Avec l’augmentation des frais universitaires en France, les étudiants africains moins séduits par l’Hexagone

Pour la rentrée 2019, la diminution de candidatures venues du continent serait de l’ordre de 30 % à 50 %, selon la Conférence des présidents d’université.

Cette année, les étudiants africains ne sont pas nombreux à s’inscrire dans des universités françaises. A quelques jours de la fin du dépôt des dossiers, c’est actuellement sûr. Le président du comité de communication de la Conférence des présidents d’université (CPU), François Germinet, estime la diminution générale des sollicites d’étudiants africains « de l’ordre de 30 % à 50 % ». « C’est ce qui ressort des remontées de terrain de la part des présidents d’université à l’échelle nationale », pointe-t-il. A l’université de Cergy-Pontoise, qu’il préside, il enregistre une réduction d’environ 30 % des candidatures africaines.

La cause est simple. Dès la rentrée 2019, un étudiant non originaire de l’Union européenne (UE) devra payer 2 770 euros pour une année de licence à l’université, au lieu de 270 euros jusqu’à actuellement. Pour un master, il devra payer 3 770 euros, contre 243 euros avant. Soit des frais plus de dix fois supérieurs à ceux approuvés par un Européen…

Derrière cette transformation, il y a le changement annoncé le 19 novembre 2018 par Edouard Philippe. Cette « stratégie d’attractivité », nommée « Bienvenue en France », vise à porter de 343 000 à 500 000 le nombre d’étudiants étrangers à l’horizon 2027. Pour cela, le gouvernement compte résumer la politique des visas, mais aussi augmenter les droits d’inscription universitaires pour les étudiants extra-européens tout en triplant les bourses, au motif que cela mènera davantage d’équité.

Les Africains représentent 46 % des étudiants étrangers

Le premier effet ne va pas dans le sens espéré. A l’université Bordeaux-Montaigne, où les Africains indiquaient jusque-là 54 % des étudiants non européens, « nous avons constaté une diminution très nette des candidatures », se dévaste sa présidente, Hélène Velasco-Graciet : « C’est pourtant une tradition bordelaise d’accueillir ces jeunes venus notamment des pays francophones. »

Même remarque à Paris-Nanterre, où un étudiant international sur trois est issu du continent. Là encore, la baisse des candidatures est qualifiée de « très notable » par la vice-présidente des relations internationales, Sonia Lehman-Frisch. En 2018, ils étaient 11 630 à avoir candidaté ; cette année, ils sont 7 695, soit une baisse de 44 %. Les Algériens, nationalité la mieux existante, ne sont que 2 523 à avoir sollicité pour la rentrée, contre 3 638 l’année précédente.

Les établissements savaient que ce public moins aisé serait amplement touché. Or selon l’organisme public Campus France, les étudiants africains évoquent 46 % des 343 000 étudiants étrangers inscrits à ce jour dans l’enseignement supérieur français. La France est l’un des pays qui accueillent le plus de jeunes originaires du continent, et surtout d’Afrique du Nord, puisqu’un quart des étudiants étrangers inscrits en France viennent du Maroc (12 %), de l’Algérie (9 %) et de la Tunisie (4 %).

Pour essayer de nuire les effets de la mesure, les universités ont cherché des solutions. La moitié des universités, les Instituts nationaux des sciences appliquées (INSA) et d’autres établissements d’enseignement supérieur ont déclaré qu’ils n’appliqueront pas cette augmentation à la rentrée 2019. L’université Paris-Nanterre est dans ce groupe : elle n’augmentera pas les droits d’inscription jusqu’à la fin des études des néo-entrants. Comme les autres établissements, elle utilisera un décret de 2013 qui permet d’exonérer entièrement ou partiellement jusqu’à 10 % des étudiants (hors boursiers).

« Une menace pour la richesse culturelle et scientifique »

« Cette mesure gouvernementale fait peser une menace sur la richesse culturelle et scientifique que les étudiants africains représentent pour notre université », déclare Sonia Lehman-Frisch.

Le directeur pédagogique du groupe INSA, Claude Maranges, rappelle quant à lui un problème de timing : « C’était trop tard pour mettre en place cette politique efficacement. On exonérera partiellement les étudiants extra-européens pour 2019, puis on mettra en place un système de bourses pour aider ceux qui en ont besoin à partir de l’année suivante. » Lui aussi s’alarme pour les étudiants africains, qui forment une part très sérieuse des étudiants étrangers au sein de ces écoles d’ingénieurs : « C’est pour cette population-là qu’on a peur, surtout pour celle du Maghreb. »

La diminution des sollicites d’inscription pour 2019 justifie déjà les craintes que le monde universitaire avait énoncées dès l’annonce du plan gouvernemental. D’emblée, Hélène Velasco-Graciet avait apprécié que cette discrimination par l’argent « reniait la tradition humaniste des universités ». Pour elle, « il n’y a pas de différence à faire entre les étudiants en fonction de leurs origines géographiques, sociales ou culturelles ». Un point de vue partagé par Sonia Lehman-Frisch, pour qui « cette mesure s’oppose à notre intime conviction que l’université est ouverte à tous et est contre la sélection par l’argent ».

Pour François Germinet aussi, l’enseignement supérieur français devrait être plus amplement ouvert aux étudiants africains. Depuis son observatoire qu’est la CPU, il additionne que « le système bloque énormément d’étudiants africains, puisqu’on ne sélectionne que 1 % des candidats ». Ce qui lui fait dire que le combat doit aussi porter sur l’aide aux universités africaines dans l’entrée de formations additionnelles.

 

« Changement » au sein des dispositions, publiques comme privées.

« Les organisations, comme les individus, privilégient des choix qui maintiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui annoncent un saut vers l’inconnu » (Représentants syndicaux lors de l’affaire France Télécom au tribunal, à Paris, le 6 mai).
« Les organisations, comme les individus, privilégient des choix qui maintiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui annoncent un saut vers l’inconnu » (Représentants syndicaux lors de l’affaire France Télécom au tribunal, à Paris, le 6 mai). LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le professeur de management à ESCP-Europe Jean-Michel Saussois met en garde contre les visions réductrices de la « conduite de changement » encore en vigueur dans les entreprises, et dont la crise sociale à France Télécom a été une image

Le procès France Télécom est un appel à s’arrêter sur ce qu’il faut concevoir par « changement » au sein des dispositions, publiques comme privées.

Tout d’abord, deux constats. Le premier, vérité de La Palice en attitude, est de dire que les organisations, comme les individus, favorisent des collections qui soutiennent des programmes en cours plutôt que des programmes qui avisent un saut vers l’inconnu. Herbert Simon [économiste américain (1916-2001), Prix Nobel en 1978], théoricien des organisations, a présenté la notion de « répertoire d’action » pour caractériser la façon dont les acteurs ont l’habitude d’agir dans telle ou telle situation de travail.

Pénuries prévisibles

Or ce sont ces recueils qui sont l’objet du changement organisationnel. En fait, c’est sous la contrainte que l’on change, dans la mesure où poursuivre à faire ce que l’on sait faire ou changer pour faire quelque chose de nouveau est une alternative dont les termes sont de fait divers. Rares sont donc les changements à froid.

D’où le deuxième constat. Machiavel, consultant avant la lettre, avait averti son prince qu’« il faut savoir qu’il n’y a rien de plus difficile, de plus risqué, de plus dangereux à conduire que d’initier un nouvel ordre des choses » ; car c’est bien d’un nouvel ordre des choses dont il s’agit quand on introduit de récentes règles du jeu, de nouvelles capacités à procurer. Un changement technique peut être visualisé dans un objet, mais le changement organisationnel, lui, est affaire de perceptions par les acteurs qui évaluent s’ils peuvent ou non sortir du jeu et dans quelles conditions, qui anticipent les suites sur leur propre devenir professionnel, sur leur vie familiale.

Face à la montagne de embarrasses probables à arranger, les approches simplistes, qui se veulent avant tout pragmatiques, sont en réalité là pour adoucir les craintes de ceux qui hésitent à conduire une mutation organisationnel, ou alors pour conforter ceux qui ne voient pas où est le problème.

Il est en effet engageant de se montrer une organisation comme une machine à engendrer de l’efficience. Transformer la machine serait alors une affaire proportionnellement simple et ne solliciterait guère la lecture de livres de théoriciens de la transformation qui ne font que « pipoter » (le café en face des anciens locaux parisiens de l’Ecole Polytechnique se nomme d’ailleurs constamment Les Pipots…).

« Faut-il punir l’incapacité managériale ? »

Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs.
Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs. ERWAN FAGES

Le procès France Télécom qui s’organise depuis le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), pourrait pointer une phase capitale dans la responsabilisation juridique des managers d’entreprise, explique le professeur de gestion Jean-Philippe.

A aucun moment, il y a dix ans, les responsables de l’entreprise France Télécom n’avaient entendu que leur implication pénale puisse être engagée pour le motif de « harcèlement moral ». Après tout, qui peut donc être gardé pour coupable d’une « mode », pour reprendre la formule – malheureuse – du PDG de l’époque ? En ce sens, le procès en cours illustre bien les relations qui unissent sitôt le management et le judiciaire (« Le management face au judiciaire. Un nouveau domaine d’enseignement et de recherche », Romain Laufer et Yvonne Muller-Lagarde, Revue française de gestion, vol. 269, no 8, 2017).

« Quelle peine pour le chauffeur du véhicule sans lequel le hold-up n’aurait pu être défini, même si celui-ci n’a pas remué de ce véhicule ayant permis aux acteurs de prendre la fuite ? »

Un sujet surtout a été jusqu’à présent légèrement travaillé et discuté par les chercheurs en droit comme en management : la responsabilité pénale susceptible d’être associée à l’exercice de l’activité managériale. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de examiner qu’il s’agit d’un véritable trou noir. On voit en effet instantanément la difficulté : la mission du conduite étant largement de « faire en sorte que les autres fassent », comment pourrait-il être possible de prouver la chaîne des causes et des conséquences qui étalerait qu’un battement de cil d’un PDG ou qu’un plan stratégique voté en conseil d’administration puisse in fine déclencher une série de suicides ?

Ce « trou noir » de l’implication pénale est d’ailleurs le meilleur bouclier de protection juridique pour les dirigeants. Sans ce dernier, la financiarisation des stratégies des entreprises depuis le début des années 1990 aurait été très possiblement moins « efficace ». L’un des plus puissants leviers de cette financiarisation a été l’alignement incitatif des intérêts des dirigeants de l’entreprise sur ceux des actionnaires. On voit alors la logique qui conduit presque mécaniquement au sacrifice d’emplois sédentaires sur l’autel de l’explosion des rétributions de dirigeants, eux, amplement nomades. Et cette logique juridico-financière discriminant l’argent et la morale conduit à la formule qui a fait florès dans tous les tribunaux où des responsables ont pu être mis en cause : « Faute morale n’est pas faute pénale ». Il apaisait d’y penser…

Procès France Télécom : « Une dérivation des mécanismes de gérance »

Rassemblement de syndicats de France Télécom devant le palais de justice de Paris, le 6 mai 2019, lors de l’ouverture du procès de l’opérateur.
Rassemblement de syndicats de France Télécom devant le palais de justice de Paris, le 6 mai 2019, lors de l’ouverture du procès de l’opérateur. LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le consultant Gérard-Dominique Carton et la chercheuse Valery Michaux révoquent, l’utilisation de la « courbe de deuil », outil d’étude psychologique de la conduite des employés, par la hiérarchie de l’opérateur.

Comme c’est l’usage dans la majorité des politiques de complément de la transformation, France Télécom a formé des milliers de managers afin de mener, sur le terrain, le plan de transformation stratégique déclenché à la fin des années 2000. Parmi les outils inclus dans cette formation figurait la « courbe du deuil ». Issu des ouvrages de la psychiatre américano-suisse Elisabeth Kübler-Ross (1926-2004), cet outil admet de mieux identifier les différentes phases psychologiques par lesquelles passe une personne qui entre dans un processus de deuil : déni, choc, sidération, colère, révolte, tristesse,  peur, dépression, suivies d’une phase de renonciation puis d’acceptation où se projeter dans l’avenir est enfin possible. Ces distinctes phases résultent de chaque individu, et les thérapeutes s’en servent pour ajuster le bon suivi à chaque phase.

Or les conditions de deuil peuvent être extraordinairement diverses lors des grands transformations stratégiques d’entreprise : deuil d’un ancien métier, d’une compétence avant reconnue mais devenue marginalisée, d’une situation hiérarchique estimée remise en question, d’une équipe qu’on se retrouve exigé de quitter par mutation non choisie, d’une culture basée sur la reconnaissance de l’expertise percutée par des modes de management quantitatifs à court terme, etc. La « courbe de deuil » a été conduite en entreprise au milieu des années 1990 pour conduire les salariés lors de grandes changements. Elle a été déployée avec succès depuis vingt-cinq ans auprès de 10 000 managers et dirigeants. De nombreux professionnels se sont transportés de cette démarche et l’ont optée en masse : la courbe du deuil a fini par devenir un standard de la guidée de la transformation.

Mais l’affaire France Télécom montre que suffisamment d’entre eux en ont dénaturé à la fois l’utilisation et l’objectif. L’important travail d’examen de l’Observatoire du stress et des mobilités obligées de France Télécom a permis de mettre au jour les procèdes de l’usage passif de cette courbe dès 2009. Elle était exposée comme un outil admettant de diminuer les résistances à la transformation des équipes. Elle était utilisée pour expliquer aux manageurs de France Télécom que les individus passaient par différentes étapes avant d’accepter le changement, et que les signes de révoltes ou de dépression étaient « normaux », voire étaient les signes d’un « relâchement de la résistance » ! Lors de la diffusion, en 2010, d’une étude d’« Envoyé spécial » (« Que s’est-il passé à France Télécom ? »), des cadres de France Télévisions accomplis par leur propre université d’entreprise à cette courbe de deuil ont même mobilisé leurs syndicats pour révoquer la même dérive !

France Télécom a dû faire face à beaucoup de transformations simultanés

L’immeuble de la divion cyberdéfénse d’Orange (anciennement France Télécom), à Nanterre.
L’immeuble de la divion cyberdéfénse d’Orange (anciennement France Télécom), à Nanterre. CHARLES PLATIAU / REUTERS

Devant la parvenue des nouvelles technologies et à l’accès à la compétition, l’entreprise a poursuivi ses objectifs de changement à la fin des années 2000, mais ses responsables « n’ont pas su ou pu détecter les signaux de la crise sociale », déclare le chercheur Pierre-Jean Benghozi.

Directeur de recherche au CNRS et professeur de management de l’innovation à l’Ecole polytechnique, membre du Collège de l’Autorité de normalisation des communications électroniques et des postes de 2013 à 2019, Pierre-Jean Benghozi rappelle le contexte dans lequel s’est étendue la crise managériale de France Télécom de 2008-2009.

Innovation technologique, arrivée de nouveaux prétendants, crise économique… les sociétés sont généralement comparées à des chocs extérieurs qui les pressent à changer en profondeur leur stratégie, leurs métiers, leur suite. Pourquoi, dans le cas de France Télécom, cette mutation a-t-elle été aussi douloureuse ?

France Télécom a dû faire face conjointement quatre transformations majeurs, quelquefois réunis. Premièrement, une croissance phénoménale de son activité avec l’explosion des usages de la téléphonie, due à l’arrivée d’Internet et de la technologie du mobile. C’était à la fois une occasion et une forte pression sur la charge de travail. Deuxièmement, il fallait accomplir des investissements colossaux pour répondre à la demande, tant dans la téléphonie fixe, pour faire face à la forcée du dégroupage (l’utilisation du réseau par les concurrents) et au déploiement de nouveaux réseaux à très haut débit, que dans la téléphonie mobile. En troisième lieu, la transmutation de statut du public au privé, décidé par le pouvoir politique. Quatrièmement, l’ouverture à la concurrence dans un contexte de forte vitalité commerciale et de dénigrement de France Télécom, avec des acteurs tels que Free, dont les stratégies alternatives et low-cost vont graduellement bouleverser le marché à trois (France Télécom, SFR et Bouygues), trio sanctionné, en 2005, de manière record par l’Autorité de la concurrence pour s’être entendus. Différemment dit, l’entreprise devait gérer simultanément une envolée des investissements, une mutation de modèle professionnel – avec le mobile, une ligne téléphonique n’est plus attachée à un lieu géographique, une adresse, mais à une personne, un usager –, une baisse impérative des revenus – entre 1997 et 2005, la consommation moyenne par client a été multipliée par 2,5 alors que les prix diminuaient de 30 % –, et un changement technologique, du cuivre à la fibre et au mobile.

« C’est l’économie que nous convoitons bâtir qui se trouve actuellement sur le banc des accusés »

Devant le palais de justice de Paris, le 6 mai 2019, jour de l’ouverture du procès France Télécom.
Devant le palais de justice de Paris, le 6 mai 2019, jour de l’ouverture du procès France Télécom. LIONEL BONAVENTURE / AFP

La chercheuse Florence Palpacuer examine, la façon dont s’est étendu le mouvement de résistance qui a autorisé de résilier les pratiques managériales imputés des suicides des employés en 2008 et 2009.

Depuis le 6 mai, une affaire sans précédent se développe au tribunal de grande instance de Paris, mettant en cause l’implication de beaucoup hauts responsables de France Télécom et celle de l’entreprise elle-même – aujourd’hui Orange – en tant que personne morale, dans la crise sociale qui aura conduit au suicide plus d’une trentaine de salariés en 2008 et 2009.

Tout comme la crise sociale de 2009, ce procès éprouve une forte conséquence dans les médias. Il est l’occasion d’entendre, lors des présentations à la barre, les témoignages de salariés, responsables syndicaux, médecins et inspecteurs du travail, mais aussi de manageurs qui ont franchi cette période de restructuration.

Sa conduite symbolique sera forte quant aux formes d’implication que l’entreprise et ses dirigeants sont menés à assumer lorsque leurs terminaisons et leurs pratiques managériales sont à même de mettre en souffrance les salariés, en attaquant les identités professionnelles, les liens sociaux et les valeurs communes que ces derniers ont étendus dans l’exercice de leur travail.

Cela tout notamment lorsque les réaménagements touchent des personnels de statuts variés, comme c’est dorénavant le cas dans nombre d’entreprises de services, qui relèvent de formes juridiques hybrides, entre public et privé, et où les modes de normalisation sociale, devenus incertains, méconnus, voire déniés, peuvent autoriser le pouvoir en place à une toute-puissance abusive.

Formes d’actions nouvelles

Le caractère exceptionnel de ce procès tient nécessairement, pour partie, à la violence des pratiques de management entre 2006 et 2008, mais il tient aussi, pour beaucoup, au mouvement de changement sociale par lequel des membres de l’entreprise ont porté ces pratiques dans le débat public, pour rendre visibles, développer et dénoncer leurs effets humaines et pour revendiquer une autre vision de l’entreprise et du travail.

C’est à ce mouvement de résistance que notre travail de recherche s’est employé, à partir d’entretiens approfondis avec les principaux acteurs qui, au sein de l’entreprise, de la société civile et de l’Etat, ont su mettre en commun des ressources, étaler des actions innovantes et porter ensemble une éthique fondée sur le respect du droit et des personnes dans la conduite managériale de l’entreprise (« Resisting via hybrid spaces : the cascade effect of a workplace struggle against neoliberal hegemony », Florence Palpacuer et Amélie Seignour, Journal of Management Inquiry, 15 mai 2019).

Renault enlisé : le coût de l’alliance échouée avec Fiat

Jean-Dominique Senard, le président de Renault, lors d’une conférence de presse au siège de Nissan, à  Yokohama, au Japon, le 11 mars.
Jean-Dominique Senard, le président de Renault, lors d’une conférence de presse au siège de Nissan, à  Yokohama, au Japon, le 11 mars. BEHROUZ MEHRI / AFP

La régression soudaine de l’offre italo-américaine a mis en lumière le rôle incertain de l’Etat, premier actionnaire du fondateur français.

Durant tout l’après-midi du 6 juin, la rumeur a couru le monde parisien des affaires : « Jean-Dominique Senard va démissionner, c’est imminent », glissaient à l’oreille de leurs voisins, banquiers et communicants. Durant ce temps, le président de Renault, répliquait, impavide, à ses engagements en adhérent au conseil d’administration puis à l’assemblée générale de Saint-Gobain, dont il est aussi administrateur référent. Mais, dans sa tête, cela dirigeait forcément à cent à l’heure…

La déception, la nuit antérieure, du projet de fusion entre Renault et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) débute à laisser des traces. Alors que le conseil d’administration du groupe au losange avait sollicité un report de la décision d’accepter ou non une union à 50-50 avec FCA, John Elkann, le président du groupe italo-américain a brusquement retiré son offre évaluant que « les conditions politiques en France ne sont pas complètement réunies pour qu’une telle association puisse être mené à bien ».

Les estimations sur une fragilisation de M. Senard sont une première manifestation de ce qui menace d’être une crise soumise pour Renault. De fait, les deux tentatives consécutives pour relancer le groupe français lancées par celui qui est enrichi à la présidence de Renault uniquement en janvier, se sont soldées par des revers. D’abord, le projet de resserrer strictement les liens capitalistiques avec son allié de vingt ans Nissan a été rejeté par le groupe japonais en avril. Et actuellement l’idée d’une fusion avec FCA est enfermée.

« Nuit des dupes »

Résultat, c’est un dirigeant à l’autorité déprimée, qui dirigera son premier rassemblement générale mercredi 12 juin. L’épisode de cette « nuit des dupes » qui a achevé au retrait du projet de FCA laisse le sentiment que le pouvoir chez Renault est d’abord dans une sorte de duopole faite par l’Etat français, primordial actionnaire de Renault, et les dirigeants de Nissan, épaulés par le gouvernement japonais.

Pour Bercy, un peu d’agacement s’est fait jour envers M. Senard dans la marche de la rebuffade italienne : « Il a discuté avec FCA sans mettre Nissan au courant et il est revenu de Tokyo en interprétant de travers la position des Japonais. Cela n’a pas aidé », déclare une source proche du ministère de l’économie.

Mais l’Etat ne désirerait surtout pas joindre une crise majeure de gouvernance à l’enfoncement actuel. Dans une interview au Figaro parue vendredi 7 juin, le ministre de l’économie, a déclaré accorder sa confiance à M. Senard. L’Elysée lui a aussi fait passer le message qu’Emmanuel Macron calculait sur lui dans ces moments compliqués. De quoi apaiser ce serviteur de l’industrie française meurtri par l’épisode.

Google affiche immédiatement les offres d’emploi vacantes sur Internet

Google lance en France une fonctionnalité qui réunit, directement sur sa page de résultats, les offres d’emploi issues de distinctes plates-formes.
Le géant américain va annoncer des offres d’emploi immédiatement dans sa page de résultats. Déjà existante dans beaucoup  de pays du monde, l’application débarque vendredi 7 juin pour la France. Concrètement, lorsqu’un internaute effectue une requête de type « emploi » accompagnée d’un nom de métier et d’une localisation, le moteur de recherche affichera un encadré proposant plusieurs offres, si elles existent.
Celles-ci sont issues de différentes plates-formes proposant des annonces d’emploi, comme HelloWork, Pôle Emploi, Cadremploi, Monster, Ouest-France-Emploi, etc., avec lesquelles Google a noué des partenariats.
Cet encadré s’affiche en réponse à la requête « emploi marketing Marseille ».
Cet encadré s’affiche en réponse à la requête « emploi marketing Marseille ». Capture d’écran
Activer des alertes
L’engagement de Google : esquiver aux internautes de décortiquer chaque jour les annonces de ces différentes plates-formes une à une, avec leurs images. En les identifiant toutes dans un même espace, Google veut rendre la recherche plus fluide et aspire d’éviter les doublons – un pari pas tout à fait réussi.Par contre, si les annonces sont directement consultables sur Google, le chercheur d’emploi devra pour solliciter se rendre sur la plate-forme où l’offre a initialement été diffusée.Pour voir toutes les annonces reliées à sa requête, l’internaute peut atteindre à une page spéciale où toutes les annonces sont associées et consultables. Il faudra nonobstant, pour solliciter, se rendre sur la plateforme ayant publié l’offre initialement.Les recherches peuvent être nettoyées par critères, comme le type de contrat, la date de publication de l’annonce, la distance géographique, l’employeur… L’utilisateur a aussi la éventualité d’activer des alertes et de mettre des annonces de côté.

Les Japonaises et les talons au travail

Le ministre du travail japonais a refusé de légiférer pour interdire aux sociétés d’obliger les employés à porter des escarpins.

Yumi Ishikawa, fondatrice du mouvement « Kutoo » contre le port obligatoire de talons au travail pour les Japonaises.
Yumi Ishikawa, fondatrice du mouvement « Kutoo » contre le port obligatoire de talons au travail pour les Japonaises. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Un ministre une journée en talons aiguilles ? « Chiche », ont initié des milliers  de Japonaises, le 6 juin, sur les réseaux sociaux. Leur but : le ministre du travail, Takumi Nemoto, dont elles n’ont pas aimé le refus de légiférer pour interdire aux entreprises d’obliger les emplyés à porter des chaussures à talons.

« Il est généralement admis dans la société que porter des hauts talons est nécessaire et approprié au travail », a dit M. Nemoto. Il répondait à Kanako Otsuji, députée du Parti démocrate constitutionnel (opposition), pour qui obliger une femme à se jucher sur des hauts talons était « dépassé ». Un code de vêtement ne concernant que les femmes s’apparente selon elle à de « l’abus de pouvoir ». « Il n’y a abus de pouvoir que quand une employée est forcée d’en porter alors qu’elle a les pieds douloureux », a déclaré M. Nemoto.

La vice-ministre du travail, une femme, Emiko Takagai, a toutefois déclaré qu’il ne fallait pas forcer les femmes à porter des hauts talons. Ce qui n’a pas empêché les critiques de fuser en ligne, reflétant le succès d’une mobilisation lancée par une actrice de 32 ans, Yumi Ishikawa.

Mot-dièse « Kutoo »

Le 24 janvier, Mme Ishikawa disait dans un tweet ses problèmes à tenir huit heures par jour en talons pour un travail effectué dans un hôtel. « J’espère faire disparaître l’habitude de voir les femmes porter des talons et des escarpins au travail », déclarait-elle dans ce message retweeté 30 000 fois.

Juste après, Mme Ishikawa a créé le hashtag « Kutoo »dont la prononciation joue sur la similarité entre « kutsu » (chaussure) et « kutsuu » (douleur), et la proximité avec le mouvement #metoo. Elle a aussi initié une demande qu’elle a remise le 3 juin, visée par 18 000 personnes, au ministère du travail. « Il semble que les hommes ne comprennent pas que porter des talons hauts peut être douloureux et provoquer des blessures », a ajouté Mme Ishikawa à Reuters.

Le succès du mouvement s’expliquait le mécontentement augmente chez des Japonaises dans un pays classé 110e en termes d’égalité des genres par le Forum économique mondial. Le cabinet du premier ministre Abe ne compte ainsi qu’une seule femme – sur dix-neuf ministres. Depuis avril, les Japonaises sortent manifester chaque 11 du mois  pour appeler à plus d’égalité.