur, qui a fait faillite, dimanche 22 septembre, sont dans la ligne de mire de la ministre britannique des entreprises et de l’industrie. Dans une lettre au service des faillites, elle sollicite d’enquêter, « non seulement sur les actes des membres du conseil d’administration juste avant et pendant la liquidation, mais aussi [pour savoir] si leurs actes ont causé du tort aux créditeurs ou aux fonds de pension ».

Elle a surtout dans la surveillance les près de 18,7 millions de livres (21,2 millions d’euros) pris par les directeurs généraux successifs depuis dix ans. Le dernier responsable, le Suisse Peter Fankhauser, a touché 8,3 millions de livres sur quatre ans, dont environ la moitié en bonus. En 2018, alors que le groupe anglais se trouvait déjà en sérieuse pénurie, ses émoluments ont atteint 1,8 million de livres.

Chute du cours de Bourse

« Le grand public va être horrifié, à juste titre, de découvrir que les patrons empochaient avec joie des salaires élevés, alors que Thomas Cook accumulait des dettes », déclare Rachel Reeves, la députée qui préside le comité parlementaire aux entreprises et à l’industrie. Au congrès annuel du Parti travailliste, John McDonnell, chargé de l’économie, a aussi jeté sa philippique, sollicitant que les bonus soient remboursés. « Ils [les patrons] doivent vraiment faire leur examen de conscience et se demander comment ils ont exploité la situation. »

Pourtant, ces saillies visent en partie la mauvaise cible. D’abord, les sommes touchées par les directeurs sont inférieures à ce qui apparaît dans les comptes annuels. Les bonus étaient partiellement payés en actions, dont quelques un étaient payées trois ans après l’année du paiement. La chute du cours de Bourse a rendu leur valeur bien plus faible.

Par la suite, l’un des grands responsables de la débâcle actuelle est Manny Fontenla-Novoa, qui a piloté Thomas Cook de 2003 à 2011. Multipliant les acquisitions hasardeuses, il a entassé les dettes, ce qui a plombé le tour-opérateur. L’enquête du service britannique des faillites n’arrivera sans doute pas jusqu’à lui.

Révision de l’Unédic : les syndicats sur le pied de guerre

La refonte de l’assurance-chômage, qui durcit les règles d’indemnisation, entre en vigueur à partir du 1er novembre.

L’assurance-chômage va réduire ses dettes dans des proportions quasi inégalées depuis sa création au début de la VRépublique. C’est l’un des enseignements des « perspectives financières » exposées, le 24 septembre, par l’Unédic, l’association paritaire qui pilote le régime. L’amélioration des comptes résulte, en grande partie, de la réforme du dispositif annoncée, à la mi-juin, par l’exécutif : elle va avoir pour effet de comprimer les dépenses liées à l’indemnisation des chercheurs d’emploi. Les syndicats s’en inquiètent, à cause des répercussions préjudiciables pour le niveau de vie des allocataires, et entendent continuer le combat contre les transformations à venir.

Le « revenu de remplacement » donné aux chômeurs est à partir de maintenant encadré par deux décrets, publiés fin juillet au Journal officiel. Applicables en plusieurs étapes à partir du 1er novembre, ils vont affermir les conditions d’affiliation à l’assurance-chômage : les personnes devront avoir travaillé pendant six mois sur vingt-quatre (au lieu de quatre sur vingt-huit) pour pouvoir réclamer une prestation, et les droits à l’assurance-chômage ne seront rechargés qu’à partir d’un nombre d’heures six fois plus élevé qu’auparavant. En outre, ceux qui percevaient des rémunérations élevées (plus de 4 500 euros brut mensuel) verront leur allocation diminuer à partir du septième mois. Enfin, les modalités de calcul du revenu de remplacement, établies sur le « salaire journalier de référence », seront profondément modifiées.

5,95 milliards d’euros d’économies

Le panachage de ces mesures va avoir des incidences spectaculaires. Les « perspectives financières » vont sortir aux lumière mardi reprennent les chiffres écris dans le document en question et en divulguent d’autres. Ainsi, la mise en place de critères d’éligibilité plus stricts affectera, d’avril 2020 à mars 2021, 32 % des individus « qui auraient ouvert un droit » si la réglementation n’avait pas évolué. Ce qui représente un effectif de près de 850 000 personnes : soit elles n’entreront pas dans le régime durant la première année, soit elles y accéderont ultérieurement, soit elles cesseront d’en bénéficier plus tôt.

Le président de Michelin confirme les inquiétudes des syndicats pour 650 salariés en Vendée

L’usine de La Roche-sur-Yon produit des pneus pour poids lourds, dont la demande est en baisse.

Le Monde avec AFP Publié hier à 10h21, mis à jour à 15h31

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Le président de Michelin, Florent Menegaux, a confirmé mercredi 25 septembre les craintes syndicales quant à l’avenir du site de La Roche-sur-Yon (Vendée), jugé « dans une situation très préoccupante ». En cause, des conditions « défavorables » sur le marché des pneus pour poids lourds, affirme M. Menegaux dans une lettre adressée au syndicat SUD, qui lui avait écrit à ce sujet le 16 septembre.

Plusieurs syndicats ont fait part depuis plusieurs jours de leurs inquiétudes concernant une éventuelle fermeture de l’usine, qui emploie environ 650 salariés. A la mi-septembre, Le Monde avait pu consulter un document dans lequel le groupe faisait part aux organisations syndicales d’une perte de compétitivité dans quatre usines en France.

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L’usine vendéenne, spécialisée dans les pneus pour les poids lourds, est « depuis plusieurs mois dans une situation très préoccupante et ce, malgré les efforts notables des salariés », ajoute M. Menegaux dans sa lettre à SUD, qu’a pu consulter l’Agence France-presse (AFP). Depuis quatre ans, Michelin « met tout en œuvre pour que ce site augmente ses volumes et redresse sa performance », souligne le dirigeant.

Un « pacte d’avenir » avait été lancé en 2016 : une nouvelle organisation du travail avait alors été mise en place en contrepartie des investissements de Michelin sur le site. Mais ce pacte soutenu par « près de 70 millions d’euros d’investissements » était « étroitement » lié « à l’évolution du segment poids lourd en Europe et au niveau de la demande, qui malheureusement sont défavorables depuis de nombreux mois maintenant », fait valoir M. Menegaux.

SUD compte demander une expertise

« Il est hors de question pour notre organisation syndicale de se résigner à l’éventualité d’une fermeture d’usine sans trouver des solutions afin de protéger l’ensemble des salariés du site », a réagi Jérôme Lorton, délégué syndical de SUD. Lors d’un comité social et économique central mercredi à Clermont-Ferrand, les organisations syndicales ont voté une délibération pour demander une expertise économique du site au cabinet Secafi.

Dans son courrier, M. Menegaux évoque une « période d’incertitude » et juge que le groupe fait face « à un défi de performance qui ne pourra être relevé que par la coopération de tous ».

Le groupe de pneumatiques a aussi annoncé mercredi qu’il allait fermer d’ici au début de 2021 son usine de Bamberg, dans le sud de l’Allemagne, qui emploie 858 personnes. « Michelin proposera un dispositif complet et personnalisé pour chacun des employés du site », notamment « des mesures de départ anticipé à la retraite, ainsi que des mesures d’aide à la mobilité interne et externe », a promis le groupe dans un communiqué.

Les entreprises sont invitées à « verdir » un peu plus les déplacements professionnels

Alors que les déplacements des travailleurs sont au cœur de la loi d’orientation des mobilités, que font les entreprises pour aider leurs salariés à privilégier des transports peu polluants ? Malgré un bilan affaibli des plans de déplacement mis en place en 2018, la prise de conscience semble amorcée.

« La loi prévoit la mise en place – facultative – par les employeurs d’un « forfait mobilité » de 400 euros au maximum pour inciter les salariés à opter pour le vélo, l’autopartage ou le covoiturage » (Photo: détail d’un vélo électrique).
« La loi prévoit la mise en place – facultative – par les employeurs d’un « forfait mobilité » de 400 euros au maximum pour inciter les salariés à opter pour le vélo, l’autopartage ou le covoiturage » (Photo: détail d’un vélo électrique). A. Tamboly/Westend61 / Photononstop

Alors que le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) vient d’être accepter en nouvelle lecture par les députés le 17 septembre, le texte définitif a de quoi encourager les employeurs à se pencher sur les modes de transport de leurs salariés. Plusieurs articles de la loi visent en effet à « verdir » les déplacements professionnels et les trajets domicile-travail. L’enjeu est décisif : selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, trois salariés sur quatre vont travailler en voiture.

La loi prévoit la mise en place – facultative – par les employeurs d’un « forfait mobilité » de 400 euros au maximum pour encourager les travailler à opter pour le vélo, l’autopartage ou le covoiturage. Les flottes d’entreprise devront aussi comporter une part de véhicules dits « à faible émission » d’au moins 20 % d’ici à 2021. Surtout, la LOM obligera toutes les entreprises de plus de cinquante travailleurs à inclure des mesures concernant la mobilité dans leurs négociations annuelles obligatoires (NAO).

Un pas de plus par rapport à la loi pour la transition énergétique de 2015, qui obligeait les entreprises de plus de 100 travailleurs à mettre en place un plan de mobilité dès 2018 pour favoriser les usages alternatifs à la voiture individuelle. Par contre, uniquement 8 % des entreprises assujetties étaient en conformité avec la loi en janvier 2019, selon l’Ademe.

Vaisselle en plastique abandonnée

La plupart du temps, la mise en place d’un plan de mobilité est vécue comme une contrainte : « Les entreprises renvoient souvent la balle aux collectivités en pointant des problèmes d’accessibilité, comme l’absence de pistes cyclables sécurisées », déplore Jean-Christophe Giannesini, directeur associé de la société de conseil Ekodev. Le spécialiste observe toutefois un regain d’intérêt ces derniers mois : « Avec la crise des gilets jaunes et la LOM, on a beaucoup parlé des problèmes de transports. »

« Ces derniers temps, il y a eu une vraie prise de conscience chez nous, aussi bien de la direction que des collaborateurs », ajoute Cécile Kebbal, la DRH de 3c-evolution, une entreprise d’informatique, filiale de la Manufacture d’histoires Deux-Ponts. Sur la trentaine de salariés que compte la société basée près de Grenoble, l’usage de la voiture est passé de 70 % à 20 % en quelques années. L’action de l’agglomération pour lutter contre la pollution a clairement été l’élément déclencheur : « On a vu se multiplier les couloirs pour les vélos et les bus », déclare la DRH. Si l’entreprise n’est pas concernée par l’obligation du plan de déplacement, elle est soumise au plan de déplacement mis en place par la collectivité. « Par exemple, si on n’a pas la bonne vignette Crit’Air, on n’a pas le droit de circuler les jours de pic de pollution », mentionne Cécile Kebbal.

Les trois solutions de l’emploi des seniors : Anticipation, valorisation, personnalisation

« L’emploi senior, pour nombre d’entreprises, c’est d’abord la question de la transmission. »
« L’emploi senior, pour nombre d’entreprises, c’est d’abord la question de la transmission. » Zero Creatives/Cultura / Photononstop

Les Rencontres RH, le meeting mensuel sur l’actualité du management, se sont tenues le 17 septembre à la Maison de l’Amérique latine sur la gestion des seniors. Comment a-t-elle évolué ces dernières années ? Quelle est leur place en entreprise ?  Quel est l’impact de la réforme des retraites sur l’emploi des seniors ? Le débat entre les DRH sur leurs pratiques et leurs préoccupations a révélé trois axes favorables au maintien des seniors dans l’emploi : valorisation des seniors, anticipation de leur employabilité et personnalisation de leurs parcours.

« Il y a cinq ans, le groupe HSBC que je dirigeais avait décidé de faire une étude sur l’augmentation de la longévité, car, en France, on se privait d’une population avec des caractéristiques différentes. Mais un certain nombre de DRH ne voulaient pas participer, car ils ne voulaient pas associer le nom de leur entreprise aux seniors », déclare Jean-Pierre Wiedmer, l’écrivain de Tant qu’il y aura des seniors (éditions Nouveaux Débats publics, 2013), grand témoin des Rencontres RH.

Le regard porté sur les seniors a évolué depuis vingt ans, leur taux d’emploi aussi. Pour les 55-64 ans, il est passé de 30 % en 1997 à plus de 51,3 % actuellement(contre 57,1 % en Europe). « La place des seniors dans les entreprises a vraiment changé après les années 1990, car le contexte a changé, explique Annie Jolivet, économiste du travail au Centre d’études de l’emploi et du travail du Conservatoire national des arts et métiers. Les réformes des retraites de 2003 à 2010 ont provoqué des ajustements de comportement [des salariés], mais ce qui a le plus porté le taux d’emploi. » Depuis cette date, la mise à la retraite sans accord du salarié ne peut plus intervenir avant l’âge de 70 ans.

Un index des seniors

Mais si les seniors demeurent plus longtemps actifs qu’il y a vingt ans, en moyenne, ils quittent tout le temps l’entreprise avant l’âge légal de départ à la retraite. Chez Groupe ADP (ex-Aéroport de Paris), « les cadres partent plutôt à 60 ans et les non-cadres à 62 », illustre le DRH Groupe, Hervé Wattecamps. La future réforme des retraites envisagé pour 2020 et l’allongement de la durée de la vie posent donc à nouveau la question du prolongement de leur parcours professionnel, tandis que l’accélération du rythme de travail et la révolution digitale interrogent leur employabilité.

Lors de sa rentrée de septembre, l’Association nationale des DRH (ANDRH) avait annoncé l’idée de créer un index des seniors, à l’instar de l’index égalité femmes-hommes. Mais les DRH réunis autour de la table en sont restés cois. Parler de manque d’enthousiasme serait un euphémisme. Ils ont aussitôt évoqué leurs craintes d’avoir à supporter de nouvelles contraintes.

Par contre, l’organisation du travail est apparue comme une piste avantageuse à l’emploi des seniors. Pour Hugues de Beaugrenier, directeur de la protection sociale de L’Oréal, « le mode projet est un très bon moyen de fédérer et de valoriser l’apport des seniors en dehors de leur hiérarchie. Le maintien dans l’emploi des seniors passe par leur valorisation », déclare-t-il.

Quand 40 % de l’effectif est « senior », comme chez ADP, le sujet est d’actualité. « L’important pour ADP est d’avoir des salariés qui connaissent par cœur le fonctionnement de l’entreprise. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ils peuvent faire et ce qui les motive durant les années qu’il leur reste. La situation est différente, selon qu’ils ont un horizon de 1, de 2 ou de 5 ans. C’est pourquoi l’approche doit être personnalisée », estime Hervé Wattecamps. A partir de 50 ans, on ne sait pas quand un salarié partira, « l’incertitude est très grande pour l’entreprise », remarque Annie Jolivet.

Transmission

La mobilité, qu’elle soit géographique ou professionnelle, est une pratique courante dans les grands groupes. Pour connaître les compétences des salariés « l’anticipation est primordiale. Chez AXA, par exemple, on met en place la mobilité professionnelle très tôt dans la carrière », relate Didier Aujoux, directeur finances et performance RH d’AXA France.

Mais souvent les entreprises n’identifient les compétences de leurs salariés qu’au cas par cas, lorsqu’elles sont confrontées aux problèmes de dégradation de santé. Dans ce contexte « on a repéré toute une série de décloisonnements intéressants pour garder les compétences, témoigne Annie Jolivet, comme la création d’une commission de maintien en emploi réunissant RH et syndicalistes pour identifier ensemble les postes sur lesquels on peut mettre des personnes en perte de capacité ».

Mais, dans les petites structures ou dans les territoires où la mobilité des travailleurs est limitée, « il faut éviter l’écueil des vagues de départs de seniors. La vocation de l’employeur étant de conserver les seniors le plus longtemps possible, on a mis en place un check-up santé et un bilan bisannuel pour les plus de 45 ans », déclare Marc-Henri Bernard, DRH du groupe Rémy Cointreau, qui compte 40 % de plus de 50 ans dans son effectif. « Il y a une dichotomie entre les petites et les grandes structures », résume Sandrine Lannuzel, secrétaire générale de l’ANDRH.

Enfin l’emploi senior, pour nombre d’entreprises, c’est d’abord la question de la transmission, pour ne pas perdre les portefeuilles clients des commerciaux lors du départ des seniors, transmettre les modes opératoires et renouveler les compétences. « Dans dix ans, 40 % des collaborateurs actuels seront partis. Donc notre sujet c’est la transmission », ajoute M. Wattecamps. Une motivation des entreprises qui pourrait profiter (ou pas) à l’emploi des seniors.