Le plan d’économie et la diminution de personnel de Radio France

La Maison de la radio, siège de Radio France, à Paris le 1er juin.
La Maison de la radio, siège de Radio France, à Paris le 1er juin. FRANCOIS GUILLOT / AFP

Diminution de la participation de l’Etat, augmentation des charges et développement du digital : la présidente Sibyle Veil doit trouver 60 millions d’euros d’économies d’ici 2022.

La tension est grimpée d’un cran lundi 3 juin à Radio France. La directrice du groupe de radio publique, Sibyle Veil, a présenté au conseil d’administration et aux organisations syndicales son plan « Radio France 2022 ». Si la actualisation des métiers vers le digital, la création de podcasts ou d’une offre jeune ont été abordées, c’est surtout le plan d’économies présenté par la présidente qui est au cœur des inquiétudes.

Actuellement, pas question d’annuler des antennes. Par contre, Radio France, qui a un budget de 650 millions d’euros, devra trouver 60 millions d’euros en trois ans. En effet, l’Etat envisage d’amputer ses ressources de 20 millions d’euros. En outre, le groupe qui chapeaute France Inter, Franceinfo ou France Culture, devra soutenir 20 millions d’euros d’augmentation mécanique des charges, et dégager 20 millions additionnels pour se développer dans le numérique. Des sommes qu’il faudra compenser.

Premier budget à subir de la réforme, la masse salariale, qui pèse 61 % des dépenses, et qu’il va falloir diminuer de 25 millions d’euros, soit 6 % du total. « Je suis assez en colère dans la mesure où ces efforts demandés viennent après d’autres coups de rabots déjà réalisés, s’insurge Jean-Paul Quennesson, délégué SUD de Radio France. 25 millions, c’est tout simplement irréaliste. Nous voulons une expertise. »

A peine le chiffre a-t-il été invoqué que la perspective d’un plan de départ, qui n’a pas encore été clairement évoqué, est déjà dans les esprits. Sur Twitter, le syndicat national des journalistes (SNJ) a compté que 25 millions représentaient 285 postes, alors que le groupe emploie 4 600 personnes. Pour le moment, la présidente n’a témoigné aucune réduction d’effectifs. Dans un premier temps, c’est l’organisation qui doit être revue, en l’occurrence le temps de travail, avec en perspective une révision du nombre de jours de congés, afin de faire descendre le nombre de contrats courts.

Faire évoluer les compétences en interne

Contradictoirement à France Télévisions, qui a renouvelé une partie des équipes en faisant entrer de nouveaux talents, Sibyle Veil préfère faire transformer les compétences en interne. L’accent va donc être mis sur les formations, qui vont tripler en trois ans.

En plus des économies salariales, Radio France désire faire entrer 20 millions d’euros supplémentaires dans ses caisses, dont 8 millions grâce à la publicité et 6 millions issus du mécénat. Le groupe veut également mettre à la disposition de tiers son savoir-faire et ses infrastructures de production. « Cette activité de studio va se faire au détriment de la création maison. C’est un piège extraordinaire », se révolte Jean-Paul Quennesson, aussi corniste au sein de l’orchestre national de France, une formation de Radio France.

En interne, on comprend mal pourquoi le gouvernement désire encore voir la radio économiser alors que les audiences sont admissibles – France Inter a même dépassé RTL au premier trimestre – et que, grâce aux efforts déjà engagés, Radio France devrait être à l’équilibre cette année. En prévoyant, Sibyle Veil veut aller vite, et envisage un accord de méthode, qui doit particulièrement fixer un calendrier clair, pour le mois de juin, et une contestation sur le chantier social entre septembre et décembre. Les employés lui en donneront-ils les moyens ? En 2015, une grève de vingt-huit jours – la plus longue de l’histoire de la radio – avait freiné les ardeurs de son prédécesseur Mathieu Gallet.

L’Hexagone résiste mieux que ses voisins européens

Emmanuel Macron lors de « Choose Grand Est », sommet national sur l’attractivité, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), le 5 novembre 2018.
Emmanuel Macron lors de « Choose Grand Est », sommet national sur l’attractivité, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), le 5 novembre 2018. LUDOVIC MARIN / AFP

Suivant le cabinet EY, la France a captivé, l’année dernière, 1 027 projets d’investissements directs étrangers et fait ainsi mieux que l’Allemagne. Du jamais-vu depuis 2009.

L’ « effet Macron » perdure encore un peu auprès des investisseurs internationaux. Après son élection à la présidence de la République, en 2017, les projets d’investissements directs étrangers avaient brusquement forcé. L’année suivante, la dynamique est restée toujours positive, mais à un rythme plus lent, selon le baromètre annuel du cabinet EY, publié mardi 4 juin. Au niveau européen, au contraire, EY note un recul historique de 4 % des investissements étrangers dans l’ensemble des 48 pays pris en compte dans l’étude.

En 2018, la France a charmé 1 027 projets d’investissements internationaux créateurs d’emplois. C’est huit de plus qu’en 2017. Surtout, la France fait bien mieux que ses grands voisins, en plein diminution. Le Royaume-Uni, qui reste le premier de ce rangement européen avec 1 054 projets, a connu une diminution de 13 % du nombre de ceux-ci par rapport à 2017. Quant à l’Allemagne, elle laisse sa deuxième place à l’organisation à la France, une première depuis 2009. Elle n’a marqué, l’an dernier, que 973 projets d’investissements, contre 1 124 en 2017. EY n’en définit pas le montant moyen.

Une parenthèse euphorique

Pour Marc Lhermitte, associé d’EY et l’un des associés du baromètre annuel, une chose est sûre : « La France résiste aux chocs ! » Qu’ils soient externes ou internes, le pays présente vivre une parenthèse euphorique. Ni le Brexit, ni le retard mondial, ni la réforme fiscale américaine, ni les guerres commerciales menées par Donald Trump contre la Chine ou l’Union européenne, ni enfin les « gilets jaunes » n’ont, pour l’instant, rejeté les investisseurs internationaux.

Cela corrobore l’étude du cabinet A. T. Kearney, annoncé mi-mai, qui a installé pour la première fois la France dans le top 5 des pays les plus attractifs pour les investisseurs internationaux. Selon ce classification, « la confiance des investisseurs est en augmentation constante depuis l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron. »

General Electric est dans l’obligation de « revoir sa copie »

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des représentants du personnel de General Electric à Belfort, le 3 juin.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des représentants du personnel de General Electric à Belfort, le 3 juin. PATRICK HERTZOG / AFP
Le ministre de l’économie Bruno le Maire s’est allé lundi à Belfort sur le site de GE. Le groupe américain a déclaré la semaine dernière vouloir retirer 1 000 postes en France.

« Le plan social doit être amélioré. » Le ministre de l’économie s’est allé à Belfort lundi 3 juin pour rappeler l’avenir industriel du site de General Electric, concerné par un vaste plan social annoncé la semaine dernière par le groupe américain. Il y a rencontré des représentants de salariés ainsi que des élus locaux.

« Pour chaque euro d’argent privé qui sera mis dans l’activité aéronautique, je suis prêt à mettre un euro d’argent public pour ouvrir de vraies perspectives de transformation industrielle sur les activités qui paraissent porteuses, a annoncé le ministre peu après son arrivée. J’ai eu l’occasion de dire au président de GE, [Henry Lawrence] “Larry” Culp, que son plan social doit être amélioré (…). Il est important que General Electric revoie sa copie. »

Il avait plus tôt été reçu dans la ville sous les huées et les sifflets de plusieurs de personnes, dont certains « gilets jaunes », qui s’étaient d’abord assemblées pour une assemblée générale convoquée par les syndicats du site. « Pour défendre les salariés, pour défendre les retraités, pour défendre les “gilets jaunes”, on est là, même si Macron ne le veut pas », ont accordé les manifestants, au nombre de 700 à 900 selon la police.

« Le gouvernement est le seul à pouvoir nous aider »

Mardi 28 mai, GE – qui emploie quelque 4 300 salariés à Belfort, dont 1 900 dans son entité gaz – avait avisé sa volonté de supprimer plus de 1 000 postes en France. Ce plan social concernerait 792 postes dans l’entité qui produit des turbines à gaz et 252 dans d’autres entités consacrées aux « fonctions support ».

« Aujourd’hui, nous sommes là pour une chose : stopper ce plan massif de délocalisations hors de Belfort », avait lancé auparavant, à la tribune de l’AG des syndicats, Philippe Petitcolin (CFE-CGC). « C’est ce que nous allons demander au gouvernement, le gouvernement qui se dit vigilant, le gouvernement qui ne connaît pas le dossier, qui ne connaît pas le marché », avait-il ajouté.

« Aujourd’hui, le gouvernement est le seul à pouvoir nous aider, le seul à pouvoir négocier avec les patrons de General Electric », avait déclaré le syndicaliste, pour qui « supprimer 800 emplois, c’est supprimer le business gaz » de GE.

la création d’un nouvel équilibre social, économique et démocratique 

« L’entreprise a été un élément-clé de la réalisation des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la réalisation de ce qui nous semblait impossible. » (Familistère Godin, à Guise, dans l’Aisne.)
« L’entreprise a été un élément-clé de la réalisation des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la réalisation de ce qui nous semblait impossible. » (Familistère Godin, à Guise, dans l’Aisne.) Gérard Labriet / Photononstop

Les entreprises et leurs responsables ont dorénavant l’obligation de s’emparer de la dimension politique de leur fonction dans la société, déclare Xavier Alberti, directeur d’une société d’hôtellerie.

Bien que nos modèles politiques et sociaux, acquis de l’après-guerre, n’ont pratiquement pas évolué depuis plus de cinquante ans, il y a un acteur de notre société qui, sur la même période, a dominé des crises primordiales, a connu des révolutions, a accepté les contraintes qu’on lui imposait, un acteur qui continue inlassablement de réfléchir, de proposer, d’expérimenter et qui pourrait constituer une clé politique dans la constitution du nouveau modèle de société qu’il nous faut inventer. Cet acteur, c’est l’entreprise.

Nous l’avons peut-être négligé, mais le rôle de l’entreprise a d’ores et déjà été majeur dans l’arrivée de nos sociétés contemporaines, démocratiques et pacifiées par le passage de l’économie du butin à celle du commerce libre et réglementé. L’entreprise a même été un élément-clé de la création des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la création de ce qui nous semblait impossible.

Mais voilà, l’économie moderne, et surtout sa financiarisation, ont reconstitué les conditions d’un marché prédateur, où il semble bien que la surexploitation des forces productrices, qu’elles soient humaines ou naturelles, aient produit un mécanisme autodestructeur. Pourtant, il y a derrière cette réalité une autre économie et une autre conception de l’entreprise qui travaillent, au contraire, à l’émergence d’un nouvel équilibre économique, social, et démocratique.

L’armée de l’ombre des patrons familiaux

En effet, derrière les portraits intrus des très grandes entreprises qui ont embrassé une vision exclusivement financière de leur progression, derrière l’image souvent sensationnelle de leurs patrons à jets, qui retiennent à grands coups de rendements boursiers, derrière les mastodontes internationaux, les fonds de pension géants et les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) magiciens de l’amélioration fiscale, se cache l’armée de l’ombre des entrepreneurs, des patrons familiaux de petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont compris que quelque chose avait changé au cœur même du fonctionnement de leur entreprise.

Tous savent que nous sommes au terme de cette évolution où le but unique de l’entreprise était de tendre vers son plus haut niveau de rentabilité. Le changement est d’ores et déjà attirée, et le développement de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises en est une première manifestation, qui en appelle une plus globale : la responsabilité politique.

Prix alimentaires en augmentation, rétribution des engraisseurs en baisse

Jambon, viande bovine, produits laitiers, fruits et légumes, l’augmentation tarifaire a affecté tout cet assemblage en 2018. Selon le rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des conséquences alimentaires, relevé au Parlement lundi 3 juin, les tarifs des produits alimentaires ont progressé de plus de 2 % dans les rayons des magasins. Soit une nouvelle hausse, plus prononcée qu’en 2017. Qui a profité de cette valorisation ? La question est au cœur de l’exercice accompli pour la huitième fois par cet observatoire.

Comme l’accentue son président, Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, dans son avant-propos, ce rapport a pour la différence d’être publié juste après la mise en musique de la loi Egalim. Un texte législatif qui fait suite aux débats des Etats généraux de l’alimentation dont l’un des objectifs était de installer fin à la guerre des prix sans merci entre les enseignes de grande attribution, destructrice de valeur pour tous et source de prix non profitables pour les agriculteurs. Mais M. Chalmin définit qu’il est trop tôt pour « évaluer concrètement l’impact de la nouvelle loi sur les “négos” 2019 ».

L’Observatoire enregistre que, en 2018, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté de 2,2 %, après une augmentation de 3 % en 2017. Une amélioration qui concerne d’abord les fruits (+ 12,3 %), les légumes (+ 8,2 %), le blé tendre (+ 11,9 %) et très peu le lait (+ 1 %). A l’inverse, le porc est en grande baisse. Une évolution, a priori, positive pour les productions agricoles. Sauf que, sur cette période, les coûts de production ont parfois augmenté plus vite. D’où une rétribution des agriculteurs souvent en repli sur l’année écoulée, surtout pour les éleveurs.

Un an de décalage

C’est le fait des éleveurs laitiers, dont la rétribution pour 1 000 litres passe de 116 euros à 109 euros, des éleveurs bovins, dont la rétribution est estimée entre 0,7 et 1,3 smic. Même ordre de grandeur pour les éleveurs ovins. La situation est plus favorable dans les exploitations céréalières, où la marge nette est redevenue positive en 2018, en comptant une rémunération de 1,1 smic, après une année 2016 déficitaire et un retour à l’équilibre en 2017.

Comme chaque année, l’observatoire, au-delà des grandes données de cadrage, passe à la moulinette la distribution de la marge brute sur quelques produits alimentaires-clés. Pour le jambon, dont le prix renvoyé par le client est passé de 11,55 à 11,82 le kilo, l’éleveur a vu sa marge fondre de 34 % à 26 %. Au profit de l’abattage-découpe (de 9,7 % à 13 %), de l’industrie charcutière (de 17,5 % à 19,3 %) et de la grande distribution (de 38,7 % à 41,3 %). Dans le cas du yaourt nature, la grande distribution conforte aussi d’un iota sa marge brute (de 30,2 % à 31,4 %), face à l’industriel (de 56,2 % à 55,7 %) et à l’éleveur (de 13,6 % à 13 %). Le consommateur a, pour sa part, vu le prix passer de 1,65 euro à 1,73 euro le kilo. L’évolution est quasi similaire pour la cuisse de poulet, dont la marge brute se distribue à 43,9 % pour la répartition, à 25,2 % pour l’industriel et à 30,9 % pour l’éleveur.

Il est vrai que les rayons charcuterie et volaille sont les plus fructueuses de la grande distribution. Signe de la pénurie de l’exercice de cet Observatoire qui travaille main dans la main avec l’institut public FranceAgriMer, les marges nettes des grandes enseignes sont livrées avec un an d’espacement. Il en ressort que la marge nette de la distribution sur les rayons alimentaires frais a baissé en 2017, passant de 1,7 % à 1,2 % avant impôt. La marge brute étant aussi en repli, passant de 29,7 % à 29,4 %. Sur le podium, la charcuterie, avec une marge brute de 33,3 %, après vient des fruits et légumes (30,1 %) et de la volaille (28,7 %). M. Chalmin déclare un autre écueil : « un des objectifs évoqués en 2018 n’a pu être réalisé entièrement : il s’agit du travail sur les comptes de l’industrie laitière » et ajoute de ne pouvoir que « regretter les difficultés pour progresser en termes de transparence sur ce secteur ».

A la SNCF, les syndicats s’inquiètent des répercutions psychologiques et sociaux de la réforme

Une affiche contre la réforme ferroviaire, dans les rues de Toulouse, le 22 mai 2018.
Une affiche contre la réforme ferroviaire, dans les rues de Toulouse, le 22 mai 2018. Alain Pitton / NurPhoto/AFP

Une manifestation unitaire aura lieu mardi 4 juin à Paris contre l’abstraction de la réforme ferroviaire choisie il y a un an et ses suites en matière de peine au travail.

Y a-t-il un symptôme France Télécom à la SNCF ? Un an après la cooptation de la réforme ferroviaire qui s’apprête à modifier en profondeur, à partir du 1er janvier, la compagnie nationale des chemins de fer, les syndicats de cheminots tirent le signal d’alarme sur des conditions de travail fortement dégradées, une hausse des risques psychosociaux, et un climat social de plus en plus lourd.

Les cheminots prennent de plein fouet un choc culturel et un arrangement au pas de course de l’entreprise. La réforme prédit, en effet, qu’au 1er janvier 2020 – dans un peu plus de six mois – les établissements publics constituant la SNCF soient modifiés en sociétés anonymes, que l’embauche des cheminots au statut s’arrête, le tout sur fond de rivalité ferroviaire en préparation.

Dans ce contexte, et face aux désarrois qui restent sur l’attention de la réforme ferroviaire, les quatre syndicats de cheminots remarquables du groupe public ferroviaire (CGT, UNSA, SUD et CFDT) appellent à une manifestation nationale unitaire mardi 4 juin à Paris, la première depuis les grandes grèves du printemps dernier contre la réforme. Des préavis de grève en ordre dispersé (plus de 200 au total) ont également été déposés. La SNCF prévoit des perturbations de circulation bornées sur l’ensemble du réseau mardi. Le trafic devrait être normal à l’exception des TER dans les Hauts-de-France (un train sur deux) et dans le Centre-Val-de-Loire (un train sur cinq).

Plusieurs suicides

« Nous avons la confirmation que la réforme est basée sur un mensonge », déclare Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, premier syndicat du groupe ferroviaire.

« Ce qui était annoncé n’a pas été tenu. Des petites lignes ferment, la convention collective de haut niveau promise ne verra pas le jour, les régions dévalent leurs contributions. Le système ferroviaire est pris dans un étau et la seule variable d’ajustement est la productivité. »

« Le malaise social est profond, déclare M. Brun. On sabre dans les effectifs des gares où 1 000 emplois d’agents ont été supprimés en neuf mois. On raye d’un trait de plume des postes de vendeurs, de contrôleurs. » Suivant lui, 4 000 cheminots sont inscrits en attente d’une simulation dans les Espaces Initiatives Mobilité (EIM), sortes de Pôle emploi interne à l’entreprise. « Ils sont peut-être même un peu plus de 5 000, dont beaucoup de cadres, ajoute Roger Dillenseger, secrétaire général de l’UNSA-Ferroviaire. Les changements sont rapides et très importants – nous allons par exemple passer de 480 métiers ferroviaires à 80 – et la direction a tendance à en sous-estimer les conséquences. »

« La rétribution minimum certifié doit subsister un droit »

« En France, neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et les prestations sociales bénéficient à dix-neuf millions de personnes. »
« En France, neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et les prestations sociales bénéficient à dix-neuf millions de personnes. » Johnér / Photononstop

Alors que le gouvernement dégage une concertation sur le revenu universel d’activité, neuf organisations caritatives développent, que la lutte contre la pauvreté doit se formuler autour de trois piliers : une rétribution minimum garanti ; un complément affermi et personnalisé ; une politique visant à assister l’accès des plus aléatoires à la formation et à un travail décent.

Le gouvernement a choisi la date du 3 juin pour ouvrir la concertation sur le revenu universel d’activité (RUA). Un revenu qui, au subsistant, n’a rien d’universel, et ne rétribue aucunement une activité. De quoi s’agit-il ? Enseigné en septembre 2018 avec la stratégie de lutte contre le dénuement, le RUA devrait associer plusieurs aides sociales en une allocation unique sous conditions de ressources et d’activité. L’enjeu est immense quand, en France, neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et que les prestations sociales bénéficient à dix-neuf millions de personnes.

La situation déjà aléatoire de ces personnes risque de s’aggraver sans une politique ambitieuse de lutte contre la pauvreté. Cette politique ne saurait se récapituler au seul revenu. Doit-on redire combien il est pénible de découvrir un emploi si l’on n’est pas en bonne santé, si l’on est sans logement ou dans l’impossibilité de se nourrir correctement ?

Garantir l’accès de chacun aux droits essentiels présume une politique globale qui enferme la santé, le logement, l’emploi, l’éducation ou la culture. Au-delà, la lutte contre la pauvreté doit se détacher autour de trois piliers : une rétribution minimum garanti ; un complément renforcé et personnalisé ; une politique audacieuse pour assister l’accès des plus précaires à la formation professionnelle et à un travail décent.

En quoi notre premier pilier diffère-t-il de la rétribution universelle d’activité imaginé par le gouvernement ? La rétribution minimum doit garantir à toute personne majeure les « moyens convenables d’existence » inscrits dans la Constitution. Trois points présentent alors essentiels :

L’allocation doit être suffisante. Nous proposons une règle simple pour en établir le montant : personne en France ne nécessiterait vivre avec moins de 50 % du revenu médian (soit 855 euros pour une personne seule) ; les jeunes, qui ne profitent pas actuellement du revenu de solidarité active (RSA) et dont un sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, pas plus que les autres.

Cet impératif a un coût, mais est-il interdit d’entendre un effort de même abondance que la réévaluation favorable de la prime d’activité, en décembre 2018, pour sortir les plus pauvres de la misère ? Quand la volonté politique est aux rencontres, on sait trouver les moyens. A fortiori, le changement à venir des minima sociaux ne saurait être entreprise à budget constant. Elle ferait nécessairement des perdants. Or augmenter la situation de personnes en instabilité, en amputant leurs faibles revenus, n’est pas une option.

Le site de GE à Belfort « ne fermera pas », garantit Hugh Bailey

Le directeur de GE à Belfort a voulu tranquilliser après l’exposition du plan social qui envisage un maximum de 1 044 réductions de postes.

L’annonce du plan social de General Electric a fait craindre le pire aux salariés. Mais le site de Belfort « ne fermera pas », essai de apaiser, dimanche 2 juin, le patron de GE France, Hugh Bailey. « Belfort restera le premier site industriel de GE Power en Europe. Nous y avons des compétences d’excellence », a-t-il déclaré dans une interview au Journal du Dimanche. Il affirme que son rôle est de « développer l’activité française et de la promouvoir à l’étranger ».

« Nous avons 16 000 employés en France, c’est plus que certaines entreprises du CAC 40, sur 20 sites industriels. Nous exportons 90 % de notre production depuis la France. Nous y avons des compétences uniques. La France est stratégique pour GE. »

Des projets qui ne contiendront pas les départs

GE a éclairci mardi envisagé un maximum de 1 044 réductions de postes, dont la grande majorité sur son site de Belfort. Le conglomérat a proclamé l’ouverture à la mi-juin de polémiques sur ces suppressions d’emplois. Ce plan était attendu depuis plusieurs mois, le marché de l’énergie et surtout des turbines à gaz traversant une période difficile à l’échelle mondiale.

L’activité de ce dernier autour des turbines à gaz a encore un futur, mais l’usine devra « s’adapter », selon le patron de GE France, qui évoque plusieurs chemins de diversifications. « Aujourd’hui, ce sont les énergies renouvelables qui se développent rapidement. Il y a aussi un démarrage du stockage d’énergie qui prendra une part importante dans l’avenir », déclare-t-il.

« Belfort travaille également pour le nucléaire, dont les perspectives sont à l’exportation, grâce à des partenariats stratégiques signés avec EDF et Rosatom. Nous avons un carnet de commandes de cinq ans dans ce secteur », déclare M. Bailey. Il évoque aussi la possibilité que l’usine se diversifie un jour dans « la fabrication de pièces aéronautiques », car « dans les turbines à gaz, il y a des similarités avec les moteurs d’avion ».

Ces projets ne préviendront pas la mise en œuvre du plan de départ, avoue M. Bailey, « mais cela donne des perspectives et montre que nous voulons maintenir l’activité à Belfort ».

Il dément les rumeurs

Hugh Bailey avoue que le groupe n’a pas tenu son engagement de créer 1 000 postes en France, faite lorsqu’il a racheté la division énergie d’Alstom en 2015. « Dans un contexte difficile, nous avons recruté près de 3 000 personnes en trois ans », déclare-il, en définissant que « nous avions une forte ambition dans le renouvelable, qui n’est que décalée dans le temps », dans l’attente en particulier du démarrage de chantiers dans l’éolien en mer.

Passé du secteur public au privé, le patron de GE France dément avoir eu un effet sur le pilotage de la vente d’Alstom à General Electric qui s’est déroulée au moment où il travaillait dans les cabinets d’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, et d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie. « Je n’ai pas travaillé sur le dossier de la vente de la branche énergie d’Alstom, qui était hors de mon champ de compétence », ajoute-t-il.

Par ailleurs, il dément le fait que le gouvernement a sollicité au groupe américain de renvoyer l’annonce du plan social après les élections européennes : « Non, c’est une décision difficile du groupe. Il n’y a jamais de calendrier optimal. »

 

La lutte contre le gaspillage dans la restauration

« En France, chaque année, près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable finissent à la poubelle. »
« En France, chaque année, près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable finissent à la poubelle. » DR

Le chercheur en gestion Sihem Dekhili livre les résultats d’une recherche sur les épreuves, principalement psychologiques, surtout avec la réserve de l’utilisation du « doggy bag », à la lutte contre le gaspillage dans la restauration malgré la contrainte législative instaurée il y a un an.

Depuis la loi sur les biodéchets décrétée en 2011 et entrée en application à partir de 2016, il est conseillé aux restaurateurs français de permettre à leurs clients d’emporter avec eux leurs restes de nourriture éventuels. Cette incitation est devenue une obligation le 27 mai 2018. Pour minimiser la perte alimentaire, les établissements sont aussitôt censés offrir systématiquement à leurs convives des « doggy bags » à l’américaine.

Plus question de les obliger à abandonner une bouteille à peine entaillée ou un morceau de gâteau encore intact. Les acheteurs doivent pouvoir finir leur repas, où et quand ils le désirent. Mais qui est au courant de ces règles ? Combien de restaurants les appliquent-elles ?

Incontestablement, les parlementaires ont espéré un délai de trois ans avant la mise en conformité de l’ensemble des établissements, ce qui nous conduit à 2021. Mais, actuellement, un an précisément après l’adoption très discrète de ce texte législatif, il est clair que le changement peine à s’exiger, comme le montrent nos recherches (« Mieux comprendre les difficultés de développement du « doggy bag » en France : une analyse par l’approche des représentations sociales », Sihem Dekhili, Mohamed Akli Achabou, Didier Tagbata, Décisions Marketing n° 92, octobre-décembre 2018).

Les allusions de différentes natures

Tout d’abord, l’utilité de ces nouvelles adoptes est mise en doute. En France, chaque année, près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable finissent à la poubelle. Estimées à plus de 150 euros par personne et par an, ces dégâts correspondent aussi à 3 % des émissions nationales de carbone. Mais l’opinion ne perçoit pas nettement le lien entre la récupération des « restes » dans les restaurants et ce gaspillage global.

C’est dommage, car une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Etat des lieux des quantités de pertes alimentaires…, Ademe, 2016) présente que 40 % du gâchis des denrées alimentaire au stade de la consommation a bel et bien lieu dans les restaurants, alors que 15 % seulement des repas y sont pris. Et une recherche faite en Ecosse par la fondation Zero Waste Scotland montre que la proposition systématique de « doggy bags » arrive à réduire quasiment de moitié les déchets alimentaires engendrés par les restaurants.

Difficultés du modèle social danois

Le Rigshospitalet de Copenhague, le principal centre hospitalo-universitaire danois, en août 2017.
Le Rigshospitalet de Copenhague, le principal centre hospitalo-universitaire danois, en août 2017. Ritzau Scanpix Denmark / REUTERS

L’interrogation sur le futur de l’Etat-providence domine la campagne pour les élections législatives du 5 juin. Alors que l’économie se porte bien, le frais public stagne. Ce qui concrétise la colère des citoyens.

Avec ses appartements fonctionnels, sa cour intérieure déridée par une fontaine, un poulailler et un clapier, la maison de retraite Bonderupgaard, dans le nord-est de Copenhague, aurait faire office de publicité à la gloire de l’Etat-providence danois. « J’ai l’impression d’avoir touché le gros lot », réaffirme Wernar Brondum. L’ex-sacristain, âgé de 85 ans, est arrivé il y a quatre ans, après une longue année d’attente. Les conseils des médecins qui l’ont soigné pour un grave dépression, après le décès de sa femme, n’y ont rien changé.

« Les places manquent partout dans le pays », enregistre Karen-Margrethe Hede, diecteur administrative de l’établissement. Une situation qui n’est pas près de se dénouer, alors que le nombre de Danois de plus de 80 ans, en hausse de 15 % depuis 2009, devrait encore progresser de 28 % d’ici à 2025. Les résidents arrivent « de plus en plus âgés, avec de multiples pathologies, fréquemment aboutis de démence, sans que notre budget soit augmenté », se regrette Mme Hede.

Actuellement la maison de retraite n’a pas touché à ses effectifs. Mais la responsable ne peut se dépasser de s’alarmer pour l’avenir. Elle n’est pas la seule. Ces derniers mois, les fissures du modèle social danois se sont imposées comme le sujet majeur de la campagne électorale pour les législatives du mercredi 5 juin.

« Les gens voient que l’économie se porte bien, comme on ne cesse de le leur répéter, analyse Carsten Jensen, chercheur à l’Université d’Aarhus. Mais alors que leurs attentes augmentent, ils ont l’impression de ne pas en avoir pour leur argent. » Et ce, bien que une pression fiscale record – la deuxième plus élevée au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), derrière la France.

Après un passage à vide, dans le passage de la crise financière de 2008, l’économie danoise est repartie à l’augmentation, avec une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 1,2 % en 2018. Le taux de chômage, quant à lui, est retombé à 3,7 %, permettant au Danemark de flirter avec le plein-emploi. Le royaume de 5,8 millions d’habitants est identiquement apparu à stabiliser ses finances publiques, avec un léger excédent budgétaire prévu en 2019.

Face à l’ennui populaire, les dirigeants des deux principaux partis multiplient les promesses

Cependant, la reprise s’est faite au prix de stricts réformes d’austérité menée tous azimuts, rappelle Lizette Risgaard, la patronne de la puissante confédération syndicale Fagbevægelsens Hovedorganisation (FH), forte de 1,4 million d’attachés. Résultat : « Les dépenses publiques représentent actuellement 3 % de moins dans le PIB qu’il y a dix ans, alors même que la pression démographique a augmenté. »