Augmentation de la durée du congé maternité pour les indépendantes : et les compensations ?

« Certaines catégories de travailleuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) pouvaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées. »
« Certaines catégories de travailleuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) pouvaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées. » Ingram / Photononstop

Un décret proclamé le 29 mai rend effectif l’augmentation de la durée du congé maternité pour les laborieuses indépendantes. Porté à seize semaines, il est dorénavant aligné sur celui des salariées. Mais comment sont-elles indemnisées ?

Du nouveau pour les laborieuses indépendantes qui vont avoir un enfant : le 29 mai, un décret publié au Journal officiel concrétise le prolongement de la durée du congé maternité à l’ensemble des non-salariées. Résultante à la fusion du régime social des indépendants (RSI) avec le régime général depuis le 1er janvier 2018, cette mesure promise depuis belle lurette par Emmanuel Macron incarne aussi un début d’approche entre les statuts des travailleurs indépendants et salariés.

Elle s’appose rétroactivement aux congés ayant débuté au 1er janvier 2019. Certaines catégories de laborieuses indépendantes (professions médicales, avocates libérales collaboratrices en cabinet…) dominaient déjà bénéficier de cette durée alignée sur celle des salariées.

En clair, les indépendantes intéressées par cette mesure – entrepreneuses, travailleuses libérales… – ont la possibilité de prolonger leur congé jusqu’à seize semaines, au lieu de presque onze auparavant. L’allongement de ce congé a toutefois pu paraître « une fausse bonne idée » aux yeux de certaines de ces femmes, qui ne peuvent s’accepter d’interrompre leur activité aussi longtemps sans risquer une baisse durable de leur chiffre d’affaires. Se pose, surtout, la question du montant des indemnités. L’exécutif est amplement resté évasif sur ce point.

Comme les employées, les travailleuses indépendantes peuvent profiter d’indemnités journalières. Mais leur mode de calcul est distinct. Pour les employées, ce montant (plafonné à 87,71 euros par jour) varie en fonction du salaire ; par exemple, une salariée qui touche environ 2 000 euros bruts par mois aura droit à 48,46 euros de compensations journalières, selon le simulateur de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).

Le nœud du problème demeure

Pour leurs consœurs indépendantes, les compensations sont forfaitaires et fixées à 55,51 euros par jour. « Celles-ci ne changent pas », déclare Stéphanie Deschaumes, directrice annexée de la mission de pilotage de l’intégration à l’Assurance-maladie (PIAM) de la CNAM, mais la durée durant laquelle elles sont expérimentées se poursuit avec l’augmentation de la durée du congé, jusqu’à seize semaines maximum.

L’Equateur, un pays où les français préfèrent pour travailler… et pour sa qualité de vie

Entre la douceur de la côte et la fraîcheur des Andes, l’Equateur offre un cadre de vie appréciable.
Entre la douceur de la côte et la fraîcheur des Andes, l’Equateur offre un cadre de vie appréciable. JUAN CEVALLOS / AFP

Marie Missud, 26 ans, vit sur l’île de Muisne, sur la côte Pacifique, à 50 mètres de la plage. Chaque jour, elle va à son bureau en moto-taxi, en saluant en route ses amis équatoriens. Depuis deux ans, elle combine ici les projets de l’ONG espagnole Paz y Desarrollo (Paix et Développement). Une activité de terrain qui lui plaît. « Ici, j’ai un rapport direct avec les bénéficiaires, alors que, si je travaillais en France ou même à Quito, la capitale, ce serait plus un travail de coordination », déclare la jeune femme. A midi, Marie déjeune au bord du fleuve qui partage l’île de Muisne du continent. « Comme c’est une ville de pêcheurs, il y a continuellement du poisson ou des fruits de mer frais. » Le soir, elle se baigne souvent dans l’eau modérée de l’océan Pacifique avant de passer une soirée avec ses amis, sur la plage, autour d’un feu de bois. « J’aime l’ambiance qu’il y a ici, c’est toujours animé, les gens sont chaleureux, tout le monde se connaît. »

Comme elle, 2 830 Français vivant en Equateur sont inscrits au registre des Français confirmés hors de France. Dans ce petit pays de 16,6 millions d’habitants, établi entre le Pérou et la Colombie, la plupart des émigrés s’établissent dans l’une des trois principales villes du pays, Quito, la capitale, Guayaquil, le cœur économique, ou Cuenca, ville coloniale célèbre pour son développement culturel. « L’Equateur est un pays d’entrepreneurs où chacun peut créer son business avec son réseau », assure Charlène Le Falher, chargée de développement économique à la chambre de commerce et d’industrie franco-équatorienne.

Se lancer sans trop investir

Si Marie Missud a privilégié le climat modéré de la côte, Sabine Million, elle, a privilégié Quito et la fraîcheur des Andes pour créer une agence de tourisme. « Ici, les démarches pour entreprendre sont beaucoup plus simples qu’en France, et il est possible de commencer sans avoir à investir énormément », évoque la jeune entrepreneuse de 26 ans. Son premier investissement de 500 dollars a vite été rétribué, et Sabine s’est formée une petite clientèle. « Je sais maintenant que je suis capable de développer un business à l’étranger et de le rentabiliser », dit Sabine, qui a ainsi additionné une belle expérience professionnelle à son CV. Mais « ce n’est pas toujours simple de travailler en indépendant, il y a toujours un petit quelque chose qui ne va pas, et les gens ne sont pas toujours fiables », déclare-elle.

Septième économie d’Amérique latine, l’Equateur est économiquement stable, avec un taux d’augmentation de 3 % du PIB. Le pays offre donc aux expatriés français des conditions de vie plus ou moins commodes, selon leur mode de travail. Pour Sabine Million, qui est indépendante, « il y a de bons mois et d’autres plus compliqués ». Loïc Stalin, 25 ans, accomplit quant à lui un volontariat international en entreprise (VIE) à Guayaquil, dans une entreprise américaine spécialiste des matières premières. Un contrat rentable puisqu’il donne droit à une exonération d’impôts dans le pays et que l’entreprise prend en charge son logement.

Le travail demeure en effet la principale raison de l’expatriation des Français en Equateur. C’est en tout cas ce qui a conduit Serge Maller dans la capitale. Après avoir vécu en Espagne, en Argentine, en Bolivie et au Salvador, il est président de l’Alliance française à Quito depuis bientôt trois ans. Un travail qu’il estime notamment et qui n’a, selon lui, pas d’équivalent en France. « C’est un très beau poste, car nous gérons à la fois un centre de langue et un centre culturel à la programmation riche et intéressante. C’est vraiment grisant », déclare-t-il. Malheureusement, dans un an, sa mission saisira fin. Mais pas de quoi supplicier cet expatrié au long cours. « J’aime bien ce côté mission à durée définie. Ça donne une certaine énergie pour mettre en place des choses qu’on a envie de voir aboutir. C’est stimulant. »

Des paysages surprenants

Même s’ils arrivent pour le travail, les expatriés bénéficient surtout des paysages incroyables, entre l’Amazonie, la cordillère des Andes, la côte Pacifique et les îles Galapagos. « Le week-end, on a le choix, on peut aller se baigner dans une eau à 30 °C ou aller randonner à la montagne, où il fait 0 °C. Du coup, nous sommes prêts à faire quatre heures de bus le vendredi soir après le travail pour aller découvrir de nouveaux endroits », ajoute Loïc Stalin. Marie Missud, elle, n’oubliera jamais le jour où elle a appris à pêcher des crabes dans la mangrove avec ses amis de Muisne, ni celui où elle a passé neuf heures en haute mer pour collaborer à un concours de pêche.

La majorité des émigrés français demeure en moyenne deux ans en Equateur. Philippe Rabaix, lui, a déterminé de passer sa retraite dans le sud du pays, où le climat modéré attire de nombreux étrangers. Car selon la distribution publiée par le site Internationalliving.com, l’Equateur est le quatrième meilleur pays du monde où passer sa retraite, devant le Portugal ou la Colombie. Avec sa petite retraite, cet ancien professionnel de la restauration peut vivre confortablement sur le terrain qu’il a acheté « avec vue sur les montagnes », dans cette vallée connue pour la longévité de ses habitants. De son côté, Sabine Million envisage de rétablir en France rapidement, mais elle garde dans un coin de sa tête l’idée de revenir en Equateur pour finir ses vieux jours au soleil.

« L’ENA doit admettre de bâtir une dominante fonction publique paritaire »

Les membres du bureau de l’association ENA 50-50 émettent une série d’offres qu’ils désireraient voir optées à l’occasion de la réforme en cours de l’ENA.

Alors que la haute fonction publique fait le concept de plusieurs critiques, la discussion autour de sa modification et de la suppression de l’ENA s’est focalisée ces derniers mois sur les demandes de différence sociale et géographique, laissant de côté celle de l’égalité femmes-hommes. Ainsi, si la lettre de mission de Frédéric Thiriez – l’ancien président de la Ligue de football professionnel, choisi par le Président de la République pour changer la haute fonction publique – met en avant la nécessité de « mettre fin aux biais de sélection qui entravent l’accès à la haute fonction publique de talents issus d’horizon divers », elle ne mentionne la parité que de manière incidente, en vue de dynamiser les parcours de carrière des agents. Pourtant, comment accéder l’égalité femmes-hommes dans l’accès aux emplois supérieurs de l’Etat sans faire la question de la formation des hauts fonctionnaires et de la parité au sein des viviers ?

Le fait est connu – et nous l’avions rappelé en décembre 2018. A l’entrée à l’ENA, les femmes demeurent minoritaires, avec seulement 36,25 % des admissions en 2018 et 38,75 % en 2017. A la sortie, elles sont moins abondantes à se mener vers la diplomatie (2 femmes sur les 12 postes ouverts ces trois dernières années) ou la préfectorale (7 femmes sur 24 élèves ayant élu le ministère de l’intérieur durant la même période), et cela sans parler des inégalités qui demeurent dans l’accès aux « grands corps » (depuis 2017, seules 3 femmes sur 15 élèves sont sorties à l’Inspection générale des finances). Après, elles n’occupent que 28 % des emplois de l’encadrement supérieur et conduisant de la fonction publique d’Etat.

Divers mesures mis en place ces dernières années ont essayé d’y corriger. Depuis 2016, l’ENA sensibilise les jurys des concours d’entrée aux biais sociaux et à la lutte contre les discriminations. Notre association, ENA 50-50, a mis en place depuis trois ans un mécanisme de coaching des candidates afin de lutter contre l’autocensure. Au sein de la fonction publique d’Etat, la loi Sauvadet de 2012 a exigé des règles de nomination équilibrée aux emplois supérieurs et de direction (40 % de primo-nominations de chaque sexe depuis 2017).

Malgré cela, force est d’enregistrer qu’à l’heure actuelle, ces mesures restent insuffisantes. La réforme de la haute fonction publique expliquée par Emmanuel Macron fournit un évènement unique de faire de l’égalité femmes-hommes un principe structurant. A l’inverse, il serait inconcevable et contraire aux engagements de la France à l’international, ainsi qu’à l’ambition du gouvernement, que, faute d’avoir assimilé à son analyse l’égalité femmes-hommes, déclarée grande cause du quinquennat, une telle réforme renforce les différences déjà existantes.

Une malade morte à l’hôpital Lariboisière : des problèmes aux urgences confirmés

L’entrée de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris.
L’entrée de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris. THOMAS SAMSON / AFP

Micheline M. avait été retrouvée décédée douze heures après son arrivée à l’hôpital. Une information judiciaire a été ouverte le 18 mars. L’autopsie révèle que la victime est morte d’une méningite.

L’enquête judiciaire ouverte suite à la mort de Micheline M., 55 ans, une malade découverte après douze heures d’attente sur un brancard, fin 2018, à l’hôpital Lariboisière à Paris, rentrent en retentissement avec la crise qui secoue les services d’urgence.

Cette enquête met au jour un ensemble de difficultés : la « saturation » des obligations ce jour-là, incluant « une charge de travail très importante », aurait conduit au non-respect du protocole de prise en charge de la malade décédée, déplient aux enquêteurs les personnels hospitaliers.

La famille a déposé plainte

Cette enquête permet de rétablir précisément la succession des faits qui a conduit à la mort de cette employée de la police municipale, originaire de Martinique.

Selon l’expertise d’autopsie, les causes de la mort de Micheline M. sont « compatibles » avec une méningite. « Cette infection bactérienne, rare et alarmante, est fatale dans 10 % des cas », déclare un médecin. S’agissant de la victime, cette infection a atteint les poumons, soutenant un œdème pulmonaire, corollaire de son oppression, définit le rapport d’autopsie.

La famille de la disparue a déposé plainte, le 14 janvier, pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours à personne en danger », et une information judiciaire a été initier le 18 mars. Les proches de la disparue se sont formés partie civile le 16 avril.

Mauvaise identité

Le 17 décembre 2018, Micheline M. souffrant depuis la veille de malaises aux mollets et de maux de tête, décide d’aller au centre médical de Stalingrad, non loin de chez elle, dans le 19e arrondissement de Paris. Il est 18 heures quand elle fait un malaise devant l’hôpital, sur le point de fermer. S’appuyant à un tabouret, elle réclame, « tremblante », d’être reçue par un médecin, en vain. Alors qu’elle souhaite rentrer se reposer chez elle, un agent de sécurité appelle les pompiers, qui arrivent sur place vers 18 h 20. A ce moment, Micheline M., qui n’avait pas consulté de médecin depuis février 2017, « semble souffrante mais pas plus que cela », explique aux enquêteurs le pompier qui l’a prise en charge.

Pétrole : les perdants de l’union entre Technip et FMC

L’ancien patron de Technip, Thierry Pilenko (à droite), et l’actuel PDG de TechnipFMC, Doug Pferdehirt (ici en mai 2016, à Paris).
L’ancien patron de Technip, Thierry Pilenko (à droite), et l’actuel PDG de TechnipFMC, Doug Pferdehirt (ici en mai 2016, à Paris). Charles Platiau / REUTERS

En moins de deux ans, Technip, fleuron français de l’ingénierie pétrolière, est passé sous pavillon américain. Une condition qui éveille la glaire de nombre de travailleurs.

« C’est le petit poisson qui a pris le contrôle du gros. Pour dire les choses simplement : on s’est fait rouler dans la farine par les Américains ! » Deux ans après l’union entre la société française d’ingénierie pétrolière Technip et l’équipementier texan FMC Technologies, cet affaire amer d’un ancien cadre dirigeant est le sentiment de plusieurs travailleurs.

L’assemblage entre les deux entités était exposé en 2017 comme « un mariage entre égaux » par le estimé PDG de Technip, Thierry Pilenko. Plusieurs hauts responsables et ex-salariés français du groupe ont autorisé de partager, de manière anonyme, leur pratique de cette union. Ils racontent comment une PME texane a graduellement avalé un fleuron français deux fois plus gros qu’elle.

Malgré cela, l’histoire n’était pas écrite à l’avance. Lors de l’union, Technip a un chiffre d’affaires de 13,5 milliards d’euros, contre 6,6 milliards pour FMC. Son carnet de commandes est quatre fois plus important. Uniquement le produit du texan est plus dominant.

Une société à part

Pour concevoir ce changement, il faut affermir à la crise pétrolière de 2015. Après des années de pétrole cher, qui ont vu les décisions géantes se multiplier, les cours diminuent cruellement. Les sociétés du secteur demandent de leurs fournisseurs des diminutions de coût colossales et réduisent la voilure sur les projets.

A la tour Technip, à la Défense, l’avenir s’écrit en noir : 6 000 postes sont effacés sur un effectif de 38 000 travailleurs dans le monde. Thierry Pilenko craint que la société termine par être avalée par une entreprise plus forte. Il se rapproche alors de FMC Technologies, avec lequel le groupe est déjà associé, et va porter le sujet au ministre de l’économie de l’époque, un certain… Emmanuel Macron. L’Etat est en effet encore actionnaire de Technip dans les 5,3 % par le biais de la Banque publique d’investissement.

« Personne n’a cru à la fusion entre égaux (…) Personne n’était dupe. On savait que ça allait dériver vers une absorption », se rappelle un ancien dirigeant ministériel

Il faut dire qu’il s’agit d’une société à part : Technip a été conçu comme un monopole en 1958 sous l’élan directe du général de Gaulle, avec l’appui de l’Institut français du pétrole (IFP). Moquerie de l’histoire : l’entreprise avait été créée dans le but accepté de rejoindre les Etats-Unis sur le plan technologique.

L’international, très estimée par les professionnels du digital

Guillaume Santacruz, un jeune entrepreneur français, a rejoint Campus London, un espace de coworking destiné aux start-up.
Guillaume Santacruz, un jeune entrepreneur français, a rejoint Campus London, un espace de coworking destiné aux start-up. ANDREW TESTA/The New York Times-REDUX-REA

A l’occasion du Forum Expat, un regard sur la vie et les souhaits des Français de l’étranger. Près de 20 % des Français consultés dans une récente étude d’ADP envisagent d’aller œuvrer à l’étranger au cours des deux prochaines années. Mais les circonstances n’y sont nombreuses que dans quelques secteurs, comme l’IA la robotique ou le marketing digital.

L’émigration se porte bien. Le nombre des français à l’étranger n’a cessé de croître, de 3,24 % par an en moyenne sur dix ans. En 2018, elle marque le pas, en diminution de 1,05 %, mais c’est un repli souvent remarqué après une année électorale. Quelque 3 millions de Français sont installés, dont 1,8 million étaient inscrits au 31 décembre 2018 au registre des Français de l’étranger (tous les Français ne s’affirment pas au consulat). Un tiers sont âgés de moins de 25 ans.

Près de la moitié des expatriés français sont introduits en Europe et plus de 20 % en Amérique. Les pays où la présence française conformément consignée par le ministère des Affaires étrangères est la plus forte sont, dans l’ordre, la Suisse, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et le Canada.

On remarque une partie de ces pays parmi les buts les plus estimés par les émigrés de toutes nationalités qui désirent activer leur évolution professionnelle. Selon la 11e édition de l’étude Expat Explorer, faite par HSBC et diffusée en janvier, l’Allemagne, le Bahreïn et le Royaume-Uni sont le top 3 des destinations mondiales où fonder une carrière internationale. En France, ce que les expatriés plébiscitent, c’est plutôt l’équilibre vie privée-vie professionnelle.

Hors zones frontalières, peu d’offres

Selon la dernière étude ADP sur le marché du travail en Europe (The Workforce View in Europe 2019, effectuée en octobre 2018 auprès de 10 585 salariés en Europe, dont 1 410 en France), près de 20 % des Français consultés voient de déménager à l’étranger pour travailler au cours des deux prochaines années, et, parmi eux, 4,9 % y songent très fortement. Les plus nombreux étant les 25-34 ans.

Sur le marché de l’emploi, « l’international est une niche. Le recrutement comme la recherche d’emploi à l’étranger concernent une toute petite partie des Français », déclare Jérôme Armbruster, créateur et PDG d’HelloWork, un site d’emploi qui vient de s’ouvrir à l’international avec le rachat, en 2018, de la start-up Jobijoba. « A l’international, il n’y a pas un volume considérable d’offres d’emploi de cadre, et on ne voit pas réellement d’augmentation, sauf sur les zones frontalières. L’expatriation est encore un marché de niche », ajoute Bertrand Hébert, le DG de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC).

Mais, pour quelques jobs, l’international est devenu un nouveau terrain de recherche. Soixante-seize pour cent des experts digitaux français – IA, marketing digital, robotique– seraient ainsi prêts à s’écarter pour étendre leur carrière, publie une étude du Boston Consulting Group (BCG) diffusée en mai. La tendance est mondiale pour les compétences digitales : 67 % des 26 806 salariés de 180 pays qui ont répondu à l’étude Decoding Digital Talent seraient ainsi prêts à s’expatrier. Une exception de taille, toutefois : « En Chine, moins d’un expert digital sur quatre envisagerait une telle démarche », déclare le BCG.

 

Les candidats font « jouer la concurrence »

Les distances de taux de chômage d’un pays à l’autre, bien qu’importants – 8,8 % de chômage en France, 3,6 % aux Etats-Unis, 3,9 % au Royaume-Uni – ne développent pas grand-chose. Les volontaires au départ, qui sont majoritairement des hommes (68 %) diplômés (80 %), accordent davantage d’importance au contenu de la mission et au développement de leurs compétences qu’à la sécurité de l’emploi.

« Conscients de l’obsolescence de leurs compétences, les experts digitaux attendent de l’entreprise qu’elle leur offre un terrain d’expérimentation et les moyens de continuer à apprendre. Ces talents sont une population très mobile, qui n’hésite pas à faire jouer la concurrence entre employeurs ou territoires, explique Vinciane Beauchene, directrice adjointe au BCG. Actuellement, il est essentiel pour les entreprises et les gouvernements de se pencher sur la question de leur attractivité vis-à-vis de ces talents du numérique », assène-t-elle. Dans ces métiers numériques, les Français qui s’expatrient gardent une préférence pour les pays francophones, la Suisse restant leur destination favorite.

Plus de 5 000 personnes considérées au Forum Expat 2019

Le Forum Expat aura lieu les 12 et 13 juin au Carreau du Temple, à Paris. Cet événement créé par Le Monde en 2013 réunit des acteurs économiques, universitaires et diplomatiques pour répondre aux enjeux de la mobilité internationale : comment arranger son départ et surtout son retour ? A quelle protection sociale se vouer ? Comment construire son patrimoine ?

Cette  édition structurée autour de trois thématiques – mobilité professionnelle, gestion de patrimoine et vivre au quotidien – déchiffrera l’expatriation selon les motivations de départ : pour se former en Allemagne, pour travailler au Canada, pour investir à l’île Maurice.

Le Forum fera deux focus sur l’Europe, destination favorisée pour plus de 50 % des expatriés français : l’un sur la République tchèque et l’autre sur l’impact du Brexit. Une dizaine de destinations seront dûment représentées : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, la République tchèque, le Royaume-Uni, l’île Maurice, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

Le mercredi 12 juin de 10 heures à 21 heures et le jeudi 13 juin de 10 heures à 18 heures. Au Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com

Crise de l’ENA en 1979

Le professeur de gestion Mario d’Angelo rappelle, que la suppression de l’ENA et des grands corps de l’Etat existait déjà dans les offres du sociologue Michel Crozier pour une réforme de l’action publique, il y a quarante ans.

La nouvelle annonce présidentielle de retirer l’Ecole nationale d’administration (ENA) et les « grands corps » de l’Etat rétablit sur le métier une réforme souvent rappelée par le passé, dont les sources datait en fait à 1979.

Il y a quarante ans en effet, le sociologue des organisations Michel Crozier (1922-2013) proclamait un essai désigné On ne change pas la société par décret (Grasset, coll. « Pluriel »). Il y trace les bordures d’un « vrai changement », apercevant surtout de changer les grandes écoles et leurs classes préalables (les « prépas »), de retirer l’ENA, les grands corps de l’Etat et les concours de la fonction publique.

Des conduites de déviation

L’auteur de ces offres était alors déjà internationalement connu pour ses analyses de la bureaucratie présentées dès 1964 aux Etats-Unis et en France, et pour son essai La société réunie (1970), qui avait fermement inspiré le courant réformiste en France.

Une relecture de Crozier reste donc d’actualité, non uniquement par rapport à la cession de l’ENA mais, plus amplement, par rapport à la capacité d’ajuster le mode d’action publique en France.

Les thèses de Crozier immobilisent sur le constat essentiel que la société française se définit par des comportements d’évitement. Aux rapports de face-à-face, à la communication directe, les Français favorisent l’administration par les prescriptions impersonnelles. Cette impersonnalité satisfait d’abord les aspirations d’égalité et la peur de l’arbitraire d’un décisionnaire trop proche. On exclut ainsi la possibilité de soutenir des solutions distinguées en fonction des problèmes.

Pour l’auteur du Phénomène bureaucratique (1963), ce mode de fonctionnement affermit dans la machine politico-administrative une concentration qu’il caractérise par les prises de décision espacées du niveau où se posent les problèmes, soit que ces niveaux sont dénués pour le faire, soit qu’ils n’osent prendre des décisions et en endosser l’implication de peur d’être rattrapés par des circuits parallèles qui s’adressent immédiatement au sommet du système.

Le besoin d’égalité en cause

Crozier contemple que c’est l’exigence d’égalité qui a nourri cette stratification poussée entre des niveaux entourés les uns aux autres. Une bonne illustration en est donnée par les concours de la fonction publique. Bases du recrutement public, ils veulent garantir l’égalité et le moins d’arbitraire possible en soutenant sur de la connaissance standardisée, et ne permettent par conséquent que peu de portée aux capacités et potentiels des candidats, principes de sélection résolus trop subjectifs.

La lente destruction de l’attractivité anglaise

En 2018, 201 000 Européens se sont installés au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis.
En 2018, 201 000 Européens se sont installés au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis. JUSTIN TALLIS / AFP
A l‘occasion du Forum Expat, les 12 et 13 juin à Paris, voici un regard sur la vie et les aspirations des Français de l’étranger. Le Royaume-Uni, éternellement dans le top 3 des candidats au départ dans les enquêtes d’opinion, saisit de plus en plus d’expatriés rentré au pays.

Lors d’un cocktail à l’ambassade de France à Londres, début juin, après une remise de décoration. Un groupe d’expatriés de longue date parle. Brusquement, la conversation détourne vers les départs que chacun aperçoit autour de soi. « Ceux qui sont dans de grandes entreprises ne bougent pas vraiment, mais ceux qui sont à leur compte, ou qui peuvent se le permettre, commencent à partir, témoigne une Française installée à Londres depuis trente ans. Avec le Brexit, tout le monde se pose la question. »

Depuis le suffrage sur la sortie de l’Union européenne, en juin 2016, le Royaume-Uni captive moins. S’il n’y a pas eu d’émigration, des émigrés débutent à quitter le pays au compte-gouttes. Aujourd’hui, pour eux, c’est un fait de verre à moitié plein ou à moitié vide. Avec ses salaires captivants, son cadre de vie plaisante, son chômage au plus bas et sa langue anglaise, le pays reste l’un des plus séduisants au monde. Mais il l’est beaucoup moins qu’autrefois.

Les chiffres sur Indeed.fr, un site de recherche d’emploi, sont parlants. L’année dernière, 10,9 % des recherches accomplies en France pour un poste à l’étranger s’orientaient vers le Royaume-Uni, installant le pays en troisième position (loin derrière la Suisse, à 32 %, et juste derrière les Etats-Unis, 11,9 %). Il s’agit cependant d’un recul d’un demi-point par rapport à l’année précédente. « Le Royaume-Uni voit son attractivité se réduire et les recherches sont de plus en plus limitées au domaine de la finance et aux contrats de stage », déclare Alexandre Judes, d’Indeed.

Le Bureau britannique des statistiques réaffirme cette tendance de fond. En 2018, 201 000 Européens se sont établis au Royaume-Uni (la moitié pour y travailler) et 127 000 en sont partis. Le solde net, soit 74 000 personnes, est deux fois et demie moindre qu’au moment du scrutin et atteint son plus bas niveau depuis 2012, quand le pays se restituait à peine de la crise financière.

Un solde migratoire historiquement dominant

La prédisposition est donc à un fort retard. Il s’agit cependant d’un flux positif vers le Royaume-Uni. En additionnant les non-Européens, le solde migratoire du pays était de 258 000 personnes en 2018, ce qui reste un niveau historiquement élevé et… quatre fois et demi plus haut qu’en France.

Le réseau social LinkedIn fait la même remarque. Depuis mi-2017, le nombre d’Européens membres du réseau qui ont renoncé le Royaume-Uni stabilise le nombre d’arrivées. Au contraire, il reste un flux positif de non-Européens. « Notre analyse est que le Royaume-Uni est devenu un endroit moins attirant qu’autrefois pour les chercheurs d’emploi qui habitent dans les autres pays de l’Union européenne », selon LinkedIn.

La dessiccation des émigrés européens ne vient exclusivement pas d’un quelconque retard du marché de l’emploi. Outre-Manche, le chômage n’a jamais été aussi bas depuis quarante ans, désormais à 3,8 %, un point de moins qu’au moment du référendum.

Par contre, la chute de la livre sterling, de 15 % par rapport à l’euro depuis trois ans, rend les salaires beaucoup moins concurrentiels. L’impact est particulièrement fort pour les Européens de l’Est, arrivés en très grand nombre depuis l’entrée de huit pays de cette zone dans l’UE, en 2004. Pour les Polonais particulièrement, qui œuvrent en grand nombre dans les exploitations agricoles, les usines et les maisons de retraite, le Royaume-Uni est désormais moins intéressant.

Des anxiétés sur le statut des travailleurs européens

L’anxiété qui entoure le statut des Européens post-Brexit pèse aussi lourdement. Tous les citoyens des Vingt-Sept membres de l’UE résidant maintenant au Royaume-Uni conserveront en principe les mêmes droits. Mais les incertitudes à répétition du gouvernement britannique sur le sujet, qui a soufflé le chaud et le froid, n’ont pas aidé à tranquilliser.

Ces aléas sauraient malgré cela n’être que temporaires. Le Brexit n’est pas encore effectif (son entrée en vigueur, déjà repoussée deux fois, doit en principe avoir lieu le 31 octobre) et sa forme reste à amener. S’il se passe bien, le pays pourrait brusquement redevenir captivant. Une étude de HSBC proclamée en janvier installait même le Royaume-Uni en troisième position des pays les plus plébiscités par les expatriés en quête de nouveaux défis professionnels, derrière l’Allemagne et le Bahreïn. Etrangement, il s’agissait d’une forte amélioration par rapport à la neuvième place des années 2016 et 2017. Si le résultat de ce genre d’enquête (auprès de 22 000 expatriés dans 168 pays) est à prendre avec des pincettes, il prouve que les forces du Royaume-Uni dépassent amplement la condition politique actuelle.

Plus de 5 000 personnes espérées au Forum Expat 2019

Le Forum Expat aura lieu les 12 et 13 juin au Carreau du Temple, à Paris. Cet événement réunit des acteurs économiques, universitaires et diplomatiques pour répondre aux défis de la mobilité internationale : comment organiser son départ et surtout son retour ? A quelle protection sociale se vouer ? Comment bâtir son patrimoine ?

Cette 7e édition structurée autour de trois thématiques – mobilité professionnelle, gestion de patrimoine et vivre au quotidien – décryptera la migration selon les motivations de départ : pour se former en Allemagne, pour travailler au Canada, pour investir à l’île Maurice.

Le Forum fera deux focus sur l’Europe, destination favorisée pour plus de 50 % des émigrés français : l’un sur la République tchèque et l’autre sur l’impact du Brexit. Une dizaine de destinations seront conformément représentées : le Portugal, l’Allemagne, la  Nouvelle-Zélande, l’Espagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la République tchèque, l’île Maurice et le Canada

Le mercredi 12 juin de 10 heures à 21 heures et le jeudi 13 juin de 10 heures à 18 heures. Au Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris. Entrée gratuite, inscription sur www.leforumexpat.com